Dimanche 18 mars 2018
De retour à Santiago du Chili (Chili), je m'arrête cette fois au Musée Ralli. Organisation privée à but non lucratif, celui-ci se consacre entièrement à la promotion des artistes latino-américains. Un couple est à l'origine de cette belle initiative, Madame et Monsieur Recanati : Martine, qui fut propriétaire de banques en Angleterre, en Suisse et en France, et qui, après avoir revendu ces banques dans les années 1980, décidera de créer cinq musées à travers le monde, dont celui de Santiago. Ces musées, tous situés dans des endroits privilégiés possèdent d'importantes collections européennes et latino-américaines, ne survivent qu'à travers les propres ressources du Groupe Ralli, n'acceptent aucun don extérieur et sont accessibles gratuitement aux visiteurs.
Le choix des œuvres exposées a été déterminé par leur qualité, indépendamment de la renommée des artistes ou de leur valeur commerciale sur le marché. Et les musées Ralli de ne formuler qu'un souhait, celui de séduire les visiteurs uniquement à travers la beauté des œuvres présentées et de celle des bâtiments, tout en permettant à chacun de contempler les peintures sereinement et de se forger sa propre opinion à l'abri de toute influence.
Harry Recanati, époux de Martine, fonda ces musées. Originaire de Thessalonique (Grèce), il naquit en 1919 originaire à la fois de la famille Recanati (Italie) et de la famille Saporta (Espagne). A la fin de ses études, en 1937, notre homme rejoignit l'Israël Discount Bank Ltd, une petite banque basée à Tel Aviv et fondée par son père Léon deux ans auparavant. Et Harry de reprendre la suite de son père lorsque ce dernier décède en 1945. En 1952, l'Israël Discount Bank devient le deuxième plus grande banque du pays avec de nombreuses succursales. Bientôt Harry acquiert de nouvelles banques et crée une société d'investissement. Entre temps, son frère Daniel le rejoindra au sein du groupe tandis qu'un autre frère Rafaël restera quant à lui dans le secteur maritime. Cette même année 1952, Harry s'installe à Genève (Suisse) d'où il établira un réseau bancaire privé s'étendant en Suisse, en France, en Uruguay, au Pérou et au Chili. Et d'acquérir dix ans plus tard une nouvelle banque à Londres (Royaume-Uni), laquelle rejoindra le giron familial déjà existant et l'entreprise de commercial développée parallèlement, de façon à être présent dans 22 pays. Bientôt Harry s'installera à Londres puis décidera de se séparer du groupe familial puis d'acheter deux banques à ses frères.
La direction des filiales latino-américaines exigera de notre homme de fréquents aller-retours sur place, l'occasion pour Harry de découvrir au passage l'art local, un art dont les couleurs et la qualité des œuvres l'impressionneront au point de commencer à acquérir des toiles d'artistes locaux. Petit à petit, Harry Recanati va se constituer un véritable trésor jusqu'à posséder une collection imposante, l'une des plus importantes collections d'oeuvres latino-américaines au monde. Mais à quoi bon amasser des trésors si on ne les partage pas avec le public ? Et Harry de bâtir le premier musée Ralli à Punta del Este (Uruguay) en 1987, puis, en 1992, celui de Santiago du Chili, un autre à Césarée (Israël) un an plus tard, un autre à Marbella (Espagne) en 2000 et un second musée à Césarée (Israël) en 2007. Des musées tous ouverts gracieusement au public pour permettre à tout un chacun de profiter de l'art sans contraintes. Bientôt, Harry choisira de laisser tomber le milieu bancaire pour se consacrer entièrement à sa généreuse cause, la gestion de ces musées et leur développement pour les générations futures. Pour cela il vendra sa banque suisse à la Security Pacific Bank (Los Angeles) et la banque française de son groupe à la Cassa di Resparmio di Roma (Italie), puis créera la Fondation Harry Recanati pour assurer la future existence de ses musées, sous la forme d'une institution privée à but non lucratif, une entité dont le but est de présenter et de diffuser l'art à travers les musées Ralli. Ce sera le dernier défi d'Harry jusqu'à sa disparition en Israël le 18 décembre 2011.
Le musée de Santiago du Chili présente de nombreuses œuvres d'artistes latino-américains talentueux parmi lesquels Wilfredo Lam (Cuba), Roberto Matta (Chili), Cesar Claro Lopez (Argentine) ou Oswaldo Sagastegui (Pérou), et bien d'autres encore issus de pays comme l'Equateur, la Colombie, la Bolivie, le Vénézuela, le Nicaragua, la République Dominicaine, Le Salvador, le Mexique, les Etats-Unis...On y retrouve également des artistes européens comme Marc Chagall (Russie), Salvador Dali ou Joan Miro (Espagne), Auguste Rodin ou Max Ernst (France), Giorgio de Chirico (Italie), Henry Moore( Royaume-Uni), René Magritte (Belgique)...
Le musée de Santiago est situé sur la commune de Vitacura au milieu de splendides jardins. On peut, une fois sur place, y admirer plusieurs sculptures d'artistes latino-américains et européens, puis à l'intérieur, de nombreuses autres œuvres (collages, aquarelles, estampes, peintures, sculptures), et ce, en toute liberté. Ici, les visites guidées n'existent pas. Les bâtiments du musée chilien s'étendent sur une surface de 1500 m2 et abritent seize salles d'exposition, et même une salle de conférence, le tout accessible à tous, y compris aux personnes handicapées.
Là sont exposées les œuvres d'artistes sur trois générations : la salle Chili regroupe ainsi une trentaine de peintres chiliens et un sculpteur, autant d'artistes qui ont été dépositaires de diverses influences au fil des générations et qui partagent leur art sous une forme classique et réaliste malgré leur totale liberté d'expression. La première génération fut ainsi influencée par l'art européen, l'expérimentation de l'art figuratif et avant-gardiste, et donne à découvrir des artistes comme Nemesio Antunez, Roser Bru, Mario Carreno, Gilda Hernandez, Roberto Matta, Mario Teral et Hernan Meschi.
La seconde génération d'artistes, elle, offre une rupture définitive avec le modèle culturel étranger et l'on assiste alors au renforcement de l’identité nationale, et d'admirer des œuvres où se mêlent aussi bien l'intime et le domestique que l 'expression des mémoires personnelle et collective. On y retrouve Carmen Aldunate, Enrique Campuzano, Gonzalo Cienfuegos,Irene Dominguez, Eva Lefever, Patricia Ossa, Hilda Rochna, Raul Sotelo...
La troisième génération permet de noter une fascination pour le fantastique, l'univers de la science-fiction, et un grand intérêt pour les activités quotidiennes des personnages, grâce à des artistes comme Carlos Ampueros, Alberto Aravena, Alejandro Arrepol, Ernesto Banderas, Oscar Barra, Hector Calderon, Loreto Enriquez, Ignacio Gana, Ivan Godoy, Mario Gomez, Andrés Monreal, José Maria Romero ou Mario Sanchez.
Ces trois générations coexistent toutefois au travers de lectures et d'influences qui transcendent d'ailleurs les frontières.
Côté sculptures, le musée Ralli nous gâte avec des œuvres d'artistes comme Mario Aguirre Roa, Gogy Farias, Heriberto Juarez, Armando Amaya, Gerardo Quiroz, Salvador Jaramillo ou Carlos Romero (Mexique), Ingeborg Ringer, Bop Sinclair, Franscisco Reyes, Alicia Penalba ou Julio Silva (Argentine), Gloria Pecego (Brésil), Hilda Rochna (Chili) Oscar Arcila (Colombie), Oswaldo Guayasamin (Equateur), Guillermo Trujillo (Panama) et Jorge Segui (Venezuela).
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