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Le Quartier d'Almagro
(Buenos Aires, Argentine)
Heure locale

Mercredi 10 juin 2015

 

De retour à Buenos Aires (Argentine), il me vient une idée : et si je visitais le quartier d'Almagro ? Cet endroit très animé est situé au centre de la capitale et est l'un des quartiers les plus peuplés de la ville. Bien desservi par les transports en commun, il me suffit de prendre le métro de la ligne A pour me rendre aussitôt à l'Avenue Rivadaria. Cette avenue est une importante artère de Buenos Aires et parcourt toute la ville d'est en ouest, en deux parties presque égales. Elle va ainsi de Puerto Madero (là où se trouve mon hôtel), s’étend sur plus de dix kilomètres avant d'atteindre le quartier de Liniers. La ligne A du métro a cette particularité qu'elle longe l'avenue Rivadavia, depuis la station Plaza del Congreso jusqu'au terminus à la station Primera Junta. Autre curiosité de cette avenue, toute artère qui la traverse change de nom, règle stricte ici excepté pour une seule rue, l'Avenida 9 de Julio.


 

Le quartier d'Almagro est un ancien quartier populaire, généralement apprécié, car il est animé et rassemble plusieurs clubs de tango. Ici , on parle encore de tangueros et des grandes célébrités de l'époque, car c'est là que grandirent des personnalités telles que la poétesse Alfonsina Storni, Sebastian Plana ou Osvaldo Pugliese (qui fut l'initiateur du projet de création de la Casa del Tango). Carlos Gardel y vécut son enfance dans la partie appelée Abasto (appelée ainsi en souvenir de l'ancien marché d'approvisionnement qui s'y dressait autrefois). Chanteur et compositeur argentin de tango, notre homme naquit à Toulouse (France) le 11 décembre 1890, et émigra très vite avec sa mère en Argentine. Il n'avait alors que deux ans. Il connaitra une fin tragique puisqu'il mourra en 1935 dans un accident d'avion du côté de Medellin (Colombie). Carlos Gardel sera considéré comme le plus célèbre tanguero de la première moitié du XX ème siècle. Elevé à proximité du plus grand marché de fruits et légumes, dans le quartier d'Almagro, il grandira au milieu des immigrants, les maisons closes, les conventillos (bâtisses familiales et pauvres, dont on peut voir une photo ci-dessus), les cantinas (bistrots) et les théâtres. Dès 1902, Carlos Gardel se fait remarquer comme tanguero, et le troubadour José Betinolli de lui attribuer le surnom de Zorzal Criollo, tout en l'encourageant à chanter dans les centres politiques. On l'affublera aussi d'autres noms comme le chevelu, le brun de l'Abasto ou le Muet (qui fait référence à sa voix exceptionnelle). Dans le quartier d'Almagro, plus exactement dans la rue Guarda Vieja au numéro 4049, s'élève toujours aujourd 'hui la Casa del Tango (ci-dessous), fondée en l'honneur de tous les amoureux de cette danse, durant les années soixante afin de promouvoir le tango et la culture portègne (des habitants de Buenos Aires). Il s'y tient parfois des séminaires sur l'histoire du tango, mais on y trouve également un théâtre, où on peut assister à des récitals, des projections de films classiques argentins ou des comédies musicales. Des concours de tango y ont parfois lieu. Non loin de là, je passerai devant l'hôpital italien (deuxième photo ci-dessous), au 450 de la rua Gascon. Cet établissement est l'un des hôpitaux les plus réputés de la ville. Sa construction débuta dans le quartier de San Telmo en 1854 pour la communauté italienne. Onze ans plus tard, alors que l'Argentine entrait en guerre contre le Paraguay, ce bâtiment sera presque achevé. Le gouvernement argentin demandera alors au consul italien l'autorisation d'y héberger les blessés de guerre. Et l'hôpital de servir pour un temps de refuge pour les soldats, avant d'être utilisé comme quarantenaire pour les malades du choléra en 1867, puis pour ceux de la fièvre jaune en 1871. C'est en 1888 que cet hôpital sera transféré sur son lieu actuel. Sa reconstruction se déroulera alors de 1889 à 1901.


 

Ma promenade dans le quartier d'Almagro me fait découvrir un lieu ancien de Buenos Aires, qui porte le nom de l'avocat espagnol Juan Maria Almagro y de la Torre. Dès le début du XIX ème siècle, cette famille fera partie des premiers propriétaires des terrains alentours. Leur quinta (propriété) s'étendait alors sur 18 hectares. Jusqu'en 1870, cette zone fut surtout rurale, avec de grands espaces verts, des ruisseaux, des arbres fruitiers et des troupeaux. La zone prospérait d'ailleurs grâce à l'élevage et aux abattoirs. Almagro devint ainsi célèbre avec ses propriétés où les gens aisés venaient passer leurs vacances. La haute société y organisait alors de grandes fêtes. Et l'Avenida Rivadavia, de s’appeler à cette époque el Camino Real, ou Camino de las Torres, et de servir de principal chemin pour les charrettes qui reliaient la Plaza de Mayo au quartier de Flores. Dès 1857, le chemin de fer de l'Ouest desservira Almagro et l'on construira alors une gare qui survivra jusqu'aux années 1880. Ces années-là permettront au quartier de connaître un important développement grâce à l'arrivée de plusieurs lignes de tramway. L'une des principales stations se trouvait à l'intersection des actuelles Avenida Corrientes et rua Medrano, tandis que les lignes s'étiraient jusqu'à Plaza Italia. Vers 1870, une épidémie de fièvre jaune se déclara dans Almagro et les riches familles abandonnèrent leurs quintas pour partir se réfugier dans des secteurs plus élevés de la ville, comme le quartier de Flores. Et les immigrés pauvres d'investir les anciennes maisons de maitres, habitations plus tard surnommées conventillos. Ces conventillos étaient souvent occupés par plusieurs familles, chacune disposant d'une seule chambre. C'est de l'immigration des années 1895 à 1914 que naquit le nouveau peuple d'Almagro, population composée de Basques (qui travaillaient alors comme tambos, dans les salles de traite des vaches) et d'Italiens (qui travaillaient dans la construction). L'un des conventillos les plus connus du quartier est celui de Maria la Lunga, ou encore celui de La Cueva Negra (où vivaient des familles africaines).

 

Puisque nous parlions plus haut du carrefour de l'Avenida Corrientes et de la rua Medrano, arrêtons-nous quelques minutes à la Confiserie Violetas (ci-dessous). Cette très ancienne confiserie-dégustation ouvrit ses portes le 21 septembre 1884, au cœur du quartier d'Almagro et est depuis devenue l'un des symboles de Buenos Aires. Au départ, il s'agissait d'une maison café avec ses chandeliers qui sera inaugurée en présence du futur président argentin, Carlos Pellegrini. Il faudra toutefois attendre les années 1920 pour que prenne forme le bâtiment actuel, avec ses vitraux à la française et ses façades de marbre italien. Elle accueillit tout au long de son histoire de nombreuses personnalités du monde politique, des arts et des sciences. On peut citer Carlos Gardel, Alfonsina Stroni et Roberto Arlt. La maison, classée depuis 1998 comme site d'intérêt culturel, est remarquable non seulement pour la qualité de ses tartes et gâteaux, mais aussi pour ses façades en marbre italien, ses vitraux et son décor somptueux restauré en 2001.


 

Bien qu'il soit relativement vaste, le quartier d'Almagro ne comporte qu'une seule place, la Place Almagro. Celle-ci est délimitée par les rues Salguero, Sarmiento, Bulnes et Peron. Elle est pourvue d'une aire de jeux pour les enfants, d'un manège et de nombreuses tables de jeu d'échecs. La place fut refaite en 2007 et offre en son centre un monument. Celle-ci offre malheureusement un piètre spectacle, s'apparentant désormais au délabrement. Dans ce même quartier, au 144 de la rue Quintino Bocayuva, se dresse la basilique de San Carlos Borromeo (deuxième photo). Certains prétendent qu'elle est la plus jolie église de la ville.On la doit à Ernesto Vespignani, un Salésien italien diplômé en architecture qui débarqua à Buenos Aires en 1901 avec l'intention d'y construire une église de style néo-roman lombard rappelant la cathédrale de Sienne. Deux ans plus tard, les Salésiens commandèrent une statue de Marie-Auxiliatrice en Europe afin de l'introniser en 1910 sur le maitre-autel. San Carlos Borromeo est une magnifique basilique dont la façade est rouge et blanche. En haut de sa tour se trouvent deux horloges. Son intérieur spacieux est orné d'un mélange de styles byzantin et néo-roman lombard et l'on peut y admirer des marbres offrant diverses variétés de tons étonnantes, et de larges vitraux, sans oublier une myriade de statues représentant des saints et des bienheureux sud-américains.


 

La boxe trouve ses lettres de noblesse dans ce quartier populaire, et abrite la fédération argentine de boxe mais également l'Almagro Boxing Club, qui fut créé en 1923. A cette époque, les exploits de Luis Angel Firpo, aux Etats-Unis, provoque l'euphorie. On parle alors des victoires du boxeur dans tous les cafés et les clubs, avec admiration. Et de nombreux clubs de boxe de faire leur apparition dans la capitale argentine. C'est ainsi que fut créé l'Almagro Boxing Club qui fut au départ une simple baraque faite de quelques planches de bois et de plaques de zinc. Le football tient aussi sa place avec la présence du Club Almagro, au 522 de la rue Medrano. Ce club de football est la fierté du quartier Almagro et on le surnomme ici tricolor du fait de son maillot à rayures bleues, blanches et noires. Si le siège du club se trouve dans le quartier, son stade est par contre situé à José Ingenieros dans le Conurbano Bonaerense. Jadis, on donna des cours de tango au sein de ce club (ci-dessous), et plusieurs personnalités y passèrent, comme par exemple Madonna, qui s'y entraina pour se préparer au rôle d'Evita, tout comme Robert Duvall, le réalisateur du film Assassination Tango. Désormais, ce club est un complexe sportif qui offre plusieurs activités.


 

Le quartier d'Almagro abrite aussi la résidence de Luca Prodan, au 492 rue Gallo. Luca Prodan fut le fondateur de Sumo, un des groupes de rock les plus connus dans le pays. Cet artiste natif de l'Italie est ici connu comme le « chauve de l'Abasto ». Sa célèbre chanson Manana en el Abasto évoque la vie, l'atmosphère des rues et les bars tristes depuis la fermeture du Mercado del Abasto.

Pour terminer ma visite, je passe par le Passage San Carlos (au 151, rue Quintino Bocayuva), l'un des passages les plus anciens de Buenos Aires. D'une longueur de cinquante mètres, ce passage est constitué d'une quinzaine de maisons dont les façades ont conservé leur aspect du XIX ème siècle. L'endroit, ponctué d'anciens lampadaires, offre une immense tranquillité. A l'angle, une boutique d'antiquaire contribue à nous replonger dans le passé. Un seul bâtiment, rénové dans un style postmoderniste, rompt avec le charme de ce passage dont l'accès est parfois bloqué par une barrière installée par les habitants des lieux.

 

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