Revoir le globe
Top


Exposition "Un bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo
(18è-19è siècle)" (Maison de la culture du Japon à Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 7 novembre 2022

 

Pour son 25ème anniversaire, la Maison de la culture du Japon à Paris nous convie à découvrir une exposition centrée sur les liens des citadins japonais à l’époque Edo avec l’animal et la nature : « Un Bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo (XVIIIème-XIXème siècle) », accessible du 9 novembre 2022 au 21 janvier 2023. Elle réunit plus d’une centaine d’oeuvres variées évoquant l’histoire des relations des habitants de la ville d’Edo (qui deviendra Tokyo en 1868) avec les animaux et témoignant de la culture à laquelle cette coexistence a donné naissance. Tout au long de la visite, le public peut ainsi appréhender la symbiose existante entre l’homme et l’animal ainsi que l’attention portée à l’environnement naturel de la ville d’Edo, à travers les estampes ukiyo-e, des documents historiques et des peintures représentant des personnes aux côtés des bêtes, et des objets du quotidien ornés de motifs animaliers.

 

De 1603 à 1868, l’ère Edo offre aux Japonais une période de paix particulièrement longue durant laquelle le gouvernement militaire siège à Edo, l’actuelle Tokyo.

Edo est alors une très grande ville en plein développement, qui compte déjà un million d’habitants au début du 18ème siècle. Des habitants qui vivent aux côtés de toutes sortes d’animaux, qu’il s’agisse d’animaux domestiques et d’élevage ou d’animaux sauvages vivant dans des espaces naturels à la lisière de la cité du shogun.

Les quelques étrangers de passage dans Edo témoignent de ce qu’ils observent, en remarquant avec quel soin les conducteurs de pousse-pousse évitent chats, chiens et poules présents sur la route. Et de rajouter qu’aucun mouvement de colère ou de mauvais traitement envers ces créatures n’ont jamais été relevés.

 

C’est sur quelques photographies et sur une citation du naturaliste américain Edward S.Morse que s’ouvre l’exposition...

L’homme est arrivé au Japon en 1877 pour enseigner à l’Université de Tokyo et est immédiatement saisi par la gentillesse avec laquelle les Japonais traitent les animaux, notant qu’il n’est pas rare que les citadins s’écartent de leur chemin pour contourner chiens et chats se prélassant sur la chaussée, tout en les interpellant à l’aide du suffixe honorifique « san » (signifiant Monsieur/Madame).

 

Le dessinateur français Georges Bigot, qui séjournera au Japon dix-sept années durant à partir de 1882, nous gratifie d’une de ses œuvres montrant la vie quotidienne dans l’archipel à cette époque en illustrant avec un certain humour la cohabitation entre animaux et humains. La lithographie « Le Boucher », qu’il réalise en 1883 dépeint une scène de préparation de la viande observée attentivement par une jeune femme qui porte son enfant sur le dos et par un chien du quartier. L’animal guette la chute de morceaux de viande qui ne saurait tarder. Cette image humoristique décrit un quotidien dans lequel les chiens errants n’étaient pas chassés mais acceptés le plus naturellement du monde.


 

A quoi Edo ressemble t-elle en 1634 ?

 

« Les Paravents d’Edo » conservés au National Museum of Japanese History (dont la Maison de la culture du Japon à Paris possède une réplique) représentent avec force détails l’aspect de la capitale japonaise de l’époque et de ses faubourgs au 17ème siècle.

On y voit de nombreuses scènes représentant le shogun Iemitsu chassant cerfs et sangliers, ou une scène de chasse à l’aide d’un faucon, des montreurs de singes, des chiens errants en train de se battre, des bœufs de labour ou des chevaux sacrés de monastères shintô...

Cette œuvre, qui se présente sous la forme d’une paire de somptueux paravents de 3,60 m de long, est un précieux document permettant de mieux comprendre les liens entre les humains d’alors et le monde animal dans la ville.

 

Parmi cette gente animalière, on distingue les animaux domestiqués : ceux-ci sont classés en deux groupes :

 

- Les animaux utilisés pour le travail :

 

Les chevaux, les bœufs et les chiens y figurent en bonne place et leurs rôles sont décrits en lien avec la vie de la noblesse guerrière, des paysans ou des commerçants.

Edo, qui est à l’époque la capitale des guerriers, explique pourquoi on y trouve une forte présence de chevaux militaires dans les premiers temps. Puis, le développement de la paix durable va impliquer progressivement ces chevaux dans le soutien de la vie citadine, en les utilisant comme chevaux de trait. Les bœufs, eux, sont utilisés dans le transport des marchandises et pour le labour dans les zones rurales.

 

L’exposition nous offre d’admirer un rouleau illustré, « Cortège d’une mission diplomatique coréenne » (Ono Tôrin,1682) qui décrit l’ambassade de bonne volonté coréenne se rendant au Japon à l’occasion de la nomination du Vème shogun Tokugawa.

L’oeuvre montre des dépouilles de tigres destinées à être offertes au shogun sur des palanquins, au milieu d’un cortège d’hommes sur des chevaux.

Plus de mille chevaux étaient alors nécessaires pour chacune de ces ambassades. Les animaux étaient fournis par les seigneurs des fiefs pour les montures des membres de la délégation et par les villages situés le long de la route du Tôkaido, pour les animaux de bât.

 

- Les animaux de compagnie : Nous l’avons vu plus haut, Edo jouit à cette époque d’une longue période de paix qui offre aux habitants le loisir de profiter de la vie et de se divertir.

On assiste ainsi au développement d’un certain nombre d’activités culturelles et l’on prend l’habitude de s’entourer d’animaux de compagnie. Petits chiens, chats et oiseaux (rossignols et cailles) et même des insectes (comme les criquets ou les grillons, dont on apprécie le chant) agrémentent alors la vie de propriétaires soucieux d’apporter à leurs protégés les meilleurs soins. Et de s’inspirer d’estampes ukiyo-e et autres ouvrages de référence publiés à cet effet.

 

Au début de l’époque Edo,on compta toujours plus d’amoureux des cailles, oiseaux appréciés pour la beauté de leur chant, et des concours de chant furent organisés.

L’oeuvre d’un anonyme, intitulée « Paravent du concours de chants de cailles » (en photo ci-dessous) montre guerriers, marchands et moines qui présentent avec fierté leurs oiseaux.

 

Ces concours, lieux d’échanges regroupant les amoureux des cailles, intéressera toutes les classes sociales (y compris les classes dirigeantes).

Une estampe nishiki-e, « Célèbres lapins d’aujourd’hui » (auteur anonyme), datant du début de l’ère Meiji, décrit l’engouement des Japonais pour l’élevage de lapins entre 1871 et 1873, tout particulièrement pour les spécimens aux nouveaux types de pelages obtenus par croisements.

Ces élevages, qui donneront malheureusement lieu à des spéculations, escroqueries (allant jusqu’à teindre artificiellement le pelage des pauvres bêtes), et même à des meurtres, finiront pas être sévèrement encadrés par les autorités de Tokyo (avec interdiction des concours et punition des abus).


 

Le deuxième groupe d’animaux abordés dans cette exposition concerne les bêtes sauvages.

 

Durant toute l’époque Edo,, la noblesse guerrière se livre à la pratique régulière de la chasse dans les zones périphériques de la grande ville.On utilise alors le faucon, qui permet de capturer des oiseaux sauvages comme les grues, les oies et les canards.

De son côté, le shogun organise des chasses au cerf, visant surtout les cervidés, les sangliers, les lièvres et les faisans. Et les Japonais d’associer certains animaux sauvages à des croyances religieuses (comme le renard, connu pour être le messager d’Inari, dieu des moissons).

 

Comme nous le décrit l’oeuvre de Yôshu Chikanobu en 1897, « Enceinte extérieure du château de Chiyoda : La prise de la grue » (ci-dessous), la capture de la grue constitue l’un des évènements du calendrier annuel des shoguns mis en place dès le milieu de l’ère Edo. Chaque année, après le début de la saison froide, le shogun lâchait l’un de ses autours pour capturer le bel oiseau blanc, lequel était ensuite offert à la cour de Kyoto, ou donné à des seigneurs de fief.

Sur cette scène, on remarque des valets de chasse maintenant la grue prise par l’autour. Pour attirer ces grands oiseaux sauvages,des terrains équipés d’appâts (nourriture) étaient dédiés à cette pratique, comme à Senjû, Shinagawa ou Mikawashima. Ces mêmes espaces étaient utilisés pour chasser les grues au vol. Une pratique rigoureusement administrée, avec des règles contraignantes pour préserver certains environnements naturels autour de la grande cité.


 

La suite du parcours évoque au visiteur l’existence des habitants d’Edo au rythme des quatre saisons.

 

La grande ville étant située entre collines et rivières, tout en restant ouverte sur la mer,les habitants vivaient en lien étroit avec la nature. Divers rites saisonniers marquaient ainsi le déroulement de l’année et les changements de saison offraient à chaque fois des paysages différents. Quant à la vie des animaux sauvages, elle était souvent liée aux croyances religieuses et au calendrier annuel.

L’estampe « Coutumes et bonheurs de l’Est : Les souris de la prospérité » (de Yôshû Chikanobu) datant de 1890 montre à quel point les souris sont alors considérées au Japon comme les messagères du dieu de la richesse, Daikokuten, au moins depuis le 14ème siècle, un dieu d’autant plus populaire à l’époque Edo qu’il est réputé porter chance, notamment en affaires.

Ainsi, trouver chez soi des souris au nouvel an était-il de bon augure pour la maisonnée. Ce qui explique sans doute l’attitude conciliante de la maitresse de maison et des deux jeunes filles figurant sur l’estampe face à des souris réclamant de la nourriture.


 

Nous voici maintenant devant la section qui aborde les animaux rares.

 

Au début du 17ème siècle, Edo s’urbanise rapidement et sa population devient friande de nouvelles attractions. L’une d’elle consiste à exhiber des animaux rares, comme des paons ou des perroquets, amenés par bateau de Chine ou de Hollande.

Des lieux spécifiques, agrémentés d’une boutique (proposant nourriture et boissons aux visiteurs) sont alors réservés pour exhiber ces animaux.

Devant le succès de la formule, et avec le développement du commerce avec l’Occident, le nombre d’animaux importés augmente et le Japon est contraint de bâtir des installations adaptées comme des zoos, aquariums et hippodromes, pour accueillir tout ce petit monde, dès le début de l’ère Meiji.

 

L’exposition présente au public « Grand éléphant des Indes nouvellement arrivé au Japon par bateau », œuvre de Ryôko (1863), ci-dessous en photo, représentant une éléphante indienne arrivée à Yokohama en 1862 depuis les Etats-Unis.

Les réclames annonçaient alors aux Japonais que le seule vue de l’animal apporterait la fortune aux spectateurs et les protègeraient contre les maladies. Inutile de préciser que, devant de tels arguments, le pachyderme se produira d’abord à plusieurs reprises à Edo, puis dans le Kansaï, poursuivant ainsi sa carrière durant plus d’une décennie.

Autre vue, celle représentant un zoo : «Zoo au printemps » (œuvre de Koizumi Kishio) constitue la 48ème vue de l’édition définitive des « Cent vues du Grand Tokyo à l’ère Showa et nous rappelle que le premier zoo japonais ouvrit ses portes le 10 mars 1882 à Ueno (Tokyo). La majorité des animaux présents provenaient alors de différents endroits du Japon et étaient ces mêmes créatures qui avaient été envoyées à l’Exposition Universelle de Vienne en 1873. Cette œuvre représente l’enclos aux girafes, qui accueillera les premiers spécimens achetés en 1933 à la ménagerie du cirque Hagenbeck. Ces grands mammifères, très populaires dès l’inauguration du zoo, donneront naissance à trois girafons.

 

La dernière partie de l’exposition est consacrée aux animaux dans les arts décoratifs.

Que ce soit sur les vêtements ou sur les objets du quotidien, les Japonais adorent porter toutes sortes d’animaux comme motifs décoratifs symbolisant réussite et bonheur. Quant aux jouets en forme d’animaux, ils connaissent toujours aujourd’hui le même succès. Longtemps, ces représentations d’animaux évoquèrent l’esprit d’une saison ou une démarche de bon augure. L’époque Edo donnera naissance à une vraie culture citadine mettant en avant les motifs décoratifs en forme d’animaux « kawaii » (mignons). Et kimonos et autres accessoires du quotidien de se parer de motifs animaliers symbolisant les quatre saisons ou une image censée porter chance, à une époque où, le Japon connaissant une forte mortalité infantile, se lança dans la fabrication intensive d’amulettes et autres talismans protecteurs destinés à éloigner le mauvais sort des enfants.

Figurines et jouets auront aussi leur place de manière généralisée dans les foyers nippons à partir d’Edo, ces objets représenteront souvent des dessins ou des silhouettes déformés ou caricaturés d’animaux de compagnie ou faisant l’objet d’une croyance. Et cette tendance de s’être poursuivie durant l’ère Meiji, avec, encore aujourd’hui, cette préférence pour l’aspect mignon des figurines.

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Un bestiaire japonais. Vivre avec les animaux à Edo-Tokyo », du 9 novembre 2022 au 21 janvier 2023, à la Maison de la culture du Japon à Paris, 101 bis, quai Jacques Chirac, à Paris (15ème).www.mcjp.fr

  • Catalogue de l’exposition : 160 pages, 22€.










 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile