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Toyohashi
(Préfecture d'Aichi, Honshu, Japon)
Heure locale

 

Vendredi 3 mai 2013

 

Il m'arrive souvent de traverser Toyohashi qui se situe sur la ligne shinkansen Tokyo- Osaka. Curieux, j'ai décidé de m'y rendre afin de découvrir ce que cache cette ville. Située dans la préfecture d'Aichi, Toyohashi fut fondée le 1er août 1906. Soit dit en passant, le 16 mars de la même année, le gouvernement japonais nationalisait les chemins de fer alors que la gare ferroviaire de Toyohashi, elle, était déjà en service depuis...1888. La cité dont il est aujourd'hui question compte quelques 400 000 âmes et la première réflexion de l'agent de l'office du tourisme japonais de Tokyo fut pourquoi je voulais visiter Toyohashi, et pas Nagoya, plus grande ville et plus riche culturellement. Je lui répondis qu'à mes yeux, il n'existait pas dans ce pays que de grandes et remarquables métropoles mais aussi des endroits moins connus et tout aussi intéressants. Je crois l'avoir jusqu'ici démontré bien des fois en me rendant encore dernièrement dans des lieux reculés du Japon et j'y ai toujours trouvé de quoi écrire des reportages consistants. La préfecture d'Aichi ne manque certainement pas non plus d'intérêt. Celle-ci est située dans la région de Chubu, plus exactement dans la région du Tokai (signifiant littéralement la région de la mer de l'est). Le Tokai est coincée entre le Kanto (nord) et le Kansai (sud) mais reste une région extrêmement active du point de vue économique puisqu'on considère que son PIB annuel équivaut presque à celui d'un pays comme le Canada.


 

Parmi les curiosités de la ville de Toyohashi se trouve le château de Yoshida (ci-dessus). Il fut, à la fin de la période Edo, le siège du clan Inaba, alors daimyo du domaine de Tateyama, puis la forteresse sera successivement connue sous le nom de château d'Imahashi, puis de Toyohashi. Le clan Inaba formait alors un groupe de samouraï qui fut prédominant pendant les périodes Sengoku et Edo. Sous la période Edo, on les identifiait comme un des clans fudai daimyo (c'est à dire des vassaux héréditaires de Tokugawa occupant notamment les rangs de l'administration). On trouve pour la première fois le clan Inaba au au XVI ème siècle dans la province de Mino. Ils prétendaient alors descendre de Kono Michitaka (lui même soi-disant descendant de l'empereur Kammu). On dénombre dans ce clan une branche principale, puis une branche secondaire. Une autre branche secondaire apparaitra plus tard, plus exactement en 1781. De 1785 à 1868, celle-ci vécut dans le domaine de Tateyama (d'une valeur de 10 000 koku) dans la province d'Awa. Domaine féodal de la période Edo, le domaine de Tateyama possède une longue histoire: Son château sera construit et reconstruit à plusieurs reprises en fonction des conflits locaux. Puis, Tateyama sera envahie par la marine de Takeaki Enomoto qui s'en servira comme base pour attaquer les forces de l'alliance Satcho dans la province de Kazusa. A la fin du conflit, en 1871, le domaine de Tateyama devient la préfecture du même nom.


 

Ce château est un château de plaine bâti sur la rive occidentale de la rivière Toyokawa. La principale motte castrale (ouvrage de défense ancien) était entourée d'une douve avec trois poivrières (tourelle, ou guérite placée en encorbellement à l'angle d'un bastion), une poivrière de deux étages et trois portes. Il ne reste aujourd'hui que quelques pierres des anciennes douves (ci-dessus) tandis que les structures originales ont disparu. L'actuel château est une reconstruction moderne d'une des trois yaguras (poivrières) de trois étages qui abrite désormais un musée retraçant (brièvement et en japonais!) l'histoire locale. Un premier château fut érigé au bord de la rivière Toyokawa en 1505 par Makino Kohaku, alors obligé d'Ujichika Imagawa (daimyo du clan Imagawa) dans l'intention de sécuriser son ancrage à l'est de la province de Mikawa, face au pouvoir grandissant du clan Matsudaira à l'ouest de cette même province. Ce château se trouvant à la confluence de deux rivières fut impliqué dans plusieurs batailles à l'époque Sengoku et changera de mains plusieurs fois. Il sera détruit puis reconstruit également plusieurs fois. C'est Tokugawa Ieyasu qui en prendra le contrôle à partir de 1565. Après le siège d'Odawara en 1590, Toyotomi Hideyoshi ordonnera au clan Tokugawa de se réinstaller dans le Kanto et attribuera ledit château à Terumasa Ikeda, lequel développera la ville autour du château et se lancera dans une reconstruction ambitieuse de la bâtisse. Il ne verra pas le château achevé puisqu'à la suite de la bataille de Sekigahara, on le renverra à Himeji alors que le donjon n'était pas encore achevé. Une fois le shogunat Tokugawa installé, le château de Yoshida devint le centre du domaine de Yoshida, domaine féodal occupant alors une position stratégique entre Edo et Nagoya, et situé sur le Tokaido (route de la mer de l'est). C'est à ce moment que plusieurs vassaux de Tokugawa en prirent la direction jusqu'à ce que le clan Matsudaira s'en saisisse en 1752. Il en restera d'ailleurs le résident jusqu'à la restauration Meiji, puisque le dernier daimyo de Yoshida, Nobuhisa Matsudaira, cédera le château sans résistance au gouvernement de Meiji en 1868. La jeune Armée impériale japonaise en prit livraison en 1871 mais la bâtisse périra dans les flammes deux ans plus tard. Et une grande partie du parc du château disparu restera entre les mains des militaires japonais jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale. Après la guerre, une partie du terrain servit à restaurer le parc puis à la construction de la mairie de Toyohashi. Il faudra attendre 1954 pour que soit construite la poivrière à trois étages à l'aide de béton armé.


 

Une fois sur place, il y a plusieurs façons de visiter Toyohashi. Je m'en remets pour une fois à une brochure touristique qui m'a été remise par l'hôtel. Celle-ci propose des circuits réalisables sur une demi-journée. Pour commencer, je choisis de me rendre en tramway (ci-dessus) à la station Shiyakushomae qui se trouve tout près du parc de Toyohashi. Il me faut une dizaine de minutes pour arriver à destination à partir de la gare JR, mon lieu de départ. Le tramway est à taille humaine et confortable. Dès la descente du tram, une bâtisse attire mon attention: La salle de concert municipale se dresse sur une petite place (ci-dessous) et arbore son architecture particulière qui date d'un siècle environ. Ce matin, une démonstration de danse se prépare car de nombreux visiteurs se présentent à l'entrée et on leur remet une petite boite bento en signe de bienvenue. A cinq minutes de là, se trouve l'église orthodoxe de la ville (deuxième photo ci-dessous), située à côté d'un sanctuaire. L'église est fermée mais le beau soleil présent ce matin sur la région me permet d'apprécier le bâtiment à sa juste valeur: Entièrement construite en bois, cet édifice fut transféré à l'endroit actuel lorsqu'on observa une recrudescence du nombre de russes croyants orthodoxes à Toyohashi, en 1913. L'église survécut à la seconde guerre mondiale, avec à l'intérieur, et bien à l'abri, ses icônes, documents et autres objets de valeur. C'est la plus vieille église orthodoxe de la préfecture d'Aichi. Il m'arrive de croiser des églises orthodoxes dans ce pays (la dernière que j'ai vue se trouvait à Hakodate, sur l'île de Hokkaido) et il faut savoir que l'église orthodoxe du Japon est une juridiction autonome du pouvoir de celle qui est rattachée canoniquement au Patriarcat de Moscou et de toute la Russie. Son chef porte le titre d'archevêque (de Tokyo) , métropolite (évêque de l'église d'orient) pour tout le pays. En plus de l'archevêché de la capitale nippone, il existe deux évêchés ( à Kyoto et à Sendaï).


 

Le sanctuaire Akumi Kanbe Shinmeisha ne présente à priori aucune particularité si ce n'est d'héberger une figure de taille (ci-dessous) ainsi qu'un festival annuel (qui se déroule les 10 et 11 février), le Oni (Ogre en photo) Matsuri Festival. La fête est l'occasion de prier pour de fructueuses récoltes à venir et d'assister au combat entre cet ogre rouge et le tengu (dieu) au long nez. L'ogre rouge court dans les rues en lançant des sucreries aux enfants (dans des petits sacs rouges) ainsi qu'une mystérieuse poudre blanche dont on dit que celui qui en est recouvert ne tombera pas malade l'été suivant. On danse alors au son d'une chanson nippone traditionnelle, la « dengaku », et sur la danse « Kagura », ode dédiée aux dieux conformément aux coutumes des ancêtres. A la boutique du sanctuaire, on peut se procurer des petites figurines en terre qui représentent le tengu (dieu de la guerre, avec son long nez) et le démon (tout rouge). Vous pourrez vous en servir pour vous purifier et vous prémunir de tous les risques de malheur à venir, en les mettant dans votre maison.


 

Ce vendredi matin, le parc, tout proche, fait montre d'une effervescence inhabituelle: Une fanfare répète, des stands sont installés dans les allées et une foule croissante converge pour participer à ce qui ressemble à une fête. On vend des plantes, des fleurs, et il y a même un vide-grenier. Je passe devant le musée d'histoire et d'art de la ville qui a ouvert ses portes en 1979 et présente des expositions permanentes et temporaires d'artistes nationaux et internationaux. Je m'attendais à en apprendre davantage sur l'histoire de la cité, mais en vain. Le premier étage du musée abrite bien des pièces archéologiques mais ne m'apportera pas un éclairage satisfaisant sur ce que fut Toyohashi autrefois. L'occasion m'est donnée d'échanger quelques mots en français avec une dame japonaise qui travaille dans ce musée et qui m'explique dans un français honorable en quoi consiste ce lieu. Elle a étudié notre langue il y a longtemps avec l'aide de l'Alliance française. Je comprends mieux maintenant son aisance. Le château (enfin, c'est un bien grand mot, vu ce qu'il en reste!) ne se trouve qu'à une enjambée de là. Je vous en ai déjà parlé dans la première partie de cet article. Le long d'une grande avenue se trouve le sanctuaire de Yoshida (ci-dessous). Je ne dispose pas d'autres informations que celle concernant le festival qui s'y déroule annuellement, les troisièmes vendredi, samedi et dimanche de juillet: Toyohashi Gion-matsuri. Le premier jour du festival, on lance des feux d'artifice à la main (Tezutsu-hanabi) et d'autres, plus gros (Ozutsu-hanabi) depuis le sanctuaire. Le jour suivant, on peut à nouveau admirer les feux d'artifice depuis les rives de la rivière voisine Toyogawa. Puis une parade (Yoritomo-gyoretsu) et une danse (Sasa-odori), avec également un lancer de friandises, ont lieu le troisième jour.


 

Après cette courte balade à Toyohashi, je remonte dans le tram pour retourner à la gare afin de sauter dans un train qui me conduira à Futagawa, qui fut jadis la 33 ème étape du Tokaïdo. Le Tokaïdo était l'axe de circulation privilégié pour aller d'Edo (Tokyo) à Kobé, en passant par Kyoto et Osaka. Le Tokaido représentait dans l'Antiquité une circonscription administrative qui comprenait plusieurs provinces et c'est au shogunat de Kamakura que l'on devra le fort développement de cet axe de circulation. De nos jours, le Tokaido reste l'axe de circulation principal du pays, que ce soit par la route (autoroute Tomei-Meishin) ou par le rail (ligne shinkansen). 500 kilomètres environ séparaient Edo de Kyoto que les voyageurs parcouraient en deux semaines au XVII ème siècle, à pied, à cheval ou en palanquin (ci-dessous). Cette route est la plus connue des cinq routes du shogunat Tokugawa. Tokugawa Ieyasu débute la construction de ces cinq routes en 1601 dans le but de faciliter le contrôle du pays, mais c'est son petit-fils qui les proclamera « routes majeures ». De nombreux relais (shukubas) seront créés le long de ces routes afin de permettre aux voyageurs de se reposer et de se ravitailler. Le tracé initial du Tokaido, lui, remonte au XI ème siècle et deviendra réellement important à partir de 1603, avec l'installation d'un pouvoir fort à Edo. La route est alors particulièrement fréquentée par les daimyos qu'on oblige à résider une année sur deux à la capitale. Ils emmènent avec eux leurs suites ( entre cent et ...2000 personnes). D'autres voyageurs (marchands, pèlerins, bonzes, et...touristes) fréquentent aussi cet axe. Autant de gens à loger lors des étapes comme celle de Futagawa-Juku: Le vieux village constituait ainsi la 33 ème étape de ce périple (la route de Tokaido en comportait 53!) et la plus orientale des stations de cette route dans la province de Mikawa. Cette halte (shukuba) fut établie à Futagawa en 1601 lorsque deux villages , Futagawa et Oiwa, furent désignés pour s'occuper des voyageurs. Futagawa-Juku s'étendait alors sur environ 1,3 kilomètre et possédait une honjin et trente hatago. La honjin était une auberge pour gens aisés qui fut souvent détruite par l'incendie mais fut toujours reconstruite par la suite. La dernière fut rénovée en 1988 et sert aujourd'hui de musée. C'est celle-ci que je vous emmène visiter aujourd'hui (en photo ci-dessous).


 

Une honjin était une auberge destinée aux fonctionnaires du gouvernement lorsqu'ils voyageaient sur les routes. Les généraux s'en servaient aussi pour diriger les batailles qu'ils menaient. Il s'agissait donc au départ de structures temporaires, qui furent peu à peu transformées en structures pérennes servant à héberger les daimyos, les autres représentants du shogun, les hatamoto (gardes officiels des daimyos et des shoguns), les monzeki (prêtres bouddhistes japonais),etc... Beaucoup de honjin formaient en fait la résidence personnelle des chefs de village ou de ville. En tant que tels, ils se devaient d'accueillir les envoyés du gouvernement , les obligeant à développer leur résidence en conséquence. En échange des services rendus, les propriétaires de ces honjin bénéficiaient de privilèges spéciaux. La honjin de Futagawa-Juku que je visite est vaste et pouvait accueillir de nombreux visiteurs (ci-dessous). Un petit jardin japonais était situé sur l'arrière du bâtiment (deuxième photo). Désormais, les nombreuses pièces présentent des vitrines d'objets anciens ainsi que des poupées et des costumes de samouraïs (troisième photo).


 

Les visiteurs ordinaires, eux, ne pouvaient pas séjourner dans les honjin, et peu importe l'état de leur fortune. Pour eux, existaient les Hatago, des logements plus modestes qui offraient aux visiteurs de passage le gite et le couvert. Les hatago servaient aussi de lieu de ravitaillement. Le honjin de Futagawa possède une hotoga (ci-dessous) qui jouxte le bâtiment et permet d'imaginer ce qu'était la vie dans ce type d'établissement. Sachez qu'un festival a lieu chaque année, le deuxième dimanche de novembre: En souvenir de la procession du seigneur du château de Yoshida, Matsudaira Izunokami Nobuaki, qui traversait à l'époque d'Edo, le village de Futagawa, on reconstitue cette parade avec les scènes de coutumes anciennes. Un salon des antiquaires a aussi lieu à cette occasion.

 

Il me faut marcher avec prudence le long de la route principale très étroite qui traverse Futagawa. La circulation automobile s'y pratique à double sens mais autrefois, il n'y avait probablement que des chevaux et des palanquins. Ce n'est plus le cas de nos jours. J'aperçois de temps à autre de vieilles maisons en bois comme cette maison de marchand (en photo ci-dessous). Un petit temple, le temple Myosen-ji mérite une visite: Une pierre (deuxième photo) y arbore en effet un poème (haiku) de Matsuo Basho, poète japonais illustre dont je vous ai déjà parlé dans d'autres articles. Non loin de là, se trouve le temple Daigan-Ji (troisième photo) classé comme l'une des plus beaux temples du pays. Autrefois installé au pied du Mont Iwaya, il fut démonté puis reconstruit à Futagawa en 1644. Une lanterne en or et une « ema »ancienne (plaquette de bois) s'y trouvent encore de nos jours.


 

 

 

INFOS PRATIQUES:

 


  • Site officiel de Toyohashi: http://www.city.toyohashi.aichi.jp/en/index.html

  • Château de Yoshida: http://www.jcastle.info/castle/profile/101-Yoshida-Castle

     

    entrée libre dans la poivrière reconstituée, qui est située à l'intérieur du parc de la ville.

  • Office de tourisme disponible en gare de Toyohashi, tous les jours de 9h00 à 18hOO

  • Se déplacer en tram comporte des avantages: Billet journée à 400 yens.

  • Toyohashi Public Hall, 3-8 Hachodori à Toyohashi. Tel: 0532 51 3077. Site internet (en japonais): http://www.bunzai.or.jp/

  • Eglise orthodoxe, 3-15 Hacchodori à Toyohashi. Tel 0532 54 0434. Entrée libre ( mais prendre rendez-vous en téléphonant à l'avance)

  • Sanctuaire Akumi Kanbe Shinmeisha, 3 Hacchodori à Toyohashi. Tel 0532 52 5257.

  • Musée des Arts et d'Histoire, 3-1 Imahashi-cho à Toyohashi ( dans le parc de la ville). Tel: 0532 51 2882. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 17h00. Entrée libre ( y compris pour les expositions temporaires)

  • Musée Futagawa Shuku Honjin, 65 Aza Naka-machi à Futagawa (agglomération de Toyohashi) Tel 0532 41 8580. Ouvert tous les jours ( sauf le lundi) de 9h30 à 17h00. Entrée: 400 yens. Photos autorisées. Site internet: http://www.toyohaku.gr.jp/honjin/

  • Temple Myosen-ji, 101-1 Higashimachi à Futagawa. Tel 0532 41 0807.

  • Temple Daigan-ji, 65 Togonai, à Oiwa-cho. Tel 0532 41 0896.

 











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