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Exposition "Molière, la fabrique d'une gloire nationale"
(Espace Richaud, Versailles, Yvelines, France)
Heure locale

Lundi 14 février 2022

 

Alors que la France célèbre cette année le 400ème anniversaire de la naissance de Molière, la ville de Versailles convie le public à découvrir l'exposition « Molière, la fabrique d'une gloire nationale », à l'Espace Richaud jusqu'au 17 avril prochain.

C'est le 15 janvier 1622 que nait Jean-Baptiste Poquelin, rue Saint-Honoré à Paris (1er), c'est à dire dans le quartier populeux des Halles, dans une maison dite « Pavillon des Singes », plus exactement à l'angle des actuelles rue Sauval et rue Saint-Honoré. Et d'être baptisé en l'église Saint-Eustache. L'enfant sera le contemporain bien involontaire de Cyrano de Bergerac, de Furetière, de Tallemant des Réaux, de Colbert, de D'Artagnan, de Nino de Lenclos, de La Fontaine, du Grand Condé et de Pascal. Rien que cela.

A cette époque, Paris compte de nombreux Poquelin, originaires de Beauvais et du Beauvaisis. Le père de Jean-Baptiste est marchand tapissier, ce qui semble relever d'une tradition familiale puisque les deux grands-pères du futur Molière tiennent eux aussi des commerces de meubles et de tapisseries, non loin de là, dans la rue de la Lingerie. L'enfant est donc issu d'une famille bourgeoise cossue et l'un de ses oncles (du côté maternel), qui collabore à la musique des ballets de cour, est nommé en 1654 compositeur de la musique des Vingt-Quatre Violons du Roi. Il jouera d'ailleurs plus tard les comédies ballets de son neveu.

 

L'exposition consacrée aux plus célèbres de nos dramaturges offre de découvrir la vie foisonnante de cet artiste exceptionnel au destin singulier et la fertilité de ses créations. Que l'on se soit penché ou pas sur son œuvre, Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est inscrit dans notre imaginaire collectif, tant son nom est familier à l'oreille de tous les Français et de nombreux étrangers. Ce n'est pas un hasard si l'auteur comique du Grand Siècle reste aujourd'hui le dramaturge de langue française le plus lu, joué et traduit dans le monde. Mais comment cet homme a t-il pu devenir une gloire nationale au fil du temps ?

On (ne) connait (presque) rien du personnage historique, et peu de choses du comédien. Quant à l'auteur, il ne nous a légué aucun manuscrit. On ignore tout des études de l'élève « Molière » car aucun document fiable n'existe. Le jeune Poquelin aurait fait ses humanités et sa philosophie au collège jésuite de Clermont (actuel lycée Louis-le-Grand) à Paris mais même sa présence dans ledit collège est sujette à caution. Au sortir du système scolaire, il serait devenu avocat (mais son nom est absent des registres de l'université d'Orléans et du barreau de Paris). Ce vide a alors autorisé ses héritiers à inventer une tradition dont se sont réclamées (et se réclament encore) des générations d'artistes. Et la première partie de l'exposition d'être dédiée à la généalogie du l'illustre artiste :

 

    - Du saltimbanque au favori (1622 à 1673) : cette section est tour à tour consacrée à l'homme de scène à l'homme de plume et à l'homme de cour. On y aborde les grandes phases de la vie de Molière, documents, archives et objets à l'appui, et les conditions de création et de réception de son œuvre, toutes deux étant la résultante d'une sorte de mythologie spontanée. Sur place, le visiteur admire peintures, sculptures, archives manuscrites, documents authentiques, images de scène et objets lui ayant appartenu, mais aussi reconstitutions de costumes et de maquettes de décors d'époque.

 

    - L'invention d'une tradition (de 1673 à 1705) : on y parle de réappropriations, à la fois par les comédiens et les auteurs qui l'ont connu, qui se chargèrent de perpétuer ses traditions de jeu et son répertoire. Tous cherchent à honorer un héritage encombrant tout particulièrement pour les générations post-molièresques.

 

Jean-Baptiste Poquelin, émancipé d'âge au tournant de 1643, a reçu de son père un acompte important sur l'héritage maternel et quitte le nid familial pour s'installer dans le quartier du Marais. Cette même année, il s'associe avec neuf camarades pour former la troupe de l'Illustre Théâtre, troupe qui deviendra rapidement la troisième du genre à Paris, derrière celle des grands comédiens de l'hôtel de Bourgogne et celle des petits comédiens du Marais. L'Illustre Théâtre se produit d'abord au jeu de Paume (Paris), puis à la salle des Métayers, jusqu'au moment où elle repart sur la rive droite pour se rapprocher des autres théâtres. Un dernier déménagement qui vaudra à Molière d'être un temps emprisonné pour dettes au Châtelet.

Jean-Baptiste Poquelin adopte le nom de « Molière » en 1644. Un nom choisi, pour certains, en hommage au musicien et danseur Louis de Mollier, et pour d'autres, en référence à l'écrivain François de Molière d'Essertines, auteur de « La Polyxene de Moliere » dont une quatrième réédition vient de paraître en ce début d'année 1644. L'historien Georges Forestier, lui, pense que l'hypothèse la plus probable est à chercher du côté des usages des comédiens professionnels.

Cette existence débordante de cet artiste au destin singulier, qui sillonnera le royaume de France avant de triompher à la ville comme à la cour, nous laissera une œuvre hors du commun.

L'exposition a pour but de décaper la légende, en suivant à la trace la fortune littéraire, théâtrale, culturelle et politique de Molière à travers les quatre siècles qui nous séparent de lui. Homme de théâtre par excellence, notre homme sera auteur, comédien, directeur de troupe, metteur en scène et organisateur des fêtes et divertissements royaux. On s'interroge alors sur la fabrication du mythe qui entoure ce grand écrivain national tout en examinant les mutations du culte de la personnalité dont il a fait l'objet. Et de découvrir enfin un Molière vu d'ailleurs, qui a franchi les frontières culturelles et linguistiques françaises afin de s'imposer sur les cinq continents. La seconde partie de cette exposition décrit la Genèse d'une légende, et ce, en trois phases :

 

    - Filiations et héritages (de 1705 à 1800) : cette section est consacrée à l'émergence de visions contradictoires de l'héritage molièresque, source d'une conscience patrimoniale spontanée et ambiguë, clivée, incomplète et productrice de préjugés tenaces et d'anecdotes édifiantes au sein des professions théâtrales. Documents de scènes, portraits de comédiens interprètes célèbres, fictions biographiques, peintures, estampes, sculptures et accessoires de jeu appuient le sujet abordé.

 

    - Fièvre du Moliérisme (1800-1871) : on met ici en lumière la ferveur, voire la dévotion envers Molière, un auteur autour duquel s'organise une communauté savante étudiant sa vie et son œuvre, la mise en place de commémorations nationales et d'un culte de sa personnalité. Le tout illustré par des œuvres de commandes, des hommages d'artistes, des monuments et des archives.

 

    - Le sacre républicain (1871-1922) : dans cette section, le visiteur en apprend davantage sur le retournement de l'héritage molièresque. Les institutions de la Troisième République cherchent alors à faire oublier l'homme de cour, tout en célébrant le génie universel de la langue française, l'emblème de l'esprit français et le républicain avant l'heure. Molière devient ainsi la référence incontournable d'une idée républicaine relayée par les manuels scolaires, les livres illustrés et autres éditions savantes.

 

L'évènement « Molière, la fabrique d'une gloire nationale » qui est organisé et coordonné par les équipes de l'Espace Richaud et du Musée Lambinet rassemble à cette occasion des œuvres (éditions anciennes et modernes), archives (manuscrits, registres, relevés de mise en scène, esquisses préparatoires, photographies de plateau, photogrammes et affiches), objets (peintures, sculptures, dessins, aquarelles, costumes, maquettes de décors, œuvres graphiques, caricatures, bandes dessinées, produits dérivés, objets ornementaux) et projections audiovisuelles, en réunissant près de 200 œuvres.

Le parcours de la visite se poursuit avec deux derniers chapitres : le mythe revisité et Molière en costumes d'hier et d'aujourd'hui. Le mythe revisité (1922-2022) se compose de trois sections :

 

    - Molière populaire entre déférence et irrévérence : un focus est réalisé sur les grandes mises en scène de Molière, depuis Jacques Copeau et Louis Jouvet en passant par les représentations actuelles, sans oublier Jean Vilar, Antoine Vitez ou Ariane Mnouchkine. Ces mises en scène sont considérées comme un morceau de bravoure pour des metteurs en scène soucieux de se confronter à la tradition, un mythe revisité illustré par des photos de scène, des documents de travail, des esquisses préparatoires et des masques.

 

    - Molière multimédia et transpositions artistiques : cette section est dédiée à la découverte de l'exploitation d'un héritage molièresque devenu source de profit et produit d'exportations, comme les parcs d'attraction, animations numériques, images de synthèse et exploitations touristiques et marchandes.

 

    - Molière sans frontières et transferts culturels : la présence de Molière dans le monde met en évidence l'utilisation du répertoire à des fins de propagande dans le cadre d'un projet colonial de « civilisation », puis ses réappropriations par les populations autochtones dans le cadre du processus d'affirmation d'une culture nationale, et enfin ses enjeux pour une diplomatie d'influence présente au gré des tournées et des coopérations artistiques.

 

Pour terminer cette visite en beauté, la rotonde centrale de l'Espace Richaud nous invite à admirer costumes, maquettes de décors et esquisses préparatoires de grandes mises en scènes des cinquante dernières années. Le fait de mettre en évidence les étapes de travail entre la conception et la réalisation en atelier des costumes de scène et de la scénographie, rend hommage à l'ensemble de métiers d'artisanat d'art. Voilà une bien belle mise en avant des cultures professionnelles, des savoir-faire et des grands courants esthétiques qui ont marqué la mise en scène du répertoire de Molière.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Molière, la fabrique d'une gloire nationale », jusqu'au 17 avril 2022, à l'Espace Richaud, 78 Boulevard de la Reine à Versailles (78).

 






 



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