Revoir le globe
Top


Exposition "Jacques Laffitte, un château, un parc. 1818, aux origines de Maisons-Laffitte"
(Maisons-Laffitte, Yvelines, France)
Heure locale


 

Mardi 15 janvier 2019

 

A Maison-Laffitte (78) se dresse le château de Maisons (en photo ci-dessous), l'une des plus grandes réussites de l'art français. Archétype du château classique français, ce joyau est niché dans les boucles de la Seine, près de Saint Germain en Laye. Il fut bâti par François Mansart dans la première moitié du XVII ème siècle, pour René de Longueuil, alors président au mortier du parlement de Paris. Son intérieur recèle des décors particulièrement riches, comme le précieux cabinet aux miroirs, voûté en coupole, avec sa marqueterie de sol d'ivoires, de laitons et de bois exotiques. Les rares décors peints encore présents sont quant à eux attribués à Michel Corneille tandis que l'on doit l'ornementation sculptée à Jacques Sarrazin. Le château, inauguré en 1651 en présence du roi Louis XIV et de la régente Anne d'Autriche, fera immédiatement l'admiration de tous. En 1777, le comte d'Artois, jeune frère du roi Louis XVI rachètera le domaine et confiera les travaux d'embellissement de l'endroit à un certain François-Joseph Bélanger. Le visiteur peut encore admirer l'appartement de réception, situé en rez-de-chaussée de l'aile droite et voyant se succéder une salle de buffets, une salle à manger, un boudoir et un salon de jeux. L'oeil est immédiatement séduit par les somptueux décors de Nicolas Huillier (auteur des stucs) et les superbes sculptures de Foucou, Boizot, Clodion et Houdon. Après la Révolution, le célèbre château est acquis par le maréchal Lannes, puis par Jacques Laffitte et Thomas de Colmar. C'est l'Etat français qui le sauvera de la destruction en le rachetant en 1905, puis en le classant le 18 avril 1914. Même si le domaine a quelque peu souffert d'altérations au fil du temps, le château de Maisons a conservé ses dispositions originelles et demeure une référence incontournable dans l'art français, au point de posséder son double non loin de Pékin (Chine), une copie fidèle réalisée pour Zhang Yucheng durant les années 2000 pour un budget de 100 millions d'euros. Une preuve de plus de cette fascination exercée par l'endroit.

C'est là que le Centre des monuments nationaux a choisi de célébrer le bicentenaire de l'acquisition du domaine par Jacques Laffitte, banquier et homme politique influent qui connaitra un destin hors du commun et dont l'action marquera durablement l'histoire de la ville portant son nom, Maisons-Laffitte. Cet anniversaire est l'occasion de présenter sur place, et jusqu'au 11 mars 2019, l'exposition « Jacques Laffitte, un château, un parc – 1818 aux origines de Maisons-Laffitte ». Le visiteur y découvre ainsi l'ascension de l'homme qui fut fils de charpentier avant de devenir le banquier de Napoléon, puis gouverneur de la Banque de France, en exerçant également des fonctions politiques de député et de président du Conseil de Louis-Philippe.

Plus de 70 œuvres provenant de collections publiques ou privées sont présentées au public. Ce corpus de sculptures, d'archives et d'objets retrace les circonstances de l'acquisition du domaine, la vie de Laffitte au château, ses relations avec des personnalités de renom et son rôle précurseur dans la fondation de la colonie Laffitte, à l'origine du parc actuel. Cette immersion dans le temps est proposée grâce à une double signalétique qui explique sur place l'usage des différentes pièces du château au 19è siècle. Les familles disposent d'un parcours enfants constitué de sept panneaux racontant les temps forts de l'exposition et offrant une visite ludique à travers de multiples activités (devinettes, textures à toucher, charades). Une salle est également dédiée aux jeux pour présenter une collection de jouets du 19è siècle grâce à un prêt exceptionnel du Musée du jouet de Poissy, sans oublier un banquet à découvrir dans la cuisine des lieux, mis en scène par Anne Buchet, créatrice de factices en tissu de Leurres Exquis.

L'exposition débute avec Jacques Laffitte, cet homme aux mille facettes : fils de charpentier, et enfant de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), celui-ci connaîtra une fulgurante ascension sociale. Il acquerra d'abord sa formation auprès d'un négociant et banquier, puis gravira les échelons une fois à Paris, jusqu'à devenir le principal dirigeant de la banque Perregaux, puis le gouverneur de la Banque de France de 1814 à 1820. En 1788, il débarque à la capitale, âgé de seulement 21 ans, et muni d'une lettre de recommandation de son patron bayonnais. Cette lettre doit lui permettre de solliciter un modeste emploi de commis dans les bureaux du banquier Jean-Frédéric Perregaux, une banque qui deviendra la banque du Comité de salut public en raison de ses relations avec l'étranger. Et Perregaux de bientôt devenir l'un des conseillers financiers de Napoléon Bonaparte. L'histoire prétend que Jacques Laffitte, d'abord éconduit, se baissera pour ramasser une épingle tombée à terre alors qu'il traversait la cour, attirant ainsi l'attention du banquier qui l'observait de sa fenêtre. On le rappela alors et on l'embaucha pour tenir les livres de comptes. Employé modèle, notre homme fera preuve de qualités exceptionnelles et de grandes aptitudes pour le métier de la banque, ce qui lui vaudra de progresser rapidement et d'endosser des responsabilités de plus en plus importantes, jusqu'à devenir associé dans la Société Perregaux le 23 février 1806. Jacques Laffitte gérera ainsi seul la banque qui deviendra bientôt la première banque de Paris et l'un des organismes financiers les plus puissants d'Europe. Trois ans plus tard, il devient régent de la Banque de France succédant à Perregaux (qui vient de décéder). Et de démontrer son honnêteté en servant tous les gouvernements successifs. Il souscrira même, sous la Première Restauration, et sur ses propres deniers, une somme considérable afin de couvrir les frais de la participation de guerre exigée par les Alliés. Il fournira aussi des fonds importants à Louis XVIII lorsque Napoléon débarquera de l'île d'Elbe, ce qui n'empêchera pas ce dernier de déposer plus tard six millions dans sa maison de banque. Après Waterloo, Laffitte avancera la somme de deux millions sur ses propres fonds afin de payer les arriérés de solde de l'armée impériale. Et, quelques jours plus tard, d'avancer et de garantir presque entièrement la nouvelle contribution de guerre exigée par la Prusse. De même, l'homme sauvera une fois de plus la place de Paris d'une crise financière, en 1818, en achetant 40 000 francs de rentes pour mettre fin à la panique qui sévissait alors à la bourse. A la tête d'une fortune conséquente de l'ordre de 20 à 25 millions de francs, Jacques Laffitte fera l'acquisition cette même année du château de Maisons, qu'il rachètera à la duchesse de Montebello.

Jacques Laffitte devenu le propriétaire du château de Maisons, entame alors une nouvelle existence dans cette vaste demeure que la duchesse de Montebello, veuve du maréchal Lannes, ne parvenait plus à entretenir alors que la ville de Maisons-sur-Seine vivait en 1814-1815 au rythme de la guerre des occupations des Alliés ou des détachements russes et prussiens. L'homme fera de sa nouvelle demeure le symbole de sa réussite sociale. Le château lui servira de cadre pour des fêtes et des réceptions mondaines et Jacques Laffitte mettra un point d'honneur à soigner l'aménagement intérieur et extérieur de sa demeure. Bientôt, le château de Maisons abritera des réunions politiques fondatrices pour la Monarchie de juillet dont Laffitte fut d'ailleurs l'un des protagonistes. Le 8 mai 1815, l'homme sera élu représentant du commerce à la Chambre des Cent-Jours par le département de la Seine. Opposant actif et respecté à la Restauration, notre homme s'illustrera en tant que défenseur inlassable des libertés publiques et sera réélu député à plusieurs reprises. Il jouera aussi un rôle décisif lors de la révolution de 1830, avant d'occuper des responsabilités gouvernementales : ministre sans portefeuille le 11 août 1830 dans le premier ministère du règne de Louis-Philippe 1er (avec lequel il sera souvent en opposition), puis président du Conseil et ministre des Finances.

Cette année-là, avec l'arrivée au pouvoir de Louis-Philippe (que Laffitte avait tant souhaitée et tant contribué à préparer), la situation financière de Jacques Laffitte deviendra préoccupante, et l'homme d'échafauder alors un projet immobilier d'envergure pour vendre et lotir les deux-tiers du parc du château de Maisons. Il utilisera ainsi le tracé en étoile des allées du Parc pour y inscrire l'épopée impériale en nommant les avenues en souvenir du maréchal Lannes et des gloires de l'Empire.

La politique avait entrainé l'homme dans d'importantes dépenses, dont certaines (prêts à des industriels ou à des sociétés immobilières) n'avaient pas pu lui être remboursées à temps. Et le domaine de Maisons de prendre peu à peu, dès 1833, l'apparence d'une ville composée de maisons de campagne acquises le plus souvent par des parisiens fortunés appartenant aux milieux des affaires et du spectacle. Les écuries du château furent alors démolies pour en récupérer les pierres et permettre la construction des villas du parc. Et Jacques Laffitte d'organiser aussi les premières courses de chevaux à Maisons, une ville qui portera le nom de Maisons-sur-Seine jusqu'en 1882, avant de prendre le nom de Maisons-Laffitte (son nom actuel) après l'urbanisation du parc du célèbre château.

En 1836, une fois sa liquidation terminée, Jacques Laffitte réussit à créer une nouvelle banque d'affaires, la Caisse générale du commerce et de l'industrie, qui tombera en désuétude après la disparition de son mentor qui reste malgré tout, et à jamais, un être d'exception.

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Jacques Laffitte, un château, un parc – 1818 aux origines de Maisons-Laffitte », jusqu'au 11 mars 2019, au château de Maisons, 2 avenue Carnot, à Maisons-Laffitte (78). Tél : 01 39 62 01 49. Ouvert tous les jours (sauf le mardi) de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00 (du 16 mai au 15 septembre), et de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 17h00 (du 16 Septembre au 15 mai). Entrée : 8€. Accès: RER A, train ligne L depuis Saint-Lazare, station Maisons-Laffitte. Site internet : http://www.chateau-maisons.fr/

 




 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile