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Biarritz
(Pyrénées Atlantiques, France)
Heure locale


Jeudi 14 mai 2015

 

Aujourd'hui est jeudi de l'ascension. Pas celle du pic du Midi, mais cette fête chrétienne célébrée quarante jours après Pâques, qui marque l'élévation au ciel de Jésus Christ après sa résurrection et la fin de sa présence sur terre. A Biarritz, pour la Vierge, ce jeudi est un jour comme un autre : celle-ci domine toujours le rocher portant son nom (ci-dessous), qui attire tant de monde. Curiosité naturelle touristique, le rocher a la forme d'une coque de bateau et de son sommet, on peut admirer toute la baie de Biarritz, ma destination du jour. Plus exactement situé entre la plage de Port-Vieux et le port des pêcheurs, le célèbre rocher de la Vierge était autrefois une presqu'ile. On le surnommait d’ailleurs rocher de Cucurlon au XV ème siècle. C'est l'empereur Napoléon III qui fera percer celui-ci afin de permettre la construction d'un port-refuge et d'une digue. Et un viaduc de 76 mètres de long d'être bâti pour relier le rocher à la côte. C'est en 1865 que sont érigées quelques croix et une statue de la Vierge. Cette dernière sera bénie le 11 juin de la même année, par le curé de Biarritz, l'abbé Casaux. Le viaduc d'origine sera quant à lui remplacé en 1887 par une passerelle métallique que l'on attribue trop souvent à tort aux ateliers Eiffel.


 

J'ai éprouvé quelques difficultés à me garer ce matin à mon arrivée au centre-ville, jusqu'à ce que j'opte pour un parking souterrain (il y en a plusieurs dans cette petite ville qui manque de places de stationnement) et m'offre enfin la liberté de déambuler librement à pied. La cité n'est pas très grande et une visite rapide à l'office du tourisme me permettra d'organiser ma balade. L'activité de Biarritz a toujours été tournée vers la mer. Ainsi, un guetteur était-il autrefois posté, de jour comme de nuit, au sommet du rocher de l'Atalaye (voisin de celui de la Vierge), à la recherche d'un jet d'eau émis par des baleines. C'était alors l'effervescence en ville : on embarquait à la poursuite de l'énorme cétacé sur les baleinières amarrées au Vieux-Port, on le harponnait puis on le trainait jusqu'à terre pour ensuite le dépecer. La prise de la dernière baleine est bien loin, puisqu'elle date du 3 mars 1686. Et la disparition de cette pêche, source d'importants revenus, contraindra les anciens mariniers et nautoniers à prendre le large sur des bateaux corsaires, ou pour la pêche à Terre-Neuve ou dans les eaux irlandaises. Le XVII ème siècle répertoriera dix capitaines biarrots (c'est à dire originaires de Biarritz) et près de 300 marins sur les rôles maritimes. C'est qu'on aime voyager au pays basque (tout comme les Bretons!).

A partir de 1784, quelques années avant la Révolution française, les bains de mer deviendront à la mode dans la cité. Même Napoléon y goutera en 1808. Cependant, dès 1609, un observateur , le Conseiller de Lancre, remarque déjà cette pratique qu'il juge malséante. Les Biarrots n'auront que faire de cette opinion et continueront la baignade, au point qu'en 1774, la ville leur refusera l'installation de guérites pour se changer. Il faudra attendre le milieu du XVIII ème siècle pour que soient enfin reconnus les bains de mer en tant que thérapie efficace contre toutes sortes de maux. De son côté, Victor Hugo s'inquiètera dès 1843 de ce qui attend cette petite localité en passe de devenir une station balnéaire. L'Impératrice Eugénie décidera d'en faire sa villégiature après y avoir séjourné deux mois en 1854. Napoléon lui construira un palais, la Villa Eugénie, et Biarritz devient la reine des plages et la plage des rois. D'autres têtes couronnées découvriront aussi Biarritz : Les rois de Wurtemberg, de Belgique et du Portugal, ainsi que princes russes, polonais et roumains, et bien sûr Grands d'Espagne et Lords anglais. La ville accueillera alors jusqu'à 10 000 estivants en saison. Mon premier souci est de me rendre en bord de mer. Le temps est incertain mais quelques rayons de soleil arrivent à percer les épais nuages, comme un clin d'oeil au mauvais temps des derniers jours. Au bout de quelques minutes de marche, j'atteins la plage de Port-Vieux (ci-dessous en photo). J 'aperçois au loin quelques baigneurs audacieux qui font trempette. C'est sans doute la plus petite plage de la station mais attention, on y perd facilement pied ! De forme ovale, elle est entourée de galeries comme celles qu'on trouve fréquemment en Italie. C'est la plage favorite des habitués, abritée des vents et des vagues. Je longe ensuite la côte jusqu'à me rapprocher du Rocher de la Vierge décrit plus haut, puis me dirige vers le port des pêcheurs.

 

Jadis, le port de Biarritz se trouvait à l'emplacement de l'actuelle plage du Port-Vieux. Avant 1750, on l'appelait même Port dou Hart. Trente ans plus tard, naissait le futur port des pêcheurs actuel, qui ne comportait alors qu'une petite cale pavée entretenue par les marins, sur laquelle les embarcations étaient hissées à l'aide d'un cabestan en bois. La première digue, de sept mètres de long, fut construite en 1837, puis une seconde, de trente mètres de long, apparut en 1858. C'est Napoléon III qui avait souhaité l'extension du port mais ce projet n'aboutira jamais, car le puissant océan atlantique détruira au fur et à mesure les ouvrages déjà menés à bien. Le port des pêcheurs sera inauguré le 11 juin 1865, en même temps que la statue de la Vierge sur le rocher de Cucurlon. De nos jours, l'activité dominante de l'endroit reste la navigation de plaisance, le tourisme et...la restauration. Il est vrai qu'il est fort agréable de lézarder au soleil dans cet endroit niché entre les rochers. Je m'arrête devant des petites maisons de pêcheurs appelées crampottes (ci-dessous en photo). Ces refuges de pêcheurs sont une denrée très rare et restent la propriété de la ville. Elles sont attribuées aux propriétaires de bateaux mouillant dans les bassins du port et la liste d'attente est longue, puisqu'il faut patienter dix ans en moyenne. Mais qu'on y est bien, entre parties de carte avec les copains et les verres de pernod-ricard. Parmi les crampottes, se trouve le petit Casino, celui des locaux et des gens simples. Ici et là, je remarque des céramiques (deuxième photo). Ce port de pêcheurs fut proclamé Commune Libre, le 7 juin 1961, moins de trois mois avant ma naissance. Montmartre n'a qu'à bien se tenir, d'autant plus que son maire est élu à vie, et que rues et places ont été rebaptisées pour l'occasion.


 

Ma visite se poursuit en direction de la Grande plage (ci-dessous). Les uns profitent des quelques rayons de soleil sur le sable tandis que d'autres, plus sportifs, pratiquent le surf. L'endroit est décrit comme l'un des meilleurs spots de surf du monde et ce n'est pas par hasard : en 1957, Peter Vertel, l'époux de l'actrice Deborah Kerr alors en tournage dans la région pour le film « Le soleil se lève aussi », débarque avec ses planches de surf sur la plage de la Côte des Basques. Et les Biarrots d'observer, médusés, le premier homme à se tenir debout sur une vague! Très vite, ce sport tout droit venu d'Hawaii trouve ses adeptes comme par exemple Joël de Rosnay, Georges Hennebutte, Jo Moraïz ou Emmanuelle Joly-Thomas. Au loin s'élève le phare de la ville, situé à la pointe Saint-Martin (deuxième photo). Bâti entre 1830 et 1832, il a depuis été classé comme monument historique, en 2009. En forme de tour conique et de couleur blanche, il mesure 47 mètres de haut, se trouve à 75 mètres au-dessus du niveau de la mer et comporte un escalier de 248 marches.

 

Après le Second Empire, Biarritz glissa doucement vers la Belle Epoque. De belles demeures virent le jour, dans des styles variés et flamboyants. Sadi Carnot, Poincaré, Clémenceau, Jules Ferry, Alexandre Dumas, ou Zola se retrouvaient autour des plages. Biarritz était l'endroit qu'il fallait fréquenter. Les Anglais n'étaient pas en reste car leurs ancêtres avaient déjà repéré l'endroit, au début du siècle, lors des guerres napoléoniennes. Le Prince de Galles, futur Edouard VII, y passera cinq saisons, à l'intérieur de l'ancienne résidence impériale, transformée en Hôtel du Palais dès 1893. C'est d'ailleurs aux Anglais que Biarritz devra son premier golf, le golf du Phare, en 1888 et ses premiers concours hippiques. Même Sissi, la belle Elizabeth d'Autriche viendra y chercher une nouvelle raison de vivre. Le tout nouveau Casino municipal et le Casino Bellevue attireront bientôt vedettes du spectacle et flambeurs, comme Sarah Bernhardt et Lucien Guitry qui s'y produiront tous deux. Mondanités et noctambules sont au rendez-vous. C'est là que certains s'exerceront au charleston, nouvelle danse endiablée du moment.

Actuellement se tient une exposition « Festival Biarritz Années Folles », à l'intérieur de la crypte de l'église Sainte Eugénie. L'église, construite dans le style néogothique entre 1898 et 1903 abrite en effet une crypte dans laquelle se trouve la tombe du curé Gaston Larre, premier curé de la paroisse en 1884, curé qui avait décidé la modification de la petite chapelle originelle voulue par l'impératrice Eugénie de Montijo. Cette crypte accueille cette fois celles et ceux qui souhaitent (re)découvrir ce qu'était la vie biarrote au cours des Années Folles. Durant les années 1920, il fallut faire la fête pour effacer les quatre années de cette guerre terrible que fut la première guerre mondiale. On assiste alors à une urbanisation de la cité sans précédent, avec l'apparition d'équipements haut de gamme. Autour de la Grande plage s'élèvent bientôt hôtels de luxe et casinos, mais aussi magasins aux enseignes prestigieuses. Les Halles accueillent pour leur part une clientèle cosmopolite. Et Biarritz de découvrir un nouvel art de vivre. La ville prend forme au gré des artistes, des architectes et des personnalités marquantes qui la fréquentent. L'Art Déco viendra toutefois tempérer cette débauche avant-gardiste.

 

L'exposition, très bien faite, aborde le patrimoine architectural basque. Celui-ci était surtout rural jusqu'à la fin du XIX ème siècle. Au début du XX ème, apparut le régionalisme, et un mouvement néobasque aux côtés d'architectes comme Henri Godbarge, William Marcel, Louis et Benjamin Gomez ou Joseph Cazalis. Très vite, le style néobasque promu par Henri Godbarge lui vaut une réputation grandissante. Celui-ci jouera un rôle prépondérant dans l'urbanisation d'une ville comme Hossegor par exemple. Peintre, notre homme se fera connaître par ses dons en dessin et en aquarelle. Journaliste, il s'engage dans la presse locale et deviendra, entre autre, le correspondant de la Gazette de Biarritz. Ecrivain, il écrira enfin l'ouvrage régionaliste paru en 1931, Arts basques, anciens et modernes, origines et évolutions.

Malgré cela, cet architecture régionaliste se fondra avec l'Art Déco à la fin des années 1920.

 

Je découvre aussi le rôle déterminant de la famille durant ces Années Folles : Mathieu Gelos, jardinier et horticulteur de son état, débarque à Biarritz en 1857. Il aura bientôt deux fils, Barthélémy et Casimir, qui créeront ensemble la Société d'horticulture, dans le quartier Milady, en 1894. L'entreprise embauchera à l'époque jusqu'à 250 ouvriers, et Biarritz devra un grand nombre de ses parcs et jardins à cette fine équipe, laquelle façonnera un siècle durant les paysages environnants.

Un autre personnage remarquable fut Gabrielle Chanel, surnommée Coco Chanel. Cette dame, qui se lança en 1909 dans la confection de chapeaux et de vêtements, aura l'audace d'inventer la mode sport quatre ans plus tard, ouvrant parallèlement une première boutique à Deauville afin d'y exposer ses vêtements en jersey de « style marin ». Sur les conseils de son ami Arthur Capel (alias Boy Capel), Coco Chanel se rendra à Biarritz en 1915, là où se trouve alors une clientèle aisée et proche de l'Espagne. La couturière ouvre rapidement une maison de couture, avec l'aide de sa sœur Antoinette et soixante ouvrières. Cette maison trouvera place dans la villa « Larralde », rue Gardères, dont Coco fera l'acquisition. On raccourcit alors les jupes et on fait disparaître la taille de ces dames, puis on confectionne non seulement des robes du soir mais aussi des robes de sport et des tenues de plages, dont la clientèle fortunée raffole au point que la presse américaine rendra hommage un an plus tard à la grande couturière.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Office du tourisme, 1 Square d'Ixelles, Biarritz. Tél : 05 59 22 37 10. Ouvert tous les jours. Site internet : http://www.tourisme.biarritz.fr

  • Musée Asiatica, 1 rue Guy Petit, en face de l'hôtel Karitza ou de l'hôtel des impôts, Biarritz. Tél : 05 59 22 78 78. Ouvert du lundi au vendredi de 14h à 18h. Entrée : 10 €. Site internet : http://www.museeasiatica.com

  • Chapelle impériale, 15 rue des Cent Gardes, Biarritz. Tél:05 59 22 37 10. Ouverte l'après-midi seulement et certains jours.

  • Festival Biarritz Années Folles, Crypte de l'Eglise Sainte Eugénie, Place Saint Eugénie, Biarritz. Jusqu'au 14 juin 2015. Tous jours (sauf le mardi) de 14h à 18h. Entrée libre. Journées Années Folles les 6 & 7 juin 2015 avec concert, danse, théâtre et conférences. Accès gratuit.

 


 

 






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