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Kakunodate et ses Maisons de Samouraïs
(Préfecture d'Akita, Tohoku, Japon)
Heure locale


Dimanche 28 septembre 2014

 

Que voulez-vous, j'ai la bougeotte ! Hier à Kitakami, je débarque aujourd'hui à Morioka, dans la Préfecture d'Iwate. Mais c'est à Kakunodate (Préfecture d'Akita) que je vais passer ce dimanche. Cette petite ville, qui a fusionné en 2005 avec Tazawako et Nishiki fait désormais partie de Semboku, une autre ville, fusion de plusieurs communes. La chose est un peu compliquée mais, contrairement à la France, le Japon regroupe ses communes dans certains cas et sans états d'âmes. On m'avait conseillé de visiter Kakunodate (qui se trouve sur la ligne shinkansen conduisant à Akita) pour ses maisons de samouraïs. L'endroit est aussi célèbre pour ses cerisiers. Autrefois, se trouvait également un château, construit au sommet d'une colline. L'histoire de château dépendit de Moriyasu Tozawa qui reçut le domaine en 1590 (bien que celui-ci eut déjà été construit) et dut détruire la forteresse en 1620 à cause d'un décret shogunal qui exigeait la détention d'un seul château maximum par domaine. Seules les ruines restent aujourd'hui sur le site du Mont Furushiro.

Kakunodate ne se trouve qu'à une cinquantaine de minutes de shinkansen de Morioka. A l'office de tourisme, je rencontre une dame qui parle français et m'apporte les informations nécessaires à ma visite. Je croise de nombreuses personnes âgées, seules ou en couple, qui partent en randonnée. Pour ma part, je me consacrerai exclusivement aux maisons de samouraïs. Il faut savoir que la ville était jadis divisée en deux parties : la partie nord avec ses maisons de samouraïs, et la partie sud qui accueillait les marchands. Comme par enchantement, le quartier des samouraïs est resté intact au fil des ans, offrant encore ses petites rues et ses superbes demeures. On compte une demi-douzaine de maisons présentant un réel intérêt et qui se trouvent dans la même rue, Buke Yashiki Street.


 

La première maison où je fais une halte est celle de la famille Kawarado. Cette maison (ci-dessus en photo) est vaste et majestueuse à la fois. Au Japon, maisons et temples disposent d'une architecture spécifique. Qui doit respecter de nombreuses règles souvent liées au précepte zen. Au Moyen-âge, la maison japonaise était surtout bâtie en bois, et il y en avait trois sortes : la maison des nobles, celle des citadins ordinaires et celle des paysans. Les habitations des guerriers ordinaires ressemblaient à celles des citadins et des paysans, puis variaient selon la fortune de leur propriétaire. La maison noble se différentiait, quant à elle, à peine de celle de la période Heian, sauf peut être par sa grandeur. Celle-ci était toujours construite dans le style Shinden, mais le nombre de bâtiments extérieurs s'était accru avec l'augmentation des besoins de l'époque. Les plans des maisons dépendaient aussi de la configuration du terrain, d'où l'importance de choisir celui-ci avec soin. Les Japonais n'avaient pas pour habitude de s'enfermer dans un cadre trop strict et des règles trop contraignantes. Pour eux, le plus important est d'agir en harmonie avec la Nature et de préserver avec celle-ci des rapports harmonieux. On recherchait l'équilibre, l'esthétique, l'harmonie, en un mot le bien-vivre. Une fois le terrain choisi, il s'agissait d'établir un plan de base et de déterminer les dimensions de la maison. Les Japonais disposaient à cet effet d'une unité de mesure correspondant à la place nécessaire à un homme pour dormir, soit environ 1,92 m de longueur. Cette mesure correspondait à la distance théorique qui devait séparer les centres de deux piliers adjacents. Et cette unité de base d'être utilisée afin de déterminer, selon les proportions de l'édifice, la hauteur des piliers principaux.


 

Positionnée à l'arrière d'un grand jardin, lui-même agrémenté, quand cela était possible, d'un lac alimenté par un petit cours d'eau, cette maison principale était couverte de bardeaux d'écorces de cyprès ou de pin, ou encore de tuiles. Les dépendances étaient, elles, couvertes de roseaux ou de planches de bois. Le toit du Shinden, très grand, aux pentes largement débordantes, était soutenu par de massifs piliers ronds, en bois nu, et par des consoles superposées dont les éléments se complétaient afin de résister aux pires aléas climatiques (vent,tremblements de terre...) Ces piliers reposaient sur des pierres de fondation posées à même le sol. Toute cette structure ne devait sa stabilité qu'au poids de son toit. C'est pour cela qu'ils étaient immenses. Le plancher était surélevé (parfois de plus d'un mètre) afin de ménager entre lui et le sol un espace sanitaire le protégeant de l'humidité durant la saison pluvieuse. On posait généralement sur ces planchers des coussins de paille, de différentes dimensions. Vers la fin du XV è siècle, les matelas rectangulaires de pailles pressées recouverts d'une natte fine sur lesquels le maitre avait pris l'habitude de s'asseoir et de dormir prirent des dimensions fixes et finirent par en déterminer la taille. Quant aux pièces, leur taille était modulable selon les besoins grâce à un ingénieux système de cloisons mobiles, appelées fusuma. Avant le XV è siècle ces dernières étaient remplacées par des paravents à plusieurs feuilles et des écrans verticaux montés sur pied. Tout cela servait à préserver à peu près l'intimité des personnes. Quant aux murs extérieurs et aux cloisons fixes, ils étaient constitués de maçonnerie légère, et pouvaient être abattus, puis reconstruits, sans nuire à la solidité de l'ensemble, car ils n'étaient pas porteurs.


 

M'étant arrêté sur le chemin au musée du samouraï, je pensais à ces guerriers professionnels qui avaient trouvé leurs origines dans la volonté impériale de conquérir les terres des Aïnous à la fin de la période Nara. Jusque là, le Japon disposait d'une armée fondée sur la conscription et inspirée du modèle chinois. Les hommes de vingt à trente ans étaient conscrits et répartis en autant de gunki (corps de mille soldats et officiers) qu'il y avait de provinces. Ils étaient attachés au service des gouverneurs de province (kokushi). Cette armée s'étant révélée inefficace pour lutter contre les Aïnous, redoutables cavaliers, l'Empereur décida de la dissoudre en 792 pour créer le nouveau système kondesei. Constituée de jeunes cavaliers archers issus de milieux plus aisés, cette milice était formée de quelques 4000 hommes mais commença à tomber en désuétude à partir du X è siècle. L'origine des samouraïs est incertaine : certains prétendent que les premiers samouraïs seraient issus des kugutsu, ces nomades qui vivaient de spectacles de rues et étaient réputés pour être de fins archers. D'autres avancent que la cour impériale de Kyoto aurait eu l'idée de créer une cavalerie, jusque là absente. Une autre hypothèse considérerait que les samouraïs seraient à l'origine des gardes du palais impérial au début du X è siècle. On sait par contre que les premiers clans de samouraïs étaient d'origine modeste, mais se plaçaient sous l'égide de descendants de lignées impériales mineures, partis chercher fortune dans les contrées sauvages. C'est de cette tradition que découlent les deux plus puissants clans de samouraïs, Taira et Minamoto (descendants respectivement des empereurs Kammu et Seiwa).

Sous le système féodal japonais, les samouraïs étaient sous l'autorité des daïmios , des lords féodaux ou des shoguns. En échange de leurs services, ils recevaient des terres ou un salaire. Ils tenaient généralement leur fief que d'un seul lord. Les daïmios contrôlaient de leurs côtés ces guerriers mais aussi les autres résidents (paysans, artisans et commerçants). Quant au shogun, il régnait sur les daïmios, en se conformant à la loi définie par l'Empereur. Ainsi le shogun Tokugawa Ieyusei (et ses descendants) régnèrent-ils plus de 260 ans durant, de 1603 à 1867, étant à l'origine de la période appelée Edo et de la ville portant le même nom, ville choisie pour établir le shogunat. La fin de ce système féodal fut causé par un coup d 'état des samouraïs des domaines du sud du Japon, en 1867, donnant ainsi naissance à l'ère Meiji, en 1867, puis à la restauration Meiji, un an plus tard. Puis, fut adoptée plus tard la monarchie constitutionnelle dans laquelle l'Empereur fait en quelque sorte office de chef de l'Etat.


 

Un autre musée attire mon attention : le musée Denshokan, qui présente un artisanat typique de Kakunodate, le kabazaiku (en photo ci-dessus). Cet art, introduit pour la première fois dans cette ville il y a environ 220 ans, est du à Hikoroku Fujiwara, un samouraï natif de Kakunodate à qui la famille Goshono avait montré la technique de cet art, alors qu'il vivait près d'Aikawa. Sous la période Edo, le lord d'Akita parraina cet art et encouragea même son développement à l'échelle industrielle pour les samouraïs de basse lignée. Ce lord y voyait un exercice salutaire pour occuper l'esprit de ces guerriers tout en leur permettant de parfaire leur créativité. Ceux-ci produisirent d'abord des piluliers puis des étuis à lunettes. Après la restauration Meiji, d'importants marchands (comme par exemple les Nagamatsuya) reprirent à leur compte cette activité et en tirèrent de substantiels bénéfices en pratiquant la production de masse. Les artisans disposèrent de meilleurs outils et les clients réclamèrent de nouveaux produits. On forma de nombreux apprentis à cet art du kabazaiku (qui consiste à travailler l'écorce du cerisier des montagnes). Ainsi déterminaient-ils un dessin, puis ils le découpaient dans l'écorce de cerisier avant de le polir. Deux artisans restent célèbres dans cette pratique : Ayataro Keitoku et Seita Kurosawa, qui inventèrent l'un des trois styles du kabazaiku. Après l'ère Taisho, l'artisan Touzo Ono devint réputé à Kakunodate. Ses ouvriers avaient été fortement influencés durant les années 1942-1945 par les arguments du chef du mouvement pour l'enseignement de l'artisanat au Japon, Souetsu Yanagi. Ce dernier relança l'art du kabazaiku en tant que savoir-faire et non en tant que simple objet artistique. Son école existe encore de nos jours.Quant aux cerisiers, ils sont décidément incontournables à Kakunodate : 152 arbres, venus tout droit de Kyoto, furent autrefois plantés le long de la rivière Hinokinai (ci-dessous) et forment aujourd'hui un tunnel de deux kilomètres où il fait bon se promener début mai, lors de la floraison des cerisiers. Ces arbres furent d'ailleurs classés par le gouvernement comme monuments naturels précieux, en 1974.


 

De passage au musée du samouraï Aoyagi (ci-dessous en photo), je découvre un autre homme, né, lui aussi à Kakunodate : Odano Naotake. Samouraï du clan Aoyagi, il dut sa notoriété grâce à ses illustrations du corps humain dans le « Kintaï Shinsho », première traduction d'un manuel hollandais d'anatomie, en 1774. Il utilisera pour cela les techniques de dessin occidentales qu'il apprendra avec l'aide de Hiraga Gennai. Hiraga Gennai et Odano Naotake se rencontreront une première fois en 1773 alors que Hiraga visitait une mine de cuivre à la demande de son maitre. Après la publication de cet ouvrage, Otano gagna l'estime des lords amateurs d'art. Ces mêmes lords lui demandèrent également de leur donner des leçons de son art. Plus tard, Otano inventera le Akita Ranga (deuxième photo ci-dessous), cette éphémère école de peinture japonaise qui tient son origine de la peinture de style hollandais. Cette école est créée lorsque Hiraga Gennai, le maitre du rangaku (études hollandaises) est invité à gérer les mines de cuivre du domaine d'Akita. Médecin, botaniste et inventeur, Hiraga Gennai est alors peintre à ses heures et fera découvrir les techniques artistiques occidentales à un certain Shozan, un obligé d'Odano Naotake. Ce dernier part bientôt durant cinq années à Edo afin d'étudier avec Gennai. De retour à Akita, il compose avec Shozan trois traités sur la peinture de style occidental.

 

Une dernière curiosité de Kakunodate : ce générateur à vapeur (ci-dessous) qui permit de fournir pour la première fois de l'électricité dans la région, le 5 juin 1912 . Ce générateur était installé dans le village de Nishiki, où se trouvait la station électrique. C'est Jijyu Kawarado, propriétaire du terrain, qui acheta ce générateur avec ses propres deniers. Générateur conçu par la compagnie allemande Siemens-Schuckert Werke. Cette station alimentait alors cinq villes dont Kakunodate et Omagari) et trois villages (soit un total de 3365 foyers). En février 1929, la petite station fut rachetée par la Société Masuda Hydro Power (elle-même reprise par la Société Tohoku Electric Company en mai 1931). Quant au générateur, il s'arrêta de fonctionner en octobre 1971 pour désormais couler des jours heureux et sans tension, au Musée Denshokan.


 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Office de tourisme de Kaunodate : http://www.kakunodate-kanko.jp

  • Musée Aoyagi, 3 Omotemachi-shimocho Kakunodate. Tel:0187 54 3257. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Entrée : 500 yens. Site internet : http://www.samuraiworld.com/

  • Musée du Samouraï, Kakunodatemachi, Kakunodate. Tel : 0187 53 2902. Ouvert tous les jours de 9h00 à 16h00. Entrée : 300 yens.

  • Musée Denshokan, Omotemachi, Shimochuo 10-1, Kakunodate. Tel:0187 54 1700. Entrée : 300 yens. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00.

  • Maison de samouraï Ishiguro, entrée : 300 yens










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