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Charleville-Mézières, Capitale mondiale de la Marionnette
(Ardennes, France)
Heure locale

 

Mercredi 15 Juillet 2020

 

Charleville-Mézières (08), le joyau des Ardennes , a beaucoup à offrir aux amateurs de belles choses . Cette ville, qui fut créée en 1606 par le prince Charles de Gonzague, abrite la Place Ducale, l'une des plus belles places d'Europe. Son patrimoine religieux comprend une vingtaine d'édifices et n'a rien à envier à d'autres non plus en ce qui concerne les biens fonciers. Son hôtel de ville est remarquable et le Vieux Moulin, édifié en 1626, accueille désormais le Musée Arthur Rimbaud.Mieux ! Charleville-Mézières, qui vit naitre le célèbre poète, est aussi la capitale mondiale de la marionnette.

 

Mon âme d'enfant a toujours été subjuguée par ces poupées qu'on manipule à l'aide de fils, totalement entre les mains de leur manipulateur. Ces figurines articulées ne datent pas d'aujourd'hui puisqu'on en utilisait déjà dans l'Antiquité, lors des cérémonies religieuses en l'honneur de Dyonisos (Egypte). Plus tard, Rome découvrira les spectacles de marionnettes et s'attirera les foudres des Pères de l'Eglise. Les Romains auraient ainsi introduit ces figurines en Gaule et en Germanie durant la décadence de l'empire.

En France, c'est au Moyen-Âge qu'apparait le terme de marionnette (diminutif de Vierge Marie dès 1306). Dieppe (76) découvre cette poupée lors des mitouries de 1443, et le théâtre de la foire annuelle de Saint-Germain et de Saint-Laurent (Paris) présente des spectacles de marionnettes au début du 18e siècle. Et cet univers de s'enrichir petit à petit de nouveaux personnages : Polichinelle (importé en France par le marionnettiste Jean Brioché), Guignol (créé à Lyon en 1808 par un certain Lafleur)... sans parler de l'arrivée des théâtres d'ombres chinoises.

 

A l'origine de la suprématie carolomacérienne, Jacques Félix, un jeune homme de 17 ans originaire de Charleville-Mézières, qui découvre la marionnette lors d'un stage effectué à Nancy auprès du maitre marionnettiste Géo Condé, en 1941. Une passion nait aussitôt entre Jacques et cette figurine qui ne demande qu'à prendre vie. Des spectacles sont alors organisés pour les enfants des colonies de vacances, histoire d'apporter un peu de bonheur dans cette France sous le joug de l'occupant nazi. Le répit sera toutefois de courte durée car le S.T.O sera bientôt imposé.1945 sourira toutefois à l'audacieux jeune homme qui créera la compagnie des Petits Comédiens de Chiffon, et lancera dans la foulée son premier spectacle dans les Ardennes. Le succès sera au rendez-vous et conduira bientôt Jacques Félix et sa troupe à se produire au théâtre municipal de Charleville. Puis à Liège (Belgique) en 1958 pour participer au Festival International des Marionnettes. Au cours des mois suivants, la troupe effectuera plusieurs voyages à l'étranger (Tchécoslovaquie, Allemagne, Angleterre, Pologne, URSS, Italie et Japon).

Jacques Félix, conseiller municipal dès 1959 aux côtés du maire de Charleville, André Lebon, peut enfin concilier les marionnettes et sa ville natale. Ce qui aboutit, en 1961, à la création de l'évènement annuel connu aujourd'hui sous le nom de Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes. Ce festival, d'une durée de dix jours, comporte 150 spectacles qui réunissent près de 150000 spectateurs tous les deux ans. Une trentaine de nations sont ainsi représentées, ce qui se traduit par la venue d'environ 130 compagnies. Le festival invite également les visiteurs à découvrir de nombreuses autres activités comme des rencontres, des expositions, des spectacles de rues et autres événements festifs.


 

Le Festival, fondé en 1961, n'a depuis lors cessé de prendre de l'ampleur au fil des ans. Et cet événement d'imposer à Charleville-Mézières un rythme festif, dix jours durant. Salles, gymnases, rues et cours deviennent pour lors autant de lieux de spectacles, dans lesquels sont utilisés toutes les techniques (du fil à la gaine...) et les différents genres de scénographie (du théâtre des ombres au bunraku, de l'objet à l'écran, de la petite forme intimiste à l'énorme marionnette...). Les spectacles traditionnels côtoient alors les formes les plus modernes auprès d'un public toujours plus nombreux. Plus de 170000 spectateurs rejoignirent ainsi en septembre 2017 les divers spectacles, en salle et en extérieur. Et le même rendez-vous de se perpétuer tous les deux ans depuis 2009. La dernière édition ayant eu lieu en septembre l'année dernière (celle-ci rassembla cent compagnies de 29 pays différents), la prochaine édition est prévue du 17 au 26 septembre 2021.

Le plus dur étant de patienter jusqu'au prochain festival, la cité caloromacérienne a eu l'idée de créer le week-end marionnettes. Celui-ci se tiendra bien du 25 au 27 septembre 2020 à Charleville-Mézières pour le plus grand plaisir des petits et des grands. Au programme : spectacles, expositions et rencontres autour de la marionnette. Organisée une année sur deux, cette manifestation a vocation à compenser l'absence du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes.


 

La marionnette, ce n'est pas uniquement un festival, mais tout un monde parallèle consacré à son art : depuis 1981, Charleville-Mézières abrite en effet l'Institut International de la Marionnette, un lieu permanent de formation, de création et de recherche. Sa mission consiste à participer au développement des arts de la marionnette et à valoriser ceux-ci par le biais de rencontres, colloques et résidences d'artistes et de chercheurs. 1961 sera non seulement l'année du premier festival de la marionnette mais aussi celle de la seconde édition du Congrès national du syndicat des guignolistes et des marionnettistes français. Onze ans plus tard, Charleville-Mézières accueillera en outre le 11è congrès de l'Union internationale de la marionnette (actuel Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes). La ville, de fait consacrée capitale mondiale de la marionnette, ne dispose pas à cette époque d'un lieu permanent de rencontre. Et Jacques Félix, alors à la tête de l'Association des Petits Comédiens de Chiffons, de soumettre l'idée de création d'un endroit dédié, dont l'actuel institut est le fruit.

Autre entité autour du monde la marionnette, l'ESNAM (Ecole Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette), qui fut pour sa part créée en 1987 et dont le rôle est de former en trois ans des élèves français et étrangers (actuellement une quinzaine) qui se destinent au métier d'acteur-marionnettiste. Quant au siège de l'UNIMA (Union internationale de la Marionnette), il est de la même manière installé à Charleville-Mézières depuis 1980.

 

La marionnette doit beaucoup à l'association des Petits Comédiens de Chiffons qui fut fondée en 1941, avec pour objectif de faire connaître et apprécier l'art de la marionnette au plus grand nombre. Cette même année, huit jeunes gens des Scouts de France mettent sur pied un spectacle destiné aux colonies de vacances. Les figurines sont alors fabriquées avec les rares matériaux disponibles en temps de guerre, d'où le terme « comédien de chiffon ». Le succès est immédiat jusqu'à Noël 1942. Les événements de 1943 imposeront aux jeunes artistes de suspendre leurs activités et ce n'est que deux ans plus tard, en 1945, plus exactement après la Libération, que sera créée la Compagnie des Petits Comédiens de Chiffons. Le premier spectacle « Les Gueux au Paradis » (1947) sera d'envergure puisqu'il sera accompagné d'un choeur et de musiciens. Et la talentueuse compagnie d'être conviée au Jamborée mondial de la paix. Spectacles, kermesses, festivals et autres événementiels forment ainsi le quotidien des 200 comédiens de la compagnie. En 1955, un nouveau spectacle voit le jour avec « Les quatre fils Aymon » et est présenté au Palais de Chaillot (Paris), puis à Liège (Belgique) trois ans plus tard, lors d'un festival international des marionnettes. Reconnus par les professionnels, les Petits Comédiens de Chiffons seront aussi invités à l'étranger.

 

 

Quand vous vous rendrez à Charleville-Mézières, ne manquez pas l'incontournable « Grand Marionnettiste », Place Winston Churchill (près de la place Ducale), entre le Musée de l'Ardenne et l'Institut internationale de la Marionnette. Cet automate est bien connu des Carolomacériens, dont l'horloge animée conte en douze épisodes la légende locale des Quatre fils Aymon (ces chevaliers fuyant l'ire de Charlemagne, livrant une bataille incessante dont l'un finira par être assassiné avant d'être miraculeusement sanctifié). Ce géant aux doigts agiles prend vie toutes les heures de 10h00 à 21h00, tandis que l'intégralité des tableaux est présentée chaque samedi à 21h15. Au-delà du spectacle, une visite au Musée de l'Ardenne permet de découvrir les secrets du grand automate de dix mètres de haut, à savoir ses coulisses et ses mécanismes. Situé sur la place Ducale, le Musée de l'Ardenne offre, depuis 1994, de découvrir l'histoire de Charleville-Mézières à travers un parcours chronologique qui débute au sous-sol. Le musée consacre deux salles aux arts de la marionnette, l'une d'entre elles présentant les marionnettes du monde, leurs différentes techniques et des marionnettes de création. L'autre accueille des expositions temporaires thématiques (chacune des éditions du festival mondial des Théâtres de Marionnettes donne lieu à une exposition) assorties de parcours spécialement dédiés aux familles. Cerise sur le gâteau : l'intérieur de ces salles permet d'observer le mécanisme de l'horloge à automates, « Le Grand Marionnettiste » évoqué plus haut.

 

En prolongement de votre visite de la capitale mondiale de la marionnette, ou si vous souhaitez en apprendre davantage à l'issue de la lecture de mon article, procurez-vous l'ouvrage « 20 éditions d'un festival d'exception » qui sera prochainement publié par les Editions Noires Terres. Ce livre s'intéresse au succès d'un festival qui, par son choix des compagnies et les synergies impulsées par les organisateurs, a su jusqu'à présent jouer un rôle déterminant dans l'évolution des arts de la marionnette.

 

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