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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est- Mishima
(Préfecture de Shizuoka, Japon)
Heure locale


Jeudi 26 février 2015

 

Je pars aujourd'hui à la découverte de Mishima, onzième station du Tokaïdo. Cette petite ville fondée le 29 avril 1941 me fait immédiatement bonne impression par sa propreté et l'abondance de ses ravissants parterres de fleurs. Autre atout de Mishima : elle offre le meilleur point de vue sur le Mont Fuji. L'écrivain Kimitake Hiraoke en adoptera d'ailleurs le nom pour s'en servir comme nom d'auteur (Yukio Mishima). Ecrivain japonais né en 1925, Mishima se suicidera par seppuku le 25 novembre 1970. Originaire d'une famille paysanne de la région de Kobé, il avait également des origines liées à des samouraïs de l'ère Tokugawa. Il était très lié à sa grand-mère maternelle qu'il tentait de soulager de sa sciatique en lui prodiguant des massages. Son père, brutal, le fera se rapprocher de sa mère qui l'encouragera. Il écrit sa première histoire à douze ans et lit voracement les œuvres d''Oscar Wilde et les classiques japonais. Son père lui ayant interdit d'écrire, Mishima devra user de discrétion pour exercer sa passion, avec la complicité de sa mère. Il sortira diplômé de la prestigieuse Université de Tokyo en 1947 et entrera au Ministère des finances. C'est à ce moment-là que son père, sans doute rassuré par sa réussite, acceptera de le voir écrire. Son roman Confession d'un masque, le rendra célèbre dès l'âge de 24 ans. D'autres œuvres suivront : Amours interdites (1951), le Tumulte des flots (1954), le Pavillon d'or (1956), Après le banquet (1960)... L'auteur connaitra une renommée internationale, en Europe et aux Etats-Unis et obtiendra à trois reprises le prix Nobel de littérature. Sa dernière œuvre, entamée en 1965, s'intitulera La mer de la fertilité.

 

A deux minutes de la gare de Mishima, se trouve le parc municipal Rakujuen, vaste espace naturel de quelques 72000 m2, entouré de bois, qui fut autrefois le parc de la villa impériale du Prince Akihito Kamatsunomiya, jusqu'à l'ère Meiji. Ce parc intègre plusieurs points d'eau dont le bassin Kohama, actuellement à sec pour travaux, mais qui offre un superbe point de vue avec le Rakujukan. Les jardins possèdent plus de 160 sortes d'arbres, certains d'entre eux ayant grandi naturellement après le dépôt de laves par l'éruption du Mont Fuji, il y a 14000 ans. D'autres seront plantés par le Prince Akihito Kamatsunomiya lorsqu'il érigera le parc. On peut enfin y croiser plus de trente espèces d'oiseaux. Pour l'heure, j'y croise de nombreux écoliers japonais qui viennent en groupes pour se promener, jouer et visiter le musée d'histoire locale. Sur mon chemin, je traverserai le parc animalier habité de chèvres, de singes et de lamas. Une ancienne locomotive à vapeur trône non loin de là. Mais ce qui m'intéresse est d'en apprendre davantage sur cette petite ville qui servit de station de la route de la mer de l'est. L'office de tourisme n'a rien pu (ou su) me dire à ce sujet et j'ai dans l'idée de visiter le musée de la ville dans l'espoir d'en apprendre un peu plus. Ce musée, situé justement à l'intérieur du parc Rakujuen, m'accueille très gentiment. J'ai, sur place, la chance de rencontrer une jeune femme japonaise qui pratique l'anglais et me conduit au deuxième étage du bâtiment : une exposition parle de l'époque Edo et...du Tokaïdo. Un certain nombre d'objets y sont exposés dont une peinture qui représente Mishima et sa région immédiate (ci-dessus en photo) avec différentes scènes de vie décrivant ce qu'était alors le Tokaïdo. On me montre même à quoi ressemblait alors le laissez-passer (ci-dessous) délivré aux voyageurs par les autorités shogunales.

 

Mishima est une petite ville, à taille humaine, où il est facile de se déplacer à pied. A quinze minute de marche de là, je file au Grand sanctuaire de la cité. En récompense pour les bienfaits de la Nature, on érigea le sanctuaire shinto Mishima Taisha pour honorer les dieux Oyamazumi no kami (dieu de la Terre) et Kotoshioro nushi no kami (dieu de la Mer), responsables du développement de ce qui n'était autrefois qu'un simple village. Ce sanctuaire s'étend sur plus de 50000 m2 et se situe à l'extrémité nord des plaines de Tagata. Depuis la période Nara, il occupa une place de première importance pour le Tokaïdo. Aujourd'hui, il est constitué de plusieurs bâtiments (petits sanctuaires secondaires consacrés à divers autres dieux) et d'une construction principale (ci-dessous) appelée honden, et destinée aux offrandes et aux prières. Le bâtiment actuel, formé de trois baies de style nagare-zukuri fut construit en 1866 à l'aide de troncs d'arbres zelkova, et occupe une surface de 283 m2. L'endroit avait en effet été précédemment détruit, en 1854, par le grand séisme d'Ansei. Autour de cet ensemble, se dressent ici et là des inscriptions de sculpteurs renommés qui matérialisent la légende du Japon. Un petit musée offre aussi d'admirer une boite en laque japonaise contenant plusieurs ustensiles autrefois destinés aux produits cosmétiques dont les femmes de l'époque Heian faisaient usage. Sur place, se trouvent aussi un sabre japonais (tachi) datant de l'époque Kamakura, qui fut offert au sanctuaire par l'empereur Meiji en personne, une épée courte (wakizashi) de l'époque Muromachi, une copie du sutra du Coeur, datée de 1203, et écrit par Minamoto no Yoritomo et un ensemble de 592 documents d'archives du sanctuaire, remontant de l'époque Heian jusqu'à l'ère Edo. Dans les jardins, on peut aussi admirer un olivier odorant, arbre sacré, désigné en tant que monument naturel en 1933, et âgé d'environ 1200 ans. Il fleurit abondamment de septembre à octobre, offrant ses superbes couleurs au public de passage. Et la Société locale pour la protection de l'olive d’interpréter des concerts, lors de la pleine floraison de cet arbre magique. Par ailleurs, la fête de ce sanctuaire a lieu le 16 août de chaque année et permet de voir des représentations de yabusame (tir à l'arc japonais pratiqué à cheval). Cet art est apparu au début de l'époque Kamakura, alors que le shogun Minamoto no Yoritomo s'inquiétait des lacunes de ses samouraïs en matière de tir à l'arc. Le yabusame fut donc mis au point en guise de séance d'entrainement.


 

Ma dernière visite me conduit au musée Goyomi, consacré aux calendriers. Complètement détruite en 1854 par le grand tremblement de terre, la maison qui l'abrite fut rebâtie mais connut aussi l'incendie avant son achèvement. On prétend qu'elle aurait été construite à partir de matériaux d'une autre demeure qui aurait servi de point de passage à Juurigi (ville de Susono). Quoiqu'il en soit, elle fut la demeure de la famille Kawai qui en fit don à la ville en février 2003. Et c'est de cet endroit que sortiront, à partir de 1437, les calendrier de Mishima et jusqu'à l'ère Meiji (en 1883). Ce calendrier était un calendrier lunaire. Le plus ancien d'entre eux repose désormais à la bibliothèque de la ville d'Ashikaga. Le moine Shushin Gido, alors de passage à Atami, remarqua qu'il existait une journée de différence entre le calendrier de Kyoto et celui de Mishima. Il est dit que durant l'époque Kamakura, le shogunat utilisait le calendrier de Mishima à cause de ses liens privilégiés avec l'influent sanctuaire shinto de cette ville. Mais à quoi ce calendrier ressemble t-il ? On prétend qu'il est le plus ancien des calendrier imprimés en caractères « kana » (alphabet phonétique japonais). Ensuite, il était celui qui était le mieux distribué à travers tout le pays, dès le début de l'époque Edo, peut être parce qu'il servait de calendrier officiel pour le gouvernement, jusqu'à ce que la cour impériale n'adopte le calendrier de Kyoto. Le calendrier de Mishima se présentait sous trois formes différentes, dont le modèle à défilement, qui était utilisé par les autorités et par le grand sanctuaire de Mishima. En 1868, son prix était fixé de 15 à 150 Mon (1 Mon= 20,25 yen), selon le modèle. Bien qu'aucune statistique précise n'existe sur le sujet, on estime à 5 millions de copies le tirage de ce calendrier (la population japonaise était alors de 28 millions d'âmes). On sait qu'à l'époque Heian (794-1191), seuls 80 exemplaires furent imprimés. Si vous passez dans le coin, demandez donc à Monsieur Yamanaka de vous livrer davantage de secrets sur le calendrier de Mishima !


 

Onzième station du Tokaïdo, Mishima était la seule shukuba dans la Province d'Izu. Elle possédait deux honjin (auberges) et 74 petites autres auberges destinées à accueillir les voyageurs. A l’époque de Nara, la ville fut la capitale (on la surnomma même la « capitale de l'eau » à cause des apports en eau du Mont Fuji) de cette province et fit construire le grand sanctuaire shinto. Jusqu'à 1759, elle fut le site du daikansho, c'est à dire le siège du gouvernement pour les hatamoto (serviteurs de classe) désignés par le shogunat Tokugawa, pour diriger la province d'Izu. L'estampe d'Ando Hiroshige (ci-dessous) montre des voyageurs qui se mettent en route dans les brumes matinales. L'un d'entre eux est à dos de cheval tandis que l'autre voyage en kago (palanquin). On aperçoit le torii du Mishima-Taisha en arrière-plan. Ces voyageurs, encore ensommeillés, s'apprêtent à effectuer un pénible voyage dans la montagne, alors que la ville dort encore. Hiroshige dépeint admirablement l'ambiance, en utilisant uniquement des couleurs, sans contour pour l'arrière-plan, mettant à contribution d'ingénieux dégradés gris et bleu-vert, en fonction de l'éloignement. Le torii sur la droite marque l'entrée du grand sanctuaire shinto de Myojin. Lui aussi est peint sans contour, contrastant ainsi avec les personnages du premier plan : on observe des voyageurs à pied, à cheval ou en logette. Le voyageur à cheval est accompagné d'un palefrenier, et celui dans le kago, de deux porteurs. Ce dernier cherche à se protéger de la lumière du jour naissant grâce à un chapeau posé sur le toit. Sa position est ramassée, et il a les bras croisés, histoire de conserver un peu de chaleur dans ce froid matinal.


 

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