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Musée de Shanghaï, le mobilier Ming et Qing
(Chine)
Heure locale

Vendredi 14 septembre 2012

 

Il y a un an environ, je m'étais rendu au Musée de Shanghai afin d'y découvrir les sculptures. M'y revoici aujourd'hui, à la découverte du mobilier des dynasties Ming et Qing. Durant l'époque impériale, et selon les besoins, le meuble chinois appartenait en général à quatre catégories : Le mobilier de chambre à coucher, le mobilier de salle d'étude (bibliothèque par exemple), le mobilier de salon et le mobilier de salle (comme les salles d'état du gouvernement officiel, de temple, de jardin et de résidence). Avec le temps, le mobilier de salle se développe. Les hauts fonctionnaires, les hommes de lettres et les artistes reconnus possédant une demeure suffisamment vaste incluent une salle appelée souvent « tang » (chambre) ou « ting » (salle). L'une ou l'autre étaient réservées à l'accueil des invités. Bien sûr, le salon d'un artiste ou d'un officiel et celui d'un empereur connaissait des différences notables. On pouvait ainsi retrouver des pièces de mobilier similaires dans les deux salons mais le mobilier de l'empereur surpassait de loin celui de ses sujets. La salle ou la chambre de l'époque impériale chinoise constituait la pièce la plus raffinée de la demeure et possédait les meubles les plus coûteux. Peu à peu, le jardin va apparaître au centre des résidences royales ou des membres éminents de la société et la salle de séjour sera bâtie afin de profiter d'un point de vue sur l'entrée.

La salle de l'époque impériale chinoise était dressée de la façon suivante : En son centre, quatre tables à thé (chacune avec un ensemble de deux chaises soit huit chaises au total). Sur deux côtés, se trouvaient des boiseries sculptées recouvrant les murs tandis qu'un simple panneau décoratif était suspendu sur le mur des deux autres côtés. Le long de ces murs se répartissaient, selon un ordre établi, des tables de service, des porte-manteaux, des paravents (qui servaient à diviser la pièce) et des lits de style traditionnel chinois appelés « arhat ». A l'époque Ming, la salle d'étude (en photo ci-dessous) était très importante. On y lisait, on y étudiait, on y pratiquait la peinture et la calligraphie, mais on s'y relaxait aussi et on y recevait ses amis. Le mobilier était constitué d'une table pour s'adonner à la peinture et d'un fauteuil en bois de Huanghuali sculpté. Contre le mur se tenait un meuble avec des étagères. On pouvait y voir aussi une table à encens et une table à luth.


 

La plupart des meubles de la salle de l'époque impériale était confectionnée en bois d'acajou, puis en bois de poirier, et plus tard en bois de santal rouge ( comme cette table carrée ornée de motifs floraux ainsi que ses quatre tabourets, datant de l'époque Qing) et en bois d'acacia. Ces meubles sont aujourd'hui très recherchés sur le marché et atteignent des prix astronomiques. Tout particulièrement les meubles en bois de santal rouge (qui se raréfia au milieu de la dynastie des Qing). A titre d'exemple, un paravent pliable en bois d'acajou datant de la dynastie des Ming fut vendu aux enchères pour environ 140 000 €. On fera aussi souvent référence aux meubles des dynasties Ming et Qing et aux autres articles décoratifs (comme les vases) au début du cinéma britannique et américain. On en aperçoit parfois dans certaines séries TV comme cette série britannique « Lovejoy », série relatant l'histoire d'un marchand d'art peu scrupuleux mais redoutablement habile pour reproduire des copies d'objets d'art et d'un talent remarquable pour détecter les travaux de contrefaçon. Mais après cette parenthèse sur le mobilier chinois de l'époque impériale, revenons plus particulièrement sur le cas des époques Ming et Qing.


 

La dynastie Ming fut une lignée d'empereurs qui régna sur la Chine entre 1368 et 1644, après l'effondrement de la dynastie Yuan dominée par les Mongols. Les Ming offrirent au pays l'une des plus grandes périodes de gouvernement efficace assortie d'une stabilité sociale de toute l'histoire humaine. Cette dynastie sera aussi la dernière à être dominée par les Han. Les Ming construisirent une puissante marine de guerre et une armée de métier d'un million d'hommes. On restaura le Grand Canal et la Grande Muraille sans oublier la Cité Interdite à Pékin. On estima la population de la fin de cette dynastie à 160-200 millions d'individus.

En 1368, l'Empereur Hongwu essaya de mettre sur pied une société de communautés rurales auto-suffisantes au sein d'un système rigide et immobile qui n'aurait nullement besoin de recourir à la vie économique des centres urbains. Il permit de reconstruire la base de l'agriculture chinoise et renforça les voies de communications en développant un système militaire de coursiers. Ces deux mesures eurent pour conséquence de créer d'importants excédents agricoles pouvant inonder les routes où passaient ces coursiers, et développant ainsi de nouveaux marchés. Peu à peu, la culture et le commerce des campagnes furent influencés par les villes. Même les catégories supérieures de la société, représentées par la basse noblesse furent affectées par le développement de cette société de consommation. Les familles marchandes commencèrent alors à s'intégrer au sein de l'administration et de la bureaucratie, adoptant les codes de la noblesse et délaissant ainsi leurs traditions. La pensée philosophique changea aussi. Les institutions gouvernementales, les arts et la culture se transformèrent.

A partir du XVI ème siècle, l'économie Ming fut stimulée grâce aux Portugais, aux Espagnols et aux Hollandais. La Chine s'impliqua ainsi dans l'échange colombien qui consista en un important échange de biens, de plantes et d'animaux entre l'ancien et le nouveau monde. Le fait de commercer avec les puissance européennes et le Japon entraina un afflux massif d'argent qui remplaça le cuivre et les billets de banque comme moyens d'échange. Sur la fin de la période Ming, on observera toutefois une forte diminution de ce flux d'argent et un ralentissement économique aggravé par le petit âge glaciaire, les épidémies et autres calamités qui affecteront l'agriculture en Chine à cette époque.


Les arts chinois (peinture, poésie,musique,littérature ou opéra) s'épanouirent sous cette dynastie. Les dessins représentés sur les objets laqués étaient aussi complexes que ceux utilisés en peinture. Quant aux meubles de la dynastie des Ming, ils sont simples et légèrement rustiques dans leur conception (comme sur cette photo ci-dessus, représentant le salon d'une vieille demeure, salon à la fois utilisé pour les sacrifices, les cérémonies d'enterrement, de mariage mais qui servait aussi à recevoir ses amis). Ils sont à la fois robustes et élégants. On considère aujourd'hui que le règne des Ming fut « l'âge d'or » de la production de meubles anciens chinois. Plusieurs facteurs participent à ce succès : D'abord, la variété des bois durs utilisés pour la fabrication des meubles (bois de poirier de Chine, originaire des contreforts des monts Tianshan de l'Asie centrale, mais aussi le bois de santal). La demande de bois de poirier sera telle que les stocks de cet arbre, également apprécié pour ses fruits, auront tendance à baisser vers la fin de la dynastie Ming, face à la forte demande. On utilisait aussi le bois de zitan, bois précieux de couleur sombre provenant des iles du Pacifique sud mais aussi dans les provinces chinoises de Yunnan, Guangdong et Guangxi. Un autre bois, celui de Huanghuali et originaire de l'île d'Hainan (Chine) servait aussi à fabriquer du mobilier dans les deux dynasties. Il y avait aussi le bois de Jichi (ovinces de Guangdong et Hainan), le bois de Tieli (qui fut utilisé sous les Ming), le bois de Ju (Provinces de Jiangsu et de Zhejiand, au sud de la Chine), le bois de rose (Provinces de Guangdong et du Yunnan) et le bois de roncier . Ensuite, le développement du tenon et de la mortaise de menuiserie (emboitement de pièces) jouera un rôle important en supprimant l'utilisation de clous, de vis ou d'autres dispositifs d'assemblages en métal. Le mobilier de la dynastie des Ming associait ainsi le design au fonctionnel. Ces meubles sans laque, sans motifs d'embellissements mais délicatement assemblés, et conçus pour être simples et reposants laissaient s'exprimer le couleur naturelle et le grain du bois. Enfin, l'accroissement des villes, leur essor économique et l'importation en grande quantité de bois d'Asie du sud-est permit une forte augmentation de la demande en meubles.

Peu à peu, les articles de surface conséquente comme les tables, les chaises ou les commodes constituent les meubles typiques en poirier de Chine. Avec la diminution des stocks de poiriers, les menuisiers se tournent alors vers le bois de santal et le bois d'acacia. Mais le diamètre des plus gros arbres de santal ne dépassent pas 25 centimètres et ne génèrent que des meubles plus petits.


 

La dynastie des Qing, elle, est d'origine mandchoue et sera la dernière dynastie impériale à avoir régné sur la Chine, de 1644 à 1912. Dès 1616, les Mandchous, qui connaissaient un conflit ouvert avec les Ming prendront progressivement le pouvoir dans tout le pays et envahiront Pékin en 1644. Ils instaureront alors un nouveau régime politique, l'Empire du Grand Qing, mais la Chine ne sera complètement sous leur autorité qu'en 1683. Dans la deuxième moitié du XIX ème siècle, la dynastie Qing connaitra cependant un long déclin, affaiblie par des conflits internes et par des pressions internationales. Elle sera finalement renversée par la Révolution Xinhai, laissant place en 1912 à la République de Chine. Le dernier Empereur de Chine, Puyi, abdiquera ainsi le 12 février de cette même année, âgé seulement de six ans. Auparavant, les règnes de Yongzheng (de 1723 à 1735) et de Qianlong auront certainement correspondu au zénith de la puissance de l'empire Qing, qui s'étendait alors sur 13 millions de kilomètres carrés. Administrateur autoritaire, Yongzheng réforma l'examen impérial et réprima la corruption financière et le trafic de pièces chez les fonctionnaires. Il créa en 1733 le Grand Conseil qui fera office d'organe de décision à la cour impériale. Son fils, Hongli, lui succédera sous le nom de règne de Qianlong. Ce jeune homme, général de son état, matera les révoltes dans le Xinjiang, le Sichuan et en Mongolie. Sous son règne, la corruption des fonctionnaires reprendra de plus belle, corruption qui sera matée durant huit longues années et fera 16 millions de morts. Durant ce temps, la Chine se refermera sur elle-même, retardant la libéralisation des échanges commerciaux souhaitée par l'Occident. Ce qui aboutira parfois à des relations compliquées entre la Chine et l'Occident. Les puissances étrangères contraindront ainsi l'empire chinois à des concessions territoriales et à un commerce extérieur humiliants. Mais les influences occidentales sur l'artisanat des meubles chinois, déjà modestes sous l'empire des Ming, n'évolueront que très peu sous la dynastie Qing.

Les dirigeants des Qing étant à l'origine Mandchous, certaines tendances et réalités influenceront toutefois le mobilier de cette époque. Par exemple, certains bois précieux utilisés à l'époque Ming (et disparus depuis) seront remplacés par d'autres sous la dynastie des Qing. Le mobilier des Qing est divisé en trois périodes: Le style du meuble Ming est maintenu dans ses formes simples et élégantes du début de règne de la dynastie Qing jusqu'au règne Kangxi (1644-1722). Puis le mobilier évolue, offrant un style plus luxueux dénotant les marques de richesse de ses propriétaires. Les meubles sont de grande taille (comme ce meuble bibliothèque laqué noir avec des dorures appelé aussi Duo Bao Ge que l'on retrouve sur la photo ci-dessus), confectionnés avec différents bois et avec des techniques différentes. Nous sommes alors au milieu de la période Qing jusqu'au règne de Yongzheng (en passant par ceux de Qianlong et Jiaqing). Enfin, la troisième période s'étend de 1821 à 1911 (du règne de Daoguang à la fin de la dynastie des Qing). On assiste à cette époque au déclin du meuble classique chinois et à l'accroissement de l'influence occidentale avec l'apparition de formes nouvelles donnant des meubles de style chinois et occidental à la fois. Revenons maintenant sur les principales caractéristiques des meubles Qing qui sont les suivantes : L'ingéniosité des menuisiers sélectionnent les bois les plus beaux pour les parties les plus visibles d'un meuble et réservent les bois de moindre qualité pour le reste. Les meubles Qing sont plus élaborés, enrichis d'ornements sophistiqués en oubliant peut être parfois le côté pratique. On trouve ainsi des meubles en bois de santal rouge fabriqués en Chine et surnommés « Jinxing ». La dynastie Qing introduit des styles novateurs voire insolites. Comme ce lit offrant l'aspect d'un boudoir complet comprenant porte-manteaux, casiers à bouteilles,pieds de lampe, et même un crachoir... Ces objets supplémentaires et fonctionnels, ajustables à volonté, pouvaient surprendre. L'artisan chinois Li Yu (1610-1680) en est en partie l'instigateur, lui qui créa cette chaise chauffante avec un bac sous le siège dans lequel on plaçait des braises chaudes. Ou encore ce lit refroidissant muni d'un dispositif étanche à eau placé sous le matelas dans lequel on pouvait verser de l'eau fraiche, assurant ainsi une fraicheur et un sommeil réparateur pendant les chaudes nuits d'été. Décidément, l'homme moderne n'a rien inventé ! Le panneau décoratif date de l'époque Qing (ci-dessous, un panneau sculpté dans de l'ivoire) et était utilisé pour se protéger du vent, pour atténuer la lumière ou pour diviser une pièce. Monté sur pied, avec un panneau amovible, ce genre de paravent était richement décoré à l'aide de techniques spéciales. On y trouvait des combinaisons de peintures, de calligraphies, mais aussi des gravures et des incrustations. Ces objets étaient par ailleurs très utilisés pour décorer son intérieur.


 

Nous l'avons vu, la dynastie Qing connut une forte croissance de la classe moyenne. La distribution des richesses s'étant accrue dans le même temps, les besoins en mobilier augmentèrent également. On exigea des meubles inédits et sophistiqués, comme cette ensemble constitué d'un panneau décoratif avec dorures et incrustation d'ivoire, en bois de santal rouge, son fauteuil trône très large et couramment utilisé par les empereurs de la Chine ancienne, taillé comme un lit avec des pieds épais (ci-dessous). Et cela malgré la raréfaction de certains bois. L'approvisionnement en bois d'acajou s'amenuisa par exemple au milieu de la dynastie Qing. Le bois de santal rouge se substitua alors au bois d'acajou et au bois de poirier. Légèrement moins dur, on le considérait pourtant comme plus joli en raison de sa teinte rouge vif et de ses motifs de grain caractéristiques en forme de bandes. Le bois de santal restait cependant un bois rare, donc cher, et réservé à la confection de meubles « haut de gamme » (fauteuil trône sculpté en bois de zitan en deuxième photo ci-dessous). Par ailleurs, les arbres de santal étant de petit diamètre, il était difficile de fabriquer de grands meubles. Le moindre défaut dans une pièce de bois entrainait aussi son rejet. Un autre impératif était de confectionner un meuble avec un même type de bois. Cela entrainait un nombre important de déchets de matières premières d'excellente qualité alors que les stocks de bois s'épuisaient constamment. Malgré l'augmentation des prix qui en découlait, on ne constata toutefois pas de baisse de clientèle. A l’époque Qing, les artisans laissaient libre cours à leur imagination : On utilisait un nombre illimité de couleurs, d'incrustations et de gravures ( comme sur cette troisième photo ci-dessous, représentant une pièce datant du milieu de l'époque Qing et constituée d'un panneau décoratif sculpté en bois de zitan et décoré de nuages et de dragons en incrustations de jade, avec sur son fond un décor de rochers, pins, bambous et pruniers en fleurs. La table est sculptée de nuages et de dragons, tout comme le fauteuil). Les décorations étaient plus nombreuses que sous la dynastie Ming.

 

Autre point important : La dynastie des Qing eut beau interdire l'exportation de mobilier chinois, les artisans eurent malgré tout recours aux traditions occidentales. Des meubles fabriqués à l'étranger feront leur apparition dans le pays avec l'arrivée de diplomates et de marchands étrangers. Plus tard, riches commerçants et hauts fonctionnaires s'intéressèrent de plus en plus pour un mobilier chinois intégrant des éléments occidentaux considérés « à la mode ».

On trouve ainsi cette table longue et étroite, faite en bois de zitan et rehaussée de motifs de nuages, chauve-souris et de lotus sculptés. On retrouve dans ce meuble l'influence du style Rococo avec ses lignes symétriques.


 

Je suis immédiatement conquis par cette galerie du musée inaugurée en 1996. Située au 4ème niveau du bâtiment, elle offre de voir du mobilier des époques Ming et Qing. La plupart de ces meubles ont été offerts au musée par la famille Chuang qui possédait une collection de meubles de Wang Shixiang. Dans les années 2000, le musée fit l'acquisition de la collection de Madame et Monsieur Chen Mengjia, pour enrichir le tout. Des panneaux d'information en chinois et en anglais décrivent parfaitement les pièces exposées ( vec un plan explicatif lorsqu'il s'agit d'une pièce à vivre). Une feuille explicative (disponible en anglais) gracieusement mise en libre service à l'entrée de cette galerie (à droite, dans un présentoir) permet au visiteur d'obtenir des informations complémentaires quant au type de meubles exposés, aux types de bois utilisés. Visite fortement conseillée!

 

Rendez-vous à l'onglet Médiathèque--> Photos--> Album Asie, pour découvrir toutes les photos de cette visite!

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Musée de Shanghai, 201 Ren Min Da Dao à Shanghai. Tel: 021 63723500. Entrée libre 

     

    Site internet : http://www.shanghaimuseum.net/cn/index.jsp

     

    Ouvert de 9h à 17h. On y observe en moyenne 5000 visites par jour et le musée se réserve le droit de fermer son accès si ses galeries deviennent trop bondées.

  • Salon de thé au 1er étage ( les pâtisseries ne sont pas de grande qualité, mais le café est correct). Accueil sympathique. Paiement cash uniquement.

  • Attention! Si vous souhaitez louer un audioguide pour la visite, merci de vous le procurer AVANT le passage des filtres de sécurité. Prix: 40 yuans ( + dépôt d'une pièce d'identité avec photo ou de 50 US$ ou 400 Yuans en garantie). Un petit prospectus vous est remis avec les numéros des commentaires disponibles, salle par salle , et un mode d'emploi .

 

 

 










 



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