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Le Temple Takaosan Yakuoin et la Marche du feu
(Tokyo, Japon)
Heure locale

 

Dimanche 10 mars 2013

 

L'éternelle question, que vais-je bien pouvoir visiter cette fois dans la capitale tokyoite ? Cette fois, j'ai encore trouvé. Il s'agit du temple Takaosan Yakuoin, au pied du Mont Takao, un sommet d'Hachioji, dans la Préfecture de Tokyo. Je m'y rends en bras de chemise car les températures sont aujourd'hui étrangement élevées à Tokyo. Il suffit d'une heure de train pour se rendre sur place et se plonger dans l'histoire : Le temple bouddhiste Takaosan Yakuoin est connu comme l'un des trois temples les plus importants de la région du Kanto. Construit en 744 sur ordre de l'empereur Shomu, il était destiné à servir de base au bouddhisme dans le Japon oriental. Son fondateur porte le nom de Gyoki, prêtre bouddhiste japonais de la période Nara. Né dans le comté de Notori (Province de Kawachi, actuelle province de Sakai près d'Osaka), Gyoki devint moine à l'âge de 15 ans et fut l'un des premiers élèves du maitre Dosho avec lequel il étudia le Yogacara (une doctrine fondamentale de Hosso) à Yakushi-ji. En 704, il retourna dans sa ville natale pour transformer sa maison en temple, puis se mit à voyager à travers tout le pays pour prêcher auprès des roturiers et aider les pauvres. Il mit sur pied un groupe de volontaires destiné à venir en aide aux pauvres gens dans la région du Kansai, en construisant 49 monastères et couvents utilisés comme hôpitaux. Gyoki et ses disciples parcouraient la campagne, enseignant le bouddhisme, érigeant des temples et concevant des projets de travaux publics pour les populations locales (irrigation...). Toutefois, la loi japonaise interdisait aux prêtres toute initiative hors de leur monastère et Gyoki fut un temps inquiété par le gouvernement. Mais , le fait qu'il était devenu un prêtre privé non officiel et très populaire, lui permettra d'obtenir la clémence des autorités. Gyoki devra attendre 745 avant d'être reconnu officiellement et d'atteindre le grade de Daisojo. Lors de la construction du Todai-ji, le gouvernement le recrutera avec ses collègues pour la gestion du lieu. Il participera ainsi à la construction du Grand Bouddha de Nara et à celle de plusieurs étangs. Il mourra à l'âge de 80 ans, le 2 février 749 et sera inhumé à Ikoma (dans la province de Nara). La Cour impériale du Japon lui accordera , en 751, à titre posthume, le grade de Bosatsu.


 

Revenons au temple Takaosan Yakuoin. Celui-ci sera restauré au XIV ème siècle par Shungen Daitoku (prêtre du Mont Daigo à Kyoto, un des sites sacrés les plus importants du bouddhisme ésotérique Shingon) et institua un rituel du feu, Goma, dédié à la divinité Fudo-Myo-O (le roi intouchable), qui consiste à brûler 8000 bâtons pour recevoir la vision de la divinité Izuna Daigongen. Ce prêtre est depuis considéré, pour cette raison comme le deuxième fondateur du temple Takaosan Yakuoin (lequel devint un centre de ralliement pour le bouddhisme ésotérique Shingon).

Le rituel de Goma est destiné à élever les les croyants vers un royaume spirituel. Il est tenu quotidiennement au temple, dans le hall principal de Yakuoin. Le prêtre chargé de la cérémonie se tient assis sur un piédestal équipé d'objets rituels et d'un brasero en son centre. Il jette dans le feu des petits bâtons en bois symbolisant les péchés des gens afin que ceux-xi se consument dans le feu purificateur jusqu'à ce que le prêtre et l'assistance ne forment qu'un seul et même esprit conduit par la divinité Izuna Daigonen ( qui purifie les péchés, fait disparaître toutes les illusions et ouvre la voie de l'illumination). Les demandes de pardon de l'assistance, toutes rédigées sur ces morceaux de bois jetés dans le feu, seront exaucées lors de leur montée dans les flammes vers le ciel, lieu de résidence d'Izuna Daigongen. Les participants se voient remettre une tablette de bois appelée Gomafuda, sensée représentée la divinité. Ils y ont rédigé leurs demandes avec le plus grand soin , chez eux, avant de regagner le temple pour la cérémonie puis d'entonner le moment venu le chant rituel »Je mets ma foi en Izuna Daigongen ».

Ce qui me conduit ici aujourd'hui est la cérémonie de la marche sur le feu : Chaque deuxième dimanche de mars, un grand rituel a lieu dans le temple, en face du hall Kito-den. Il consiste à faire un grand feu en plein air sur les braises duquel moines et participants marcheront ensuite pour purifier leur âme ( ci-dessous). Les fidèles se seront préalablement frotter le corps avec les petits bâtons de bois (nadegi) qu'ils jetteront dans le brasier. La marche à pieds nus sur les braises encore chaudes est l'occasion de prier pour la protection contre la maladie, les calamités et demander au ciel de veiller sur la famille. Malheureusement, ces festivités son mal organisées et l'on ne voit pas grand chose, à moins d'être arrivé plusieurs heures avant la manifestation. C'est dommage!


 

Qui est la divinité Izuna Daigongen ? Le prêtre Shungen Daitoku consacra Izuna comme la principale divinité du temple Takaosan. Izuna Daigongen est la forme sous laquelle Fudo Myo-O (le roi intouchable) apparaît pour conduire les gens vers le salut. Le regard méchant de Fudo Myo-O est en quelque sorte un avatar du bouddha de la vie cosmique, Dainichi Nyorai. Le culte d'Izuna débuta au Mont du même nom (situé dans la Préfecture de Nagano) durant la période Heian (794-1185) avant de s'étendre dans tout le pays. Izuna Daigongen est le fruit de cinq divinités : Fudo Myo-O, Karuraten (Garuda, l'oiseau divin), Dakiniten (démon qui se nourrit de cœurs humains), Kangiten (Divinité de la fertilité, à tête d’éléphant)et Benzaiten (divinité de l'eau, de la musique et de la victoire dans la bataille). Isuna Daigongen protège les fidèles des dangers et leur apporte bonheur et sécurité dans la vie quotidienne.

 

Durant la guerre civile (fin XV ème-fin XVI ème siècles), un certain nombre de seigneurs-guerriers très puissants, comme Takeda Shingen ou Uesugi Kenshin, se mirent sous la protection d'Izuna Daigongen. Le clan Hojo, famille de samouraïs qui domina la politique du Japon sous la période Kamakura, occupait alors la région du Kanto et plaça le Mont Takao sous protection spéciale. Cette montagne est en effet stratégique et abrita une période d'expansion durant la période Edo, sous le patronage des Tokugawa. Ainsi le templa Takaosan Yakuoin devint-il au fil du temps l'un des trois plus importants temples de la région pour la secte Shingon-Shu-Chisan-ha ( les deux autres sont le temple Naritasan Shinsho-ji et le temple Kawasaki Daishi Heiken-ji).

 

Au temple Takaosan Yakuoin, on trouve aussi le Tengu (ci-dessous), un démon au long nez que l'on soupçonne d'habiter dans les montagnes sacrées et d'agir comme les messagers des dieux et des bouddhas afin de châtier les méchants et de protéger le bien. On les représente souvent avec un éventail japonais (uchiwa) balayant le malheur et apportant la bonne fortune. Le tengu est un dieu mineur du folklore japonais, que l'on retrouve dans la plupart des religions du pays, bouddhisme et shintoïsme compris. On les surnomme aussi « corbeaux », et sont parfois associés aux dieux Saruta-hiko, Susano-o et Garuda, la divinité bouddhique ailée. Les Yamabushi Tengus (comme ceux du temple qui nous intéresse) vivent dans les montagnes et se différencient des Yama no kami (représentés par de grands arbres). On attribue aux tengus des pouvoirs surnaturels pouvant prendre une forme humaine ou animale. Ils peuvent communiquer sans ouvrir la bouche, se téléporter ou s'inviter dans les rêves des vivants. Ce sont des divinités moqueuses qui punissent les prêtres bouddhistes trop arrogants, les arrivistes, les orgueilleux ainsi que les samouraïs trop vaniteux. On les soupçonna longtemps, lors de leur introduction au Japon (les tengus sont en effet issus de légendes chinoises), d'enlever des enfants ou d'allumer des incendies. Et on les considéra même jadis comme les ennemis du bouddhisme au début du XII ème siècle. La période Edo les fera apparaître différemment : Ils aident désormais à retrouver les enfants disparus, et deviennent aussi les gardiens des temples où l'on place leurs effigies sculptées. Les Yamabushi tengus sont, quant à eux, associés à leurs homologues humains, les Yamabushi ( ou ascètes des montagnes). Certains de ces tengus revêtaient l'habit typique des Yamabushi mais pouvaient en être différenciés par leur nez très long. Ces tengus bénéficient désormais d'une meilleure image, plus joyeuse et amicale qu'autrefois. Leur long nez est devenu un sujet de dérision mais aussi une allusion sexuelle dans les reproductions de Ukiyo-e.

Au temple Takaosan Yakuoin, en face du Hall Isuna Gongen, le petit tengu, avec son bec de corbeau, est représenté en cours d'instruction religieuse alors que le grand tengu, lui, avec son gros nez, est dépeint comme un yamabushi ayant acquis la puissance spirituelle au Mont Takao.


 

D'autres cérémonies ont lieu au temple Takaosan Yakuoin : Le rituel pour la sécurité routière s'y tient régulièrement et est destiné aux automobilistes. Effectué devant le Hall Kito-den, ce rite consiste en des prières pour la sécurité des pilotes et de leurs voitures. Tous les ans, autour du 3 février, hommes et femmes nés sous le même signe calendaire que l'année en cours, jettent des haricots secs depuis la salle principale du temple, avec lutteurs de sumo, chanteurs et acteurs de premier plan de l'année précédente. Cette cérémonie suit le goma rituel purificateur. Et est supposée chasser les mauvais esprits tout en attirant la bonne fortune au foyer. Manger des haricots protège ainsi des maladies pour l 'année à venir. Des gomas rituels sont aussi organisés entre minuit et 17 heures le Jour du Nouvel An. On prie alors pour la famille. C'est le prêtre supérieur, responsable du temple, qui célèbre la cérémonie sous les yeux de milliers de fidèles. Au lever du soleil, on entend alors le son des conques produits par les yamabushi ( en photo ci-dessous), ermites des montagnes. Les sûtras sont récités par les prêtres et les gens se rassemblent pour fêter la nouvelle année. On surnomme cette cérémonie Geikosai (la fête de la lumière). Une autre activité, la cascade ascèse, est une forme traditionnelle de formation ascétique qui consiste à se placer sous une cascade en récitant des mantras et des sutras. Deux chutes d'eau du Mont Takao accueillent les adeptes : Ja-Taki-Taki et Biwa.


 

La visite du temple Takaosan Yakuoin se fait en plusieurs étapes : A droite de la porte principale Sitenno-Mon se trouve une statue de Shungen Daitoku. On rentre ensuite dans l'enceinte du temple en franchissant une porte, puis on passe les mains sous l'eau pour se purifier au bassin de pierre. Des marches conduisent ensuite sur un perron menant à la salle principale (salle principale Yakuo-in). Là, trône la porte principale, Nio-mon. A cet endroit on procède aux offrandes et on prie Izuna Daigongen, les mains jointes, tout en récitant le mantra.

Les gourmands peuvent se rendre au restaurant du temple et se restaurer de plats végétariens préparés dans la pure tradition bouddhiste, selon la méthode Shojin-ryori. Arriver tôt, surtout le dimanche!

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Temple Takaosan-Yakuoin, 2177 Takao-Machi, Hachioji City . Tel : 042 661 1115. Par train, emprunter la ligne Keio Line depuis Shinjuku (Tokyo) puis descendre à Takaosanguchi: Il existe un train semi-express direct (départ de Shinjuku à 9h31, arrivée à Takaosanguchi à 10h25). Prix du voyage:370 yens (payable en carte SUICA). Puis, emprunter le funiculaire (Takao Tozan Dentetsu): En sortant de la gare ferroviaire, prendre à droite une route qui conduit directement à la station Kiyotaki (en 10 minutes de marche), point de départ du funiculaire pour monter à la station Takaosan. Durée du voyage:Dix minutes environ. Prix du trajet simple:470 yens (900yens l'aller retour). Le funiculaire fonctionne tous les jours de 8h00 à 18h00, avec un départ tous les quinze minutes. Utilisation possibles des cartes de paiement SUICA et PASMO sur place. Brochure disponible en anglais sur le Mont Takao (dans les stations de funiculaire).

    Site internet du temple Takaosan Yakuo-in : http://www.takaosan.or.jp/english/about.html

  • La fête de la marche du feu (Hiwatarisai) est très décevante dans la mesure où elle se déroule sur un terrain vague un peu à l'écart de la petite ville, sans gradins aménagés: Il faut arriver plusieurs heures avant le début des festivités si l'on veut avoir une chance d'être au bon endroit pour prendre des photos. Pas de cartes postales des festivités non plus. La fête se déroule en deux temps:Arrivée des prêtres au petit temple situé à deux cents mètres du lieu du brasier puis cérémonie de prière. Ensuite les prêtres rejoignent l'endroit où le feu est allumé, face à un sanctuaire. Une longue cérémonie (au moins une heure) se déroule avant l'embrasement. L'idéal est d'être deux personnes, l'une prendra des photos de la cérémonie face au temple et l'autre sera positionnée longtemps avant à proximité du brasier. Les prêtres se placent face au sanctuaire de la divinité, en face du brasier.

  • De nombreuses boutiques de souvenirs sont placées près de la station Kiyotaki et permettent d'acheter différents friandises. L'une d'entre elles, le tenguyaki (pâtisserie fourrée à la pâte de haricot) est confectionnée puis vendue sous les yeux des visiteurs dans une boutique située à la station Takaosan (près des distributeurs de tickets). 130 yens la friandise (ci-dessous)

  • Site internet du Mont Takao (en anglais): http://www.takaotozan.co.jp/takaotozan_eng1/yakuoin/index.htm












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