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Excursion au Mont Haguro
(Préfecture de Yamagata, Tohoku, Japon)
Heure locale

Dimanche 28 avril 2013

 

Quittons la ville et partons en montagne pour une randonnée pédestre. Ce matin, le temps est couvert mais ne semble pas tourner à la pluie. La préfecture de Yamagata, très montagneuse, accueille les montagnes de Dewa (Dewa Sanzan), les montagnes sacrées de Gassan, de Yudono et d'Haguro. Au sommet du Mont Gassan (1984 mètres) se trouve un sanctuaire dédié au dieu Tsukiyomino Mikoto. A mi-chemin du Mont Yudono (1504 mètres), se trouve le sanctuaire de Yudono consacré aux dieux Oyamatsumino Mikoto, Onamochino Mikoto et Sukanahikonano Mikoto. Les énormes rochers et les cascades sont ici sources de recueillement. Les sanctuaires de Gassan et de Yudono font partie du Sanjin Gosaiden qui se trouve sur le Mont Haguro (414 mètres). C'est à cet endroit que le dieu Idehanokami et les autres dieux des Monts Gassan et Yudono sont collectivement vénérés. On pratiqua pour la première fois les vénérations shinto et bouddhiste au Mont Haguro la première année de l'ère Suiko, à l'initiative du Prince Hachiko, fils de l'empereur Sushun. Celui-ci avait quitté Nara pour naviguer sur la Mer du Japon et mouiller sur la plage de Yaotome (tout près de Tsuruoka). Avec l'aide de huit jeunes filles et d'un corbeau mythique à trois pattes, le Prince Hachiko se rendit au Mont Haguro. Après des jours de pratique de l'ascétisme dans la montagne, il décida de prendre les trois montagnes comme lieu de vénération. Dès le milieu de l'ère Heia, le Mont Haguro accueillit la secte religieuse Shugen Shudan. Celle-ci possédait un enseignement (Shugendo) qui considérait que le shintoïsme et le bouddhisme pouvaient s'allier pour progressivement s'étendre au monde. Le Shugendo est une tradition millénaire japonaise à forte dominance bouddhiste, où la relation entre l'homme et la nature est primordiale. Il porte sur l'ascétisme, la vie en montagne et comporte également d'autres philosophies orientales, son but étant de développer des expériences de pouvoirs spirituels par la pratique de l'ascèse. La secte devint vite réputée à cause du sérieux de son entrainement spirituel et renforça la croyance des gens dans les deux religions pour des siècles. Depuis la fin de l'ère Heian jusqu'à l'ère Kamakura, Shugendo connut sa plus grosse popularité. Au début de l'ère Edo, le poste de Shyugyo Etto (le grade de prêtre le plus élevé) fut occupé d'abord par Yushun puis par Tenyu (un disciple de Yushun) qui devinrent ainsi successivement les 49 ème et 50 ème prêtres. Ils contribuèrent beaucoup à la notoriété du sanctuaire du Mont Haguro, tout particulièrement Tenyu qui entreprit de grandes plantations de pins et de cèdres japonais aux alentours de Sanjin Gosaiden et construisit le fameux escalier de pierres, en ouvrant aussi des routes et des canalisations. Il envisagea déjà aussi la construction de Honbo et Betsuin (édifices religieux à l'attention des prêtres) sans oublier Jogado, au temple Kotaku et le sanctuaire Omuro du Mont Gassan. Tenyu est aujourd'hui respecté pour tous ces travaux et considéré comme le père des trois montagnes sacrées.

 

Lors de la première année de l'ère Meiji, la loi exigea la séparation du shintoïsme et du bouddhisme. Et les fêtes furent célébrées selon le rite shinto. En 1872, les Yamabushi (étudiants en shintoïsme et bouddhisme au Mont Haguto, dans le Shugendo) reçurent le titre de Haburi car ils avaient maintenu les traditions de la secte Shugendo envers et contre tout. Après la deuxième guerre mondiale, en 1945, les sanctuaires des trois montagnes sacrées furent libérés des contraintes de l'empereur Meiji et chacun reprit ses croyances respectives. Aujourd'hui encore, de nombreux pèlerins se rendent sur ces trois montagnes pour rechercher la foi.

Le Mont Haguro que je vais gravir aujourd'hui s'élève à seulement 414 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le sentier que je vais emprunter et qui démarre à la porte Zuishin (en photo ci-dessous) possède 2446 marches et mesure 1,7 km. C'est sous l'impulsion du prêtre Tenyu qu'il fut bâti au début de l'ère Edo. On prétend que ce chemin est jalonné de 33 sculptures représentant des gourdes, ou des tasses à saké et que celui qui les trouverait toutes verrait ses rêves réalisés. Ça ne sera pas mon cas! De chaque côté de ce parcours se trouvent plus de 400 grands cèdres âgés de 350 à 500 ans. Le plus ancien a mille ans (deuxième photo). Il s'agit d'un cèdre japonais qui a une circonférence de...10 mètres et est désormais classé comme monument national. Quant à la porte Zuichin, elle s'appela d'abord NioMon (terme bouddhiste) jusqu'à ce que la loi Meiji s'applique et oblige à changer pour un nom shinto (Zuichin).

 

Quelques centaines de mètres après mon départ de la porte Zuichin, je traverse un endroit avec quelques petits sanctuaires puis atteins le pont de la rivière Harai, en laissant sur ma droite une magnifique cascade, la cascade Suga, avec, en bas, un autre sanctuaire. C'est là que le chemin commence à grimper. Sur ma droite je découvre rapidement la Pagode aux cinq étages (Goju-no-to), en photo ci-dessous: Elle aussi est trésor national (depuis 1966), et aurait été bâtie par Taira no Masakado (d'après un document Sanzan Gashu), samouraï de son état, durant l'ère Johei. Un autre document, lui, prétend que la pagode aurait été construite durant la première année de l'ère Showa. Comme on peut le constater, la date est incertaine mais , si l'on en juge à l'architecture, celle-ci aurait été plutôt érigée lors de la deuxième année de l'ère Oan durant la période Muromachi. On sait par contre que Mogami Yoshiaki, le seigneur du clan Shonaï y aurait effectué d'importants travaux de rénovation lors de la treizième année de l'ère Keicho, en récompense pour ses prouesses à la bataille de Sekigahara. Côté technique, la pagode mesure 29,20 mètres de haut et chaque étage mesure un peu moins de 6 mètres de haut. Sa structure intérieure et extérieure est bâtie en bois plein. Le plafond du premier étage de l'édifice est peint en noir laqué agrémenté ici et là de décorations dorées et rouge vermillon. Chaque étage possède une porte d'entrée et une fenêtre sur chaque côté. Seul le rez-de-chaussée a été construit dans le style mekura-renji (genre de treillis à l'aveugle) alors que les autres étages ont des fenêtres à treillis normal , chose rare, dit-on, durant la période Muromachi. En principe, les étages d'une pagode rétrécissent progressivement en montant vers le haut, mais cette règle ne s'applique pas pour celle-ci. Ou si peu. En effet, chaque toit supérieur représente 70% de la surface du toit du dessous.


 

De temps à autre, je croise d'autres Japonais (je suis encore le seul visage pâle de Yamagata ce matin!) qui viennent dans l'autre sens, c'est à dire, qui descendent l'escalier, alors que je le gravis. A vrai dire, on peut faire le circuit dans l'autre sens en grimpant au sommet du Mont Haguro par bus puis en redescendant par l'escalier jusqu'à la porte Zuichin. C'est la solution de facilité. Je croise parfois des sépultures (ci-dessous) ou bien des petits sanctuaires, sur lesquels je ne peux donner d'autres détails. Tout est écrit en japonais, et en kanji de surcroit. La nature est belle, comme encore endormie en ce matin d'avril. Seuls quelques rayons de soleil pointent parfois le bout du nez. Je prends mon temps pour boucler le parcours et il me faudra environ 1h20 pour atteindre le sommet.

 

Bientôt, j'aperçois sur ma gauche un ensemble de bâtiments. Il s'agit du Saikan un lieu de prière pour les prêtres (ci-dessous). Ce lieu était utilisé en tant que temple Kozoin, mais fait désormais office d'asile pour les visiteurs qui voudraient faire une halte pour dormir ou pour se restaurer (les réservations sont conseillées!). C'est aussi à cet endroit qu'ont lieu les fêtes des montagnes sacrées (deuxième photo).


 

Quelques minutes plus tard, je passe sous un immense torii et atteins le sommet du Mont Haguro: Sur ma gauche se dresse un sanctuaire (ci-dessous) qui est celui du Prince Hachiko, le fils de l'empereur Sushun, qui était venu jadis se réfugier dans ces montagnes. Juste à côté, une immense bâtisse qu'il m'est impossible de prendre entièrement en photo (d'autant plus que la façade est en cours de travaux, d'où cette photo de carte postale ci-dessous). Il s'agit de Sanjin Gosaiden, le sanctuaire qui rassemble tous les dieux des trois montagnes sacrées de Dewa. Une cérémonie est en cours, je m'approche lentement et aperçois des prêtres. Les Japonais défilent afin d'effectuer une courte prière puis s'en retournent. L'endroit est très visité, même en hiver. On ignore la date de sa construction mais le bâtiment principal fut reconstruit en 1818. Sa hauteur est de 28,20 mètres pour 20 mètres de profondeur, et sa largeur est de 26 mètres. Le toit en chaume mesure....2,10 mètres d'épaisseur (troisième photo ci-dessous) et bat tous les records au Japon. Il n'y a nulle part ailleurs dans ce pays de toit aussi vaste. Il faut dire, qu'à titre de précaution, un dispositif impressionnant contre l'incendie a été installé (avec des lances à incendie directement pointées vers ce toit!). Bien entendu, ce lieu aussi a été classé monument culturel important du Japon.


 

A deux pas de là se dresse la plus grosse cloche du Tohoku (ci-dessous). On dit qu'elle aurait été offerte , en 1275, par le Shogun de Kamakura qui avait repoussé avec succès une invasion mongole Yuan, un an auparavant. C'est aussi la troisième plus grosse cloche du pays avec ses 3,14 mètres de haut, son diamètre de 1,85 mètre et son poids de...10 tonnes! L'objet fut déclaré bien culturel en 1973. Le toit du beffroi qui l'abrite rappelle le style du début de la période Edo. Ce beffroi fut d'ailleurs restauré en 1618 par Mogami Genjiro Ienobu, alors seigneur féodal de Yamagata. La construction s'était en effet effondrée lors d'un typhon. Le beffroi, a, lui aussi été déclaré bien culturel important en l'an 2000.


 

D'autres sanctuaires voisins complètent le site mais les panneaux d'information ne figurant qu'en langue japonaise, il m'est, là encore, impossible d'en donner plus de détails. Il existe aussi sur place un musée, le Dewa-Sanzan-Rekishi Hakubutsukan, (ci-dessous) mais celui-ci est malheureusement fermé le dimanche. Je ne pourrai donc pas cette fois vous faire découvrir l'histoire et la culture des montagnes sacrées et encore moins vous montrer d'éventuelles photos des trésors qu'il contient (statue de Bouddha, épées, documents de la pratique d'ascèse). Un autre musée, Ideha Bunka Kinenkan est aussi disponible (et ouvert le dimanche) mais aucune n'étant permise à l'intérieur, je ne peux que vous conseiller de vous y rendre pour voir de vous-même. Ce musée se trouve par contre à Hakubo (au pied du Mont Hakubo, à 150 mètres du point de départ de ma promenade).


 

En face du musée d'histoire du Mont Hakubo, je découvre la statue de Basho Matsuo (ci-dessous), poète japonais du XVII ème siècle plus connu sous son nom de plume « Basho » (signifiant bananier en référence à cette plante que ses disciples lui avaient offert). Cet homme est considéré comme l'une des quatre maîtres classiques du haïku japonais. Il est d'ailleurs l'auteur d'environ deux mille de ces petits poèmes, tous subtiles, et créant l 'émotion due au contraste ambigu ou spectaculaire d'éléments naturels simples opposés ou juxtaposés. Issu d'une famille de bushi, Basho se liera d'abord d'amitié avec le fils de son seigneur, Yoshitada. Mais son ami meurt prématurément et Basho décide de ne pas devenir guerrier et se consacre à l'étude des lettres. Il revêt alors l'habit des moines et suit l'enseignement de plusieurs maitres, pour publier sept années plus tard, à Edo, son premier recueil de poèmes. Il créera ensuite sa propre école poétique


 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Association touristique d'Haguro, 72, Tohge Inju-minami à Haguro. Tel: 0235 62 4727. Site internet: http://hagurokanko.jp/en/

  • Logement possible au Dewa-Sanzan Jinja Saikan, Tel: 0235 62 2355. Trois points d 'hébergement (un sur chacun des montagnes). Réservation obligatoire.

  • Hébergement sur Haguro: Informations auprès de l'office de tourisme de la ville au 0235 62 2111.

  • Depuis la gare de Tsuruoka, prendre le bus N°2 pour le Mont Haguro et descendre à Haguro Bus Center. Prix du trajet (25 minutes): 800 yens. Avec le même bus, le trajet Haguro Bus Center--->Mont Haguro (10 minutes) coûte 580 yens.

  • Musée Ideha à Haguro: Tel 0235 62 4727. Site internet: http://www.tsuruokakanko.com/haguro/kankou/ideha.html

    Entrée: 400 yens. Photos interdites. Ouvert d'avril à novembre de 9h00 à 16h30 et de décembre à mars de 9h30 à 16h00.

 

 









 



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