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Aubusson de fil en fil
(Creuse, France)
Heure locale

 

Jeudi 7 janvier 2021

 

Situé dans le Massif central et tirant son nom de la rivière qui le traverse, ce département français a pour préfecture Guéret et n'a qu'une seule sous-préfecture, Aubusson. Paisible et bucolique, l'endroit invite à la paresse au milieu d'une campagne verdoyante qui dévoile une nature insoupçonnée mais aussi des villages de caractère, des jardins et des châteaux. George Sand disait : « C'est la vraie campagne comme je l'aime, sauvage et riante...Une suite infinie et toujours variée de décors ». Bienvenue dans la Creuse !

 

Quitte à faire tapisserie (je suis solitaire de nature), pourquoi ne pas débuter ma visite à Aubusson ? Depuis Paris, il me faut prévoir un long trajet en train à travers ces paysages bien de chez nous avant d'atteindre ma destination. Une fois sur place, pas besoin de voiture pour me déplacer puisque la marche est le meilleur moyen de découvrir cette petite ville de 3000 âmes. Côté tapisserie, Aubusson jouit d'une réputation mondiale quant à ses œuvres tissées dans ses ateliers depuis le 15è siècle. Et l'UNESCO d'avoir inscrit en 2009 la célèbre tapisserie sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. Il y a pourtant de quoi perdre le fil avec cette activité aux origines incertaines, qui connut des hauts et des bas depuis son apparition il y a 600 ans : « Verdures » du 15è siècle, création de la Manufacture Royale d'Aubusson en 1665 sur décision de Colbert, essor et rayonnement de la Manufacture dans toute l'Europe au 18è siècle, industrialisation de la production au 19è siècle, puis renouveau de cet art au 20è siècle, notamment sous l'impulsion de Jean Lurçat à partir des années 1940.

Après une période difficile à la fin du 20è siècle, la tapisserie d'Aubusson connait aujourd'hui un nouveau souffle en renouant avec la création contemporaine et en renouvelant ses usages au contact d'autres disciplines artistiques. Tous les savoir-faire nécessaires à la production de tapisserie d'Aubusson sont présents sur le territoire d'Aubusson-Felletin, qui accueille deux des quatre filatures de laine actives en France, des teinturiers, trois manufactures, une dizaine d'ateliers de tissage, des cartonniers, des restaurateurs, etc....Et la filière de production de tapisseries de représenter actuellement près de 200 emplois (on en comptait entre 1500 et 2000 au début du 20è siècle).

La Cité internationale de la Tapisserie voit le jour à l'été 2016 : ayant trouvé refuge dans l'ancienne Ecole Nationale d'art décoratif d'Aubusson rebâtie autour d'une architecture moderne, celle-ci soutient à la fois la filière existante, un centre de formation préparant au brevet des Métiers d'Art « Arts et techniques du tapis et de la tapisserie de lisse » (en lien avec le GRETA), une bibliothèque, un atelier de restauration de tapisseries du Mobilier national, des ateliers professionnels pour les créateurs textiles et un atelier de tissage.

La Cité abrite en effet une collection de référence de 440 tapisseries et tapis (dont 330 tapisseries murales), 16000 œuvres d'art graphique (dont près de 4500 maquettes ou dessins), 50 pièces de mobilier tissé, 20 pièces de matériel de tissage et d'outils, 5000 pièces tissées, dépôt de l'ancienne école nationale des Arts décoratifs, 600 pièces de broderie sarrasine (1880 à 1918), sans compter les dons (comme celui de l'Atelier Fougerol qui céda en 2006 135 tapisseries des 16è au 19è siècle issues de la collection de tapisseries anciennes de Maxime Fougerol décédé en 1992).


 

La cité accueille également La Nef des tentures, parcours d'expositions dans un espace inédit qui invite à voyager au fil de six siècles de tapisseries à l'aide d'un dispositif immersif inspiré des techniques théâtrales. Le visiteur qui pénètre dans cette nef est immédiatement subjugué en découvrant la « Millefleurs à la Licorne », la plus ancienne tapisserie d'Aubusson connue à ce jour.

Une autre salle, « Les Mains d'Aubusson » s'intéresse aux savoir-faire en mettant en relief ce que recouvre l'inscription au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité, tout particulièrement la notion de tapisserie d'interprétation née de la rencontre entre un projet artistique et un savoir-faire détenu par un artisan d'art.

La Cité internationale de la tapisserie mène une politique volontariste de création contemporaine, sur des thèmes variés et d'après des commandes de mécènes. Plus d'une trentaine d'oeuvres (dont certaines font partie de l'exposition permanente) ont ainsi vu le jour depuis 2010. La Cité signa aussi en 2016 une convention avec le Tolkien Estate pour la réalisation d'une série exclusive de treize tapisseries et d'un tapis, tissés à partir de l'oeuvre graphique originale de J.R.R Tolkien. Dix œuvres ont déjà été produites et les autres verront le jour d'ici à 2023.

Infatigable, la Cité se lance cette année un nouveau défi, celui de réaliser une tenture d'après les images de films du Japonais Hayao Miyazaki. En partenariat avec le Studio Ghibli, cinq tapisseries monumentales verront ainsi le jour d'après les images des films « Le Voyage de Chihiro », « Le Château ambulant », « Princesse Mononoké » et « Nausicaä de la Vallée du Vent ». Réalisées entre janvier 2021 et fin 2023, ces œuvres, qui seront fabriquées au sein de la Cité sur un métier à tisser de huit mètres de long, requerront un an de travail pour chacune d'entre elles. Pour cette opération, les visiteurs sont conviés à découvrir les coulisses du projet (projection des images à échelle réelle, explication du choix des images et étapes de la réalisation de la tapisserie) dans un espace de présentation conçu pour l'occasion.


 

Labellisée « Plus Beaux Détours de France », Aubusson se dévoile subtilement pour celui qui prend le temps d'en arpenter les rues étroites et pentues. Située dans une vallée encaissée, cette charmante cité se découvre à pied pour mieux en apprécier ses ruelles pittoresques bordées d'anciennes maisons serrées les unes contre les autres. Les vieux quartiers bordant la Creuse côtoient le pont médiéval, les ruines du château et autres demeures du 15è siècle. Et galeries et ateliers de témoigner à leur manière de l'histoire de l'art de la tapisserie et de sa vigueur qui sut toujours se réinventer depuis le Moyen-Âge.

Le quartier de la Terrade était justement celui des lissiers avec son pont de granit en arc, et ses bâtisses des 16è-17è siècle, réhabilitées depuis en hébergement ou restaurant haut de gamme, et désormais surnommées les « Maisons du Pont ».Deux endroits enthousiasment les visiteurs :

Le Musée du Carton, unique en France et créé par Chantal Chirac, antiquaire et restauratrice de cartons.Cette dame nourrissant une véritable passion pour l'histoire des cartons décida de les rassembler et de les exposer au fil des pièces et des époques. Les plus belles scènes sont inspirées de grands peintres classiques tels Boucher, Watteau, Fragonard ou Oudry...C'est que le carton a, lui aussi une histoire: celui-ci est le modèle, le patron glissé sous le métier qui va servir à créer la tapisserie. Ces cartons sont dessinés ou peints, sous forme de peinture à l'huile sur toile ou de gouache sur papier. Diplômée de l'ICART (école des métiers de l'art et de la culture), Chantal s'est installée à Aubusson en 1988 et s'est passionnée pour ces cartons dont personne ne voulait. Et d'entreprendre alors de les récupérer puis de les faire revivre pour mieux raconter leur histoire et celle de la tapisserie de ces cinq derniers siècles. Ce musée a trouvé refuge à l'intérieur d'une élégante maison de caractère depuis 2012. Et l'immeuble du 17è siècle d'avoir préalablement été restauré avant d'accueillir l'atelier-musée dans le quartier des tapissiers et des teinturiers, à la Terrade, et en bordure de la Creuse (à côté du pont de la Terrade). On pénètre dans ce musée de 400 m2 en traversant d'abord l'atelier-galerie de Chantal Chirac, collectionneuse acharnée de quantités de cartons, des modèles négligés de tapisseries, œuvres de peintres anonymes mais également d'artistes connus du 20è siècle. A noter toutefois que si Chantal est à l'origine du musée, c'est grâce à ses amis mécènes originaires de Felletin, qui entreprirent de restaurer le bâtiment pour accueillir sa collection et la galerie d'art que ce beau projet commun put prendre forme. Et l'association Am'carta (Atelier-musée des cartons de tapisserie) de naitre dans la foulée, confortée par des bénévoles, stagiaires et services civiques qui proposent des visites guidées. Saluons au passage cette généreuse initiative qui offre à tout un chacun de se retrouver au milieu de scènes galantes, de scènes de chasse puis des Fables de La Fontaine, avant de se pencher sur le métier à tisser, les bobines de fil et la palette de peintres cartonniers que Chantal a tenu à mettre en valeur dans cet atelier reconstitué.


 

La Maison du Tapissier (qui abrite l'Office de Tourisme de la ville), bâtisse meublée du 16è siècle, propose aux touristes de rencontrer une lissière qui leur dévoilera les secrets de la technique pluriséculaire de la tapisserie d'Aubusson au service de la création contemporaine. Aussi appelée Maison Corneille, cette demeure tire son nom de l'une des familles emblématiques de la tapisserie d'Aubusson tout en se dressant fièrement dans la rue Vieille, avec sa tourelle circulaire et ses deux étages, sa porte d'entrée chanfreinée et sa baie de boutique en arc. Classée monument historique depuis 1962, cette maison serait la plus ancienne de la cité (15è-16è siècle).

On s'arrêtera bien sûr dans les ateliers de tapisserie pour admirer le travail des lissiers (on compte désormais une vingtaine d'ateliers à Aubusson) tout en se souvenant qu'il reste actuellement quelques manufactures de tapisserie en activité (ou pas), dont les coordonnées figurent dans les infos pratiques ci-dessous.

 

INFOS PRATIQUES :






 



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