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Exposition "Des Voyageurs à l'épreuve du terrain"
(Musée des Archives Nationales, Hôtel de Soubise, Paris, France)
Heure locale



 

Mercredi 27 juillet 2016

 

Je n'ai jamais encore mis les pieds aux Archives nationales de Paris. Créées pendant la Révolution française, celles-ci conservent les archives publiques des différents régimes politiques qui se sont succédés, depuis le VII ème siècle jusqu'à nos jours, ainsi que les archives privées et les minutes des notaires parisiens. Et aujourd'hui, toute personne de pouvoir consulter gratuitement ces archives qui se présentent sous différentes formes. Le musée des Archives nationales fut quant à lui créé en 1867 par le marquis de Laborde, et est installé dans l'hôtel de Soubise, siège parisien de l'institution depuis 1808. Ancienne demeure princière trouvant ses origines à la fin du XIV è siècle, il abrite encore de nos jours de somptueux appartements du XVIII è siècle, ornés de peintures des plus grands artistes français de l'époque de Louis XV. Le musée offrira bientôt aux visiteurs un très intéressant parcours permanent, mais l'exposition qui m'amène là est consacrée aux grands voyageurs à proprement parlé.

 

L'exposition Des voyageurs à l'épreuve du terrain, qui se déroule sur place jusqu'au 19 septembre prochain, a l'avantage de permettre à celles et ceux restés à la capitale de s'évader le temps de la visite, ou à des gens comme moi de compléter utilement leurs connaissances sur le concept de l'exploration gigantesque à laquelle notre beau pays participa de 1800 à 1960.

A cette époque, le voyage n'était pas une partie de plaisir et le voyageur devait endurer les fatigues et les maux des longues traversées et les chaleurs tropicales, et les rigueurs des saisons dans des pays âpres et dangereux . Ces mots ne sont pas de moi mais de Joseph Naudet, secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, en 1857. Cette vision correspond à l'image d'Epinal du voyage d'exploration, qui va de l'Afrique aux Terres australes, de la Chine à l'Amérique du Sud, en passant par la France bien sûr. L'exposition présentée nous apprend comment marins, anthropologues, archéologues, hommes de science et amateurs passionnés conduisirent leur projet de découverte. Quelques noms célèbres illustrent ces grands voyages : Lapérouse, Bougainville, Savorgnan de Brazza, Paul-Emile Victor, le commandant Charcot, Françoise Héritier....Les voyages scientifiques ne s'improvisent pas, même s'ils nous apparaissent souvent sous un angle héroïque, et nécessitent une longue préparation. Ils sont rarement le fait d'un homme seul affrontant mille dangers pour atteindre son objectif. Il faudra au contraire rassembler des moyens en hommes et en matériel, ce qui suppose des soutiens financiers, des conseils scientifiques, techniques ou méthodologiques, mais également la collaboration d'assistants, de guides, d'interprètes et de porteurs. Le voyage est alors source d'enjeux scientifiques, de visées impérialistes et (ou) d'intérêts économiques. Présentée en trois parties, l'exposition nous invite à découvrir en quelque sorte l'envers du décor de ces fabuleux voyages, qu'ils soient scientifiques ou documentaires, au départ de la France à cette époque.


 

La première partie est une invitation au voyage. Celle-ci aborde notamment le rôle joué par les institutions administratives et savantes dans l'organisation et la supervision de la plupart des grandes expéditions évoquées, avec entre autres, l'évaluation des projets, les instructions données aux explorateurs et la fourniture de matériel.

La seconde partie, appelée Sur le terrain, est dédiée au voyage lui-même. On s'intéresse alors aux objectifs et à leur évolution dans le temps, à l'extrême diversité des endroits visités et des contextes d'étude, à l'importance de la logistique et à la grande dette envers les savoirs locaux, les risques encourus par les explorateurs et leurs accompagnateurs. Ces voyages ont de multiples facettes et se présentent alors sous la forme d'expéditions maritimes, archétypes du voyage de découverte. Et de s'attacher à la découverte de l'expédition Duperrey sur le navire La Coquille, du côté de Sandy Bay. Dès son retour en France et au terme de son expédition autour du monde en tant que commandant de la corvette La Coquille, entre 1822 et 1825, Louis-Isidore Duperrey entreprendra la préparation de la publication de son récit de voyage et des résultats obtenus. Durant la traversée, des croquis avaient été exécutés, principalement par Jules-Louis Lejeune et Auguste Bérard. Une fois en France, les planches préparatoires à la gravure seront cette fois dessinées par Antoine Chazal, peintre botanique et animalier. Une planche représente ainsi le navire La Coquille au mouillage devant Sandy Bay (en photo ci-dessus), île de l'Ascension, perdue au milieu de l'Atlantique. Et que dire de l'expédition du Géographe, sous l'égide de Nicolas Baudin, dans les Terres australes, un voyage entrepris sous le Consulat avec l'appui de Bonaparte, alors Premier consul, périple qui avait alors pour objectif l'exploration géographique et scientifique du continent australien, où les Anglais avaient déjà installé depuis quelques années, à Port Jackson (l'actuelle ville de Sydney) une colonie pénitentiaire ? Cette expédition mit en scène les deux corvelles Le Géographe et Le Naturaliste, commandées par Baudin et Hamelin, lesquels reconnurent entre 1801 et 1804, et en trois campagnes, une partie des côtes de la Nouvelle-Hollande (actuelle Australie) et de la terre de Diemen (Tasmanie). Au retour, le bilan de ce voyage s'avérera particulièrement riche en matière d'histoire naturelle, comme en témoignent les dessins de Lesueur, qui font aujourd'hui partie intégrante des collections du Muséum d'histoire naturelle du Havre. Quant aux documents nautiques élaborés durant le voyage, comme les journaux de bord, les observations astronomiques et les cartes sont, eux, conservés aux Archives nationales. Il y a aussi les voyages extrêmes, parmi lesquels l'exploration des pôles (première photo ci-dessous), ou bien plus modestement l'exploration des patrimoines régionaux sur le sol français. Adrien Gerlache de Gometry, commandant de la Belgica, s'illustrera ainsi en menant l'expédition scientifique dans l'Antarctique de 1897 à 1899. En 1905, ce sera au tour du prince Philippe d'Orléans d'affréter son navire pour effectuer une croisière depuis le Spitzberg jusqu'au Groenland lors d'un voyage de plusieurs mois mêlant exploration océanographique, études topographiques, collectes naturalistes et chasses aux espèces animales locales, qui donnera lieu à une large couverture photographique fort utile pour la publication, en 1907, du récilt de cette expédition. On y retrouvera en effet d'impressionnants tirages panoramiques qui donneront une idée éloquente de l'âpreté des conditions d'un tel voyage. Le navire, un temps emprisonné par les glaces parviendra heureusement à se dégager. Du côté des patrimoniaux régionaux français, c'est au gouvernement de Vichy, au début des années 1940, qu'on devra le lancement d'une série de chantiers intellectuels et artistiques afin de procurer du travail à de jeunes diplômés ou artistes au chômage en cette période troublée. Un chantier sur la prospection locale de l'habitation régionale sera ainsi lancé en 1941, qui débouchera sur la constitution d'une documentation scientifique s'intéressant aux caractères traditionnels de l'architecture française. Pour l'occasion, ce seront plusieurs dizaines de jeunes architectes qui seront recrutés pour mener à bien cette tâche exploratoire. Parmi eux, Jacques Lamy se chargera du département de la Corrèze et constituera un journal de bord alertant sur la situation dégradée de l'endroit, jusqu'au moment où, le 1er juin 1944, il décidera d'arrêter son travail. Il reviendra en 1967 au Musée national des arts et des traditions populaires pour restituer sa mallette (deuxième phoro) et tout ce qu'il avait produit lors de ses enquêtes de terrain : on y trouvera des copies de cadastres, des croquis, des photographies et ses prises de notes. Cette deuxième partie de l'exposition aborde aussi la logistique du voyage, à travers les déplacements, les guides et les étapes. Ne nous méprenons pas ! La diplomatie était alors de mise pour obtenir les moyens nécessaires à la réalisation de ces grandes expéditions. Restaient ensuite les risques du métier.

La dernière partie, elle, intitulée Au retour, s'intéresse aux résultats obtenus à l'issue de ces entreprises. La mémoire du voyage repose sur des supports variés comme des carnets de route, des dessins, des photographies ou des cartes. On trouve ainsi un album de photographies réalisées au Japon et coloriées à la main (troisième photo). Nous sommes alors en 1882 et Gabriel Maget, médecin de marine, a été chargé le 21 juin 1881 d'une mission ethnographique et anthropologique dans ce pays. Dans une lettre envoyée de Hachioji un an plus tard, notre homme annonce l'envoi de divers documents, dont soixante photographies destinées à appuyer les notes anthropologiques. L'album est essentiellement composé de clichés d'atelier qui représentent des personnalités publiques et des personnages typiques du Japon traditionnel comme, par exemple, des porteurs de palanquins, des porteurs d'eau, des paysans ou des guerriers. Ces clichés ont le plus souvent été pris à Tokyo et à Yokohama, ou dans d'autres localités du pays. Et de constater que nombre de ces tirages avaient été coloriés à la main, cet art nouveau étant apparu là-bas dans les années 1870, à destination d'un public étranger. Le résultat est en effet séduisant et extrêmement esthétique, offrant un indéniable cachet pittoresque. Parmi les photographes locaux ayant développé cet art, on notait Beato, Stillfied, Farsari, Uchida Kuichi ou Kuzakabe Kimbei. Dans d'autres cas, et lors de la même mission, Gabriel Maget rédigera deux rapports sous la forme de carnets de voyage, l'un, consacré à des observations anthropologiques et ethnographiques, l'autre, concernant la partie géographique du voyage avec quatre dessins tracés très habilement. Cette même mémoire distille l'analyse, divulgue des données sous la forme de publications, de conférences et d'expositions. Et l’explorateur d'être médiatisé au fil du temps, en construisant sa propre légende.

Pour ce faire, l'exposition présente au public des fonds provenant des Archives nationales, peu connus et même parfois inédits, venant de diverses administrations ou émanant de particuliers. Certains documents appartiennent ainsi au ministère de la Marine, au Muséum national d'histoire naturelle ou à d'autres organismes scientifiques, à des musées nationaux....


 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition Des Voyageurs à l'épreuve du terrain, jusqu'au 19 septembre 2016, au Musée des Archives nationales, Hôtel de Soubise, 60 rue des Francs Bourgeois à Paris (3è). Tél : 01 75 47 20 06. Ouvert du lundi au vendredi de 10h00 à 17h30, le samedi et le dimanche de 14h00 à 17h30. Entrée : 6€. Site internet : http://www.archives-nationales.culture.gouv.fr

  • Un catalogue est proposé lors de cette exposition, au prix de 25€.

  • Un grand merci au Service Presse pour le prêt des photographies







 



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