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De Bettolacce à Nonza, en passant par Barcaggio, le Col de la Serra, Centuri, Cannelle et Ogliastro
(Haute-Corse, France)
Heure locale

 

Dimanche 23 septembre 2018

 

C'est pour moi la journée la plus fatiguante depuis l'arrivée en Haute-Corse : lever à 6h30, départ une heure plus tard pour faire le tour du Cap Corse toute la journée durant, jusqu'à 15h30. Nous partons tôt en ce dimanche matin ensoleillé afin d'éviter le trop-plein de circulation sur les routes sinueuses de ce département. J'ai aujourd'hui prévu un programme ambitieux constitué de six étapes : Ragliano-Bettolacce, Barcaggio, le col de la Serra et le moulin Mattei, Centuri et Cannelle, Ogliastro et Nonza.

Nous empruntons la route qui longe la côte orientale jusqu'à Macinaggio, puis partons à l'intérieur des terres pour découvrir Rogliano (ci-dessous en photo), une commune située à la pointe nord-est de la péninsule du Cap Corse. Notre GPS nous oriente d'abord sur le mauvais Rogliano, un hameau en contrebas conduisant à une voie sans issue, dont nous parviendrons malgré tout à sortir sans trop de difficultés. Le « vrai » Rogliano, lui, est devenu un village pratiquement abandonné, sans commerces. Il se divise en deux parties : la Chiappella au nord (avec une église principale ruinée par les Maures vers 1568) et l'ex San Colombano d'Augliani au sud. Je vous rassure, rien n'est clairement indiqué une fois sur place et seuls les automobilistes traversant l'endroit pourront peut être vous renseigner. Nous nous arrêtons à Bettolacce, un gros village formé de plusieurs quartiers, qui est dominé par une imposante tour génoise (deuxième photo) ronde della Parocchia, remarquable édifice fortifié du 15è siècle classé depuis Monument historique. Le village est traversé par le chemin de l'impératrice (route D53) ainsi nommé en souvenir de la visite d'Eugénie de Montijo, l'impératrice Eugénie, qui traversa l'endroit à son retour de l'inauguration du Canal de Suez en 1869. Généreuse, celle-ci remercia la population de son accueil enthousiaste en finançant la construction de l'actuelle route de Rogliano à Macinaggio et la balustrade du choeur de l'église Sant'Agnellu.


 

Barcaggio se situe à quelques kilomètres de là, et offre une jolie plage à l'extrémité du Cap Corse : c'est l'une des plus belles plages de la région, avec son caractère sauvage et ses eaux peu profondes. La route qui y mène est en bon état et offre un joli point de vue sur l'île de la Giraglia (en photo ci-dessous) qui n'abrite aucun habitant et n'est séparée de la Corse que de 1340 mètres. Ses fonds marins plats et peu profonds abritent des herbiers de Posidonie. L'endroit est désormais protégé par le site Natura 2000, pour ses oiseaux, ses reptiles et ses amphibiens. Cette île occupe une position stratégique dans la Méditerranée puisqu'elle voit passer un important trafic par la mer de Ligure et le golfe de Gênes. Jadis, la flotte britannique attaquant les navires qui assuraient les liaisons maritimes Corse-Provence contraignit Napoléon 1er à faire de cet îlot une batterie côtière. Le phare, lui, ne sera construit qu'en 1839.

Quant à Barcaggio, ancien petit port de pêche, il est connu depuis six siècles avant notre ère, à l'époque où l'on franchissait le cours d'eau Acqua Tignese à l'aide d'une barque (d'où le nom de Barcaggiu). Le lieu est plutôt propice à la détente car il n'y a rien d'autre à voir que le petit port et sa plage où l'on croise des vaches en liberté. Celles-ci montent même jusqu'au bourg (deuxième photo ci-dessous) pour narguer les visiteurs.


 

Nous prenons bientôt la route en sens inverse pour nous rendre au col de la Serra, afin d'y admirer le moulin Mattei. Ce moulin-là n'est indiqué nulle part et il vous faudra programmer Col de la Serra sur votre GPS. Mieux vaut rouler prudemment sur les petites routes car on y croise d'autres véhicules avec difficulté. Heureusement, il fait un temps ensoleillé et la balade est plaisante.

Le Moulin Mattei campe en haut d'une colline mais on gare sa voiture en contrebas, là où un food truck permet enfin de déguster café et crêpes. Depuis ce parking, le panorama est superbe (ci-dessous) et permet d'observer en contrebas Centuri et son petit port, prochaine étape de notre périple. Thérèse a remarqué l'existence d'un sentier balisé avec des cailloux peints de points rouges. Un quart d'heure est nécessaire pour effectuer l'ascension jusqu'à ce moulin (deuxième photo) qui fut restauré en 1934 par Louis Napoléon Mattei, un siècle après que l'édifice n'ait été frappé sévèrement par la foudre. Notre homme, inventeur de l'apéritif « Cap Corse » transformera l'endroit en objet publicitaire à l'effigie de sa marque. Mais point de dégustation au moulin aujourd'hui, ni même de panneau d'information sur l'histoire du lieu. Racheté pourtant en 2004 par le Conservatoire du Littoral, le moulin, mais également les alentours ne disposent d'aucune information ou table d'orientation permettant aux nombreux visiteurs français ou étrangers d'apprécier pleinement ce lieu pourtant unique. C'est dommage !


 

Descendons maintenant vers Centuri, une marine avec des maisons anciennes aux toits de lauzes et des rues pavées. Le site du port (en photo ci-dessous) qui date du Second Empire, et l'îlot de Capense (deuxième photo) furent fortifiés aux 12è ou 13è siècle et étaient protégés par la tour génoise ronde encore visible depuis la marine. Depuis l'époque romaine jusqu'au 18è siècle, le port servit de plaque tournante pour l'exportation du vin, du bois, de l'huile et des agrumes à destination de la France et de l'Italie, avant de devenir aujourd'hui le premier port à langouste du Cap Corse. Quant à l'îlot de Capense, il abrite une chapelle médiévale de Santa Maria Maddalena aujourd'hui en ruines.

Un épicier de Centuri nous conseille de faire une halte à Cannelle, un minuscule village niché un peu plus haut dans la colline (qui n'a rien à voir avec la marine du même nom en contrebas, sans grand intérêt!). Nous rebroussons chemin et nous arrêtons dans ce lieu qui offre un vieux village médiéval abritant une ancienne tour pisane datant du 11è siècle où séjourna autrefois Pascal Paoli. Une grande bâtisse, le Palazzo, domine l'endroit et témoigne d'une époque révolue. Nous marcherons dans des ruelles pavées jusqu'à atteindre la fontaine (datant de 1861) alimentée par une jolie source et qui jouxte un vieux lavoir (troisième photo)


 

Plus bas, sur la côte occidentale du Cap Corse, se dresse Ogliastro, à environ trente kilomètres de là. Le parcours offre de sublimes paysages (ci-dessous) et, à l'arrivée, une spectaculaire vue sur la plage d'Albo (deuxième photo) et sa tour génoise. De cette marine située en contrebas du village, il est possible d'effectuer une randonnée depuis cette tour de 1624 (appelée aussi Tour d'Albo, d'Olchini ou del Greco, et classée monument historique) jusqu'au moulin restauré d'Ogliastro qui servait autrefois à la communauté locale pour moudre grains, olives et châtaignes. Ce moulin polyvalent était alors alimenté par l'eau de la rivière Guadu Grande grâce à un canal de pierre. Sur le parcours, on croise également la chapelle romane Saint Dominique dont le tympa sculpté de la porte date de 1498. La marine d'Albo fut jadis la cible privilégiée des Barbaresques qui arrivèrent en 1588 à bord de 92 galiotes, pillèrent l'endroit et enlevèrent 60 personnes. Plus haut, l'actuel village d'Ogliastro possède une église dédiée à l'Annunziata.


 

Nous traversons ensuite Nonza (ci-dessous), haut lieu historique, et ce, à plusieurs titres : ce village est d'abord situé sur un site préhistorique. On y retrouva d'ailleurs des peintures rupestres datant du 2è millénaire avant J-C, à l'intérieur d'une grotte nommée Grotta Scritta. Ensuite, Nonza fut construit sur le site d'un ancien camp romain. Le nom actuel (qui signifie annonciateur) est évocateur puisque le belvédère sur lequel fut érigée la forteresse semblait propre à annoncer toute tentative d'incursion dans les Agriates. Ensuite, c'est à cet endroit que Sainte Julie, patronne de la Corse, aurait été martyrisée à la fin de l'époque romaine, ce qui explique que le premier lieu de culte et de pèlerinage à Sainte Julie, ainsi qu'un sanctuaire en son honneur (détruit en 734 par les Barbaresques) aient été établis à Nonza. Des hauteurs, se dresse toujours la tour paoline (deuxième photo) appelée ainsi en souvenir de Pascal Paoli qui la fit édifier en 1760 : si la France occupa le Cap Corse dès 1748, Nonza résista et se rallia à Pascal Paoli en 1757. A la fois général corse, chef de la nation corse indépendant, démocrate, patriote et homme des Lumières, Pascal Paoli donnera deux ans auparavant à l'île une constitution qui affirmera la souveraineté populaire et reconnaitra le droit de vote aux personnes de plus de 25 ans, dont les femmes. Le 22 août 1764, trois généraux et 1200 soldats français quitteront Bastia et Saint Florent avec pour projet d'opérer une jonction à Nonza, deux jours plus tard, en faisant prisonniers au passage les troupes corses. Jacques Casella, lui, alors commandant corse, fut blessé lors des combats mais resta seul dans la tour paoline, en criant des ordres et en utilisant un ingénieux système de ficelles reliées à plusieurs fusils. Le stratagème fonctionna puisque les Français crurent que la tour était puissamment occupée, ce qui permet à notre commandant d'obtenir la reddition avec les honneurs militaires. Quelle déconvenue pour le général Grandmaison lorsqu'il découvrit la réalité et vit sortir Jacques Casella, seul !


 

 

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