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Turnbridge et Kempton
(Tasmanie, Australie)
Heure locale


Vendredi 9 décembre 2016

 

Je reprends ce matin la direction de Hobart et m'apprête à quitter Ross et à rejoindre la Midland Highway, cette fameuse route nord-sud. Sur mon chemin, je franchirai d'ailleurs Spring Hill, le point le plus élevé se trouvant sur cet axe routier, à 488 mètres d'altitude. J'ai prévu de m'arrêter dans deux anciennes villes étape fréquentées jadis par les diligences.

Turnbridge est l'une d'entre elle, un minuscule village bien tranquille aujourd'hui et où il ne subsiste plus que l'une des trois auberges qui firent autrefois les beaux jours de cette commune qui adoptera le nom de l'auberge Turnbridge Wells Inn (en souvenir de la ville thermale anglaise du même nom). Il existait ainsi trois établissements hôteliers, The Turnbridge Wells Inn, The Victoria Inn (ci-dessous en photo) et The York Inn. Chacune de ces auberges étant alors rattachées à une compagnie de diligence : la Turnbridge Wells de J.E Cox, le service de transport Victoria Inn de Samuel Page, et la compagnie de York Inn dirigée par Alfred Burbury Coaches.


 

Non loin de l'auberge se trouve un petit hangar grillagé le long de la route qui abrite une diligence de l'époque (deuxième photo ci-dessus). Ces véhicules permettaient alors d'effectuer le trajet Hobart-Launceston en 17 heures, durée peu à peu réduite à 11 heures. Le fait que le village fut choisi pour changer les chevaux des équipages et permettre aux passagers de prendre quelque repos avant de repartir, fut une aubaine pour Turnbridge, créé en 1809, et qui grandira justement grâce à cette activité de transport. Les années 1810 verront l'arrivée des bagnards appelés à construire la route entre Hobart et Launceston. Désormais, l'endroit ne comporte plus d'hébergement ni de commerce. Seule subsiste une salle communautaire. Le pont de bois, lui, que je franchirai pour rentrer dans le village est connu comme étant le plus ancien pont en bois d'Australie, et consiste toujours aujourd'hui en des madriers de bois reposant sur des soubassements en pierre.


 

Kempton, elle, est également située le long de la Midland Highway et se trouve à 35 minutes de route de Hobart. L'endroit était à l'origine connu pour ses trous d'eau laissés par le cours du ruisseau Green Ponds. C'est Anthony Fenn Kemp, ancien officier militaire, qui sera le premier propriétaire terrien du coin. Celui-ci était connu pour son caractère vif et avait participé à la Rébellion du Rhum quelques années plus tôt, en 1808. Et de s'installer huit années plus tard en Tasmanie, et d'acquérir 700 acres de terres à Green Ponds. Anthony Fenn Kemp avait des penchants républicains et était bien sûr en faveur d'un gouvernement autonome pour la Tasmanie, de la liberté de la presse et de la justice rendue par un tribunal populaire. Notre homme reconverti dans l'agriculture tira fort bien son épingle du jeu puisqu'il fera fortune dans l'industrie lainière, grâce à l'élevage de moutons de première qualité. Et à la fin des années 1840, la commune qui portait alors l'appellation de Green Ponds de prendre naturellement le nom de Kemp, cet homme qui avait réussi, ce qui donnera Kemp Town, puis Kempton avec le temps. L'un des onze enfants d'Anthony, George Anthony Kemp, deviendra d'ailleurs le premier maire de Green Ponds en 1861.


 

Quelques années après l'installation de Kemp sur ses terres en 1816, d'autres aventuriers achetèrent aussi des terres à Green Ponds, si bien qu'en 1823, on comptait dans le village plusieurs fermiers comme Thomas Gorringe, John & Charles Franks, George Ashton ou Joseph Johnson. Quelques auberges virent le jour, comme Royal Oak et Three Jolly Farmers, si bien que le village disposait de trois d'entre elles en 1829, et d'une simple chapelle en bois. 1834 verra l'établissement d'un camp de détenus à Green Ponds Glebe, au moment de la construction de l'axe nord-sud entre Hobart et Launceston. Ce camp fermera en 1841 mais on peut encore aujourd'hui apercevoir les traces du cottage du super intendant de l'époque (formant désormais une partie des bureaux du comté du Sud Midlands, face à l'arche mémorielle) (ci-dessus). Et le terrain d'être ensuite cédé à des acheteurs, tout comme d'autres maisons construites dans les années 1840. Lorsque qu'en 1862, Green Ponds devint une municipalité,, la croissance repartit de plus belle avec les auberges étape d'une part, et les magasins Ellis et Lumsden où l'on trouvait de tout, du matériel agricole à la quincaillerie, et des articles de mode féminine au papier peint. A l'époque, il existait plusieurs pubs pour les assoiffés : Good Woman, Wilmot Arms inn (ci-dessous en photo) ou le Turf Hotel. Ces endroits servaient également d'hôtels. Aujourd'hui, il ne reste plus que la Huntington Tavern, certes réputée pour la qualité de sa nourriture et de ses boissons.

 

A l'entrée dans Kempton, une grande demeure se dresse en bordure de route. La Dysart House (ci-dessous) était alors la plus grande auberge-étape sur la route Hobart-Launceston mais était alors connue sous le nom de Green Ponds Hotel dont le propriétaire était Henry Ellis. Notre homme avait eu la bonne idée d'accoler à son auberge une écurie de vingt chevaux, créant ainsi un service de diligence entre Green Ponds et Hobart. D'où un afflux dans ce village d'hommes d'affaires, et de corps de métiers aussi variés que forgerons, charrons, valet d'écuries et même horloger. C'est Andrews Bell qui sera le tailleur de pierre en chef de cette magnifique demeure qui, après avoir servi d'hôtel, deviendra successivement un pub, puis une résidence privée jusque dans les années 1860. Et même pour une courte durée, une école pour jeunes filles. William Henry Ellis était né dans le Devon (Angleterre) en 1786 et s'était retrouvé déporté en Australie à la suite du détournement d'une énorme somme d'argent. Chanceux, Henry n'exécutera que cinq années de sa peine (sur les quatorze prévues) et ouvrira un magasin juste en face de l'emplacement de Dysart House. Notre homme mourra en 1860 et repose dans le cimetière de l'église congrégationaliste voisine (deuxième photo). Désormais, l'endroit est occupé par la distillerie de whisky Redlands. Quant à l'église voisine, elle sera érigée en 1840 par le Société missionnaire de la Terre de Diemen sous l'autorité du Révérend Joseph Beazley. Et ce lieu de culte de rassembler entre autres de nombreux rebelles canadiens travaillant alors à la construction de la route.


 

Green Ponds accueillera dès 1828 un détachement militaire pour protéger la petite ville et ses occupants européens des attaques aborigènes. Avec l'installation d'un camp de travail destiné à la construction de la route nord-sud, on vit débarquer sur place des détenus pour être affectés aux travaux, et ce, pour une durée de douze mois. Les conditions de vie étaient alors difficiles et les prisonniers s'abritaient dans de simples cabanes et se nourrissaient modestement. Ainsi se livraient-ils parfois à des vols de légumes dans le potager. Les détenus les plus nombreux de ce camp étaient des rebelles canadiens , des Américains qui avaient en réalité tentés de se soulever contre la présence britannique au Canada. Ce camp fermera au bout d'un an, en 1841, et l'endroit de devenir ensuite un bureau de police. Le tribunal sera pour sa part installé dans l'ancien cottage du super intendant, avant que ne soit érigée une prison en 1848 et au même endroit. La cellule des hommes existe encore.

Ma promenade dans Kempton s'étire sur un bon kilomètre car la ville est tout en longueur : je passe d'abord devant le Kent Cottage (ci-dessous) qui fut jadis un magasin. Celui-ci concurrençait alors la boutique de W.H.Ellis précédemment décrite. Bâtie vers 1843 par George Wood, la maison sera plus tard revendue, d'abord à Elizabeth Mayhew, puis à George Lumsden, deux autres commerçants. L'endroit fera même office de station-service en 1950.

Pas très loin, se dresse l'église catholique St Pierre (deuxième photo), construite en 1918 en remplacement d'une petite chapelle en bois qui se trouvait à Louisa Street. Et les plans furent conçus par l'architecte Alan Cameron Walker, celui qui dessina le bureau de poste principal de Hobart.

 

Je ne trouverai malheureusement pas de boulangerie sur place, mais je tomberai sur l'ancien établissement McKay (ci-dessous) qui restera entre les mains de la même famille pendant plusieurs générations dès 1857. La boulangerie était réputée dans la région pour la qualité de son pain. Edward McKay sera le premier à prendre le chemin du fournil, puis Joe et Peter Mcay prendront la suite, écoulant leur pain non seulement à Kempton, mais également par camionnette, dans les villes voisines. Le commerce fonctionnera jusque dans les années 1980, à la mort de Joe. De l'autre côté de la route, j'aperçois une charmante maison (deuxième photo) faisant office de boutique. Celle-ci, bâtie en 1910 sera la propriété de la boulangerie McKay, et deviendra l'un des dépôts de pain de la célèbre boulangerie, mais aussi un magasin où l'on trouvait un peu de tout. L'endroit est devenu, depuis 2007, une boutique faisant aussi office de bureau de poste. Dans l'ancien temps, c'est à dire vers 1830, John Ashton tenait déjà un bureau de poste en ville. Lorsqu'il fit l'acquisition de l'auberge Wilmot Arms Inn, il acheta également une autre maison voisine pour servir de bureau de poste pendant plus d'un demi-siècle. La ville disposera aussi de son propre bureau dès 1888, avec sa cabine de télégraphe.


 

Ici comme ailleurs, on honore la mémoire des disparus lors des guerres. Il existe encore de nos jours le Victoria Memorial Hall (en photo ci-dessous), à la mémoire des victimes de la Seconde guerre mondiale, mais un précédent monument, en forme d'arche (en photo plus haut) avait déjà été érigé en 1922, en hommage aux disparus de la Première guerre mondiale. Kempton possède même sa Memorial Avenue le long de laquelle seront plantés, en 1918, 23 pins symbolisant les 23 disparus originaires du district, lors de la Grande Guerre. Au pied de chaque arbre, se trouve une plaque mentionnant le nom du soldat.


 

La ville que je découvre est aujourd'hui bien calme mais recèle l'un des trésors du National Trust, Fernleigh. Cette maison, noyée dans la verdure, fut bâtie dans les années 1830 par Thomas Gorringe, un aventurier qui détenait alors 800 acres de terres attribué en 1821 par le gouverneur Macquarie. Gorringe n'était pas n'importe qui : médecin réputé de Brighton (Angleterre), il quittera son pays pour chercher fortune ici en Tasmanie avec sa famille. Une fois sur place, il exercera en tant que médecin, tout en devenant aussi brasseur, au point de devenir célèbre grâce à la qualité de sa bière. De nos jours, la demeure Fernleigh peut être aperçue du bord de la rue principale. Commune rurale avant tout, Kempton ne tardera pas non plus à accueillir la fête annuelle agricole régionale (dès les années 1890), désormais appelée Festival de Kempton. Et même si on n'y attribue plus le prix de la plus grosse citrouille, il existe encore la célèbre course de moutons, véritable institution locale

 

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