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Exposition "Carnaval de Rio"
(Centre national du Costume de Scène, Moulins, Allier, France)
Heure locale

Lundi 14 février 2022

 

J'ai assisté une fois dans ma vie au Carnaval de Rio, à l'intérieur du sambodrome, vaste enceinte destinée au défilé de samba au Brésil. Le spectacle ce soir-là fut époustouflant et féérique, tant l'esprit de fête était présent entre chars décorés, danseurs et danseuses merveilleusement habillés et la musique rythmée pour couronner le tout. C'est à cette immersion que le Centre national du costume de scène et de la scénographie de Moulins (03) nous convie à travers l'exposition « Carnaval de Rio » jusqu'au 30 avril 2022.

 

Le carnaval de Rio de Janeiro, qui accueille chaque année des millions de participants venus du monde entier est considérée comme l'une des fêtes les plus populaires au monde. Pendant quelques jours, la « Ville Merveilleuse » ne s'intéresse qu'au carnaval, l'évènement de l'année qui se décline sous divers formes : parades urbaines dans les rues et les avenues de la métropole, bals privés organisés par les plus grands palaces ou par des communautés d'artistes et défilés des écoles de samba sur le sambodrome, point culminant de cette manifestation culturelle. On vit alors et on danse au rythme de la samba aux côtés de foules exaltées, baignées de personnages aux costumes bigarrés, plumes, paillettes, masques et maquillages luxuriants, de corps magnifiés et de chars multicolores. Plus qu'une simple marque d'exubérance, ces déambulations collectives constituent un véritable phénomène culturel, qui se renouvelle chaque année à la même époque en puisant ses origines dans l'histoire du Brésil, à travers la mixité et la cohésion de ses peuples. Les costumes présentés dans cette exposition proviennent tous de Rio grâce aux prêts des écoles de samba, de costumiers, d'ateliers de couture et de carnavaliers. Des tenues qui évoquent créativité, fantaisie savoir-faire et spécificités d'un carnaval unique au monde.

 

L 'exposition « Carnaval de Rio » occupe à elle seul treize salles. Et de commencer avec le carnaval de rue, en abordant les bandas, les blocos et les bate-bolas. Dans la première salle, le visiteur découvre en effet qu'à Rio, le carnaval débute dans les rues qui s'animent de défilés populaires autour de groupes musicaux plus ou moins importants, défilés réunissant de quelques personnes (on parle alors de bandas) à plusieurs millions d'individus (on parle dans ce cas de blocos) déambulant sur les avenues entourés d'une foule déguisée et grimée. Les cariocas ont le choix de se rendre dans une boutique afin de s'offrir un costume de carnaval, ou préfèrent confectionner eux-mêmes leur tenue. Les costumes reflètent aussi bien des super héros et des personnages de bandes dessinées que des caricatures de personnes célèbres. Autant d'artifices conçus avant tout pour faire rire, ou faire peur. Les bate-bolas (« frappe-ballons ») sont quant à eux des personnages carnavalesques traditionnels des banlieues de Rio. Ce type de clowns européens version brésilienne existent depuis 1920 et paradent en groupes dans les rues vêtus de costumes volumineux très colorés voire lumineux. Dans leurs mains, un bâton avec une corde au bout de laquelle pend un ballon en plastique simulant un accessoire (éventail, vessie animale, ombrelle...). Bref, les costumes, qui changent chaque année lancent un nouveau défi aux cariocas car, c'est à celui qui dépassera l'autre en surpassant les créations des autres groupes. Cette compétition entre bandes est d'ailleurs une caractéristique importante des bate-bolas.

La deuxième salle traite de trois sujets : Carmen Miranda, l’icône brésilienne, les bals masqués et la mode et le carnaval.

Actrice et chanteuse, Carmen Miranda est née à Rio et connut une véritable apogée artistique dans les années 1940, en tant que chanteuse, puis actrice à Hollywood. Son style vestimentaire particulier (turban, blouse courte à manches bouffantes et jupe longue à taille haute) valorise ses mouvements de hanche, au point d'en faire bientôt le symbole du carnaval pour la plupart des Brésiliens. Et la Banda Carmen Miranda de connaître un grand succès au cours des années 1990. Quant à Carmen, elle devient une source d'inspiration pour les drag-queens défilant dans les rues d'Ipanema. Sa Banda regroupe ainsi transformistes, drag-queens et travestis célèbres.

Les bals masqués, qui datent du 19ème siècle, constituent pour les élites un espace de diversion en liaison avec le carnaval populaire. C'est en 1932 que la mairie de Rio crée un bal de carnaval officiel, le « Bal du Municipal », à l'intérieur du grand opéra de la ville, le Theatro Municipal. Cet événement réunit la société brésilienne et des personnalités internationales de passage. Ici, le code vestimentaire consiste en un smoking, une robe de gala ou autres déguisements luxueux. Au cours des années 1960, époque où les écoles de samba et groupes de carnavaliers se multiplient, ces bals deviennent des espaces de libération et le reflet du début de la révolution sexuelle, avant d'être peu à peu délaissés au profit des blocos, nouveaux lieux d'affirmation des différences. Toutefois, on assiste depuis la dernière décennie au retour du bal masqué, dans des hôtels de luxe ou sous forme de bals organisés par des artistes.

La visite de cette deuxième salle s'achève par la découverte d'une partie de la collection 2019 d'Alexia Hentsch, « La vie en rose », composée de pièces taillées sur mesure. Cette créatrice de costumes participera ainsi à la conception et à la production des tenues des cérémonies d'ouverture et de cloture des J.O de Rio de 2016. Depuis, Alexia alterne entre la mode et le costume, entre les créations pour le carnaval de rue et la mode, ou bien œuvre pour la marque brésilienne Farm.

 

La salle 3 aborde les écoles de samba, le thème du carnaval, et le Carnavalesco :

Une école de samba est une structure sociale et culturelle installée au centre d'une ville ou dans les banlieues populaires, avec, pour objectif, de participer à la compétition officielle du carnaval. Il s'agit alors de construire un spectacle complet. Cela demande des moyens financiers que l'école obtient notamment en faisant payer un droit d'entrée aux spectateurs assistant aux répétitions du spectacle. Cet argent sert ainsi à réaliser des missions sociales (aide, éducation et emploi dans la fabrication des costumes et des chars). L'école comprend toujours un corps fixe de travailleurs permanents et se partage entre les artistes (compositeurs, arrangeurs musicaux, membres de l'orchestre, et danseurs) et les personnes produisant les chars, les costumes et les instruments. Elle fonctionne à l'échelle d'un quartier et peut rassembler jusqu'à 4000 adhérents de tous les pays du monde, selon sa notoriété.

Chaque année connait immanquablement son carnaval. Et chaque année, un thème (enredo) est choisi, c'est à dire l'histoire qui sera présentée par l'école et déterminera toute la composition du défilé. Ces thèmes peuvent être très divers selon les écoles même s'ils s'articulent autour des origines et de l'identité du peuple brésilien, des régions et des coutumes du Brésil, de la culture et de l'histoire du pays.

La création d'un spectacle nécessite un designer et un metteur en scène. Ce personnage est tout trouvé en la personne du Carnavalesco : personnage central, son rôle consiste à imaginer et à transposer le thème du carnaval en langage plastique et visuel. Il (ou elle) va donc écrire le scénario du défilé en de multiples langages et expressions artistiques comme la samba (paroles, musique et danse), les fantasias (costumes et accessoires) et les alegorias (chars avec leurs décors et figures allégoriques), puis réalise les dessins des costumes et des chars, assure et gère les opérations nécessaires à la fabrication des divers éléments du défilé. Ce métier de carnavalesco se professionnalisera à partir des années 1960, à une époque où les défilés deviendront de plus en plus sophistiqués. Et depuis, toutes les écoles ont pris l'habitude de perpétuer cette tradition de théâtralisation des défilés.

La majeure partie des traditions du carnaval populaire de Rio provient de coutumes africaines et c'est cet héritage africain qui est abordé dans la salle suivante : on retrouve dans les costumes certains éléments récurrents chargés de symboles (tissus à motifs, aux couleurs contrastées, et d'origine naturelle, amulettes d'os, de cornes et de dents, figurines représentant des dieux et des déesses (orixas), offrandes de fruits, colliers de perles, coquillages (cauris), ou plumes...) mais également des masques en bois, et autres matériaux rustiques de formes variées conférant à celui qui les porte pouvoirs et force surnaturelle et divine.

 

Salle 5, sont abordés des thèmes de défilés qui s'intéressent à la dénonciation d'injustices et de menaces, ou à la revendication de différents problèmes politiques, écologiques, voire universels. On retrouve les conditions de vie des populations indigènes, la place des femmes dans la société, et la défense des ressources naturelles. Une façon de rendre hommage aux peuples indiens comme cet exemple de l'école Portela qui raconta l'histoire du peuple indien Tupinamba arrivant à Rio et se croyant parvenu au paradis.

Dans la salle voisine, le visiteur découvre les influences françaises, qui se distinguent par des costumes de style historique, élégants taillées dans des tissus satinés et brillants, garnis de dentelles et brodés de sequins et de paillettes. Les influences royales sont souvent choisies pour incarne la France avec habit à la française, panier pour la robe et crinoline pour les bahianaises.

La salle 7 nous fait entrer dans le vif du sujet, à savoir la fabrication des costumes. Cell-ci reste artisanale et est réalisée grâce à des petites mains féminines et masculines, au sein de l'atelier de l'école. Des prototypes sont d'abord créés pour tous les groupes, qui serviront à leur tour de modèles à la confection des costumes définitifs. Les costumes-phares, ceux des destaques, des maitres de cérémonie, des porte-drapeaux et des reines de batterie sont alors fabriqués par d'autres ateliers réputés pour leurs compétences et spécialités.

 

Et voici la Cité de la Samba (salle 8) : cette fameuse cité est en réalité caractérisée par d'immenses hangars situés dans la zone portuaire de la ville, qui abritent les ateliers des douze principales écoles de samba de Rio de Janeiro, sur une surface de plus de 100 000m2. Ces ateliers disposent de toutes les ressources nécessaires (bureaux, entrepôts, ateliers de décors, de sculpture et de couture) à l'intérieur de cette Cité de la Samba, qui est fonctionnelle depuis 2006. Sur place, les touristes peuvent essayer des costumes et des accessoires mis à leur disposition, danser avec une troupe, ou apprendre la samba.

Dans un défilé, porte-drapeau et maitre de cérémonie ne sont jamais loin (salle 9) et forment un couple chargé de valoriser et de défendre les couleurs de l'école dont il porte les emblèmes. Ces emblèmes sont caractérisés par les costumes du couple et par un drapeau (uniquement porté par la femme, celui-ci représente les couleurs et l'emblème de l'école). A la différence des autres participants, le couple ne danse pas la samba mais une chorégraphie spécifique et rythmée, avec variations et gestes coordonnés. De leur côté, les chars allégoriques forment de grands ensembles scénographiques montés sur roues qui peuvent atteindre plus de quinze mètres de hauteur. Richement décorés, ils illustrent le thème choisi par l'école. Leur fabrication est un processus de création collective qui prend plusieurs mois, mobilise plusieurs techniques et une importante main d'oeuvre. Un sens d'organisation aigu est indispensable car la construction d'un char ne s'improvise pas et fait intervenir les ateliers dans un ordre bien défini : l'atelier de ferronnerie, l'atelier de menuiserie, celui de sculpture,de la peinture d'art, et l'atelier des ornements.

En salle 10, nous découvrons ce que représente les alas : ces groupes de 100 à 300 personnes défilent dans une école de samba, vêtus de costumes similaires, en prenant place entre les chars allégoriques qu'ils encadrent en chantant et en dansant au rythme de la samba. Chaque ala est dirigé par un directeur d'harmonie chargé de conduire le groupe et de motiver celui-ci pour qu'il danse et chante comme il se doit.

 

Et la batterie et Reine de batterie d'entrer en scène (salle 11). Ce groupe de musiciens rassemble jusqu'à 300 ritmistas organisés par typologie d'instruments donnant l'impulsion le rythme et la cadence à l'évolution du cortège. Un chef de groupe commande l'orchestre de manière gestuelle tandis qu'un soliste (puxador) chante la samba tout au long du défilé de l'école. Seuls les instruments à percussion sont admis dans la bateria. Au tout début, le groupe de la bateria ne défilait pas costumé alors qu'aujourd'hui tous les musiciens portent un seul et même costume. La Reine de la Batterie véritable muse et marraine de l'orchestre, porte un costume sensuel et exubérant, tout en strass et en plumes. Dans cette salle est aussi décrite la samba, qui est à la fois un chant, une musique et une danse. Et le fruit d'une fusion de genres musicaux variés dont les percussions apportées par les esclaves africains au Brésil. Celle-ci, apparue au début du 20ème siècle, est appelée samba-enredo lorsqu'elle est composée pour le carnaval des écoles de samba.

Les Bahianaises (salle 12) sont généralement très attendues car il s'agit de l'Ala la plus traditionnelle, exclusivement réservée aux femmes, souvent âgées de soixante ans et plus, et considérées comme les « mères de la samba ». D'origine et de niveau social différents, des femmes sont ainsi nommées en l'honneur des femmes de la province de Bahia (Nordeste du Brésil). L'ala das Baianas est un groupe obligatoire pour chaque école prétendant défiler depuis les années 1930. On compte au moins 70 danseuses par groupe et ces femmes revêtent des costumes directement inspirés des tenues traditionnelles portées au 19ème siècle par les femmes qui occupaient les rues de Rio de Janeiro pour vendre des petits plats sucrés et salés sur leurs plateaux. Leurs vêtements très volumineux, de couleur blanche et garnis de dentelle, sont composés de jupes pouvant atteindre une amplitude de cinq à six mètres de circonférence.

 

Cette exposition ne serait pas complète si l'on abordait pas le Sambodrome (salle 13). Ce nom fut donné à l'avenue Marquès de Sapucai située dans le quartier ouest du centre-ville de Rio où défilent tous les ans depuis 1984, les écoles de samba lors du carnaval. Avant cette date, le carnaval avait lieu dans divers endroits de la ville, mais historiquement, le lieu traditionnel était surtout l'avenue Presidente Vargas. Même si son nom officiel reste Passarela do Samba Darcy Ribeiro, le terme sambodromo finit par devenir plus populaire. Construit par Oscar Niemeyer, célèbre architecte brésilien, le sambodrome forme une avenue de 700 mètres de long et de 13,5 mètres de large avec une surface total de 85 000m2, bordée de part et d'autre de hauts gradins, tribunes et loges. Notons que seules les écoles des deux groupes principaux y défilent alors que les autres catégories, elles, déambulent dans l'avenue Intendente Magalhaes (dans l'ouest de la ville).

Achevons cette passionnante visite avec les destaques, placés la plupart du temps au sommet des chars. Ceux-ci représentent des personnages ou des éléments symboliques du thème choisi par chaque école. Littéralement, destaque signifie se démarquer, sortir du lot. Le poids conséquent de leur costume ne leur permet pas de danser, d'où leur mise en avant au sommet du char, place centrale et privilégiée. Le costume est en effet le plus élaboré et le plus imposant du défilé. Il est composé d'un esplendor (sorte d'auréole derrière le destaque, pouvant atteindre plusieurs mètres d'envergure) et d'une coiffe souvent volumineuse. Des ateliers de couture sont spécialisés dans leur confection et certaines pièces sont de véritables créations de haute couture.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Carnaval de Rio », jusqu'au 30 avril 2022, au Centre national du costume de scène et de la scénographie, Quartier Villars, Route de Montilly, à Moulins (03) https://www.cncs.fr/
  • Catalogue de l'exposition, « Carnaval de Rio », en vente sur place. 152 pages et 29€.

  • Merci à l'agence Pierre Laporte et Alice Delcharlety pour son aide précieuse








 



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