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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Fujieda
(Préfecture de Shizuoka, Japon)
Heure locale


Samedi 7 mars 2015

 

Lorsque je prends le train pour aller à Fujieda, j'imaginais une autre ville, plus grande sans doute. La cité possède pourtant une histoire riche et ancienne puisqu'elle était déjà dotée d'un gouvernement local dès le VIIIè siècle. Fondée le 31 mars 1954, elle a pour symbole le cettia diphone, un genre de passereau. Côté fleur, elle est représentée par la glycine, et le pin est son arbre fétiche. On y produit du thé vert, des shiitake (champignons), des fraises et bien sûr, l'incontournable riz. Une fois de plus, le but de ma visite est la route de la mer de l'est et l'exploration (bien que ce terme soit un peu fort) de ce qui fut la 22è station du Tokaïdo. La ville fut sous la domination du château de Tanaka une partie de son histoire. Ce château, construit en 1537 par la famille Isshiki, vassale du clan Imagawa, sera ensuite reconstruit par Takeda Shingen afin de renforcer les défenses ouest de la ville de Shizuoka. La forteresse avait une forme ronde, forme très rare dans ce pays. Le shogun Tokugawa Ieyasu, lui aussi, adorait ce château qu'il mettra huit années à prendre d'assaut et qui lui servira ensuite de lieu favori pour sa pratique de la fauconnerie. Certains prétendent qu'il serait mort empoisonné par une dorade consommée au château. Sous l'ère Edo, quatre douves furent construites autour du château, rendant la forteresse entourée et « circulaire » par la force des choses. C'est très curieux à voir. A la même époque, le shogunat Togugaka gratifiera le daïmio de ce château de 40000 koku annuels, et lui confiera la gestion des villages de la plaine de Shida. Au début de l'ère Meiji, le château fut détruit et les bâtiments attenants vendus au peuple. Certaines constructions originales seront plus tard confiées à la ville de Fujieda, lors de la création du site actuel (entre 1992 et 1996). Là aussi, il est extrêmement rare de pouvoir retrouver des bâtiments originaux d'époque sur un tel site au Japon. Le visiteur peut ainsi observer une maison de thé, une maison de valet, une tour, une étable et un grenier du village de Chorakuji.

Le clan Isshiki sera quant à lui fondé par Ashikaga Koshin et son fils Yasuuji. Il prétendra descendre de Seiwa-Genji (la plus puissante et la plus développée des nombreuses branches familiales du clan Minamoto). Les Isshiki se trouveront, fin XIIIè siècle, à la tête du domaine d'Isshiki dans la province de Mikawa (ancienne province nippone qui abrita jadis le fief d'origine du shogun Ieyasu Tokugawa). Plus tard, il deviendra le vassal du clan Imagawa (lignée de daïmio du Japon médiéval, descendant de l'empereur Seiwa). Cette famille gouvernera les provinces de Suruga et de Totomi, du XIVè au XVIè siècles avant d'étendre aussi leur influence sur la province de Mikawa, durant la jeunesse de Ieyasu Tokugawa. Son pouvoir déclinera lors de son affrontement avec le clan Oda et les Imagawa seront vaincus par Nobunaga Oda lors de la bataille d'Okehazama, bataille au cours de laquelle Imagawa Yoshimoto (alors l'un des principaux daïmios du pays) sera tué.


 

Sur cette étape, je marcherai beaucoup pour pas grand chose. L'office de tourisme me recommande un minuscule musée en rase campagne, censé évoquer l'époque du Tokaïdo, et , non loin de là, une fabrique de saké, en photo ci-dessus. Je rattrape le Tokaïdo à un kilomètre de la gare JR. Je marche, et marche encore, plus ou moins au hasard, car les documents fournis sont entièrement rédigés en japonais et ...en kanjis (idéogrammes). Durant la période Edo, il est vrai que le voyage comportait également son lot d'imprévus. Un voyageur parcourait en moyennes une dizaine de lieues (soit 39 kilomètres, puisque le ri équivalait à 3,9 kilomètres). Il lui fallait treize jours de marche pour atteindre les quelques 125 lieues qui séparaient Tokyo de Kyoto, et tout cela à pied et sur une route sans revêtement moderne. Cela n'incluait pas bien sûr les fameux imprévus comme la crue d'une rivière qu'on mettait plus de temps à franchir. Les daïmios, mieux équipés, pouvaient gagner deux jours sur le même parcours. Dans la région, plusieurs daïmios résidents avaient eu la bonne idée d'ombrager des tronçons de la route de la mer de l'est, en utilisant des sugi (cryptomères du Japon, un genre de cèdres). Ces arbres avaient grandi au fil du temps et fournissaient ainsi de gigantesques cathédrales de feuillages. Au nom de la révolution Meiji, le gouvernement d'alors s'empressera de les abattre pour en faire...des traverses de chemin de fer. Ainsi va l'histoire ! Notons que la France a du aussi affronter son lot de sottises avec l'abattage d'un certain nombre de platanes qui servaient autrefois à ombrager les routes empruntées par le roi de France et sa cour. Heureusement, certains Japonais, amis de la nature, eurent plus tard la bonne idée de replanter d'autres arbres sur certains tronçons du Tokaîdo. Ouf ! En ce qui me concerne, je ne croiserai cette fois aucun messager express, ces coursiers qui galopaient à pied afin de livrer sans délais des documents officiels, mais des braves gens qui tenteront de m'orienter de leur mieux sur ma route. Pas plus de coursier de long-courrier (cheval que l'on montait du départ à l'arrivée, sans devoir en changer aux relais) sur mon trajet. Seule l'eau claire continue à couler par endroits, mai on n'y pêche aucun poisson, alors qu'autrefois, on pouvait, en tirant l'eau d'un puits, remonter dans le même seau quelques truites ayu. Plus de bâtisses de magasins ou d'entrepôts en terre non plus. Celles-ci, qui étaient passées au mortier blanc, ont depuis longtemps été remplacées par des maisons récentes, plus légères mais plus fonctionnelles. J'atteindrai le petit musée Sengan zutsumi et Sato no Someii, qui se trouve au milieu des champs et qui parle du someii, riz cuit à la vapeur et teinté au gardénia. Ce riz était vendu aux voyageurs depuis le XVIè siècle et était censé être un excellent remède anti-fatigue. On en fera une spécialité le long de la route du Tokaïdo. La fabrique de saké est toujours bien là, en bord de route, mais est-elle seulement encore en activité ? Je l'ignore, mais les portes et fenêtres fermées sont de mauvais augure. La brochure m'annonce pourtant que Fujieda possède quatre brasseurs de saké dont cette fabrique Aoshima. Il y a bien quelques pierres commémoratives le long de la route ancienne, comme par exemple celle qui marque la limite de la propriété du clan Tanaka et le clan voisin. Les idéogrammes inscrits sur ces pierres le furent par le clan Tanaka et sont l'occasion d'admirer le talent littéraire de certains voyageurs passés par là. Un petit temple jouxte également le Tokaïdo : le Kyochido (c'est son nom) était destiné à rendre hommage à Jizo (divinité de l'école bouddhique mahayana) et de nombreux pèlerins s'y arrêtaient pour y prier. Fujieda offre également de voir le parc Rengeji-ike (bassin Rengeji), ouvrage de drainage qui fut creusé vers 1613 par des villageois. On retrouvera à cet endroit d'anciens bijoux lors de fouilles.

 

Un autre monument, celui de Shiroko-yurai, est toujours visible long du Tokaïdo, à Fujieda et se trouve à proximité des restes de l'ancien château de Tanaka. Après l'incident survenu au temple Honnoji en 1582, Ieyasu Tokugawa, aidé par Magozo, originaire de Shiroko, réussit à s'enfuir de Mikawa. En signe de reconnaissance, le futur shogun donnera plus tard à Magozo l'autorisation de résider dans ce qui fut depuis rebaptisé Shiroko-cho. Il confia enfin à Magozo une lettre officielle frappée de son sceau, qui dispensait Magozo de corvées vis à vis du pouvoir. Les descendants actuels de Magozo ont toujours cette lettre en leur possession. Autour du Tokaïdo, on peut aussi admirer des monuments « naturels et vivants » comme ce genévrier de 6,80 mètres de haut qui se trouve au Temple Renshoji. Cet arbre a 700 ans et a du voir passer bien des pèlerins. Son tronc, bien ancré au sol, mesure 1,65 mètre de circonférence au niveau des racines. Quant au temple Renshoji, il arbore une porte principale qui lui fut jadis offerte par le Lord du château Tanaka. Au Temple Daikeiji (lieu de dévotion de plusieurs lords du château), vous admirerez des pins plantés il y a plus de 700 ans par le moine Nichiren. Ces arbres mesurent 25 mètres de haut, et leurs troncs font sept mètres de circonférence. Ils font partie des cent plus beaux pins japonais du pays. Est-il besoin de rappeler que Nichiren était un moine bouddhiste japonais du XIIIè siècle, qui fonda le bouddhisme de Nichiren. La légende prétend que lors de sa naissance, des fleurs de lotus fleurirent sur la mer, des poissons se réunirent au bord de cette même mer et de l'eau de source se mit à jaillir dans la cour de la maison de ses parents. Heureux présage ! Au temple Shojoji se trouve toujours un pin mémorable qui fut offert par Toki Yoritoshi, un lord du château de Tanaka, lorsque ce dernier fut promu à un poste important par le shogunat Tokugawa, à Osaka. Enfin, la forêt du sanctuaire Nyakuichioji (qui se situe à la limite nord des arbres de Yamamogashi et Mimizubai, offre aussi d'admirer la pleine nature. Bonne promenade !


 

Ville-château du domaine de Tanaka, Fujieda-juku était la 22è station du Tokaïdo, mais aussi un relais le long du Unuma Kaido (Chemin Unuma) qui allait vers Sagara, région productrice de sel. Cette ville florissante offrait alors 37 hatago à l'apogée de sa prospérité. L'estampe d'Hiroshige montre l'activité réelle d'une shukuba où il fallait changer les chevaux et les coolies pour permettre une transmission rapide des messages à haute priorité et des marchandises entre Edo et Kyoto. Plus tard, au début de l'ère Meiji, les résidents protesteront contre la construction de la ligne de chemin de fer Tokaïdo. Ces gens craignaient en effet que les fumées et cendres des machines à vapeur ne détruisent leurs récoltes de thé vert. A la suite du blocage de la construction de cette ligne, il fut décidé de faire passer celle-ci plus loin, à trois kilomètre du village, qui se privera ainsi de l'essor généré par l'arrivée du chemin de fer. Aujourd'hui, Fujieda, après avoir servi de lieu de repos pour les pèlerins, joue le rôle de... ville-dortoir pour Shizuoka.

 

INFOS PRATIQUES :


  • Site de la ville de Fujieda : http://www.city.fujieda.shizuoka.jp/

  • Musée des arts populaires et de la litérature de Fujieda : entrée 100 yens. Ouvert tous les jours (sauf le lundi) de 9h00 à 17h00.

  • Des petites poupées avec des cheveux coiffés en forme de huit (c'est leur spécificité) ornent les temples de la ville. Cette production « fait main » a cours depuis le XIX è siècle.

  • Site historique du Château Tanaka, à Fujieda. Tèl : 054 644-3345. Ouvert tous les jours de 9h00 à 21h00 (d'avril à septembre) et de 9h00 à 17h00 (d'octobre à mars). Entrée libre.












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