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Tokaïdo, la Route de la Mer de l'Est - Fukuroi
(Préfecture de Shizuoka, Japon)
Heure locale


Jeudi 18 février 2016

 

Décalage horaire oblige, je me réveille à quatre heures du matin et renonce à faire la crêpe plus longtemps au lit. Je dors bien ces derniers jours, ce qui m'aide à passer la journée qui va suivre. Comme à mon habitude, je quitterai l'hôtel vers 9 heures pour profiter du soleil hivernal. Dehors, le vent est tombé depuis hier soir et il fait nettement moins froid.

Mon objectif est aujourd’hui de vous faire découvrir Fukuroi, la 27 ème étape de la route Tokaïdo. Cette petite ville de 85000 âmes fut fondée en 1958. Elle se trouve à dix minutes de train de Kakegawa, mais je descendrai à la gare précédente, à Aino. En effet, la légendaire vois shogunale s'étale en longueur sur plusieurs kilomètres et mes jambes seront d'ailleurs mon meilleur allié pour effectuer cette balade. J'emprunte l'omnibus qui se rend à Hamamatsu puis descend à Aino, petite gare qui voit à la fois passer les shinkansen et les autres trains. Pour l'occasion, je me suis muni d'un plan qui me conduira à bon port la majeure partie du temps. Pour le reste, je demanderai mon chemin aux habitants de passage, toujours prompts à aider le visiteur que je suis.

Cette ville-étape du Tokaïdo se trouve juste à mi-chemin entre Tokyo et Kyoto, puisque la route comporte 53 stations. Au départ, l'étape de Fukuroi n'existait pas mais le trajet de Kakegawa à Mitsuke s'avérant trop long pour les premiers pèlerins, il fut décidé de créer un point d'étape à Fukuroi. Celui-ci verra le jour en 1616, quinze années après la création de la route Tokaïdo. Sur place, on peut découvrir plusieurs choses dont les temples Hattasan Soneji (de la secte bouddhiste Shingon), Manshosan Kasuisai (secte bouddhiste Soto) et Iosan Yusanji (de la secte bouddhiste Shingon) qui ont, jusqu'à présent, contribué à la réputation de la ville.


 

Pour ma part, ma première visite sera pour le grand torii du sanctuaire de Fuji-Sengengu (ci-dessous en photo). Je marcherai deux bons kilomètres avant d'atteindre cette grande porte orange située le long de la Tokaïdo bordée de pins à cet endroit. J'y rencontrerai un autre voyageur, japonais celui-là, qui parcourt à pied la route shogunale depuis Tokyo. Je retrouverai d'ailleurs notre homme un peu plus loin sur le parcours. Pour l'heure, je regarde attentivement ce torii qui symbolise la porte d'entrée des sanctuaires shinto. Le sanctuaire ne se trouve qu'à 800 mètres de là, entre zone industrielle et voie rapide. Les pèlerins d'hier seraient désemparés s'ils voyaient l'évolution actuelle. Moi-même un peu perdu par cet enchevêtrement d'entrepôts, je renoncerai à me rendre au fameux sanctuaire. J'ai cependant trouvé pour vous un site qui présente de jolies photos de l'endroit (voir les infos pratiques). Ce lieu religieux aurait été érigé au début de la période Heian par Sakanoue no Tamuramaro qui offrit un de ses sabres à la suite de sa victoire. Sakanoue no Tamuramaro était un général et un shogun de cette époque. Fils de Sakanoue no Karitamaro, il sera aussi le descendant direct du prince Achi no Omi et des empereurs Han de Chine. Au service de l'empereur Kammu, il débutera sa carrière militaire comme lieutenant d'Otomo no Otomaro, puis recevra en 791 la mission de conquérir les Emishi, un peuple aborigène du nord de Honshu. En récompense de ses victoires, il recevra six ans plus tard le titre de sei-i-taishogun. Des recherches récentes montrent que les Emishi migrèrent du nord de la grande île vers Hokkaïdo entre les VII è et VIII è siècles, résultat probable de la politique de conquête lancée par notre homme. Après la mort de Kammu, Tamuramaro continuera de servir sous les empereurs Heizei et Saga, comme daiganon, puis hyobukyo (ministre de la guerre). Bien que détruit par les flammes durant la guerre, le Honden (bâtiment principal de l'ensemble) compte parmi les biens culturels importants du Japon.


 

Justement, le feu était malheureusement (trop!) populaire du temps d'Edo. On ne comptait plus les incendies de maisons de bois qui s'embrasaient à la moindre occasion, notamment à Edo (Tokyo). Le peuple nippon s'est donc donné un dieu destiné à prévenir les incendies. Des lampes (veilleuses) furent aussi installées afin de conduire au sanctuaire d'Akiha, lieu précisément dédié à Akiha Daigongen. Cet endroit, situé non loin de Fukuroi, plus exactement à Hamamatsu, faisait partie des lieux de pèlerinage d'alors. On pense que le sanctuaire aurait été bâti en 709, sous l'influence de la doctrine shinto Ryobu, alors en vogue en ces temps médiévaux. Fukuroi offre de voir l'une des veilleuses conduisant à ce sanctuaire. Celle-ci, faite entièrement de bois, fut construite dans le style architectural yakata-zukuri et est ornée de superbes sculptures en bois.


 

Les pèlerins avaient bien besoin de se détendre après avoir parcouru tous ces kilomètres et la petite maison de thé Domannaka Chaya (en photo ci-dessus) remplissait pleinement son rôle d'accueil des visiteurs de passage. C'est toujours le cas aujourd'hui puisqu'on me proposa ce matin une tasse de thé vert (gratuit!) et une carte de la portion de la route Tokaïdo traversant Fukuroï, enroulée tel un parchemin. La petite maison se trouve au croisement d'un carrefour et permet de reprendre ses esprits, bien au chaud. La maison vend également des petit souvenirs locaux. Les habitants du coin y échangent enfin les derniers potins. C'est là que je retrouverai mon pèlerin japonais déjà aperçu devant le grand torii.

Je reprends ma route en direction du temple Teiseizan Kanpukuji (ci-dessous), situé à quelques centaines de mètres du salon de thé. Ce temple appartient à la secte bouddhiste Soto dont provient le nom de la ville de Fukuroi . Les gens d'ici surnomment familièrement l'endroit « Heso dera » qui signifie temple naval. La secte Soto est l'une des cinq principales sectes Zen en Chine. Elle fut implantée au Japon par Dogen en 1227 et fut d'abord développée dans l'ombre d'une autre secte, la secte Rinzai. Elle devint indépendante lorsque Dogen se rendit au temple Eheji du Fukui. Après la mort de ce dernier, cette même secte souffrit d'une scission et ce fut le temple Daijoji (département d'Ishikawa) qui devint le principal centre de cette secte avec Keizan comme chef. Contrairement à d'autres sectes , la secte Soto préfère une illumination progressive faite de longues et austères méditations.


 

Il ne reste plus d'auberges (honjin) de l'époque de la route shogunale en état à Fukuroi. Je m'arrêterai quelques instants au jardin Fukuroi Shukuba (ci-dessous) qui fut créé sur les restes d'une ancienne auberge, afin de reconstituer l'atmosphère d'antan. La ville comptait autrefois trois honjin, ces auberges destinées aux fonctionnaires du gouvernement qui voyageaient sur la route Tokaïdo. A l'origine, ces lieux de détente étaient utilisés par les généraux pour y diriger les batailles qu'ils menaient et il s'agissait donc d'endroits temporaires. Plus tard, ces lieux furent transformés en logements temporaires pour la bataille et pour le voyage, jusqu'à ce que daïmios, représentants du shogun, hatamoto et monzeki soient autorisés, eux aussi, à y descendre lors de leurs déplacements. Les honjin étaient de fait les résidences personnelles des chefs des villes et villages. C'est à eux que revenait le soin d'accueillir les hôtes de passage. Et les propriétaires de honjin de bénéficier de privilèges spéciaux, en signe de reconnaissance pour les services rendus.

 

Fukuroi offre de voir un champ de bataille historique, celui de Kihara-Nawate, qui se tient un peu à l'écart de la ville. Lorsque Ieyasu Tokugawa était lord du château d' Hamamatsu, c'est à cet endroit qu'il placera ses soldats pour battre l'armée de Takeda . On dit que cette manœuvre fut annonciatrice de la bataille de Mikatagahara en 1573 (l'année suivante), unique défaite de Ieyasu. Cette bataille reste l'une des plus célèbres victoires de Shingen Takeda et l'une des meilleures démonstrations de ses talents de stratège militaire. En effet, tandis que Shingen Takeda se dirigeait vers le sud pour attaquer Ieyasu Tokugawa dans sa forteresse d'Hamamatsu, c'est dans la plaine de Mikata que les deux armées s'affrontèrent. Constatant vite la supériorité numérique de ses troupes, Shingen Takeda répartit ses soldats selon la formation gyorin (échelle à poisson), incitant ainsi Ieyasu à attaquer ses troupes. Ce dernier positionna donc ses troupes en ligne afin de mieux utiliser ses arquebusiers. L'après-midi de la bataille, alors que la neige commençait à tomber ce 25 janvier 1573, Ieyasu demanda à ses arquebusiers d'ouvrir le feu avec leurs nouvelles armes à feu, mais dut faire soudainement face au déferlement des cavaliers de Shingen Takeda qui traversèrent les lignes de l'armée de Ieyasu, provoquant ainsi d'importantes pertes.

Le saviez-vous ? La spécialité de Fukuroi, outre la culture du thé et du melon, reste le cerf-volant arrondi (maru-tako). Je rencontre à sa boutique Kenji Amano (ci-dessous) qui fabrique cet article depuis fort longtemps et m'invite à découvrir son atelier. Je découvre ainsi une bonne dizaine de cerfs-volants colorés et aux formes arrondies. Kenji Amano me confie que la fête des cerfs-volants a eu lieu récemment, et qu'il lui est déjà arrivé d'expédier ses cerfs-volants à....Paris ! Si vous passez par là, arrêtez-vous pour le saluer.

Nous l'avons vu, Fukuroi n'est devenue que tardivement une étape de la route du Tokaïdo. Distante de 9,7 kilomètres de Kakegawa, elle compta jusqu'à 195 bâtiments (dont trois honjin et 50 hatago) au plus fort de son activité. Sa population n'était alors que de...850 habitants ! Soit cent fois moins qu’aujourd’hui. L'estampe d'Hiroshige montre deux couples de voyageurs en train de se reposer sous un abri, près d'un arbre devant lequel une femme attise le feu sous une grande bouilloire suspendue à une branche. Le paysage autour de cette scène semble être composé de champs de riz laissé à l'abandon, avec peu d'indications quant à la présence d'une ville-relais.


 

INFOS PRATIQUES :


  • Sanctuaire Fuji-Sengengu en photos : http://japan-geographic.tv/shizuoka/fukuroi-fujisengengu.html

  • Boutique de cerfs-volants de Kenji Amano, à deux pas du jardin Fukuroi Shukuba, à Fukuroi. Tél : 0538 42 3444.

  • Office de tourisme de Fukuroi est situé en face de la gare JR. Il est ouvert tous les jours (sauf le lundi), de 9h30 à 18h00.




 



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