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Tsuruoka
(Préfecture de Yamagata, Tohoku, Japon)
Heure locale

Samedi 27 avril 2013

 

Arrivé la veille de Tokyo dans cette petite ville du Tohoku, je m'apprête à visiter les lieux. Mais le temps exécrable ne me facilitera pas les choses. Averses et bourrasques de vent se succéderont toute cette journée, gâchant une visite que j'avais souhaitée plus agréable. Il est vrai que je devrais être habitué: Ce n'est pas la première fois que je visite le Tohoku et, à chaque fois, il y fait mauvais temps. En plus, Tsuruoka ressemble vraiment à cette ville provinciale japonaise par excellence où la vie pour un étranger comme moi n'est pas forcément simple. J'éprouverai en effet des difficultés pour me restaurer puisqu'ici, il n'y a aucun restaurant occidental (type family restaurant) et je finirai ce samedi soir dans un restaurant japonais de viande, peu emballé par les morceaux servis et que je devrai faire cuire moi-même sur un brasero (je n'aime déjà pas faire la cuisine à Paris, mais ici....). Dans les commerces, on paye cash uniquement. Cette ville me rappelle l'Allemagne dans les années 80 (où l'on se méfiait des cardes de crédit) puisqu'on accepte très peu les moyens de paiement modernes auxquels je suis habitué à Tokyo. Je pratique heureusement le japonais car Tsuruoka n'est franchement pas une destination que je conseillerai aux étrangers. D'ailleurs je suis le seul ici (aucun visage pâle en vue jusqu'ici!)et risque bien de le rester jusqu'à la fin de ce weekend. Un point fort tout de même: Les habitants sont très agréables et se mettent en quatre pour vous aider avec ce qu'ils ont.


 

Je me rends dès 9h30 ce samedi au petit bureau de tourisme situé près de la gare ferroviaire. La dame ne parle que japonais mais arrivera à comprendre que je souhaite visiter Tsuruoka et qu'il me faut quelques informations. Elle me trouvera un plan de la ville en anglais (ce dont mon hôtel ne disposait pas) ainsi que quelques autres brochures. Le parc de la ville est excentré de la gare (à moins que ça soit l'inverse!) et je devrai emprunter le bus pour m'y rendre car c'est autour de ce parc que se trouvent les curiosités principales de la cité. Une dizaine de minutes suffisent pour atteindre ma destination: Sur place, les cerisiers sont en fleurs (le Tohoku fête actuellement le printemps, en retard sur tout le reste du pays!) et un groupe d'élèves formant un orchestre se prépare à célébrer une cérémonie dont eux seuls ont le secret. Les Japonais aiment l'eau (encore une chance avec le temps qu'il fait!) et sont sortis ce matin en nombre, armés d'un parapluie. Mon attention est tout de suite attirée par un bâtiment, le Taihokan (ci-dessous). Cette bâtisse fut construite afin de commémorer l'arrivée sur le trône de l'empereur Taisho, appelé habituellement Yoshihito (qui sera le 123 ème empereur du Japon). La construction sera achevée en octobre 1915 et inaugurée le 10 du mois suivant ( le jour de la cérémonie du trône). Taihokan provient d'un vieux livre chinois, Ekikyo. C'est tout ce que l'on apprend de la brochure qui m'est remise dans la langue de Shakespeare. Le bâtiment ressemble à une construction de type occidental du début de l'ère Taisho agrémentée d'une architecture baroque, sur deux niveaux, et son coût total s'éleva à 12861 yens de l'époque. D'abord utilisé comme bibliothèque, musée et lieu d'assemblée, jusqu'à ce que la bibliothèque ne déménage dix ans plus tard...avant de réintégrer ce lieu devenu populaire auprès des habitants, de 1951 et 1985. La maison possède un certain charme avec ses murs de couleur blanche et son toit rouge et fut désigné comme bien culturel important de la ville en 1981. Une nouvelle bibliothèque fut plus tard construite et le Taihokan rénové pour devenir un musée, depuis 1989, rassemblant différents objets et documents historiques sur Tsuruoka.


 

A deux pas de là, se trouve le Chidokan. Ce bâtiment abritait autrefois l'école han du Domaine de Tsuruoka durant la période Edo. Elle fut créée en 1805 par Tadaari Sakaï, daimyo de la neuvième génération du clan Shonaï afin de combattre la corruption administrative qui existait à l'époque. L'ensemble comporte plusieurs bâtiments dont le sanctuaire (seibyo) servant à célébrer les rites en l'honneur de Confucius, deux fois par an, en février et en août. Le Kodo (auditorium) et l'Oirinoma (maison du seigneur) (ci-dessous en photo). La cérémonie d'ouverture et autres évènements se déroulaient dans le Kodo tandis que l'Oirinoma était le lieu de résidence du seigneur lorsque celui-ci était de passage. Il existe trois portes: La porte de devant (Omote-Gomon) réservée au seigneur, la porte ouest (Nishi-Gomon) réservée aux professeurs et aux visiteurs, et la porte est (Higashi-Gomon) réservée aux étudiants. En ce temps-là, le système éducatif était composé de cinq niveaux: Kutosho (école élémentaire, à partir de 10 ans), Shujitsuzume (collège), Gaisha (lycée), Shishasei et Shasei. Les élèves poursuivaient leur cycle d'études jusqu'à l'âge de trente ans ( âge auquel ils atteignaient généralement le grade de Shasei) et on comptait quelques 350 élèves dans cet établissement où l'on appliquait les méthodes d'enseignement Kaigyo (sauf à l'école élémentaire). Chidokan adoptait la doctrine du néo-confusianisme (Sorai-Ogyu) alors que d'autres établissements, eux, fondaient leur enseignement sur le système Shushi. Le but était dans tous les cas de permettre aux élèves de développer leurs talents naturels.


 

Une petite promenade dans le parc de Tsuruoka est la bienvenue, entre les flaques d'eau des pluies récentes. Je déambule ainsi en passant devant les nombreux stands en cours d'installation pour ce weekend festif, et arrive bientôt devant le sanctuaire Shonaï (ci-dessous) où un mariage vient de se dérouler (j'aurai juste le temps d'apercevoir les jeunes mariés dans l'autobus quidémarre sous mes yeux). Ce sanctuaire était celui de l'ancien château de Tsuruoka dont il ne reste aujourd'hui que quelques ruines à peine visibles. Shonaï était le nom communément utilisé pour citer le Domaine de Tsuruoka durant la période Edo. Domaine alors sous le contrôle du clan Sakaï, l'une des grandes maisons des fudai daimyo ( ceux-ci constituaient une classe de daimyo qui étaient les vassaux héréditaires des Tokugawa et occupaient les postes administratifs). De son côté, le clan Sakaï deviendra un des clans du Japon médiéval (issu du clan Matsudaira) qui possédera le fief de Shonaï (170 000 koku) mais sera ensuite également chargé par le shogunat d'assurer la sécurité d'Edo et des alentours. Le han de Maebashi (environ 80000 koku) situé dans la préfecture de Gunma, lui sera aussi confié. Le sanctuaire, dédié au seigneur de Sakaï, qui fut le maitre des lieux jusqu'en 1867, permet d'admirer, à l'intérieur du Homotsuden, les raretés des parades alors organisées par le seigneur ainsi qu'une grande quantité d'objets (dont des poupées).


 

Le musée Chido fut quant à lui bâti à l'emplacement de l'ancien château de la ville, en 1950, par l'ancien seigneur de Sakaï. Ce dernier fit don de ses biens et on peut aujourd'hui admirer calligraphies et anciens tonneaux de saké dans le Goinden (qui était autrefois la résidence de ce seigneur). Deux autres bâtiments furent ensuite transférés sur le site du musée: L'ancien poste de police de Tsuruoka (désormais classé bien culturel important par la préfecture de Yamagata), fut construit en 1884 et transféré ici en 1957. La bâtisse fut conçue par Michitsune Mishima d'après les plans de Kanekichi Takahashi (qui dessina aussi l'ancien bureau de district Nishitagawa) de style européen observable au début de la période Meiji. Ensuite, l'ancien bureau de district Nishitagawa (ci-dessous) qui fut bâti en 1881 puis transféré dans ce musée en 1972. Mishima Michitsune, alors gouverneur de la préfecture, avait mis en place une politique de construction de bâtiments de style européen dans tout le district. Cette bâtisse est une réalisation qui rentre dans ce cadre. On y trouve désormais une exposition sur les origines de la région de Shonaï, son histoire ainsi que des éléments rappelant la bataille de Boshin et le clan Shonaï. Le visiteur peut aussi trouver des objets artisanaux anciens de la région de Shonaï ainsi que des maquettes de bateaux à l'intérieur de la maison Mingu no Kura, située juste en face de l'ancienne résidence de la famille Shibuya (deuxième photo ci-dessous). Cette dernière fut construite en 1822 dans le village de Tamugimata Asahi (puis transférée au musée en 1965), sur trois niveaux, et sur le modèle d'une maison de ferme, avec un toit en forme de casque de samouraï. C'est depuis un bien culturel (1969). Juste derrière cette superbe demeure, une visite s'impose au jardin japonais de la famille Sakaï et de type Shoin(troisième photo): On restaura celui-ci en 1971 en respectant scrupuleusement les plans d'origine. Il est depuis devenu scène nationale classée depuis 1976.


 

J'ai entendu parler d'une église catholique à Tsuruoka (ci-dessous) et compte bien m'y rendre. Elle est située à cinq minutes de marche du parc de la ville, ce qui est bien pratique. Une fois sur place, il se met soudainement à tomber des cordes et je me réfugie à l'intérieur de l'édifice. Pas étonnant que le salé du Tohoku soit aussi bon, avec tout ce qui tombe... J'apprends que cette église fut construite par le Père Papineau, en 1903. En dépit de recherches, impossible d'en savoir plus sur ce prêtre dont je suppose qu'il était un missionnaire québécois ( d'après le nom?). On retrouve dans la construction réalisée par le maitre-charpentier japonais Tomitaro Souma, originaire de Mikka-machi (Tsuruoka), le style architectural romanesque qui fait un peu penser à la reconstitution d'une cathédrale en modèle réduit. A l'intérieur, une superbe Vierge (noire) avec l'enfant ainsi que des orgues dans la partie haute de la nef, peuvent être observés. Ce bâtiment fut classé en tant que trésor préfectoral en 1973. C'est la plus vieille église de la région du Tohoku.


 

A quelques centaines de mètres de là, je me rends à Heishin-do (ci-dessous), l'ancienne résidence de la famille Kazama, jadis banquiers de leur état (ci-dessous). La famille Kazama était à l'origine une famille de riches marchands connue du gouvernement du Domaine de Shonaï d'alors et qui était installée au pied du Château de Tsuruoka. Cette famille se consacra au développement de l'industrie locale, puis construisit Heishindo (le nom de cette résidence) en 1896 (appelée ainsi en référence à Heishin selon le calendrier chinois). Kazama Koemon, le septième maitre de la famille, destinait cette maison à la fois à la résidence principale de sa famille et aux affaires (un salon était d'ailleurs réservé pour parler affaire avec les clients à l'intérieur). La demeure donne l'impression d'une certaine prospérité mais ce qui la différencie d'une autre demeure du même style est son toit, entièrement recouvert de...40 000 galets! Sur place, lors de la visite, une courte vidéo explique comment ce toit a été réalisé. Une autre particularité: La porte d'entrée de la maison (yakui-mon) est une porte que normalement seul un samouraï était autorisé à posséder. L'endroit a bien entendu été classé bien culturel important par le gouvernement japonais. Accompagné d'un guide, je tombe sur la salle des coffres (deuxième photo ci-dessous) et découvre comment le propriétaire des lieux protégeait ses biens.


 

La même famille possédait une autre demeure, toute proche: Muryoko-en Shaka-do (ci-dessous). On surnommait cette résidence «Villa de l'infinie lumière ». Celle-ci était surtout destinée comme lieu de loisirs pour les visiteurs de la famille Kazama. La construction a été conçue sur le modèle d'une maison de thé et a été érigée en 1910, en bois de pin japonais. Désignée, elle aussi, depuis comme bien culturel national (en février 2002), elle est représentative du style architectural de la préfecture de Yamagata. Koemon, le huitième seigneur, avait baptisée cette demeure du nom de « Muryoko-en » car il croyait beaucoup en la secte bouddhiste de la terre pure et représentait ainsi l'image du dieu Amitabha Tathagata (le dieu qui apporte la lumière à l'infini). Un jardin de 2700 m² avec fleurs et arbres comme ces cerisiers Yoshino bicentenaires, ou bien des azalées. Je n'arrive pas au bon moment pour admirer ce jardin dans toute sa splendeur car le meilleur moment est à la mi-mai, à l'époque de la floraison des azalées blancs le long de la petite colline (tsukiyama).


 

Un peu excentré du reste, se trouve la temple Nangakuji (ci-dessous). Il me faudra quarante minutes depuis le parc de Tsuruoka pour atteindre à pied cet endroit, et encore, avec beaucoup de difficultés puisqu'aucune information précise n'indique sa position. A mon arrivée, je suis déçu car je ne m'attendais pas à trouver un temple si proche d'autres maisons et coincé devant un cimetière. Par ailleurs, l'endroit semble fermé et aucune visite n'est possible. Un bouddha vivant est pourtant visible d'après une brochure ainsi que les restes de ce moine Tetsuryukai, qui, en signe de sa foi profonde, creusa sa propre fosse et réduisit peu à peu son alimentation à zéro.


 

Sur le chemin du retour, je m'arrête quelques instants à une boutique de souvenirs. Des poupées Anesama (en photo ci-dessous) sont une spécialité de la région. Anesama signifie « poupée sœur ainée ». Elle est faite de papier washi de haute qualité, de forme tri dimensionnelle et possède souvent une coiffure complexe, et ressemble à s'y méprendre à ces décorations en tissu dont on recouvre les théières pour les maintenir au chaud. J'aperçois aussi de superbes boules « goten » (deuxième photo) en vitrine. Une excellente idée de cadeau!


 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Taihokan, 4-7 Baba-cho, à Tsuruoka. Tel: 0235 24 3266. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 16h30. Entrée libre. Interdiction de prendre des photos à l'intérieur du bâtiment.

  • Chidokan, 11-45 Baba-cho à Tsuruoka. Tel: 0235 23 4672. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 16h30. Entrée libre.

  • Sanctuaire Shonaï, Parc de Tsuruoka à Tsuruoka. Tel: 0235 22 8100. Ouvert tous les jours de 9h00 à 16h30. Entrée: 300 yens.

  • Musée Chido, 10-18 Kachushin-machi à Tsuruoka. Tel: 0235 22 1199. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Entrée: 700 yens. Brochure disponible en anglais.

  • Eglise catholique de Tsuruoka, à Tsuruoka. A 5 mn du parc. Tel: 0235 22 0292. Entrée libre, chaque jour de 8h00 à 18h00.

  • Heishin-do (ancienne résidence de la famille Kazama), 1-17 Baba-cho à Tusuoka. Tel: 0235 22 0015. Ouverte tous les jours (sauf le lundi) de 9h30 à 16h00. Entrée: 400 yens ( le même ticket est aussi valable pour la visite de l'autre résidence des Kazama, toute proche).

  • Muryoko-en Shaka-do, 6-20 Izumi-machi à Tsuruoka. Tel: 0235 22 0015. Ouverte tous les jours (sauf le lundi) de 9h30 à 16h00. Accessible avec le ticket combiné de Heishin-do ou 200 yens.

  • Temple Nangakuji à Tsuruoka. Tel: 0235 23 5054 ( téléphonez avant c'est plus prudent!). Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 18h00. Entrée: 300 yens.

  • Boutique de souvenirs Busan O-dama Degansu, 11-63 Baba-cho à Tsuruoka. Ouverte tous les jours de 9h00 à 17h30. Grand choix de spécialités et de souvenirs. Accueil très sympathique et paiement par CB possible.

  • Le maitre des poupées Izumeko (anesama) peut vous enseigner à réaliser vous-même une poupée (durée: 30 à 60 minutes). Prix 1500 yens. Tel: 0235 22 1328 ( réserver à l'avance)

  • Réalisation de boules Goten-Mari: Trois heures sont nécessaires. Initiation de 9h30 à 15h00 tous les jours (sauf les dimanches et jours fériés) en appelant le 0235 22 8140. Prix: 1500 yens.

  • Office de tourisme de Tsuruoka: 0235 25 7678










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