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Les Poupées Hina d'Hirakata
(Musée Kagiya, Hirakata, Préfecture d'Osaka, Japon)
Heure locale


 

Samedi 15 février 2013

 

De passage à Osaka, je visite le musée Kagiya d'Hirakata, qui expose actuellement des poupées Hina. Sous la période Edo, la ville d'Hirakata était une étape sur la route Kyo Kaido, route alternative à la fameuse route Tokaido, mais aussi un port sur la rivière Yodogawa. La ville fit l'acquisition d'un ancien relais d'étape en 1995, et l'utilisa pour y installer le musée Kagiya, lequel expose habituellement des objets et des documents faisant référence au rôle d'Hirakata en tant que ville-étape. J'y trouverai une collection de vaisselle (bols et assiettes), mais aussi des documents faisant référence à la route Kyokaido, des peintures représentant les bateaux Sanjukkoku et Kurawanka, et un laisser-passer Goinkan, datant de 1868. Mais aujourd'hui ce sont les poupées Hina qui me conduisent à ce musée:cinq œuvres sont exposées dans le Grand Hall et il ne faut assurément pas manquer cela. Les poupées traditionnelles japonaises, appelées ningyo, sont nombreuses et les poupées Hina en sont un type. On y verra sans doute la continuité entre la création par la culture Jomon d’images représentant des humains (-8000 et -200) et les premières figures funéraires haniwa de la culture Kofun. Des documents font d'ailleurs référence à la fabrication d'une poupée d'herbe qui aurait ensuite été bénie puis jetée dans la rivière au sanctuaire Ise-Jingu (Ise, Japon). Cette coutume probablement encore plus ancienne, est à l'origine de Hina Matsuri (Fête des Poupées) appelée également la Fête des Pêches, car on considère que les fleurs de pêchers ont les qualités qu »une jeune fille doit posséder : grâce et beauté.. Cette fête, qui se tient au Japon chaque 3 mars, symbolise une journée consacrée aux petites filles, fête au cours de laquelle ces petites filles portent un kimono à manches longues, reçoivent des cadeaux, avant de rendre au temple shinto avec sa famille pour se recueillir . Les jours précédant ce 3 mars, les petites filles nippones exposent de précieuses poupées posées sur des petites estrades à plusieurs niveaux (deuxième photo ci-dessous). Ces poupées particulières, qui se transmettent de génération en génération, sont rangées dans un carton le reste de l'année. Ces poupées-là représentent des personnages de la cour impériale de l'ère Heian. La disposition des poupées lors de leur exposition est bien déterminée : l'empereur se trouve sur le niveau le plus haut, à gauche, puis l'impératrice, à droite. Un paravent doré fait souvent office d'arrière-plan. Sur le second niveau, trois dames de cour sont disposées portant des flacons de saké. Cinq musiciens se tiennent sur la troisième marche. Sur les trois niveaux inférieurs, sont présents d'autres personnages et figurines dont des chars à bœufs. La quatrième étagère inclut souvent deux ministres, un ministre de gauche et un ministre de droite. On trouve enfin des hishimochi, petits gâteaux tricolore à base de riz gluant, en forme de parallélogramme. Il existe toutefois des étagères plus simples qui présente uniquement le couple impérial. Parfois, on représente même ce couple avec de simples origamis.


 

Il existe plusieurs types de poupées japonaises :certaines représentent des enfants et des bébés, d'autres, nous l'avons vu, des membres de la cour impériale, d'autres des guerriers et des héros, ou bien des personnages de conte de fée ou de la mythologie japonaise (excepté des démons), ou même simplement des japonais. A l'origine, la destination de ces poupées étaient des cérémonies familiales. Elles étaient alors offertes comme cadeaux formels. Elles étaient aussi utilisées dans d'autres célébrations comme la fête des poupées, ou encore Kodomo no Hi (la journée des enfants), ou encore Tango no Sekku. D'autres poupées furent fabriquées pour être tout bonnement vendues comme souvenirs lors d'une visite d'un temple par exemple. Aux environs de l'an 1000, existaient déjà plusieurs types de poupées. Les filles jouaient avec des poupées et des maisons de poupées, tandis que les femmes fabriquaient des poupées afin de protéger leurs enfants et leurs petits-enfants. D'autres poupées étaient utilisées lors de cérémonies religieuses car elles prenaient sur elles les péchés des personnes qui les touchaient. On pense que les premiers fabricants de ces poupées étaient des sculpteurs des temples, lesquels concevaient les figurines de bois peint représentant des enfants (poupées Saga). Ces poupées-là étaient faites d'un bois recouvert d'une laque (gofun), avec de la colle et des coquilles d'huitres ainsi que des textiles. Leur utilisation était vaste comme, par exemple, ces figures de héros légendaires qu'on mettait à l'honneur lors des festivals. On les emportait alors dans les rues des villes, comme à la Fête de Gion de Kyoto. D'autres poupées servaient dans les théâtres, comme ces poupées bunraku, une forme de théâtre qui rivalisait avec le kabuki, et qui existe toujours de nos jours. Durant l'époque Edo, alors que le pays était replié sur lui-même, se développa une coutume : les riches payèrent des fabricants de poupées pour qu'on leur fabrique des poupées décoratives qui serviront à égayer leur intérieur. Mais aussi pour offrir en cadeau. On vit alors apparaître de plus en plus de poupées raffinées et détaillées, à tel point que cette fabrication fut bientôt régulée par le gouvernement de l'époque. On arrêtait ainsi parfois des fabricants qui ne respectaient pas la hauteur réglementaire des poupées ou qui n'utilisaient pas les matériaux adéquats.


 

Examinons maintenant les différentes sortes de poupées japonaises : on trouve tout d'abord les gosho, en forme de bébés gros et mignons à la fois. Le gosho de base est représenté par un bébé de sexe masculin en position assise, presque nu, avec la peau très blanche, mais on peut rencontrer des gosho habillés plus richement, portant cheveux et accessoires. On trouve ces poupées-là en version mâle ou femelle. Elles étaient à l'origine des cadeaux associés à la cour impériale. Gosho peut d'ailleurs se traduire par « palais » ou « cour ».

Les poupées musha, elles, représentent des guerriers ou des guerrières.De construction plus compliquée (car les figures représentent des hommes et des femmes assis, debout ou à cheval), elles utilisent toutefois les mêmes matériaux que les poupées hina. Les musha portent armure, casques et armes en papier laqué, avec souvent des couleurs métalliques. On retrouve parmi elles des représentations de l'empereur Jimmu, ou bien l'impératrice Jingu et son premier ministre Takenouchi, tenant dans ses bras l'empereur nouveau-né. Mais aussi Shoki, l'exorciste, ou bien Toyotomi Hideyoshi et ses généraux, sans oublier ces figures de contes de fée, dont Momotaro ou Kintaro.

Les poupée ichimatsu représentent des petites filles ou des petits garçons, bien proportionnés et normalement colorés, avec des yeux de verre. Les premières ichimatsu furent nommées en l'honneur d'un célèbre acteur de kabuki du XVIII è siècle et représentaient probablement un homme adulte, mais depuis la fin du XIX è siècle, ce terme s'applique aux poupées en forme d'enfant. Les poupées mâles, au regard espiègle, furent celles qui connurent le plus de succès à la fin du XIX ème et au début du XX ème. Mais un événement inattendu contribua à populariser les poupées femelles en 1926, lorsque le Friendship Doll Exchange fit faire 58 poupées représentant des petites filles, qui furent adressées aux enfants japonais, de la part des enfants américains. Celles-ci, à l'expression à la fois douce et sérieuse, portaient un kimono.

Kimekomi se réfère à la manière de fabriquer les poupées. Leurs ancêtres sont les poupées kamo, faites en bois de saule puis décorées de morceaux de tissu. Quant aux poupées kimekomi, elles consistent en un morceau de bois taillé. Puis, on choisit des morceaux de tissu de couleurs et motifs différents en guise de décoration. Le tissu est alors collé sur le bois, la tête et les mains sont recouvertes de gofun (laque) et les cheveux peuvent être gravés dans le bois ou bien matérialisés par une perruque. Ces poupées sont restées assez populaires au Japon et on trouve même des petites trousses contenant tout le nécessaire pour la fabrication du kinekomi.

Les kokeshi, elles, existent depuis 150 ans et sont originaires du nord de l'île de Honshu. Elles servirent d'abord de poupées pour les enfants des paysans. Ne comportant ni bras, ni jambes, mais juste un une grande tête et un corps cylindrique, elles représentent des petites filles, et sont, de nos jours, souvent achetées par les touristes.

Les Daruma sont des poupées sphériques avec un corps rouge et un visage blanc, sans pupilles. Ces poupées-là représentent un prêtre qui fonda le zen il y a environ 1500 ans. Et sont supposées donner chance et courage pour atteindre les objectifs qu'on s'est fixés. La tradition veut qu'on dessine la pupille dans le blanc d'un œil lorsqu'on fait son souhait, puis l'autre, lorsque le souhait est réalisé. Les daruma trouvent leur usage toute l'année mais surtout le jour du Nouvel An, car cette poupée représente Bodhidharma, un religieux indien de la secte bouddhique dhyana, venu de Chine pour diffuser les préceptes du bouddhisme. On dit qu'il passa neuf années, assis devant une grotte avant d'atteindre l'illumination. Ce qui lui aurait fait perdre l'usage de ses membres, d'où l'apparence de la poupée daruma. Une autre histoire prétend que, durant sa méditation, le religieux se serait endormi et aurait jeté ses paupières. L'endroit où celles-ci tombèrent vit pousser les premières pousses de thé vert.


 

Les poupées hina, elles, sont celles de la Fête de Hina (Hina Matsuri), ou Fête des poupées. Elles sont faites de plusieurs matériaux, mais la vrai poupée hina a une forme plutôt pyramidale, avec plusieurs couches de textiles remplies de paille ou de morceaux de bois. Elle est dotée de mains (et même parfois de pieds) taillées recouvertes de gofun, ainsi que d'une tête de bois recouverte également de laque, avec des yeux fixes en verre. Avant 1850, les yeux étaient toutefois gravés puis peints. Ses cheveux sont faits de cheveux humains ou de matière synthétique. Un jeu complet de poupées hina comprend au minimum quinze poupées qui représentent chacune des personnages spécifiques, dotées de nombreux accessoires. Le jeu de base, lui, comprend simplement une paire de poupées hina, l'une masculin, l'autre féminine, souvent appelées « l'empereur et l'impératrice ».

On parle de « Fête des poupées » lorsqu'on évoque Hina Matsuri car l 'élément le plus significatif de cette événement est la décoration mise au point pour l'occasion, avec ces fameuses poupées hina : chaque famille va installer le tokonoma (représentation d'une cour impériale de l'ère Heian) dans une alcôve de la pièce principale de la maison. La disposition des poupées obéit à des règles puisque les reproductions de scènes les plus élaborées (donc, les plus couteuses!) comportent jusqu'à sept étages (ci-dessous), d'une plateforme appelée hina dan, qu'on recouvre d'un tissu rouge (dankake) qui servira de décor. Cependant, si on manque de moyens, ou de place, l'alcôve sera plus modeste et moins décorée, n'accueillant que quelques poupées en origami, voire même une seule statuette en guise d'ornement.


 

Une fois que le hina est prêt, chaque étage reçoit ses poupées dans un ordre précis. Sur le premier étage, on dispose tout en haut le couple impérial (dairi bina). Avec, à gauche, l'empereur, tenant dans ses mains le saku (sceptre rituel en bois plat d'origine chinoise) et à droite, l'impératrice (qui tient un éventail). Un paravent doré (byoku) est souvent placé derrière le couple impérial. A l'étage inférieur, on place trois dames de compagnie (san nin kanjo) tenant un service à saké. Sur l'étage du dessous (3è niveau), est placé un orchestre de cinq musiciens (Go nin Bayashi). Chaque musicien tient un instrument, excepté la poupée centrale, qui représente une chanteuse et tient un éventail. Le 4è niveau, se trouvent des poupées représentant deux ministres (Daijin) de l'empereur : celui de droite est un ministre plutôt jeune, celui de gauche, un ministre plus âgé. Ces deux poupées tiennent des flèches et un arc (ci-dessous). Devant ces poupées sont enfin placées des offrandes, comme des gâteaux de riz (hishimochi) en forme de losange. L'étage le plus bas regroupe trois dernières poupées symbolisant trois samouraïs, protecteurs de l'empereur.

 

Il existe encore d'autres poupées : des poupées à peau de soie, ou « visage de masque », qui furent populaires dans les années vingt et trente. Elles permettaient à tout le monde de faire un kimono détaillé représentant des femmes des différentes périodes historiques du Japon, surtout la période Edo. Ces poupées trouvèrent leur popularité auprès des membres des forces armées alliées dans le Japon d'après-guerre. Il y a aussi les poupées bisque, faites d'argile, une spécialité de Fukuoka (Kyushu). Inutile de rappeler que ces poupées (hakata ningyo) sont célèbres dans tout le pays. Les ningyo anesama (poupées représentant les sœurs ainées) et les poupées marque-page sont faites de papier washi. Les premières sont tri-dimensionnelles, et les secondes sont plates. Les ningyo anesama sont dotées de coiffures complexes avec des costumes faits de papier washi de haute qualité, mais n'ont pas de visage. Celles de la Préfecture de Shimane sont les plus célèbres.

D'autres poupées, plus récentes, et moins traditionnelles sont aussi disponibles : les Ball Jointed Dolls, par exemple très populaire aux Etats-Unis.

 

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Musée Kagiya, 10-27 Tsutsumi-cho, Hirakata (Japon). Ouvert tous les jours (sauf le mardi). Exposition de poupées Hina, jusqu'au 28 février 2014. Entrée 200 yens. Horaires d'ouverture : 9h30 à 17h00.
    Tel : 072- 843- 5128










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