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Promenade Art-déco sur Ocean Drive
(Miami, Etat de Floride, Etats-Unis)
Heure locale


Jeudi 22 février 2018

 

En ce début d'année, je fais une courte escale à Miami (Floride) et je choisis de me promener du côté d'Ocean Drive à la recherche des endroits remarquables de style art-déco. Les édifices les plus représentatifs se trouvent entre la 5è rue (5th Street) et Lincoln Road. Cette partie de la ville fut en grande partie détruite par l'ouragan de 1926 et le quartier fut donc rebâti à la même époque, dans ce style alors très en vogue et fortement influencé par l'Art-déco européen. La Miami Design Preservation League fut très active dans cette rénovation et propose toujours aujourd'hui des visites guidées aux touristes (voir infos pratiques). Cet endroit appelé l'Art Deco Historic District a été inscrit au registre national des sites historiques en 1979 et nous offre désormais de nombreux édifices rénovés. Façades aux formes arrondies, stucs blancs alternant avec toutes les teintes et néons étincelants (de nuit), intérieurs magnifiés par des marbres côtoyant bronze, fer forgé et céramiques aux couleurs pastel. Très belle promenade en perspective !

 

Le Park Central se trouve au N°640 de l'Ocean Drive. Ce lieu fut construit par Henry Hohauser en 1937 et est doté d'un hall Art déco classique avec un plancher rose et vert, de la ferronnerie artisanale et des ventilos à larges pales de style rétro. Mon regard se porte immédiatement sur les couleurs blanc-bleu-vert de la façade qui évoquent à la fois l'océan et la végétation tropicale. Je note la présence de sourcils au-dessus des fenêtres, détail très caractéristique du style Hohauser qui permettrait de protéger les pièces du soleil et de les maintenir au frais à une époque où la climatisation n'existait pas encore.

L'Imperial Hotel (en photo ci-dessous) se dresse quant à lui à quelques encablures, au N°650. L'édifice, qui fut érigé par Murray Dixon en 1939, présente une façade en trois parties et aux couleurs blanc, mauve et vert avec une baie centrale et des reliefs « brise-soleil » recouvrant les fenêtres d'angle. L'hôtel est également surmonté d'un fronton à hublots inspiré de l'architecture navale.


 

Au N°660, se dresse le Majestic Hotel (deuxième photo ci-dessus), bâti par Albert Anis en 1940. La façade du lieu est parcourue par des rainures de couleur pour accentuer la verticalité et une balustrade de terrasse à la romaine. Notre homme fut aussi responsable des hôtels Avalon et Waldorf : l'hôtel Avalon, actuellement en cours de rénovation, se situe au N°700 de l'Ocean Drive et fut érigé en 1941. Le bâtiment est doté d'une esthétique asymétrique et fonctionnaliste et brille par l'absence d'ornementation souvent compensée par la présence d'une voiture de collection des années 1950-1960 garé le long du trottoir.

Autre établissement, le Beacon Hotel date de 1936 (photo ci-dessous) et se trouve au N°720. Je distingue immédiatement une asymétrie et les motifs abstraits qui s'affichent entre le rez-de-chaussée et le premier étage. Et de m'arrêter quelques instants devant ce flamant rose gravé sur la porte vitrée du hall d'entrée.


 

Le Colony Hotel, lui, émerge au N°736 (ci-dessous) : bâti en 1935 par Henry Hohauser, l'édifice se démarque grâce à son enseigne aux néons bleus et à son architecture toute verticale, laquelle fait penser à un phare. Et les bandeaux noir et blanc de rappeler l'esprit typique du style streamline. En pénétrant à l'intérieur, on peut admirer la cheminée du lobby qui est garnie d'une œuvre de Diego Rivera, muraliste mexicain.

Un peu plus loin, au N°860, se dressent les Waldorf Towers (deuxième photo ci-dessous) érigées en 1936 et récemment rénovées avec sa célèbre tour-lanterne en angle. Cette construction évoque immanquablement le domaine maritime. Il faut visiter l'intérieur pour la pureté Art déco des éléments décoratifs qui s'y trouvent, que ce soit le sol (troisième photo) qui date de 1942, la cheminée, les miroirs, lustres et autre mobilier rappelant le style colonial britannique.


 

Autre construction de style streamline, Le Breakwater Hotel (ci-dessous) se dresse au N°940 de l'Ocean Drive. L'endroit fut bâti par Anton Skilewicz en 1939 et reste l'un des exemples architecturaux les plus spectaculaires, avec sa façade en rayures horizontales, ses rambardes de toit comme celles d'un pont de navire et son impressionnante tour évoquant la majesté des totems indiens.

Au N°960, je m'arrête devant Edison (deuxième photo), puis Adrian (au N°1060) (troisième photo ci-dessous), œuvre d'Henry Hohauser. Notre homme s'essaya ainsi au style Mediterranean Revival avec ces fenêtres sous arcades et sa galerie romane. L'architecture de l'hôtel Adrian avait quant à lui ajouté des tuiles de terre cuite sur le toit. Quoiqu'il en soit, ces deux constructions tranchent avec le style architectural des autres édifices.

 

On l'appelle Casa Casuarina (ci-dessous), mais aussi Amsterdam Palace et l'édifice est situé au N°1116 : je parle ici de la tristement célèbre demeure de Gianni Versace (l'artiste occupa cette résidence de 1992 jusqu'à sa mort cinq ans plus tard) qui est en fait la réplique de l'Alcazar de Christophe Colomb, érigé à Saint-Domingue au début du XVI è siècle, reconstruite ici à South Beach en 1930 dans le style Mediterranean Revival. L'édifice fut richement redécoré et restauré par le couturier italien, à grand renfort d'or, de mosaïques et de colonnes à l'antique, de charmantes soieries et de marbre de Carrare. Ce palais accueille maintenant un hôtel-restaurant de grand luxe et l'on peut y jeter tout de même un œil depuis les grilles devant lesquelles le couturier fut lui-même assassiné en 1997. A noter que la coupole au sommet du toit était jadis un planétarium qui sera plus tard transformé en bar-party room par Versace.


 

L'Hotel Victor, lui, se trouve au N°1144. Il fut construit en 1937 par Murray Dixon, puis agrandi sur la gauche dans les années 2000, ce qui explique l'existence d'une façade asymétrique mais harmonieuse. Le lobby est superbe grâce à l'incroyable restauration du décorateur français Jacques Garcia il y a quelques années. On y observe de nombreux éléments d'époque comme, par exemple, la fresque représentant les Everglades. On y voit également des appliques en forme de méduse déclinées en une superbe palette de couleurs. Il est cependant fortement déconseillé d'y pénétrer car, consigne de la direction de cet hôtel, toute photo sur ce site privé est fortement déconseillée sans autorisation préalable. Je saurai m'en souvenir et en parlerai quelques instants plus tard à la Miami Design Preservation League. En effet, il me paraît inconcevable de se faire recevoir dans cet hôtel comme un chien dans un jeu de quilles....Attardons-nous plutôt sur le parcours de Jacques Garcia, architecte d'intérieur et décorateur français : notre homme, qui se spécialisera un temps dans l'architecture contemporaine, en réalisant entre autres les concepts intérieurs de la Tour Montparnasse, des hôtels du groupe Méridien, du Royal Monceau et de la Mamounia à Marrakech, acquerra en 1980 l'hôtel de Sagonne qu'il restaurera et décorera. Il interviendra également dans la rénovation de l'hôtel particulier parisien du sultan de Brunei, Place Vendôme avant de redécorer entièrement l'hôtel Odéon Saint Germain, dans le quartier de Saint Germain des Prés (Paris).


 

L'hôtel Leslie (au N°1244), en photo ci-dessus, et son voisin le Carlyle (ci-dessous) sont quant à eux des œuvres typiques du style classique Art déco, se dressant sur trois étages, avec éléments verticaux et la couleur jaune vif. Si le premier étage est assez sobre, le deuxième est plus exubérant avec, notamment, des brise-soleil aux fenêtres d'angle, sans oublier les élégantes balustrades de la terrasse.

 

L'hôtel Cardozo (ci-dessous) se trouve, lui, au N°1300 et est une réalisation d'Henry Hohauser, qui date de 1939 et qui représente franchement le style streamline. L'édifice offre ainsi des lignes fluides et le sol du bar est composé de pierres et de mortier à l'imitation du marbre alors trop onéreux.

Au N°1320 se dresse The Cavalier (deuxième photo), œuvre de l'architecte Roy Frances réalisée en 1936. L'endroit est le siège d'une société de média et offre une jolie façade bicolore avec des incrustations d'ornementations de pierre d'inspiration aztèque. A noter la lettrine en fronton d'une délicatesse admirable.


 

D'autres avenues du quartier sont bordées d'édifices Art-déco remarquables et pourront faire l'objet d'une autre promenade. Revenons quelques instants sur ce style Art-déco, né en Europe dans les années 1910 pour atteindre son apogée en 1920. Cet Art-déco succèdera à l'Art nouveau qui privilégiait des lignes courbes et ondoyantes et visait nos sentiments. L'Art déco, lui, donnera la préférence aux lignes simples et aux angles droits tout en s'adressant à notre raison. Cet Art-déco, produit du courant européen du même nom, du Bauhaus allemand, du cubisme français et d'autres courants encore, arrivera à Miami dans les années 1930, à la suite de l'ouragan de 1926, lequel détruira la plupart des bâtiments de la ville. On décidera alors de tout reconstruire dans ce style architectural alors très en vogue, avec la contribution d'architectes comme Henry Hohauser et Murray Dixon, architectes prolifiques puisqu'on leur devra la construction de nombreux hôtels entre 1932 et 1940. Ces deux hommes réaliseront des édifices de forme symétrique et géométrique, avec des façades arrondies et des stucs blancs. Le style architectural de ce quartier de la ville, qui renaitra en 1968, sera reconnu en tant que style Art déco européen mais en plus simple et avec des variantes. 1976 apportera son lot de menaces de démolition et plusieurs promoteurs se regrouperont alors au sein de la Miami Design Preservation League, association fondée par Barbara Capitman et le designer Leonard Horowitz. Aides fiscales et crédits avantageux feront le reste en permettant de rénover de nombreuses constructions (plus de 800 édifices!), à commencer par l'Art Deco District (inscrit au registre national des sites historiques depuis 1979). Parallèlement, on retrouvera d'autres styles comme le Mediterranean Revival (très influencé par l'architecture italienne), le Zigzag Moderne (détails ornementaux géométriques et matériaux exotiques) et le Streamline Moderne. Ce dernier style est né dans le contexte de la Grande Dépression des années 1930, et en reflète d'ailleurs l'austérité en optant pour des formes simplifiées au maximum, des toits plats, des éclairages au néon et des matériaux plus froids et modernes comme le verre, l'acier et le chrome, le tout complété par des motifs typiquement floridiens.

Ce mélange de style n'exclut pas pour autant une cohérence architecturale du quartier, que l'on doit surtout à Leonard Horowitz. Dans les années 1980, notre homme imposera en effet le Deco Dazzle, une palette de tons pastels à respecter lors de la rénovation des peintures des édifices afin que ce quartier surnommé SoBe reste pour toujours le quartier aux façades harmonieuses.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Miami Design Preservation League, 1001 Ocean Drive, à Miami. Tél : 305 531 3484 (Visites) ou 305 672 2014 (infos générales). Site internet : http://www.mdpl.org/
  • Des balades à pied sont disponibles sans réservation préalable, tous les jours de 10h30 (et 18h30 le jeudi) à condition de se présenter 15 minutes avant l'heure pour ne pas manquer le départ de la promenade. Bon niveau d'anglais nécessaire. Durée : 1h30. Il est également possible de visiter tout seul le quartier Art-déco muni d'un audioguide (moyennant le dépôt d'une caution de 50US$ pour le prêt de l'équipement) en anglais, espagnol, français ou allemand pour 20US$. Un musée consacré à l'Art-déco est enfin disponible au Miami Design Preservation League : l'entrée est de 5US$ (cette entrée est incluse dans le prix des promenades précitées).








 



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