Revoir le globe
Top


Sendai
(Préfecture de Miyagi, Tohoku, Japon)
Heure locale


Mercredi 1er octobre 2014

La ville de Sendai où je vous emmène aujourd'hui se trouve dans la Préfecture de Miyagi, et compte parmi les douze villes les plus importantes du pays. Elle est un pôle économique avec ses très nombreuses entreprises (constructions électriques, textile, caoutchouc, artisanat...) et abrite également un technopôle de recherche dans les domaines de la médecine, de l’ingénierie et des techniques de pointe.. On y compte une quinzaine d'universités dont celle du Tohoku.

L'histoire de cette cité est très ancienne puisqu'on trouve déjà des traces de peuplement il y a 20000 ans. Un poste de défense y était déjà installé au VIII è siècle alors que Sendai n'était qu'un petit village de pêcheurs. C'est Masamune Date, le puissant daïmio qui va faire de l'endroit une ville à part entière. Né à Yonezawa, Masamune Date perd très tôt son œil droit et sera le laissé pour compte de la famille, à cause de cet handicap. Il participe à sa première campagne militaire en 1581 aux côtés de son père, contre le clan Soma. Et dès 18 ans, il le remplacera au titre de daïmio. Sa famille avait entre temps consolidé son pouvoir sur son domaine en passant des alliances avec les clans voisins. Offensif, Masamune Date attaquera ces clans pour établir son pouvoir, n'hésitant pas à condamner son père à mort alors qu'il était pris en otage par l'un de ces clans. En 1590, le personnage est considéré par Hideyoshi Toyotomi comme une menace. Hideyoshi attaque Aizu, encercle Masamune d'une armée de 100000 hommes (qui s'attend à être exécuté) mais l'épargne finalement. En échange, les deux hommes entameront pendant quelques temps une collaboration et Masamune hérite du château d'Iwatesawa (bientôt rebaptisé par lui Iwadeyama), château qu'il occupera durant treize années, tout en transformant la région en un centre politique et économique de première importance. Il accompagnera aussi Hideyoshi dans les deux campagnes de Corée, en 1592 et en 1597.

Mais la bataille de Sekigahara menace et Masamune rejoint le camp de Ieyasu Tokugawa. Ce dernier le récompensera en lui offrant le domaine de Sendai, faisant de Masamune l'un des daïmios les plus puissants du pays. Ce domaine ne rapportant pas autant que ce qui était escompté, Masamune s'installe dans le petit village de Sendai, en 1604, avec 52000 vassaux et leurs familles.


 

Notre daïmio améliore le commerce dans ce qui était une région marécageuse du Tohoku. Il fait construire plusieurs palais, encourage la venue des étrangers sur ses terres et se convertit même, dit-on, au christianisme. Le Tohoku fut 270 années durant un endroit de tourisme, de commerce et de prospérité grâce à cet homme. Les îles de Matsushima ne furent-elles pas célébrées pour leur beauté et leur sérénité par le poète Basho Marsuo ?

La plus grande réalisation de Masamune fut sans doute le financement et l'approbation d'un des seuls voyages d'exploration du Japon médiéval, qui mena les protagonistes aux Philippines, au Mexique, en Espagne, en France et en Italie. Une première pour l'époque. Notre homme sympathisa avec les missionnaires et les commerçants chrétiens venus au Japon. Et les autorisa à venir prêcher dans sa province. Mais le shogun Ieyasu Tokugawa, hostile aux Chrétiens, forcera Masamune à appliquer ses règlements à leur encontre et à les pourchasser. Et de faire preuve d'autant d'agressivité notamment lors du siège d'Osaka à l'hiver 1614-1615 que de fidélité à Ieyasu Tokugawa (à qui il récitera un poème zen sur son lit de mort).

Sendai est un emplacement idéal sur une route majeure qui vient d'Edo, et qui plus est, est proche du littoral. Ieyasu Tokugawa donnera à Masamune la permission d'y construire un château, à Aobayama, après la bataille de Sekigahara. Ce château, connu sous le nom de château d'Aoba sera bâti par le clan Date en 1601 au sommet du Mont Aoba et commandera une position stratégique imprenable dominant la ville naissante de Sendai. L'endroit servant de siège pour la faction rebelle lors de la guerre de Boshin, la forteresse sera en partie démantelée par le gouvernement dans les années 1870. Les bombardements de la seconde guerre mondiale achèveront d'endommager le château dont il ne reste désormais que quelques murs, des fondations et des structures en bois. Ce château abrite également un sanctuaire Gokoku ainsi qu'une grande statue équestre de Date Masamune (en photo ci-dessous)


 

La ville de Sendai obtint son statut le 1er avril 1889, après l'abolition du système des fiefs. Et grandira considérablement au travers de sept annexions de 1928 à 1988. Elle gardera son surnom de « Cité des arbres » jusqu'à la seconde guerre mondiale, le fief encourageant les habitants à planter des arbres dans leurs cours, d'où l'existence d'un nombre important de « forêts ménagères » à proximité des maisons, des temples ou des sanctuaires. Sendai est traversée par la rivière Hirosé, longue de 45 kilomètres. Symbole de la ville, ce cours d'eau doit sa popularité à une chanson de Sato Muneyuki. Le château était justement bâti près de cette rivière, qui servait de douve naturelle, rivière domestiquée depuis les années 1950 à cause des inondations fréquentes qu'elle provoquait. Sendai est aussi entourée de montagnes qui sont des volcans endormis, bien plus anciens que les volcans Zao et Naguro des villes voisines. On trouve de nombreuses sources chaudes évoquant l'existence d'une activité hydrothermique. Tout ce bouillonnement souterrain suggère qu'un tremblement de terre majeur (le Miyagi Oki) est prévisible dans la région, à une date indéterminée.

 

Sendai possède, à mon avis, trois lieux incontournables : le mausolée Zuihoden, l'emplacement de l'ancien château de Sendai et le sanctuaire Osaki-Hachimangu. Pour me déplacer, l'office de tourisme m'a conseillé d'emprunter le Loop bus, un petit autobus qui dessert en boucle différents lieux d'intérêt de la cité. J'y rencontrerai un jeune couple en vacances, avec leur bébé de neuf mois. Le mari est taïwanais et la femme, japonaise. Nous ferons le même parcours et aurons souvent l'occasion de discuter ensemble de nos multiples voyages. Un autobus part chaque demi-heure de la gare de Sendai.

Une dizaine de minutes suffit pour atteindre le Zuihoden, mausolée de Date Masamune, premier lord du clan Sendai. Après s'être acquitté du droit d'entrée, je pénètre dans ce lieu en franchissant la porte Nehanmon (première photo ci-dessous). Nehon signifie le nirvana et est synonyme des plaisirs librement vécus et de l'illumination spirituelle. Un autre sens sens de ce nom évoque aussi l'autre vie, celle de l'au-delà. La porte fut construite à l'aide de bois de cyprès d'Aomori qui remonte à quelques siècles. De superbes sculptures et des ornements décorent cet ensemble qui a du être restauré, suite aux bombardements de 1945. Encore une série de marches raides à franchir et j'atteins le Zuihonden (deuxième photo), là où repose Masamune, fondateur du clan Sendai. Avant sa mort, notre homme avait émis le souhait d'être enterré sur la colline de Kyogamine (là où nous nous trouvons maintenant) et c'est donc là qu'on érigea son ultime demeure, ainsi que celles des autres membres de sa famille. Masamune décéda en 1636, à l'âge de 70 ans. Le Zuihoden qu'on aperçoit aujourd'hui n'est pas la copie originale, qui fut incendiée lors d'un raid aérien en 1945. Classé trésor national depuis 1931, le monument sera reconstruit en cinq ans, de 1974 à 1979. Lorsqu'on examina la chambre funéraire, on retrouva à l'époque (presque) tous les restes de la dépouille de Date Masamune, ainsi qu'une trentaine d'objets précieux qui l'accompagnaient. On reconstruisit l'ensemble dans le style raffiné Momoyama, et l'on rajouta une sculpture en bois du grand homme, grandeur nature. La restauration eut lieu d'après d'anciens documents. Juste à côté du Zuihoden, un petit musée raconte l'épopée du personnage. Malheureusement, toutes les explications figurent en japonais. Non loin de là, est enterré Saint Mankai, jadis disciple ascétique des montagnes sur le Mont Yudono. On exhuma sa tombe moyenâgeuse en 1636, alors même qu'on enterrait Masamune. Un monument célébrant ce saint existait autrefois à l'est de l'ancien Zuihoden mais, là encore, les raids aérien firent leur sinistre ouvrage. Un nouveau mémorial fut bâti en 1979 sur le site de Zankutsu (qui servait de lieu de repos pour les lords féodaux qui visitaient le mausolée).

 

Tout près, en franchissant de nouveau la porte du Nirvana, j'aperçois sur ma gauche une stèle bâtie en 1877 en commémoration des 1260 soldats du clan Sendai et des nombreuses victimes civiles qui périrent lors de la Guerre de Boshin, guerre civile qui opposa de 1868 à 1869 les armées des clans de Sasuma, Chosu et Tosa (proches de l'empereur) et les troupes appartenant au gouvernement shogunal d'Edo et ses alliés (dont le clan Sendai). Plus haut, un peu à l'écart, je découvre le Kansanden (ci-dessous),mausolée de Date Tadamune second lord du clan Sendai, et achevé en 1664. Ce dirigeant poursuivra l'oeuvre de son prédécesseur en établissant un système de lois sociales, en développant l'agriculture et l'industrie, ainsi que les ports. Il mourra (probablement d'une infection intestinale) en 1658, à l'âge de 60 ans au château de Sendai. Désigné trésor national en 1931, ce monument brûla aussi en 1945, fut reconstruit en 1985, et subit quelques travaux de restauration en 2007.

A côté, se trouve le mausolée Zennoden, qui abrite la dépouille du troisième lord, Date Tsunamune. Mort d'un cancer en 1711, à l'âge de 72 ans, à Edo, dans sa résidence de Shinagawa, il repose désormais ici. Enfant,l'homme possédait déjà des talents artistiques. Après avoir gouverné le domaine pendant deux années, le shogunat de Tokugawa le mit à la retraite forcée. Il n'avait alors que 19 ans. Il se consacra donc à la peinture japonaise, à la calligraphie et à la laque. Le présent mausolée subit le même sort que les autres. En redescendant la colline de Kyogamine, un panneau m'indique la direction du cimetière des enfants (troisième photo) : là reposent les fils et les filles des différents lords du clan Sendai ayant vécu sous la période Edo, et qui décédèrent durant leur jeunesse. Cette colline de Kyogamine, est, comme l'a souhaité Date Masamune, l'ultime refuge familial. Y reposent les tombes des premier, second, troisième, neuvième et onzième lords ainsi que leurs enfants.


 

Je pars ensuite vers le site de l'ancien château de Sendai : à part les remparts (ci-dessous), il ne reste guère plus rien du célèbre château qui dominait alors Sendai. On peut toujours profiter de la vue panoramique sur la ville, et on comprend mieux l'intérêt stratégique de cet endroit, bordé de hautes falaises et de vallées sur trois côtés de la forteresse. On entrait dans celle-ci par la porte Tsumenomon matérialisé par un fort à deux niveaux (en cours de restauration) reconnaissable à son toit de tuiles et à ses triples tourelles sur les façades est et ouest de l'entrée du fort. Sur le site, on peut admirer Date Masamune, se tenant fièrement sur son cheval (photo plus haut dans cet article). Le château ne comportait pas de tours, mais un ensemble de groupes de constructions, dont une (plan ci-dessous) qui avait été bâtie dans le style architectural Kakezukuri, et possédait étrangement une structure similaire à celle du bâtiment principal du temple Kiyomizudera de Kyoto. Ce lieu haut perché, qui, d'après des documents d'archives devait mesurer 19 mètres de long et 6 mètres de large, servait à recevoir les hôtes de marque. L'ensemble de la forteresse, érigée au début du XVII è siècle, mesurait 243 mètres d'est en ouest et 256 mètres du nord au sud. L'ensemble était situé à 140 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cette place forte sera détruite par le gouvernement à l'époque de la restauration Meiji.

A l'entrée du site se trouve le sanctuaire Miyagi ken Gokoku Jinja, à proximité d'une intense zone commerciale sans intérêt. Par contre, non loin de la statue de Masamune se trouve un minuscule musée expliquant (toujours en japonais) les travaux de restauration qui ont toujours lieu de nos jours. On peut y admirer un bronze doré décoré de fleurs (troisième photo) retrouvé sur place et datant du XVII è siècle.


 

Dernière étape de ma visite : le sanctuaire Osaki-Hachimangu. Un conseil, procurez-vous une brochure (en anglais, chinois, ou espagnol) car vous ne trouverez pas d'informations sur ce lieu. La brochure est par contre complète et détaille l'histoire du sanctuaire, son type d'architecture, la divinité qui y est abritée et les fêtes et célébrations annuelles de ce lieu de culte. Durant la période Heian, Sakanoue no Tamuramaro conquit Ezo (situé au nord du Japon) et célébra le dieu gardien des familles de soldats, Usa Hachimangu, dans l'actuelle ville de Mizusawa, dans l'espoir de pérenniser sa victoire militaire. Plus tard, sous la période Muromachi, le clan Osaki qui gouvernait Oshu rendit hommage à ce même dieu sur leur territoire (Tajirimachi), et le sanctuaire prit alors le nom d'Osaki-Hachimangu. Après la disparition de ce clan, Date Masamune déplaça le shintaï (peinture cultuelle jusque là abritée dans un sanctuaire Shinto et supposée contenir l'esprit du dieu), en photo ci-dessous, dans un petit sanctuaire situé au château d'Iwadeyama, sa résidence et sa place forte. Lorsque le lord Date Masamune s'établit à Sendai, ce shintai fut installé au sanctuaire Osaki-Hachimangu.

Date Masamune fit appel aux artisans les plus talentueux de l'époque, alors au service de la famille Toyotomi, pour construire ce magnifique sanctuaire, de 1604 à 1607. Celui-ci comprend un bâtiment principal, le honden (deuxième photo ci-dessous), ainsi qu'un autre bâtiment dédié à la prière, le haiden. L'ensemble fut bâti dans le style Iriomoya-zukuri. Le dieu qui s'y trouve a longtemps été considéré comme le protecteur de Sendai mais aussi le dieu de la bonne fortune qui protège contre les calamités. Les pèlerins croyant aux dieux du zodiaque oriental le vénèrent, tout comme ceux qui sont nés durant l'année du chien ou du cochon. Nombreux sont les visiteurs d'ici ou d'ailleurs à se rendre à ce sanctuaire, qui célèbre chaque année la fête Matsutaki-Matsuri. Celle-ci a lieu depuis 300 ans, chaque 1er janvier, et constitue l'un des évènements les plus importants du pays avec la fête du Nouvel An.On brûle à cette occasion les décorations utilisées pour la nouvelle année et on les dédie aux divinités du sanctuaire.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Site de la ville de Sendai : http://www.city.sendai.jp/kikaku/kokusai/france/

  • Site du château de Sendai, 1-11 Kawauchi Aobajoshi, Tenshudai, Aoba-hu, à Sendai. Tel:022 214 8544. Entrée libre. Ouvert tous les jours, de 9h00 à 17h00.Site internet (en japonais) : http://www.sendaijyo.com/

  • Musée de la ville de Sendai, 26 Kawauchi, Aoba-ku, Sendai. Tel :022 225 3074. Ouvert tous les jours (sauf le lundi), de 9h00 à 16h45. Entrée : 400 yens. Brochures en anglais, chinois et coréen. Guides volontaires en langue anglaise. Site internet : http://www.city.sendai.jp/kyouiku/museum/english/index.html

  • Mausolée Zuihoden, 23-2 Otamayashita, Aoba-ku, Sendai. Tel:022 262 6251. Ouvert tous les jours, de 9h00 à 16h30. Entrée : 550 yens. Site internet : http://www.zuihoden.com/

  • Sanctuaire Osaki-Hachimangu, 6-1 Hachiman 4-Chome, Aoba-ku, Sendai. Tel:022 234 3606. Ouvert tous les jours de 9h00 à 17h00. Accès libre. Petit musée sur place.Site internet :http://www.oosaki-hachiman.or.jp/









Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile