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Le Musée Odako du Cerf-volant à Shirone
(Préfecture de Niigata, Japon)
Heure locale

Dimanche 8 juillet 2012

 

Ma journée d'hier fut tellement arrosée ( à cause de la pluie) que j'avais prévu aujourd'hui de me mettre à l'abri. Dans un musée par exemple. C'est ainsi que je me suis rendu tôt ce matin à Shirone, dans la campagne, à une heure d'autobus de Niigata. Là se tient le musée Odako des cerfs-volants qui est la plus importante exposition de cerfs-volants dans le monde. Je m'étais au préalable renseigné sur mon moyen de transport et pris finalement le bus ce matin à 7h18. On est réveillé tôt au Japon et il est très instructif de se lever tôt, même un dimanche, car on découvre la vie locale: Des groupes de lycéens qui se rendent en tenue de sport à des épreuves sportives, des enfants qui profitent de leur jour de repos pour nettoyer les rues de leur ville, armés de pinces et de sacs en plastique...J'ai d'ailleurs parfois éveillé la curiosité de certains enfants qui m'apercevaient à la vitre de l'autobus, lors d'un arrêt. Les Japonais sont très sociables et vous reçoivent merveilleusement. Je le vérifie tous les jours. Tenez, encore ce matin, le chauffeur de bus m'a averti lorsqu'il fut temps pour moi de descendre à Shirone. En plus, tout est parfaitement réglé: Les moyens de transport sont à l'heure, les prix annoncés sont les bons, quel professionnalisme!

Shirone est une petite ville de 50 000 âmes environ, qui fut fondée le 1er juin 1959. Elle fusionna en 2005, comme d'autres villes environnantes, avec la communauté urbaine de Niigata. Outre le festival des cerfs-volants, on peut assister à la floraison de l'arbre satsuki (une sorte d'azalée), cueillir les grappes de raisin ou encore profiter de la floraison de ces champs de tulipes dont les bulbes sont ensuite exportés dans le monde entier.


Le musée du cerf-volant de Shirone a été créé en août 1994 pour permettre à un large public de découvrir un grand nombre de cerfs-volants mais aussi pour aider à promouvoir la fête annuelle de la ville qui consiste en une bataille de ces engins volants entre treize équipes réparties sur les deux rives de la rivière locale Nakanokuchi. Cela fait 300 ans que chaque année, au début du mois de juin, se tient le festival international de cerfs-volants. Cette fête trouve ses origines dès le XVIII ème siècle (durant l'ère Edo) et reste l'évènement de Shirone le plus couru du moment après la plantation du riz. Malgré des débuts difficiles (les premières batailles de cerfs-volants, autrefois, atterrissaient souvent sur les maisons en les endommageant) cette manifestation trouva sa place au fil des ans. La bataille des cerfs-volants géants se déroule au-dessus de la rivière Nakanokuchi qui est large de 80 mètres ( et qui est un affluent de la rivière Shinano).

Les treize équipes ( six équipes de la rive Est et sept équipes sur la rive Ouest) vont, chacune à leur tour, lancer leurs engins dans les airs puis les font survoler la rivière à une altitude assez basse, de manière à ce que les cerfs-volants concurrents entrelacent leurs cordages et tombent finalement dans l'eau. A ce moment-là, le vent doit venir du nord et sa force est déterminante pour la suite.32 à 50 personnes sont alors nécessaires pour élever les cerfs-volants géants dans les airs. Commence alors une course contre la montre au cours de laquelle chaque équipe va tirer le plus fort possible sur la corde de son cerf-volant en essayant de faire rompre la corde de l'équipe adverse pour remporter la bataille. Petits et grands, jeunes et anciens, et même les touristes de passage tirent alors ensemble sur la fameuse corde faite de chanvre. Celle-ci a été confectionnée avec le plus grand soin par un spécialiste, durant une centaine de jours, de façon à la rendre la plus résistante possible. Elle mesure 130 mètres pour un poids avoisinant les quarante kilos. On trouve alors son rythme en scandant »Wasshoi » jusqu'à ce que les gagnants e cette lutte à la corde crient à leur tour « Banzai ». En 1932, cette lutte dura quatre heures.

Le but de cette compétition n'est pas tant de gagner que de participer à une manifestation qui fédère et resserre les liens des populations des deux rives. Solidarité, amitié , cohésion et enthousiasme sont les points forts de cette compétition. Mais, avant cela, d'autres équipes auront dû fournir des efforts importants afin de créer, construire, peindre et régler les futurs engins, comme le montre la peinture ci-dessous. Il s'agit avant tout d'un travail collectif.


Les cerfs-volants sont divisés en deux classes: Les cerfs-volants géants rectangulaires et les petits cerfs-volants hexagonaux. Les grands cerfs-volants sont surnommés Odako (5 mètres sur 7). Ils requièrent une cinquantaine de personnes pour les manœuvrer. La solidité des cordes est si importante qu'il n'est pas rare que les artisans prient afin d'obtenir des cordes solides. Les petits cerfs-volants hexagonaux, eux, sont appelés rokkaku-dako et sont au moins deux fois plus petits que les précédents. Nous l'avons vu, treize équipes font voler des cerfs-volants géants lors de la bataille. Mais chaque équipe a besoin de 15 à 30 cerfs-volants pour participer à la compétition ( puisqu'il y aura de la casse). On parvient à un total de 300 cerfs-volants qui doivent être fabriqués chaque année pour cette manifestation. Quant aux petits cerfs-volants hexagonaux, ce sont cinquante équipes participantes qui s'emploient à envoyer dans les airs un total de ….1200 engins!

Dès le mois de mars, on commence à fendre le bambou qui servira de structure pour les futurs cerfs-volants. Savoir-faire et expérience sont alors indispensable pendant cette étape. Après avoir savamment constitué la structure de l'engin (ci-dessous), on s'emploie à habiller le cerf-volant à l'aide d'une voilure. Celle-ci est conçue à l'aide de 324 feuilles de papier washi (ce papier japonais extrêmement résistant) collées les unes aux autres (c'est le nombre de feuilles nécessaire pour un cerf-volant géant). Vient ensuite le moment de donner vie à l'objet en y dessinant des dessins uniques pour chaque pièce (chaque équipe a ses propres motifs et ce pendant des années durant), dessins qui seront ensuite peints à l'encre et avec des couleurs chatoyantes. Les dessins ressemblent parfois à des guerriers de style ukiyoe, ou bien à des personnages de kabuki, des visages de la mythologie japonaise ou encore à des papillons ou à des daurades. Enfin, le moment délicat est celui qui consiste en la pose des codes (emplacement du guide hanao). Cette étape est primordiale car d'elle, dépendra le bon vol (ou pas) de l'engin.

Lors de la fête des cerfs-volants de Shirone, les enfants ne sont pas oubliés: Une compétition est spécialement organisée à leur attention, et chaque participant utilise un cerf-volant rectangulaire de petite taille. C'est un bon moyen pour les jeunes de découvrir cette activité et d'y prendre goût pour ensuite participer aux grandes manifestations dans les années futures, de génération en génération.

Le festival des cerfs-volants de Shirone attire les foules et suscite l'enthousiasme depuis 300 ans, même à l'étranger. Ainsi, à Paris lors d'un festival international en 1976, où furent exposés seize engins hexagonaux devant un public conquis. Ou comme à Seattle, où se déroula le Festival des cerfs-volants géants de Shirone, trois ans plus tard.


J'arrive sur les coups de neuf heures au musée et Hiromi Endo, ingénieur de la télévision NHK à la retraite, vient m'accueillir. « Vous êtes le premier français à visiter notre musée » me dit-il. « So desu ka »(vraiment?). Il ne me quittera plus durant l'heure et demie que durera la visite des lieux. Il me présente au directeur du musée, Monsieur Yukio Kondo, à qui je remets également ma carte de visite. Je commence par la projection d'un film d'une dizaine de minutes sur la bataille des cerfs-volants géants, en 3D. Film extrêmement instructif et qui vous donne la sensation d'être dans la manifestation car vous vivez les scènes en relief (grâce aux lunettes spéciales 3D). Hiromi m'accompagne ensuite et me fait faire le tour du propriétaire, à commencer par une photo gigantesque de la rivière au-dessus des rives de laquelle figurent les treize cerfs-volants correspondant aux treize équipes participantes à la bataille du festival annuel (ci-dessus). Plus loin, plusieurs salles offrent d'admirer des centaines de cerfs-volants venus de tout le Japon. Il y en aurait 600 au total (photo ci-dessous), originaires des régions du Kinki, Chugoku, et de Shikoku , de la région de Michinoku, du Kanto, de Tokai (à l'est du pays), et de l'île de Kyushu.


J'en aperçois un qui vient de Fukushima et qui représente un kintaro (golden boy) (à gauche sur la photo ci-dessous), un héros populaire du folklore japonais. Enfant d'une force surhumaine, il aurait été élevé par une sorcière du Mont Ashigara. S'étant lié d'amitié avec les animaux de la montagne, il capture un jour Shutandouji, la terreur de la région, puis devient un fidèle disciple de Minamoto no Yorimitsu. Figure populaire du théâtre Noh et du kabuki, il est courant de disposer dans le foyer une poupée de kintaro le jour de la fête des garçons en espérant que ces derniers deviennent aussi forts et courageux que notre héros légendaire. Il y en a un autre de Sukashi (Japon) puis d'Hammamatsu. Puis encore un autre de Saitama. Vous retrouverez de nombreuses photos de ces engins dans l'album Asie de la médiathèque du site.


Au deuxième étage se trouve la galerie rassemblant les cerfs-volants originaires de plusieurs pays d'Asie (Vietnam, Inde, Thailande, Chine... ). Ci-dessous, par exemple, un cerf-volant constitué de feuilles d'arbres collées les unes aux autres et provenant de Thailande. Les cerfs-volants chinois sont aussi remarquables. D'anciens textes chinois font remonter l'origine du cerf-volant au IV ème siècle avant J.C. On prétend que les premiers engins proviendraient de la ville de Weifan. Ce pays en fit avant tout une utilisation militaire pour évaluer les distances, porter les messages ou tout simplement pour effrayer l'ennemi. On mentionne même des cerfs-volants porteurs d'hommes (comme dans les récits de Marco Polo). Et le premier être humain à s'élever dans les airs le fera en cerf-volant, bien avant l'arrivée de la montgolfière. Toujours en Chine, on trouve des cerfs-volants musicaux (en Chine du sud notamment), et aussi des cerfs-volants pliables (compacts) donc très facilement transportables.

 

Hiromi m'invite à entrer dans le tunnel du vent. Cette invention permet de s'initier au cerf-volant et je dois avouer que je ne suis pas très doué pour ce genre de sport. Hiromi, lui, y arrive parfaitement. Regardez plutôt les photos ci-dessous. Manipuler cet engin me semble nécessiter un doigter qui ne s'acquiert pas du jour au lendemain, en tous les cas, pas en quelques minutes. Une dame japonaise s'y collera aussi, sans obtenir plus de résultat. Ouf! Mon honneur est sauf.


Voici maintenant la galerie des cerfs-volants d'Europe et des Etats Unis. Hiromi attire mon attention en direction d'un engin ressemblant à une chauve-souris (ci-dessous). Il s'agit d'un cerf-volant français, datant de 1900, un cadeau offert par Pierre Fabre au musée. Pierre Fabre est cerf-volantiste et appréhende le vent comme une matière sculptante qui donne forme à ses créations (dont des cerfs-volants). Visiter le musée Odako de Shirone, c'est aussi faire le tour du monde: Me voici dans les Iles Salomon, face à des cerfs-volants végétaux (ci-dessous). Juste à côté, j'admire deux cerfs-volants polynésiens (deuxième photo). Le musée permet enfin au visiteur que je suis de me plonger quelques instants dans les traditions japonaises. Nous traversons en effet, Hiromi et moi, quelques salles rassemblant des objets traditionnels nippons qui servirent à la vie quotidienne des habitants locaux (quatrième photo): Habits, outils, et même une reconstitution d'une maison japonaise avec son toit en chaume. Ces objets furent parfois découverts dans des ruines de ces plaines inondées de la rivière Shinano et témoignent de l'acharnement de l'homme à faire face aux offensives constantes de l'eau.


 

La visite touche à sa fin et je dois avouer ne pas avoir vu le temps passer en compagnie de mon guide fidèle. Et encore n'ai-je pas pas participer à toutes les activités disponibles sur ce site. Il est en effet possible pour petits et grands de confectionner son propre cerf-volant avec l'aide d'un instructeur. Quant au tunnel du vent, il vous permet d'observer le mouvement de l'air et ses effets sur le cerf-volant. Les deux sont partenaires et les changements de force et de direction du vent influent bien sûr sur le comportement de l'engin.

Un grand merci à Hiromi et à toute l'équipe sur place pour leur assistance et leur gentillesse. Si vous passez par là, rendez leur visite et prenez l'air avec les cerfs-volants de Shirone.

 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Musée Odako du cerf-volant, à Shirone. Tel: 025 372 0314. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Entrée: 400 Yens. Projection en 3D d'un film (durée de dix minutes) sur la bataille des cerfs-volants de Shirone, tous les jours à 9h30, 10h00, 10h30, 11h00, 11h30, 12h00, 12h45, 13h15, 13h45, 14h15, 14h45, 15h15, 15h45 et 16h15 (séance disponible en langue française). Site internet:

    http://www.shironekankou.jp/spot/yakata/

     

    Pour vous y rendre: Depuis la Gare de Niigata, emprunter le bus 810 quai 9 (prix: 630 yens) pour descendre à l'arrêt Shirone Kensei Hospital (durée du trajet: 1 heure). Marcher tout droit puis tourner à gauche au premier feu puis marcher toujours tout droit (une vingtaine de minutes) jusqu'à trouver sur votre droite le musée. Pour le retour vers Niigata, refaites le chemin inverse et attendez votre autobus 810 sur l'arrêt de l'autre côté de la route (juste en face).










 



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