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Le Québec vous salue bien
(Montréal, Québec, Canada)
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Mardi 21 avril 2020

 

Les vols se font rares par ces temps de coronavirus en cette année 2020. L'aviez-vous remarqué ? Les années en 20 (ou celles qui les entourent) attirent souvent le malheur. Lisez plutôt : en 1520 survint une épidémie de variole au Mexique qui fit entre 5 et 8 millions de morts, un siècle plus tard, la Nouvelle-Angleterre (nord-est des Etats-Unis) affrontait de 1616 à 1620 une épidémie qui décimera jusqu'à 90% de la population. En 1720, notre pays connut la peste de Marseille qui fit de 30000 à 40000 morts, puis, notre voisine ibérique déplora un siècle après, en 1821, la survenue de la fièvre jaune, puis la terrible grippe espagnole de 1918 à 1920, qui fera entre 50 et 60 millions de morts dans le monde. 2020 ne dérogera pas à la règle, et dieu seul sait où et quand cela s'arrêtera même si le nombre de décès n'a rien à voir avec les épidémies citées plus haut...Jusqu'ici, les règles actuelles de confinement au Québec étaient les suivantes : marche et course en extérieur autorisées pour les personnes n'étant pas en confinement obligatoire (symptômes grippaux, toux, fièvre, éternuements) et à condition de respecter une distance de deux mètres avec ses semblables. Malheureusement, à notre arrivée, l'escale nous imposait un confinement total dans l'hôtel trois jours durant...

 

C'est à Montréal (Québec) que je pars aujourd'hui en mission. D'après mes informations, et même si les lieux culturels sont fermés, il est tout de même possible de mettre le nez dehors dans l'enceinte de l'hôtel, en gardant toutefois ses distances et en évitant les rassemblements. J'ai gardé un souvenir mémorable de cette belle province, sans doute par fierté car c'est bien un de mes (très lointains) cousins malouins, j'ai nommé Jacques Cartier, qui fut le premier explorateur européen à débarquer ici un certain 24 juillet 1534, et ce, au nom du Royaume de France. A l'époque, notre bon vieux pays s'exprimait en vieux français et la façon dont s'exprime nos amis québécois aujourd'hui n'y est pas étrangère. Loin d'être dérangeant, je trouve cet accent plein de charme que je m'en accommode fort bien, même si je bute parfois sur certaines phrases. Le québécois, aussi appelé français du Québec, se distingue davantage de notre français à l'oral qu'à l'écrit. En effet, le québécois connait des variantes régionales, comme, par exemple le joual (parler populaire de Montréal) ou le magoua (parler populaire de Trois-Rivières). Et les habitants d'utiliser ici des mots français là où nous, Français, avons pris l'habitude d'utiliser des mots anglais pour exprimer la même chose, sans doute par snobisme. Ainsi, je dirais plutôt qu'après avoir marqué l'arrêt au carrefour, je vais mettre mon char en stationnement avant de m'en aller magasiner en cette fin de semaine....

 

Il faut savoir que les habitants de la Nouvelle-France parlaient à l'époque un français identique à celui de Paris, même si la majorité des colons provenaient de l'ouest et du nord-ouest de notre pays. L'usage parisien sera renforcé par l'arrivée des filles du Roi, décrites comme des immigrantes recrutées pour épouser des colons pour engager un processus de peuplement de ces nouveaux territoires. Si ces filles s'exprimaient alors dans un français populaire, moins de 30% des premiers colons français, eux, étaient d'origine rurale, ce qui explique la diffusion possible de mots spécifiques à l'ouest français.

Le français québécois tient donc son origine de la langue parisienne du 18è siècle, même si on se gardera bien de croire que ce français-là ne serait qu'une copie de notre langue sous l'Ancien régime. En effet, la langue québécoise évoluera elle aussi, enclavée qu'elle était dans un environnement anglophone, et maintes fois menacée d'extinction après avoir connu ses premières impulsions dans les années 1840, puis avec l'émancipation sociale et intellectuelle des Québécois de la Révolution tranquille. A cet égard, les pressions et les revendications des francophones durant les années 1960 contraindront le gouvernement fédéral du Canada à adopter des politiques de bilinguisme applicables au sein de l'administration publique et des services de l'Etat, mais aussi sur l'étiquetage et l'emballage. De son côté, le gouvernement québécois donnera naissance à une Charte de la langue française (Loi 101) en 1977, qui aura pour conséquence de reconnaître le français comme langue officielle du Québec, sur le lieu de travail, dans l'affichage commercial et dans l'éducation des migrants.

 

Lors de sa création, Radio-Canada se fera un devoir de s'exprimer dans un français correct, issu de notre pays mais enrichi de spécificités canadiennes, une politique qui sera poursuivie jusqu'à la fin des années 1970, date à laquelle la langue québécoise entamera sa mue jusqu'à prendre sa forme actuelle, à savoir une langue pas toujours compréhensible en Europe francophone. Nous l'avons vu plus haut, le Québec est cerné par le monde anglophone et la menace des anglicismes est toute entière, depuis 1760, date de la Conquête. Anglicismes qui forment d'ailleurs une des particularités du français québécois par rapport aux autres variantes du français. Jusqu'à la Révolution tranquille, époque des importantes réformes et de la modernisation des années 1960 orchestrées par l'Etat québécois, les commerces (et donc les employeurs) étaient principalement de langue anglaise, ce qui contraignit un certain nombre de Canadiens français (tout particulièrement ceux émanant du milieu rural) à apprendre leurs nouveaux métiers urbains à l'aide de mots anglais (comme par exemple forman pour contremaitre). De la même façon, contrats de travail et conventions collectives étaient rédigés en anglais, et, lorsque ces documents étaient traduits, ils le furent avec plus ou moins d’improvisation (bénéfices marginaux, au lieu d'avantages sociaux, pour traduire fringe benefits).

De leur côté, les Québécois blâment souvent les Français pour l'utilisation fréquente d'anglicismes. Il est vrai que nous empruntons ces termes dans les domaines de la mercatique, du commerce, de la finance et du monde des affaires. Les anglicismes québécois, eux sont d'un autre ordre : ici , on dit « donner un lift' pour conduire quelqu'un quelque part en voiture. Vient ensuite la manière de traduire (un Québecois dira plus volontiers « une année longue » où nous, Français, disons « à longueur d'année (all year long))


 

La langue orale québécoise comporte également plusieurs mots et expressions d'usage courant dans notre pays aux 17è et 18è siècle qualifiés d'archaïsmes : à cause que (parce que), barrer une porte (verrouiller une porte), présentement (en ce moment), souliers (chaussures) et noirceur (obscurité). Notons toutefois que cette idée d'archaïsmes ne se définit qu'en comparaison avec la norme française, sachant que certaines de ces expressions sont encore utilisées dans certaines de nos régions comme par exemple en Normandie (barrer une porte).

Autre curiosité : la langue du Québec possède un vocabulaire de marins. A cela, rien d'étonnant puisque les ancêtres des Québécois furent souvent des marins (originaires de Bretagne, Normandie ou de l'Ouest de la France). Ainsi trouve t-on : embarquer dans la voiture (ou dans l'autobus), prendre une débarque (tomber brutalement), manquer Le bateau (rater une occasion), bordée de neige (chute de neige), couler un examen (échouer à un examen), virer de bord (faire demi-tour, s'en retourner), se gréyer (s'équiper), gréyer les enfants avant de partir (habiller et préparer), balise (limite à ne pas franchir, dans le domaine administratif), vadrouille (balai à franges servant à nettoyer le sol)... on encore « envoyez » (dépêchez-vous!). A cela se rajoutent d'anciens parlers régionaux français : astheure (à cette heure, maintenant), itou (aussi), prendre son respir (garder sa respiration), souventes fois (souvent), chaud (ivre) ou avoir du trouble (avoir des problèmes). Mais aussi des sacres, ces jurons tirés du vocabulaire ecclésiastique : crisse (Christ), tabarnak (tabernacle), ce dernier terme exprimant aussi bien la colère que la joie : Tabarnak ! T'es encore là ?. Les pronoms sont aussi de la fête : chus (je suis), Y va venir demain (à la place de il), A va venir demain (à la place de elle)...Au Québec, ça va aussi de pis en pis (On est allé faire un tour pis boire un verre, ou encore T'es entrée, pis après, y s'est passé quoi?).

D'autres jurons trouvent aussi leur place ici : ainsi relève t-on sur la photo ci-dessous quelques termes peu flatteurs comme par exemple gros colon (un « beauf », un habitant rustre), poche-molle (couilles molles) ou ostie d'mongol (putain de mongol). Si quelqu'un vous déplait vous pourrez toujours lui dire qu'il fait dur (qu'il est moche), et s'il vous embête, vous lui conseillerez d'aller se faire crosser (se faire foutre). Il y a ce genre de personnage que l'on n'apprécie pas forcément, je veux parler du type snob, voire insultant et vantard, appelé ici grand fendant, ou même ostie de sans-dessein (quelqu'un d'insignifiant et sans intelligence, bref, un « putain de con », c'est à dire un tabarnac d'épais, épais voulant dire stupide). Le français du Québec offre plusieurs termes imagés concernant les gros mots : téteux (lèche-cul), câlice de chien sale (connard, salaud), grosse plotte sale (traduit ici par vagin, ce qui n'est pas un compliment!) ou maudit innocent (encore un putain de con). Fâché, vous direz sans doute au mec en face de vous : »Toé mon écoeurant » (toi, espèce de salaud!), voire de rajouter « M'a te dérencher la face » (je vais te démonter la gueule avec une clef à molette).

Et le ciboire dans tout cela ? Ce juron québécois vulgaire exprime colère et indignation et a pour synonyme des mots comme tabarnak, ostie, crisse, câlisse...

 

« Démonstratifs » les Québécois ? Bien sûr que oui, et à double titre : leur jovialité légendaire est connue de tous, mais côté grammaire, nos cousins ont pour habitude d'utiliser des démonstratifs (ce, cette, ces avec rajout quasi systématique de -là ) dans la langue parlée : As-tu vu c'te fille-là ? C'est c'te char-là qui est le mien...Ces enfants-là, y sont toujours énervés ! Quant à l'accent si célèbre des Québécois, il vaut bien celui des Parisiens. Nous avons tous un accent, sans même nous en rendre compte, et la France des 17è et 18è siècles connaissait deux modèles de prononciation : le bel usage (conversation de tous les jours, langue du peuple mais aussi de la Cour!) et le grand usage (langue utilisée au théâtre, au Parlement, ou au tribunal). Ce grand usage prendra le pas sur son voisin durant le 17ème siècle avant d'occuper tout l'espace après la Révolution française. C'est en 1763 que le Canada francophone sera coupé de la France, d'où l'usage typique de l'Ancien Régime qui perdurera jusqu'au 19è siècle, lorsque les Canadiens français tenteront de moderniser sensiblement leur accent. Et ce nouvel accent de s'exprimer désormais depuis la Révolution tranquille tout en restant distinct du nôtre.

Nous l'avons vu plus haut, les emprunts à l'anglais sont monnaie courante chez nous mais également au Québec, même si c'est dans un genre différent. Ainsi, ces emprunts sont-ils féminin par défaut (une job, une business...) et non masculins comme chez nous.

 

Terminons ce tour d'horizon du français québécois avec le tutoiement, plus fréquent au Québec qu'en France. Peut-être cela s'explique t-il par l'influence anglo-saxonne qui gomme la différence entre tutoiement et vouvoiement. Ainsi le « tu » québécois exprime la proximité et l'absence de classes sociales, plutôt qu'un signe de défiance envers l'autorité. Ce tutoiement convient tout particulièrement ici au Québec car la société n'y est que peu hiérarchisée. Reste le vous : jusqu'en dans les années 1950, les enfants avaient pour habitude de vouvoyer leurs parents, puis, le tutoiement s'est imposé peu à peu avec l'évolution des contextes sociaux : en règle générale, les milieux professionnels autorisent et encouragent la pratique du tutoiement entre salariés ou même entre salarié et patron (sauf en cas de différence d'âge notable ou d'échelon hiérarchique très important). Dans les magasins, les clients sont vouvoyés alors que dans le milieu publicitaire, le tutoiement signifie que le message s'adresse aux enfants ou aux adolescents. Restent les particularités régionales avec, par exemple, un tutoiement plus fréquent en Outaouais et en Acadie, même si on dit « s'il vous plait » à quelqu'un que l'on tutoie.

Variations phonétiques, lexicales ou syntaxiques sont enfin courantes entre les différentes régions du Québec, en dépit du fait que le français québécois reste plutôt homogène. En revanche, un Québécois distinguera facilement un accent montréalais, un accent québécois (de la ville de Québec), celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de Mauricie, de la Beauce, du Havre-Saint-Pierre ou de la Gaspésie...pourvu qu'il prête l'oreille !

 

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