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La Chine et les Trains à grande vitesse
(Wuhan, Province de Hubei, Chine)
Heure locale

 

Mercredi 18 décembre 2013

 

Après les Japonais, les Français...les Chinois, eux aussi, sont tombés amoureux de la grande vitesse. Et ont, depuis 2007, développé un large réseau ferroviaire de TGV . Nous partons à plusieurs ce matin de la gare de Wuhan, en direction de Yichang (à deux heures de TGV). Il est tôt, et il fait encore nuit. Joy, notre guide, nous conduit dans la salle des guichets et s'occupe d'acheter nos billets de train à notre place. Je profite d'un moment de libre pour regarder autour de moi : Un immense panneau lumineux, situé au-dessus des guichets informe les passagers des trains disponibles sur les dix prochains jours. En face de chaque numéro de train est affiché, en vert, le nombre de places disponibles. Le passager peut ainsi réserver un siège à sa convenance. Les étrangers souhaitant voyager en train doivent fournir leur passeport : L'employé des chemins de fer reporte alors sur chaque billet le nom et le numéro de passeport du passager. Il faudra un quart d'heure à Joy pour régler les formalités. Nous partons ensuite en direction d'une grande salle d'attente donnant accès aux quais. Je découvre une vaste gare. Ici, tout est grand et conçu pour un nombre important d'usagers. Nous sommes en Chine, il ne faut pas l'oublier. Nous arrivons vite sur le quai et découvrons le train à grande vitesse qui va nous mener à Yichang. Nous voyagerons en première classe et notre voiture n'est pas très loin, ce qui nous donne quelques instants pour prendre les photos d'usage. Le réseau à grande vitesse chinois dessert actuellement une centaine de villes et permet à des millions de personnes de voyager par le rail. Le train est d'ailleurs à ce jour devenu un moyen de transport deux fois plus utilisé que l'avion. C'est dire. Le gouvernement chinois s'est lancé dans ce vaste projet, avec, pour vision stratégique, l'idée de construire ce réseau ferré uniquement en utilisant ses propres ressources. En effet, la construction des lignes n'est pas ouvert à la concurrence. Ce projet a pris forme à partir des années 2000, pour déjà offrir aujourd'hui au pays un total de près de 10000 kilomètres de lignes à grande vitesse ! Revenons quelques instants sur l'histoire de la grande vitesse chinoise : au début des années 90, des locomotives diesel pouvaient atteindre une vitesse maximale de 120 km/heure sur les trains de voyageurs. Le Ministère des Chemins de Fer d'alors présenta un projet de construction d'un réseau à grande vitesse entre Pékin et Shanghaï. A l'époque, cette ligne avait déjà atteint sa pleine capacité. Quatre ans plus tard, le Conseil d'Etat réclama une étude de faisabilité pour cette ligne. Et un grand débat entre partisans et opposants de prendre place dans le pays. En 1995, le Premier ministre Li Peng annonça les travaux préparatoires mais tout traina en longueur et rien ne se passera avant la première décennie du XXI è siècle. C'est que ce pays revient de loin. En 1993, les trains de passagers roulaient en moyenne à ...48 km/heure ! Et perdirent par conséquent des parts de marché face au transport aérien et au transport autoroutier. Le Ministère des Chemins de Fer concentrera donc ses efforts sur la modernisation des lignes (en multipliant celles-ci par 3, 4 ou 5) et l'augmentation de la vitesse de circulation (grâce à l'électrification, la création de tunnels et de ponts, réduction des courbures des voies, rails soudés,..). La vitesse d'exploitation montera progressivement jusqu'à 160 km/heure, comme sur cette ligne Guangzhou-Shenzhen (qui utilisait à l'époque des locomotives diesel) alors réputée pour sa qualité de service à la fin de 1994. La ligne sera électrifiée quatre ans plus tard. La Chine était alors rentrée dans sa préoccupation majeure : Augmenter la vitesse des trains. Des trains express à grande vitesse firent d'abord leur apparition, sur les lignes normales, mais l'idée de créer des LGV (lignes à grande vitesse) fit parallèlement son chemin. Dans le même temps, le gouvernement chinois s'interrogeait : devait-on développer le réseau grande vitesse sur un réseau ferré conventionnel ou sur des lignes à sustentation magnétique (MAGLEV) ?

 

Pour l'heure, notre petit groupe embarque à bord du TGV qui va nous conduire de Wuhan à Yichang, en deux heures. Plusieurs arrêts sont prévus avant notre arrivée à destination et nous roulerons à une vitesse maximale de ...196 km/heure sur cette ligne. Wuhan est déjà le point de départ d'une ligne nouvelle LGV qui conduit à Nankin (Province de Jiangsu). Les deux villes sont séparées de 500 kilomètres. La LGV permet généralement aux trains d'atteindre une vitesse moyenne de 272 km/heure. La vitesse atteinte dépend de la qualité de la ligne (ligne déjà existante ou ligne nouvellement créée) mais, en ce qui concerne Wuhan, il est possible de monter à bord d'un train LGV au départ de cette ville et en direction de Canton (distance entre les deux villes : 1079 km) et d'atteindre une vitesse moyenne de 294 km/h, avec des pointes supérieures à...300 km/h. Le voyage ne dure que 3h08. Certaines autres lignes à grande vitesse sont même conçues pour atteindre 350 km/heure.

Le réseau ferré chinois est l'un des plus vastes du monde avec 98000 kilomètres de lignes. Il se classe en seconde position derrière les Etats-Unis, mais au rythme où vont les choses, il pourrait devenir bientôt numéro un. Depuis cette année, les réseau grande vitesse chinois a pris la première place avec 9867 kilomètres en service, auxquels il faut ajouter 9081 kilomètres en cours de travaux et 3777 autres kilomètres prévus dans les années à venir, pour atteindre un total de voies ferrées dédiées à la grande vitesse de...22726 kilomètres (et 16000 kilomètres dès 2015)! Inutile de dire que la France est loin derrière, plus exactement au quatrième rang mondial (avec un total de 5200 km de lignes grande vitesse). Depuis cette année, la Chine compte en effet plus de 4800 kilomètres de réseau où les trains peuvent rouler à une vitesse minimum de 300 km/heure, soit plus que la France (2036 km) ou encore le Japon. Ces lignes sont la LGV Pékin-Shanghaï (d'une longueur de 1318 kilomètres) dont la construction débuta en avril 2008, et la ligne LGV Wuhan-Canton (longue de 1079 km). Par exemple, Shanghaï est désormais à moins de cinq heures de la capitale chinoise (au lieu de dix heures auparavant). Incroyable !

 

Les lignes nouvelles (permettant des vitesse de l'ordre de 200 à 250 km/heure) sont les LGV Ningbo-Wenzhou-Fuzhou-Xiamen, Nankin-Wuhan, Nanchang-Jiujiang, Chengdu-Dujiangyan, Shijiazhuan-Taiyuan, Jinan-Qingdao et Qinhuangdao-Shenyang. D'autres lignes déjà existantes, sont (ou ont été) mises à niveau pour atteindre les mêmes vitesses : LGV Pékin-Shanghaï, Pékin-Zhengzhou-Wuhan-Zhuzhou, Pékin-Harbin, Hangzhou-Ningbo, Hangzhou-Zhuzhou, Zhengzhou-Lianyungang, Xi'an-Baoji, Chongqing-Chengdu, Canton-Shenzhen et Shiyan-Jinjiang. Le projet ferroviaire à grande vitesse est axé sur la construction de huit grands axes : 4 axes Nord-Sud, avec Pékin comme point de départ, vers le nord (Harbin), le nord-est (Dalian, Shenyang), le sud (Shanghaï, Canton, Nankin, Shenzhen, Fuzhou et Hong-Kong). Et 4 axes Est-Ouest,avec Qingdao-Taiyuan, Xuzhou-Lanzhou, Shanghaï-Kunming et Shanghaï-Chengdu. Le maillage du pays prévoit ainsi huit couloirs à haute vitesse (4 nord-sud et 4 est-ouest, soit au total 12000 kilomètres), en sachant que la plupart des nouvelles lignes (appelées PDL) suivent les routes existantes et sont uniquement destinées au trafic de passagers. Parmi ces lignes, il y en a qui ont par contre été bâties pour relier des villes qui ne possédaient pas encore de liaison ferroviaire. Elles servent à la fois au transport de fret et de passagers. Ce maillage, initialement prévu pour être finalisé en 2020 a pris un peu de retard face au ralentissement du projet (construction de lignes nouvelles), ordonné depuis par le gouvernement chinois. La ligne Qinhuangdao-Shenyang, électrifiée, à double-voie et à écartement standard, fut construite entre 1999 et 2003. On y testa plusieurs trains et elle démontra vite sa compatibilité avec le reste du réseau chinois, et sa compétitivité économique face au MAGLEV.

 

Le réseau à grande vitesse chinois a lui aussi des accidents : Celui qui eut lieu près de la ville de Whenzhou, le 23 juillet 2011, fut occasionné par la foudre qui aurait mis hors d'usage le système de signalisation de la ligne. Alors que le train était immobilisé sur la voie située au-dessus d'un viaduc, il fut percuté à l'arrière par un autre convoi (un train géré par un autre bureau de chemin de fer, d'où un manque de communication), ce qui provoqua la chute de quatre voitures depuis le viaduc et entraina la mort de quarante personnes et 210 blessés. Cet accident, survenu seulement quelques jours après l'inauguration en grande pompe de sa ligne grande vitesse Pékin-Shanghaï (lors du 90è anniversaire du PC chinois), a eu pour effet de ralentir le développement accéléré du réseau ferroviaire chinois, fer de lance du pays que le gouvernement souhaite à terme exporter dans le reste du monde. Mais aussi de mettre en exergue les problèmes de sécurité et de corruption. Liu Zhijun, ex-Ministre des chemins de fer chinois sait ce qu'il en coûte de magouiller. Celui-ci, accusé de toucher un pécule sur chaque kilomètre de rail posé, fut jugé et condamné à la peine capitale, avec effet suspensif de deux ans. Un peu plus d'un an après ce terrible accident, le 26 décembre 2012, la Chine mettra pourtant en service la plus longue ligne de TGV au monde (3,5 fois la distance Paris-Marseille), entre Pékin et Canton : le voyage durera huit heures (contre 22 heures en train ordinaire, et 3h30 en avion), à une vitesse de 300 km/heure, en desservant 35 gares pour la modique somme de 865 yuans (105 €) en 2è classe. A noter que la Chine a bénéficié d'un transfert de technologie de la part des Japonais, des Canadiens et des Allemands, en échange de la promesse de bénéficier d'une place de choix le moment venu, lorsque le pays s'ouvrirait à la concurrence. Ainsi, Siemens, Bombardier et Kawasaki Industries ont permis à des ingénieurs chinois de concevoir les trains actuels qui peuvent atteindre jusqu'à 380 km/heure. Il apparaît toutefois que ce réseau chinois à grande vitesse coûte moins cher que dans les pays développés, tout en coûtant beaucoup plus cher que le réseau ferré conventionnel. Un voyage entre Pékin et Jinan (soit 420 km) revient par exemple à 22 € pour 1h30 de transport (alors que le même voyage en train conventionnel ne coute que 9 € et dure 6 heures environ). Ce réseau TGV géant avait déjà couté la bagatelle de...257 milliards d'euros fin 2012 (soit environ 5% du PIB du pays). Une dette considérable, d'autant plus décriée à cause des problèmes de corruption qui vinrent entacher la réputation des chemins de fer. En 2013, la Chine avait prévu d'investir jusqu'à 73 milliards d'euros dans la construction de voies ferrées (dont 60% dédiées à la grande vitesse).

En montant à bord de notre train, je découvre avec surprise que la voiture première classe est en tout point similaire à une voiture première classe d'un...shinkansen (Japon) ! Les sièges sont identiques, les aménagements aussi. J'en conclus que la Chine a du acheter des rames auprès des Japonais en attendant de produire les leurs. Un petit tour dans la rame s'impose. Je me rends à l'extrémité de la voiture et découvre le même espace, les mêmes toilettes. Une fontaine d'eau en libre-service remplace juste les distributeurs de boissons que l'on trouve au Japon. Il est aussi possible de disposer d'eau chaude gratuitement. Une autre voiture accueille la seconde classe. Les sièges sont plus étroits. Un peu plus loin, dans la rame, je découvre la voiture-restaurant, et son coin bar, où s'est réfugié pour l'instant le personnel de bord qui consomme un encas. J'aperçois également d'autres personnels qui ont investi les sièges d'un wagon de seconde classe pour prendre quelque repos. Notre train ne comporte qu'une rame (huit wagons) et pas de classe affaires. Tout comme au Japon, le personnel de cabine est nombreux : on rencontre le contrôleur, les hôtesses de bord (dans leur uniforme rouge) et des femmes de ménage. Je commande un café au bar et le paye 10 yuans. Il s'agit d'un gobelet en carton pré-conditionné dans lequel l'hôtesse rajoute de l'eau chaude. Je me force à le boire car il est imbuvable ! En cabine, une hôtesse propose aussi des ventes à la place. La partie supérieure de son trolley est garnie de généreuses barquettes de fruits.Côté siège, je retrouve le même espace de confort pour les jambes qu'au Japon mais il existe des carrés Première classe (sur le modèle français, lequel, soit dit en passant n'est pas un modèle de confort!) pour quatre ou six passagers, mais l'espace pour les jambes est alors inexistant. Chaque pochette de siège comporte une revue de voyage, tout comme dans les trains japonais. Un bandeau lumineux, situé à l'extrémité de la voiture, annonce les prochaines gares et...la vitesse de croisière. Notre voyage est ponctué d'annonces effectuées par le personnel de bord. On nous y rappelle qu'il est formellement interdit de fumer et que le non-respect de cette règle pourrait occasionner l'arrêt du train. J'imagine déjà les conséquences...Nous arrivons à Yichang et quittons notre confortable siège pour poursuivre notre périple. La gare de Yichang est moderne (tout comme celle de Wuhan), propre, sans SDF ni mendiants.

 

Il faut savoir que la grande vitesse ferroviaire chinoise, c'est aussi le MAGLEV (Train Grande Vitesse à sustentation magnétique), détenu par le gouvernement de la ville de Shanghaï. On hésita un moment sur le choix de la technologie concernant le développement du futur réseau à grande vitesse. Le MAGLEV reçut un coup de pouce en 2000 lorsque le gouvernement de Shanghaï convint d'acheter un système de train Transrapid à l'Allemagne, d'une longueur de 30,5 kilomètres, et à sustentation magnétique, pour relier l'aéroport international de Pudong et la ville. Quatre ans plus tard, ce train était devenu le premier train commercial à sustentation magnétique à grande vitesse, avec des vitesses de pointe de 431 km/heure (soit 30,5 km en...7 minutes trente!). Cette technologie n'était malheureusement pas envisageable sur de grandes distances à cause de ses coûts élevés, mais aussi dû au refus allemand de partager davantage sa technologie et à des problèmes de sécurité. Des interrogations se posèrent auprès des populations vivant le long de la ligne MAGLEV au sujet de l'impact éventuel des rayonnements magnétiques émis par les trains sur la santé. Autant de facteurs qui découragèrent dans leurs projets d'équipement des villes comme Hangzhou ou Hongqiao. Mais ce n'est pas cela qui ralentira la Chine dans son grand bond en avant !

 

 

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