Lundi 6 janvier 2020
En septembre dernier, ma compagnie m'envoya quelques jours à Pékin (Chine), d'où cette idée de visiter la muraille de Chine. Aussitôt dit, aussitôt fait, j'organisais une sortie pour notre équipage avec l'aide du correspondant local de notre comité d'entreprise. Nous fûmes neuf à partir en navette le temps d'une journée afin d'explorer la portion de muraille localisée dans le district de Huairou, à 70 kilomètres au nord-ouest de la capitale chinoise. Bien conservée, cette partie de muraille était jadis utilisée comme barrière de défense au nord pour protéger Pékin et les tombes impériales. Deux bonnes heures de route seront nécessaires avant d'atteindre Mutianyu, à cause des embouteillages à la sortie de la capitale chinoise. Pour achever notre balade, et avant de reprendre le chemin du retour, c'est en luge que nous redescendrons de la muraille. Une expérience unique !
L'occasion était trop belle pour moi qui ne vais que rarement en Chine. Curieusement, j'avais bien sûr déjà entendu parler de la grande muraille de Chine mais ne m'y étais encore jamais rendu. Il y a plusieurs endroits où les touristes se rendent pour admirer cette gigantesque construction, et Mutianyu est, d'après ce que l'on m'a dit, le lieu idéal car il n 'y a pas la foule habituelle.
La muraille fut construite à cet endroit et pour la première fois au milieu du 6è siècle, pendant le règne de la dynastie Qi du nord (550-577). Plus ancienne que la section de Badaling, cette portion de muraille vit ses fondations posées, puis la muraille d'origine restaurée par le général Xu Da (dynastie Ming), avant que ne s'élèvent des murs de granit de sept à huit mètres de haut et que le passage de Mutianyu ne soit inauguré officiellement en 1404 et ne fasse barrage aux maraudeurs venant du nord. En plus des murs, la muraille de Mutianyu possède deux caractéristiques : une densité plus importante de miradors (ci-dessous), c'est à dire un mirador tous les cent mètres (soit 22 miradors sur 2250 mètres) et un crénelage des parapets intérieurs et extérieurs, rendant ainsi possible le tir sur l'ennemi depuis les deux côtés de la muraille.
Et la grande muraille d'être à nouveau renforcée en 1568 sur mille kilomètres sous la houlette du général Qi Jiguang. La dernière restauration de l'ouvrage aura lieu en 1982-1986. Désormais, la muraille de Mutianyu, qui reste le plus long tronçon de muraille ouvert aux touristes, ne joue plus le rôle d'une fortification mais fait partie intégrante du parc d'attraction de la Muraille de Mutianyu.
Nous nous garerons à moins d'un kilomètre de l'entrée du remonte-pente qui nous mènera au pied de la muraille. Sur le parking, un vendeur nous procurera les billets d'entrée (trois au total) nous permettant d'emprunter le remonte-pente (trajet aller), l'accès à la muraille, puis la luge sur roues (trajet retour). Le temps est au beau fixe et la journée s'annonce ensoleillée. Je croiserai de nombreux touristes au cours de cette promenade sur la muraille mais cela ne m'empêchera pas d'admirer le paysage montagneux qui domine à cet endroit, avec une forêt qui recouvre 90% de la zone.
La passe de Mutianyu se compose de trois miradors, un grand et deux plus petits de part et d'autre. Le remonte-pente est le moyen le plus rapide (et le plus aisé) pour arriver au pied de la muraille car les plus courageux grimperont à pied depuis le village en utilisant les sentiers de randonnée tracés dans la forêt.
L'histoire de cette Grande Muraille de Chine que l'on distingue depuis l'espace débuta lorsque des premières fortifications furent érigées par divers états lors des périodes des Printemps et Automne (771-476 avant J.C) et des Royaumes combattants (475-221 avant J.C), et furent reliées entre elles à l'initiative de Qin Shi Huang, premier Empereur de Chine, dans le but de protéger le territoire de la dynastie Qin des incursions nomades des steppes du nord. Les murs de l'époque étaient alors en terre battue et avaient été érigés par le travail forcé. Les dynasties suivantes adopteront des politiques différentes concernant la défense de la frontière du nord. Celles des Han, des Qi du Nord, des Sui et des Ming, reconstruiront et aménageront la Grande Muraille, même si elles ne respectèrent que rarement le tracé originel des Qin, tandis que les Tang, les Song, les Yuan et les Qing ne bâtiront pas (ou peu) de murs frontaliers, se tournant vers d'autres solutions militaires ou diplomatiques pour contrer les invasions d'Asie centrale.
La Grande Muraille ne sera pas non plus efficace à 100%, puisque l'histoire relate l'un de ses échecs les plus notoires qui survint en 1644, lorsque les Mandchous de la future dynastie Qing renversèrent les Ming (lesquels avaient pourtant investi dans la construction de murailles) après avoir franchi les portes fortifiées du col de Shanhai.
La Grande Muraille telle qu'on peut la voir aujourd'hui date d'ailleurs de la dynastie Ming car c'est sous ce règne que la fortification sera en grande partie reconstruite à l'aide de pierres et de briques, un mur qui fascine toujours autant les étrangers et qui se voulait être une protection efficace contre les conflits avec des populations nomades. Mais de quels conflits parle t-on ?
Une grande partie de ces conflits réside dans les différences géographiques et climatiques observables sur le terrain. D'un côté, les dynasties chinoises naquirent dans les plaines du nord de la Chine, sur des sols fertiles et structurés, et de l'autre, les peuples nomades vivaient dans les prairies semi-arides des steppes asiatiques, encore plus au nord. L'agriculture irriguée développée par les dynasties permirent à celles-ci de s'étendre plus tard dans les parties inférieures de la vallée du fleuve Jaune, une région nécessitant la construction d'ouvrages hydrauliques gourmande en main d'oeuvre et requérant une gestion rigoureuse. Ainsi apparaitront les érudits-bureaucrates chargés de gérer et stocker les céréales. Progressivement, des villes se regrouperont pour former les premiers Etats féodaux, eux-mêmes regroupés plus tard pour former un seul et même pays, la Chine. Les nomades des steppes d'Asie centrale, eux, suivaient un tout autre mode de fonctionnement. Adeptes d'une économie pastorale favorisée par le climat, ces communautés humaines qui tiraient leur survie de l'élevage de troupeaux allaient et venaient au gré des saisons et des ressources naturelles disponibles. Avec l'essor démographique, ces populations nomades ne purent se contenter de vivre de la seule économie pastorale et se tournèrent vers les sociétés sédentaires pour se procurer céréales, outils métalliques et produits de luxe. Et les conflits de naitre lors du refus des peuples sédentaires de commercer avec les peuples nomades qui opéraient alors des raids.
Les Chinois avaient identifié les points d'entrée de ces incursions potentielles : la Mongolie au nord, la Mandchourie au nord-est et le Xinjiang au nord-ouest. De ces trois zones, la Mongolie était celle qui représentait la plus forte menace à cause de la composition d'une population féroce. Certes, la majeure partie de la plaine de Chine du nord était protégée des habitants de la steppe mongole par les monts Yin, à l'exception de quelques cols et vallées. Et si l'ennemi arrivait à forcer le passage, la plaine n'offrait alors plus aucune défense naturelle pour protéger villes et capitales impériales (Pékin, Kaifeng, Chang'an et Luoyang). A l'ouest des monts Yin, la chaine de montagnes se termine là où le fleuve Jaune prend la direction du nord, dans une zone appelée « la Boucle de l'Ordos ». L'Ordos qui fait partie de la steppe et où une agriculture irriguée est concevable. Malheureusement, les terres situées au sud du grand fleuve n'offrent aucune barrière naturelle capable de protéger la vallée de la Wei, berceau de la civilisation chinoise et siège de l'ancienne capitale, Chang'an. Comme quoi, avec ou sans mur, on n'arrête pas des peuples affamés....
INFOS PRATIQUES :