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Tokushima, Ville de Spectacles
(Préfecture de Tokushima, Ile de Shikoku, Japon)
Heure locale

Jeudi 4 juillet 2013

 

Nous avons été tirés de notre sommeil léger par des éclairs et le tonnerre. Le temps ne s'annonce pas au beau fixe mais, au moins, il fait chaud dehors. Nous avons prévu de partir pour Tokushima qui se trouve à une heure de train de Takamatsu. Tokushima est située dans la préfecture du même nom: Autrefois, l'endroit s'appelait la province d'Awa (nom de l'une des villes de l'actuelle préfecture). L'ancienne province recouvrait en effet une partie de cette préfecture et faisait partie des six provinces traversées par la route du Nankaido (route de la mer du sud). Ce terme désignait tout à la fois l'ancienne division du pays et la route principale qui la traversait. Le Nankaido englobe les terres provinciales pré-Meiji de Kii et Awaji ainsi que les quatre provinces constituant l'île de Shikoku. Ce nom évoque également des tremblements de terre historiques comme, par exemple, Meio Nankaido en 1498 ou Keicho Nankaido en 1605.

Soraya et moi choisissons de nous rendre au musée des marionnettes Awa Jurobe Yashiki, situé un peu à l'écart de la ville. Cet endroit est aussi un théâtre qui donne des spectacles de marionnettes (nous en verrons un tout à l'heure) à intervalles réguliers. La région du Kansai possède sa « route culturelle » qui inclut celle des marionnettes et qui est constituée de douze étapes (dans les préfectures de Tottori, Hyogo, Osaka, Kyoto, Shiga et Tokushima). Le théâtre où nous nous rendons aujourd'hui a été classé bien culturel national et se trouve à un quart d'heure de taxi du centre de Tokushima. Un bus dessert le musée et vous ramène à la gare ferroviaire de la cité.

Le théâtre Awa est synonyme de tradition dans la région depuis presque 400 ans. On y raconte des histoires au son du shamisen (ci-dessous) pendant que les marionnettistes s'activent pour donner vie à leurs personnages (deuxième photo). Ces trois personnages (le narrateur, le musicien et le marionnettiste) sont indissociables. Cet art théâtral avait jadis pour habitude de se transporter dans les villages reculés (en montagne ou à la campagne). Des scènes spéciales (nosonbutai) étaient alors utilisées, tant pour les pièces de kabuki que pour ces spectacles de marionnettes. En 1971, on comptait encore 208 théâtres itinérants de ce type. Des portes en bois coulissantes (fusumae) étaient utilisées pour les décors car facilement amovibles. La scène du théâtre la plus spectaculaire faisant usage de ce système à Tokushima comprenait 130 fusumae et laissait apparaître 42 décors différents.


 

Le Koyagake était un autre type de théâtre ambulant, qui exerçait son art au coin des rues (Hako Mawashi, en photo ci-dessous), ou devant chaque maison au Nouvel An (Sambaso Mawashi, pour demander de bonnes récoltes et pour éviter maladies et désastres). Sur l'île de Shikoku, ce théâtre constitua d'ailleurs plus tard la cérémonie habituelle du Nouvel An. Des poupées représentant le dieu Ebisu existaient aussi afin de solliciter de bonne pêches à venir. Ce théâtre de rues se rendait là où les autres théâtres ne jouaient jamais. Une parade avait lieu avant le spectacle dans le but d'attirer le chaland et de montrer notamment les poupées. Celles-ci pouvaient fermer les yeux, froncer les sourcils ou ouvrir la bouche. Le visage « Gabu », lui, pouvait carrément passer d'un visage enjôleur à une expression démoniaque en quelques instants. Les marionnettes utilisées pour les scènes d'extérieur étaient différentes de celles dont on faisait usage pour le bunraku (théâtre populaire d'Osaka): Elles étaient adaptées pour permettre aux spectateurs de comprendre immédiatement le sens des expressions. Leurs têtes étaient par conséquent plus grosses (18 centimètres) que les autres (douze centimètres) et les traits, plus prononcés (yeux et nez très marqués). On réalisa ces marionnettes en hinoki (cyprès japonais) puis en bois de Paulownia un peu plus tard. Ces petits personnages étaient transportés dans des boites individuelles lors des déplacements.

 

Jurobe Bando sert encore aujourd'hui de héros pour la pièce historique qui est présentée: Jurobe naquit en 1646 dans une famille villageoise dont le père était le chef du village d'Awa (ancien nom de Tokushima). Jurobe lui succédera plus tard en tant que représentant des villages de Miyajima et Tsurujima et avait le droit, à ce titre, de porter un sabre (symbole du samouraï au Japon) et de choisir un nom. Courageux, il fut bientôt nommé par son seigneur, inspecteur des importations de riz, denrée rare à l'époque (car on produisait surtout du bleu indigo et du sel). Il dut, pour cette raison, importer secrètement le riz d'autres domaines car, à l'époque d'Edo, les shoguns interdisaient formellement le stockage de nourriture et des armes. Cela se sut et Jurobe fut condamné à mort sans véritables raisons en 1698. Il devint ainsi la principale victime de cette pénurie de nourriture et, soixante-dix ans après son exécution, on écrivit la pièce « Keisei Awa no Naruto » pour exprimer les malheurs de cet homme. Cette pièce comprend dix actes et est jouée à l'aide de cinq marionnettes. Elle fut interprétée pour la première fois au théâtre Takemotoza d'Osaka en 1768. Le huitième acte, le plus classique de la pièce, est aussi le plus triste de l'histoire mais le plus populaire.

 

La danse d'Awa est un autre type de spectacle. Un musée lui est consacré à Tokushima (au pied du téléphérique pour le Mont Bisan). Il relate l'origine de cette danse, aborde le « Bon Festival » de la ville tout en décrivant l'évolution de la danse à partir de cette fête et jusqu'à nos jours. Une représentation est justement donnée à 14h00 et nous découvrons lors de celle-ci que cette danse est très populaire. L'animateur sur scène nous explique comment exécuter la danse Awa et le public évoluera plus tard sur la scène, en compagnie de la troupe (ci-dessous). L'origine de la danse Awa est incertaine et on hésite encore aujourd'hui entre trois explications: Cette danse puiserait ses origines dans le festival Bon qui se tenait au mois de juillet (calendrier lunaire). Elle serait le résultat de différentes influences artistiques comme la danse improvisée Nikawa et la danse en équipe Kumi Odori. On pratiquait en effet ces danses au festival Bon en hommage aux ancêtres.


 

Une autre explication nous interpelle: La danse d'équipe Kumi Odori est l'une des caractéristiques de la danse Awa Odori, et fut elle-même influencée par la danse Furyu qui participera plus tard au théâtre de Nô. Furyu fut rédigé en 1663 par Miyoshiki. Et le lord féodal, Sogo Masayasu finança le développement de cette danse qui se tenait alors dans son château de Shozui.

Enfin, la troisième théorie prétend que le lord féodal Hachikusa Iemasa autorisa les citadins à fêter l'achèvement du château de Tokushima. Ces derniers dansèrent pour l'occasion et c'est cette danse qui aurait pris plus tard le nom de Awa Odori.

Quoiqu'il en soit, il n'y a pas de danse sans musique (ci-dessous) et les instruments participant au spectacle sont au nombre de six: On trouve le shamisen (instrument à cordes), le kane (sorte de cloche qui ouvre le danse), la flûte de bambou yokobue, le tsuzumi (sorte de tambour), le shimedaiko (un autre tambour produisant un ton élevé) et l'oodaiko (qui produit un son grave). Des séquences de danse sont exécutées durant une quarantaine de minutes et viennent entrecouper les explications données par notre animateur. La salle est attentive et les applaudissements fusent à la fin des différentes danses.


 

La danse Awa connut bien des mésaventures: Nous l'avons vu, le lord Sogo Masayasu fit venir la troupe Furyu à Shozuijo le 6 juillet 1578, depuis Osaka. 1587 reste la date à laquelle Hachisuka Iemasa érigea le château de Tokushima. Des documents relatent l'interdiction du festival Bon le 8 juillet 1671. Ce festival sera interdit à plusieurs reprises notamment lors de la révolte Inada (en juillet 1870), lors de la guerre sino-japonaise en août 1894, lors d'une épidémie en septembre 1895, lors de la guerre russo-japonaise en août 1897, à cause de l'empereur Meiji en 1912, en aout 1918 lors de la révolte du riz... La danse Awa, elle, célébrera le 20 ème anniversaire de la cité en novembre 1909 et Moraes sera celui qui exportera cette même danse à l'étranger pour la première fois en 1916. On dansera encore sur le même rythme lors de la fin de la seconde guerre mondiale et la préfecture de Tokushima créera la fédération de danse en 1951. L'association de la danse Awa sera formée en mai 1905. Ainsi va la longue existence d'une danse dont on ne connait pas très bien l'origine mais qui est de toutes les fêtes, pour le grand plaisir des habitants et des visiteurs de passage dans la bonne ville de Tokushima. Et vu que des photos valent mieux qu'un long discours, je vous laisse en compagnie des clichés réalisés lors du spectacle.


 

INFOS PRATIQUES:


  • Site de la Préfecture de Tokushima: http://www.pref.tokushima.jp/english/

  • Théâtre et musée des marionnettes Awa Jurobe Yashiki, 184 Miyajima Motoura, Kawauchi-cho, Tokushima-shi, à Tokushima. Tel:(088) 665 2202. Ouvert tous les jours de 9h30 à 17h00. Entrée: 400 yens. Représentations théâtrales (d'une durée de 30 minutes) à 11h00 et 14h00 en semaine et le weekend, et à 11h00, 14h00 et 15h30 du 11 au 16 août. Site internet: http://joruri.info/jurobe/

    Pour y aller: En taxi ( c'est plus facile pour vous y rendre), compter 1800 yens (10 minutes). Pour revenir, emprunter l'autobus (arrêt situé en face du musée de l'autre côté de la route) pour 270 yens.

  • Musée Awa Odori, dans le même bâtiment que la station de téléphérique conduisant au Mont Bisan, c'est à dire à l'Awa Odoro Kaikan, 20-2 Chome, Shinmachibashi à Tokushima. Il est situé au 3è étage, tandis que la salle de concert où se déroule la danse Awa se trouve, elle, au 2è étage. Droit d'entrée: 700 yens (musée + spectacle) ou 500 yens (pour le seul spectacle). Le spectacle a lieu trois fois par jour en semaine: 14h, 15h et 16h. Durée: 40 minutes. Le weekend : 11h, 14h, 15h et 16h. Une représentation nocturne a aussi lieu tous les soirs à partir de 20h (durée: 50 minutes et entrée à 700 yens). Tel:(088) 611 1611.

  • Tokushima City Tourism Association, 20-2 Chome, Shinmachibashi à Tokushima. Tel:(088) 622 4010.

  • Toutes les photos de cette sortie se trouvent sur le site--> Médiathèque-->Album Asie.

  • Site de la ville de Tokushima: http://www.city.tokushima.tokushima.jp/



 



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