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La fantastique histoire de Vincent Ferrier
(Vannes, Morbihan, France)
Heure locale

 

Jeudi 16 août 2018

 

Il y a 600 ans, mourait à Vannes (Morbihan) Vincent Ferrier, prêtre de l'Ordre dominicain né le 23 janvier 1350 près de Valence (Espagne). Saint patron du Pays valencien, l'homme est le quatrième enfant de Guillem Ferrer issu de la noblesse aragonaise. Une légende prétend que le papa aurait fait le rêve qu'il aurait un jour un fils dominicain. L'enfant, qui portera bien sûr le nom de Vincent Ferrer entrera dans l'ordre des Prêcheurs (plus communément appelé Ordre dominicain) à l'âge de 19 ans. Notre adolescent songera à quitter l'ordre quelques temps plus tard mais persévérera suite aux encouragement de sa famille. Et d'être ordonné prêtre à Barcelone en 1379, puis d'enseigner la théologie dans cette même ville, puis à l’université de Lleida où il se fera remarquer pour ses talents d'orateur. Vincent sera ainsi l'acteur de son temps dans les crises politiques et religieuses qu'il s'agisse de sa prise de partie initiale en faveur du pape d'Avignon Benoit XIII ou de son rôle dans l'élaboration du compromis de Gaspe dans l'hasardeuse succession aragonaise. Notre homme dédiera sa vie à la prédication comme l'exige alors l'ordre auquel il appartient. Et de partir sur les routes d'Espagne, puis dans le Midi de la France avant d'atteindre l'Italie. Il se rendra plus tard jusqu'en Ecosse, puis en Bretagne.

 

C'est le duc de Bretagne, Jean V, qui invitera Vincent Ferrier à venir à Nantes un certain 8 février 1418. De là, l'homme prendra la route de Vannes pour être accueilli par l'évêque de la ville, mais également par les dignitaires ecclésiastiques de l'endroit, le duc en personne et sa cour. On sait que le prédicateur se rendra non seulement dans le pays vannetais mais aussi au pays de Guérande, à Redon puis à Rennes, d'où il rendra visite au roi d'Angleterre en Normandie avant de revenir en Bretagne par Dol. Vincent séjournera ensuite à Dinan, Lamballe, Saint-Brieuc et même Tréguier, avant de traverser la Haute-Bretagne par Quintin, Josselin et Ploermel. Certaines étapes de son voyage restent cependant obscures comme son séjour dans le Goëlo, le Léon, le Poher ou bien la Cornouaille. Le même scénario semble cependant se répéter à chaque halte : Vincent est attendu par les notables locaux ainsi que par une foule de badauds et de dévots, alors qu'il entre en ville juché sur le dos d'une ânesse ou d'une mule. Il descend alors au couvent de son ordre , une autre maison de réguliers, ou chez un bourgeois local, c'est selon. Et la foule de se rassembler compacte à l'heure du sermon autour de l'estrade dressée par les autorités, à l'exemple de celle qui sera aménagée par le duc de Vannes sur la place située devant le château de l'Hermine. Hommes et femmes sont séparés tandis que les enfants sont regroupés à l'écart afin d'acquérir les gestes et les prières élémentaires. C'est alors que Vincent Ferrier monte en chaire et se met à prêcher avec soin selon une mise en scène travaillée à l'avance, dans le cadre d'une messe solennelle qu'il célèbre avec ses aides.

 

L'enquête qui sera menée en Bretagne de 1453 à 1454 en vue de sa canonisation, soulignera l'absence de texte complet de sermon prononcé en Bretagne par Vincent Ferrier, tout en mettant en exergue les signalements de témoins sous la forme de thèmes abordés lors des réunions publiques, comme les grandes lignes du credo chrétien qui expliquent par exemple la signification de la gestuelle attendue des fidèles et la nécessité pour ces derniers d'assister à la messe en son entier et à jeun. D'autres témoignages décrivent également le sort épouvantable réservé aux pêcheurs. Les témoins seront par ailleurs surpris par la capacité de l'orateur à parler pendant des heures, sans laisser apparaître de signes de fatigue et en accompagnant ses propos d'intonations vocales, de gestes et d'expressions de visage en harmonie avec son discours. Un de ces témoins, Pierre Floch sera le huitième témoin de l'enquête et s'étonnera ainsi de la métamorphose du prédicateur après la début du sermon, assurant que « maitre Vincent qui était habituellement très faible et avait besoin d'un bâton pour se soutenir, devenait fort lors du prêche avec une voix haute et une grande ardeur ». Le message délivré par notre homme était alors en mesure de comprendre l'esprit de son discours pourtant délivré dans un français empreint d'un accent catalan. Et le clergé de Vannes de faire circuler dans les paroisses traductions et résumés du saint homme dans le but de prolonger l'effet du sermon prononcé. Ces prêches se prolongent également par des rencontres particulières entre Vincent Ferrier et les fidèles. Notre homme conversant volontiers avec eux et pratiquant l'imposition des mains tout en récitant de courtes prières à leur intention.

 

Après une année de prédication en Bretagne, Vincent Ferrier tombe malade dans le pays nantais alors qu'il est sur le point de quitter le duché. Il est alors transporté à Vannes à la demande de la duchesse Jeanne, et notre homme y décédera le 5 avril 1419. Alors que les fidèles s'inclinent devant sa dépouille, on se dispute déjà sur le lieu d'inhumation du défunt. La règle voudrait qu'il soit inhumé dans le cimetière d'une maison de l'ordre dominicain mais les plus proches maisons se trouvent à Guérande et à Quimperlé. La distance et la mauvaise qualité des chemins plaideront en faveur d'un inhumation de Vincent Ferrier dans la cathédrale de Vannes le 8 avril, lors d'une cérémonie funèbre présidée par l'évêque assisté de tout son chapitre et de nombreux prêtres. Après son décès, plusieurs pèlerinages ont lieu autour de sa tombe même si notre homme n'est pas encore saint. Et pour le devenir, un simple acte ou une déclaration du pape ne sont pas suffisants et un procès en canonisation sera alors nécessaire. Ce dernier sera initié par les ducs Jean V et Pierre II qui enverront des ambassadeurs à Rome. Le procès est ouvert en 1451 par le pape Nicolas V, et l'enquête sur la vie de Vincent Ferrier, ses vertus et ses miracles, est aussitôt confiée à trois cardinaux, Georges, évêque de Preneste, Jean, diacre du Saint-Ange et Alphonse de Borja, prêtre des Quatre-Couronnés, natif comme Vincent de la région de Valence. Quatre enquêtes sont ainsi conduites simultanément en Bretagne, à Toulouse, à Naples et à Avignon. Et les cardinaux de s'adresser le 5 janvier 1452 aux évêques de Dol et de Saint-Malo, ainsi qu'aux abbés de Saint-Jacut et de Buzay et aux dignitaires des cathédrales de Nantes et de Vannes pour leur confier la charge de l'enquête bretonne. La mémoire de Vincent Ferrier sera préalablement ravivée dans le diocèse breton avant le début de l'audition de 313 témoins : l'enquête de Vannes sera la plus longue des trois enquêtes conservées à ce jour et fera appel à des témoignages informels auprès de personnes de milieux sociaux moins élevés qu'à Toulouse et à Naples. Plusieurs témoins seront trop jeunes pour prétendre avoir connu les agissements directs de Vincent Ferrier 35 ans plus tôt. Et cette enquête de privilégier avant tout guérisons et miracles réalisés par l'homme. A une époque où la peste faisait des ravages dans le duché, il était courant d'entendre que seule la canonisation de Vincent Ferrier mettrait un terme à cette calamité. D'autres mettront l'accent sur le miracle le plus connu du prédicateur , à savoir celui du bébé coupé en deux. Après avoir témoigné de la résurrection de son propre enfant sur le tombeau de Vincent, près de deux ans après la mort du prédicateur, Olive de Coetsal, veuve de son état, relate en effet le retour à la vie d'un bébé coupé en deux par sa mère soi-disant enceinte et qui désirait consommer de la viande, selon les dires de son mari. Ayant rassemblé suffisamment de témoignages, les commissaires apostoliques décideront de mettre fin à l'enquête bretonne le 7 avril 1454. Suivront ensuite les enquêtes toulousaine et napolitaine. Une fois ces enquêtes clôturées, puis adressées à Rome, la disparition du pape Nicolas V au mois de mars 1455 retardera un peu la procédure, jusqu'à l'élection du nouveau pape, en la personne d'Alphonse de Borja, l'un des trois cardinaux chargés de l'enquête en canonisation. Et ce nouveau pape, connu sous le nom de Calixte III, d'annoncer son intention de canoniser Vincent Ferrier le jour de la fête des saints Pierre et Paul le 29 juin.

 

Juste après sa mort, les dévotions à Vincent Ferrier seront nombreuses, plus encore après sa canonisation, notamment dans le diocèse de Vannes qui fut sa dernière demeure. On se souviendra pour l'occasion de sa vie, des différentes querelles et demandes concernant sa dépouille puis ses reliques, des lieux de culte, du mobilier, des fêtes ou bien des confréries qui lui étaient dédiées. Une fois la canonisation acquise, il s'agira de façonner l'image du nouveau saint : Pierre Ranzano, jeune Dominicain, écrira donc la vie de Vincent Ferrier. Une fête annuelle en l'honneur de Vincent sera établie par le pape dès 1455, celle-ci étant célébrée chaque 5 avril, puis le 5 mai de chaque année à partir de 1757. Ainsi les reliques du saint seront-elles reconnues et élevées lors d'une première cérémonie organisée par Alain de Coëtivy.

Le siècle d'après, le culte du saint connait un nouvel essor avec des bases plus officielles sous l'impulsion des évêques vannetais. L'évêque Jacques Martin offrira ainsi à la cathédrale de Vannes une tapisserie représentant la vie et les miracles du saint en quatorze scènes. Des visites du tombeau de Saint Vincent par des princes et des hauts dignitaires sont aussi organisées, comme celle du Prince de Condé, de monsieur de Guise, des ducs de Brissac et du Révérend père général des Jacobins Nicolas Ridolfi. En 1634, débute la construction d'un couvent dominicain dédié au saint à Vannes, juste derrière le choeur de la cathédrale (qui recueillera les reliques du saint dans une châsse d'argent). 1637 restera une année marquante dans le culte de Vincent Ferrier à l'intérieur du Morbihan, avec, notamment, l'apparition d'une nouvelle châsse lors d'une cérémonie accompagnée de nombreuses festivités et d'une procession dans toute la ville. Cette démarche est l'occasion de placer Vannes et ses alentours sous la sainte protection de Vincent Ferrier. Cette dévotion morbihannaise se poursuit durant le 18è siècle, mais la Révolution verra les châsses de la cathédrale de Vannes dépouillées de leur orfèvrerie et la statue du saint remplacée par celle d'un sans-culotte sur le port. Le 19è siècle connait cependant une renaissance du culte avec la bénédiction d'une nouvelle statue en 1814, une nouvelle reconnaissance des reliques deux ans plus tard, le rétablissement de la confrérie de saint Vincent Ferrier en 1871 et la réfection du reliquaire contenant la mâchoire du saint en 1902. Le 20è siècle, lui, offrira des solennités pour les grands anniversaires de sa mort ou de la canonisation de Vincent comme en 1919, lors des festivités organisées pour le 500è anniversaire de sa mort.

 

A l'occasion du 600è anniversaire de l'arrivée du prédicateur dominicain à Vannes en 1418, les Archives départementales de Vannes mettent en ligne deux documents majeurs de son procès en canonisation : le procès verbal de l'enquête menée en Bretagne (https://recherche.archives.morbihan.fr/ark:/15049/vta524f8bb821150/daogrp/0/1) et la bulle de Calixte III (https://recherche.archives.morbihan.fr/ark:/15049/vtae94ebab4ad827452/daogrp/0/1#id:122464492?gallery=true¢er=3076.000,-2126.000&zoom=7&rotation=0.000&brightness=100.00&contrast=100.00). D'autres documents prêtés par le presbytère de la cathédrale de Vannes devraient être mis en ligne prochainement. D'autres manifestations sont aussi prévues en 2018 et en 2019 afin de célébrer dignement les 600 ans de la disparition du saint patron vannetais.

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Archives départementales du Morbihan, 80, rue des Vénètes, à Vannes (56). Tél : 02 97 46 32 52. Ouvert du lundi au vendredi de 9h00 à 17h30. Site internet : https://archives.morbihan.fr/accueil/
  • Un site internet est consacré au 600è anniversaire du saint patron de Vannes. Vous y trouverez tous les évènements relatifs à cette célébration : http://www.saintvincentferrier-vannes.com/

  • Merci aux équipes des Archives départementales du Morbihan pour leur aide précieuse.





 



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