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Exposition "De la Caricature à l'Affiche, 1850-1918"
(Musée des Arts Décoratifs, Paris, France)
Heure locale

 

Jeudi 11 août 2016

 

L'exposition « De la Caricature à l'affiche » qui est actuellement présentée au musée des Arts Décoratifs à Paris (1er) vaut la peine d'être vue. Et vous avez jusqu'au 4 septembre 2016 pour vous y rendre, car aucune prolongation n'est prévue. Le début du XX ème siècle marque la fin d'une génération, celle de Toulouse-Lautrec, de Chéret et de Mucha. Ces personnages avaient réussi à imposer une présence forte sur les murs à travers leurs images, et le vide sera d'autant plus grand lors de leur disparition, laissant penser que l'art de l'affiche était resté moribond jusqu'en 1918. C'était mal connaître le rôle alors joué par les dessinateurs de presse et les caricaturistes durant cette période, car les annonceurs reprendront le trait de ces dessinateurs géniaux pour entamer un renouvellement du genre. Parmi eux, on trouve Jossot, Sem, Barrère, Guillaume, Gus Bofa, Roubille ou Capiello, autant d'artistes qui inspireront plus tard Cabu ou Wolinski. Et l'exposition actuelle de retracer ce moment de l'histoire de l'affiche très liée à l'histoire de la presse, aux contextes politiques et économiques depuis 1850, un moment clé de l'histoire de la publicité.

 

C'est l'industrialisation de la presse, au milieu du Xix ème siècle, qui engendra la prolifération de publications parmi lesquelles les journaux satiriques : Charivari, La Silhouette, La Caricature, Rire, Journal pour Rire,l'Assiette au Beurre...Tantôt simples feuillets, tantôt véritables hebdomadaires, ceux-ci seront vendus par abonnement, à la criée ou en kiosques. Ces derniers sont totalement recouverts de ces parutions à succès, et les journaux, pour faire face à cette concurrence agressive, de se distinguer pour attirer avant tout le regard des passants. L'image, via la caricature, jouera alors un rôle primordial, en transformant les « Unes » en affiches. Et la presse humoristique de tomber dans différents registres comiques, allant de la critique acerbe à la caricature des mœurs, de la parodie au grotesque, en passant de l'engagement à la frivolité, parfois même la grivoiserie selon le lectorat et l'espace de liberté concédé par le pouvoir. La caricature de Louis Philippe en poire, par Charles Philipon, a laissé des traces et permis le développement des ventes. Mais ces parutions s'adapteront tout au long du XIX ème siècle aux régimes politiques successifs, affrontant ou déjouant la censure. Et le nombre de caricatures d'exploser lorsque les lois seront votées sur la libéralisation de la presse en 1881, dans un contexte marqué par les scandales d'alors : ceux de la Troisième République, l'affaire Dreyfus, l'anticléricalisme, l'anticapitalisme, la montée des opinions...

Heddomadaire satirique illustré, lancé à Paris le 4 novembre 1830, La Caricature sera dirigé par Charles Philipon. Et le journal de prendre le titre de Caricature politique, morale, littéraire et scénique deux ans plus tard, pour sans doute mieux affronter Louis-Philippe 1er et son pouvoir. Pour assurer la survie de son journal et financer les différents frais, Charles Philipon créera même l'Association pour la liberté de la presse. Et les souscripteurs de recevoir en signe de gratitude une lithographie mensuelle. Par la suite, cette parution changera à nouveau de nom, faisant bientôt place aux études de mœurs et à la satire sociale, jusqu'à ce que l'entreprise ne soit absorbée en 1843 par Charivari. Ce dernier était né en 1832 et avait eu le même fondateur, Charles Philipon, à ce détail près que ce journal s'opposait à la Monarchie de Juillet et relevait de la satire à vocation distractive. Ses caricaturistes les plus marquants seront Nadar, Gustave Doré, Henri Rochefort, Cham et Honoré Daumier. Ce nouveau moyen de communication de l'opposition ridiculisera avec entrain la monarchie de Juillet et la bourgeoisie et se retrouvera souvent devant les tribunaux. En 1936, le Charivari participera notamment à la campagne de calomnies à l'encontre de Roger Salengro alors Ministre de l'Intérieur du Front Populaire. L'homme est à l'époque accusé, à tort, d'avoir déserté en 1916. Et cette triste campagne de le pousser au suicide en novembre 1936. Magazine satirique illustré, l'Assiette au Beurre, lui, paraîtra de 1901 à 1936. Sa publication sera hebdomadaire jusqu'en 1912, avant de reprendre après la Première guerre mondiale, en 1921, sous la forme d'une parution mensuelle. Sa mise en pages sera innovatrice sur le plan graphique, notamment par le choix d'illustrations en pleine page et la dévolution de numéros entiers autour d'un thème unique, voir l'oeuvre d'un seul artiste. Le magazine a à son actif près de 10000 dessins produits par 200 dessinateurs et reste un témoignage iconographique précieux de la Belle Epoque.

 

La force et le succès des dessins de presse deviendront des arguments publicitaires, car la caricature délivre un message en jouant sur les raccourcis, les contrastes et les suggestions. Le caricaturiste sait alors pointer les sujets sensibles de la société, de la politique ou de la religion. Et les images qu'il produit de susciter l'adhésion...ou le rejet, sans jamais laisser le lecteur indifférent tout en attisant aussi sa curiosité. Il n'en fallait pas plus à ces dessinateurs pour devenir les meilleurs alliés des publicitaires, qui recherchent l'affiche efficace et suggestive. A cette époque, l'affichage urbain devient un enjeu stratégique et s'étend rapidement au quai des métros et des gares. Puis l'affiche devient plus grande et se lit de loin.

Adrien Barrère, Henri Jossot, Jean-Louis Forain, Charles Léandre et Léonetto Capiello feront partie de ces caricaturistes qui embrasseront pleinement la carrière d'affichistes en cette fin du XIX ème siècle, tandis que d'autres, comme Sem ou O'Galop exerceront deux activités. Mais, lorsque ces caricaturistes deviendront affichistes, ils ne se livreront pas à la caricature, se contentant d'en utiliser les ressorts techniques : l'affiche devra alors « attirer l'oeil » autant que la Une d'un journal, avec peu de couleurs, minimisant ainsi les coûts de production tout en obtenant une efficacité optimale. Nos dessinateurs auront également leurs spécialités:si Leonetto Cappiello, O'Galop et Jossot, présentés lors de cette exposition, contribuent au renouveau de l'affiche, Leonetto Cappiello, lui, se tournera surtout vers le monde des arts et du spectacle, croquant acteurs, écrivains, musiciens, actrices et femmes du monde. Il débutera en publiant dans Le Rire en 1889, puis dans le Sourire, Le Théâtre, Le Cri de Paris ou l'Assiette au beurre. Et d'adapter au grand format les silhouettes précédemment croquées, tout en recherchant le mouvement à traavers la ligne et les contrastes colorés, comme sur la deuxième affiche ci-dessous. Formes et tâches de couleurs se détachent alors sur un fond sans décor, et sans perspective, pour aboutir à un fort impact visuel. Cappiello fera ainsi de l'affiche un art de la rue très salué d'ailleurs par les critiques, et reconnu par la jeune génération d'affichistes de l'après-guerre, comme Cassandre ou Carlu.


 

Quant à Marius Roussillon, aussi connu sous le nom de O'Galop, il forgera son trait grâce à la publication de nombreux dessins satiriques dans le Chat Noir, le Rire, le Pêle-Mêle et bien d'autres titres encore. Sa rencontre avec les Frères Michelin scellera son destin d'affichiste à celle du Bibendum (photo ci-dessous). Et d'inventer le célèbre personnage, tout en le déclinant à l'infini. L'objectif de O'Galop est clairement de taper dans l'oeil du public avec des affiches claires et percutantes mais simples à comprendre. Il mise ainsi sur l'efficacité du dessin et du message. Notre homme travaillera également pour plusieurs autres firmes, sans pour autant abandonner la satire.


 

Henri Jossot sera pour sa part le seul artiste qui ne renoncera pas à la caricature une fois devenu affichiste comme en témoigne l'une de ses plus célèbres affiches consacrée aux sardines Saupiquet, ou celle vantant les qualités du Guignolet Cointreau (ci-dessous). Pour Jossot, l'affiche doit « hurler » et « violenter » le regard. Ainsi, les personnages de ses affiches gardent-ils toute l'exagération de la déformation, du laid, du grotesque, de la férocité graphique. Et tous ces caricaturistes d'écrire ensemble une nouvelle page de l'histoire de l'affiche, comme ces affiches de la guerre 1914-1918, véritables instruments de propagande qui concourront massivement à la mobilisation des ressources humaines et financières de l'époque. Cet « effort de guerre » durera jusqu'à la reconstruction en 1920.


 

L'exposition a pour l'occasion publié un catalogue (ci-dessous), disponible à la boutique du musée. Celui-ci aborde sans détour la longue histoire de la caricature, sous l'angle des relations entre caricature et affiche durant la seconde moitié du XIX ème et le début du XX ème siècle. L'ouvrage traite des cibles de la caricature, de la place de la censure dans le dessin politique, du rôle des revues satiriques et du rire sous toutes ses formes, qu'elles soient littéraires ou visuelles. Il montre le rôle joué par la caricature dans le renouvellement de l'affiche (simplification graphique, effet percutant...). Outre Cappiello, O'Galop et Jossot, le catalogue aborde aussi le travail de Forain, Sem, Steinlen, Nadar ou Willette, tandis que dessins de presse, couvertures de journaux et affiches illustrent avantageusement ce livre.


 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Exposition « De la Caricature à l'Affiche, 1850-1918 », jusqu'au 4 septembre 2016, au Musée des Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, à Paris (1er). Tél : 01 44 55 57 50. Métro : Palais-Royal, Pyramides, Tuileries. Ouvert du mardi au dimanche, de 11h00 à 18h00 (nocturne le jeudi jusqu'à 21h00). Entrée : 11€. Site internet : http://www.lesartsdecoratifs.fr/

  • Merci au Service de Presse pour m'avoir fourni les visuels de cette exposition, visibles en cliquant en haut de cet article, à droite, sur l'icone Images disponibles.








 



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