Revoir le globe
Top


Le Sanctuaire Kameido Tenjin
(Tokyo, Kanto, Japon)
Heure locale


Lundi 14 mai 2012

 

De passage à titre professionnel dans la capitale nippone, je m'en vais faire un tour du côté du sanctuaire Kameido Tenjin. Il y a encore une semaine de cela s'y déroulait la fête des glycines. Malheureusement, j'arrive trop tard et pour la fête, et pour les glycines. Connu aussi pour son pont voûté (photo ci-dessous), ce sanctuaire porte aussi le nom de sanctuaire fleuri. On y trouve, selon les saisons, des pruniers puis les glycines (à partir de la fin avril). La floraison des pruniers, elle, a lieu de la fin janvier à février et donne l'occasion de vivre la fête des pruniers en fleurs (Matsuri Ume). Vers la fin avril jusqu'à début mai, les glycines offrent à leur tour leurs superbes grappes fleuries. C'est alors la fête des glycines (Fuji matsuri). En fin d'année ( fin octobre à novembre) vient la saison des chrysanthèmes. On y célèbre alors le festival des chrysanthèmes (Kiku matsuri). D'où le surnom bien mérité du sanctuaire Kameido.

Autre spécificité de ce lieu : Les visiteurs y viennent pour prier pour la réussite scolaire de leurs progénitures, pour le bonheur du ménage, pour la conduite sécuritaire ou encore pour prendre part à des rites destinés à combattre le mal. Je ne suis pas en reste et dépose mon « ema » (petite plaquette en bois au dos de laquelle on écrit sa demande, en photo ci-dessous) parmi les autres vœux déjà présents.


 

Les fêtes qui se déroulent au sanctuaire Kameido sont autant d'occasions de se familiariser avec l'histoire et la culture du Japon, de rencontrer aussi des personnes de couches sociales diverses. Des foules se pressent alors pour des soirées interminables consacrées à admirer les nombreuses grappes fleuries de ces nombreuses glycines qui peuplent les jardins du sanctuaire et les illuminations qui vont avec. On y compte en effet quinze treillis rassemblant au total une centaine de pieds de cette fleur omniprésente de couleur pourpre pâle.

Le sanctuaire Kameido honore aussi ce gros radis japonais (daikon) qui sauva à maintes reprises la population tokyoite de la disette, lors des sécheresses. Encore une autre occasion d'adresser ses remerciements aux dieux du sanctuaire.


 

De nombreux artistes ont dépeint et peignent encore de nos jours (photo ci-dessous) les beautés des jardins du sanctuaire Kameido : Avec la chute du shogunat et la restauration de l'Empereur, le Japon entame un processus de modernisation. Les voyageurs français, eux, diffusent alors l'image d'un pays rural dominé par la nature. On exalte ainsi les scènes naturelles au travers d'estampes qui sont présentées lors de l'Exposition universelle de 1867. Celles-ci nourrissent bientôt la réflexion de nombreux peintres impressionnistes comme Van Gogh qui peint « Les pruniers en fleurs »(1887). Les cent vues d'Edo (1856) peintes par Hiroshige contiennent « le jardin des pruniers à Kameido ». Chinakobu Toyohara, lui aussi peignit le sanctuaire Kameido. Il fut l'un des derniers maitres incontestables de l'estampe japonaise dans la deuxième moitié du XIX ème siècle. Son œuvre sera essentielle dans la transition entre l'uyiko-e traditionnel (qui signifie littéralement image du monde flottant et correspond non seulement à un mouvement artistique japonais de l'époque Edo mais aussi à une plaque en bois permettant la reproduction d'estampes en plusieurs centaines d'exemplaires) et le nouveau style shin-hanga. Le Japon alimente aussi les arts décoratifs et promeut l'image d'un pays « japoniste » (comme l'affirmera Zola dans son ouvrage « Au bonheur des Dames », ou encore Pierre Loti dans « Madame Chrysanthème »). Pour cette raison, le sanctuaire Kameido est davantage qu'un sanctuaire. C'est un lieu magique !


 

Ce sanctuaire fut aussi un endroit qui fut décisif pour le obi ( ceinture nouée autour du kimono). Nous sommes en 1817, dans le quartier de Fukagawa à Edo ( l'actuelle ville de Tokyo), sur le petit pont de Taikohashi dans le jardin du présent sanctuaire, déjà célèbre à l'époque pour ses glycines. Une geisha avait alors noué son obi dans une forme qui devait évoquer et célébrer l'atmosphère du paysage environnant : Pour maintenir le tout ensemble, elle s'aida d'une cordelette (obijime) et d'une ceinture enserrant le makura ( appelée obiage). Ainsi naquit le style taiko (du nom du petit pont) musubi, toujours communément utilisé de nos jours.

 

Quel est le sens du mot Tenjin ? On retrouve en effet ce terme dans le nom du sanctuaire (Kameido Tenjin). Tenjin signifie le dieu de la culture. Ce titre se réfère à l'esprit de Sugawara no Michizane, homme érudit et conseiller impérial éminent. Cet homme lettré, poète et homme politique du Japon vécut sous l'ère Heian. Ministre de l'empereur Daigo, il sera contraint de s'exiler sur l'île de Kyushu, sous la pression de la puissante famille Fujiwara. Réhabilité après sa mort (en 903) il est depuis vénéré par le peuple nippon, qui en a fait un dieu de la culture nommé Tenjin. C'est pour cela que les étudiants ont pris l'habitude d'invoquer ce personnage pour leur porter chance aux examens.

 

Les plans d'eau du sanctuaire Kameido sont habitées par des dizaines de tortues (photo ci-dessous). Cet animal aquatique apparaît aussi bien dans l'art que dans la culture populaire et revêt des symboliques différentes selon les régions. Si elle est symbole de lenteur en Europe occidentale, la tortue représente la chance et la longévité au Japon. Considérée comme une créature de bon augure, elle est supposée apporter 10 000 ans de bonheur. D'où l'intérêt des visiteurs pour cette petite bête qui cherche souvent à se faire une place au soleil dès que les premiers rayons apparaissent.


 

Lors de la floraison des glycines, des centaines de grappes de fleurs d'une couleur violette pâle virevoltent avec grâce au vent sous les treilles qui occupent les jardins du sanctuaire Kameido. Le lieu est calme et reposant (même sans la floraison des glycines) et attire de nombreux promeneurs. Ces glycines,omniprésentes, ont une histoire : Elles furent plantées sous l'ère Edo et on rapporte que les shoguns Tsunayoshi et Yoshimune (respectivement 5 ème et 8 ème du rang) venaient régulièrement les admirer. On les retrouva plus tard comme motifs dans de nombreuses estampes d'ukiyo-e, ce mouvement artistique japonais de l'ère Edo comprenant non seulement une peinture populaire et narrative originale mais aussi et surtout les estampes japonaises gravées sur bois. Le sanctuaire Kameido est ainsi un ilot de nature et de poésie, inséré dans des quartiers populaires qui ne manquent pas de charme. La glycine Wisteria rencontrée ici est une de ces plantes ligneuses et grimpantes dont certaines espèces (comme les glycines) sont cultivées comme plantes d'ornement en raison précisément de leurs grappes de fleurs printanières et de leurs épais feuillages. La longueur des inflorescences varie de 10 cm à ...un mètre dans certains cas.Les véritables espèces du genre glycine restèrent longtemps méconnues du grand public et ne prirent pas tout de suite le nom vernaculaire de « glycine ». C'est au début du XIX ème siècle qu'une nouvelle espèce dans le genre glycine fit son entrée : Glycine Max, ou soja. Un vrai décalage eut alors lieu entre langue courante et langue scientifique. En effet, le soja est comestible ( et reste l'espèce la plus connue du genre Glycine) alors que les glycines du genre wisteria (que l'on trouve au sanctuaire Kameido, et qui ne sont pas du tout du genre scientifique glycine) ont des graines toxiques. Allez- y comprendre quelque chose, la nature offre parfois de ces complexités... Quoiqu'il en soit, les fleurs de glycines ont une croissance vigoureuse pouvant atteindre annuellement plus d'un mètre si les conditions optimales sont fournies. ET il n'est pas rare d'observer des sujets âgés qui ont atteint des tailles impressionnantes.

 

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Sanctuaire Kameido Tenjin , 3-6-1 Kameido, Koto-ku, Tokyo: Pour vous y rendre, empruntez la ligne de métro JR Sobu Line et descendez à la station Kameido. A la sortie de cette station, demandez au guichetier JR (au niveau des portillons) le plan du quartier. Puis marchez 15 minutes en suivant l'itinéraire (simple) qui vous est donné. Entrée libre.

     

    La fête des glycines a traditionnellement lieu chaque année du 24 avril au 5 mai.

  • YES TOKYO, site officiel de loffice de tourisme de la ville de Tokyo : http://www.yes-tokyo.fr/







Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile