Jeudi 20 février 2020
Partons aujourd'hui à la découverte de la Piazza della Signoria (Place de la Seigneurie). Avec la Place du Duomo, elle est la plus grande place touristique de la ville. En forme de L, elle date des 12è et 14è siècle et abrite entre autres le Palazzo Vecchio (Vieux Palais) qui fut le siège du pouvoir de la République florentine, du duché de Florence et du grand duché de Toscane. On y voit également la loggia dei Lanzi et la galerie des offices reliée par une allée à ladite place. De nombreuses statues ornent l'endroit dont le David de Michel-Ange, le bronze de Cellini représentant Persée qui soulève le tête de Méduse décapitée et L'enlèvement des Sabines de Jean de Bologne. N'oublions pas au passage la Fontaine de Neptune, première fontaine publique de la cité.
Le Palazzo Vecchio qui domine la place de la Seigneurie est en quelque sorte l'hôtel de ville de Florence. Voisine des Offices, cette forteresse, à la fois élégante et imposante, est un concentré d'architecture du 14è siècle et portera plusieurs noms dont celui de Palais ducal, jusqu'à ce que ses souverains, les Médicis, ne s'installent au Palais Pitti. Néanmoins, son premier nom fut le Palazzo della Signoria (Palais de la Seigneurie) car c'est là que siégeait le gouvernement de commune.
Sa construction, achevée en 1314, offre à Florence un haut-lieu historique dont témoignent des fouilles récentes qui mirent à jour d'importantes traces d'habitations dès le Néolithique, puis durant les périodes romaine et médiévale. L'endroit fut depuis sa création un endroit de rassemblement plus ou moins heureux de tous les Florentins : fêtes populaires et fêtes somptueuses s'y tinrent aussi bien que révolutions et supplices. De nos jours, ce palais abrite la mairie de Florence mais également un musée où l'on peut accéder à certaines des magnifiques salles dans lesquelles s'exprimèrent des artistes de renom (Agnolo Bronzino, Ghirlandaio, George Vasari...) et où sont exposées des œuvres de Michel-Ange, de Donatello, et de Verrocchio... L'une de ces salles, la Salle des Cinq-Cents, expose ainsi le Génie victorieux de Michel-Ange et les fresques de George Vasari. A ce sujet, une fresque de Léonard de Vinci a mystérieusement disparu de la salle des Cinq-Cents. Une œuvre jadis commandée au maitre par les magistrats de Florence et qui décrivait la bataille d'Anghiari. Plusieurs hypothèses sont avancées : la première est que cette fresque aurait été réalisée au moyen d'un procédé de séchage trop rapide, ce qui aurait entrainé sa dégradation prématurée. D'autres évoquent que Vasari aimait trop Léonard de Vinci pour avoir pu toucher une telle œuvre et qu'il se pourrait bien que l'on redécouvre un jour la célèbre fresque, masquée mais à l'abri derrière un mur de briques soutenant actuellement l'oeuvre de Vasari.
François 1er de Médicis aimait quant à lui l'alchimie. Aussi son cabinet de travail, le Studiolo, comportait-il deux parties, un bureau et un laboratoire alchimique ou François 1er se réfugiait fréquemment pour admirer ses collections d'objets rares, mais aussi les 34 tableaux qui ornaient les murs, des peintures évoquant des thèmes mythologiques et religieux. Je n'aurai pas cette fois l'occasion de visiter le cabinet de travail puisque seuls les appartements de Léon X, des dieux terrestres, des éléments , des prieurs et d'Eléonore de Tolède seront accessibles au public.
Au fur et à mesure, l'édifice s'agrandit vers l'Est, occupant un ilot de l'Arno et quadruplant de surface. La façade principale supporte la Tour d'Arnolfo, l'un des symboles de Florence.
Il faudra 23 années pour aboutir à ce résultat puisque la première pierre du Palazzo Vecchio sera posée en 1299 en présence de l'architecte Arnolfo di Cambio, auteur du Duomo et de l'église Santa Croce, à une époque où la cité cherchait à montrer sa force et à garantir sa sécurité. Erigé sur les ruines du Palazzo dei Fanti et du Palazzo dell'Esecutore di Giustizia, le projet d'Arnolfi di Cambio s'appuiera sur la tour antique des familles Vacca et Bizzo pour structurer la façade de l'édifice. Cela explique pourquoi ladite tour n'est pas au centre du palais. Celle-ci, haute de 94 mètres, abrite deux petites cellules dont on aperçoit les petites fenêtres. C'est que l'endroit, qui servit un temps de prison , détint Cosme l'ancien et Jérôme Savonarole. Tour de guet, la construction est un beffroi de style typiquement toscan, qui doit son horloge d'origine à Donatello, laquelle sera remplacée en 1667 par celle de Vincenzo Viviani. La triple rangée de créneaux carrés de type guelfe intègre un chemin de ronde en saillie, tandis qu'une girouette en forme de lion coiffe son sommet. Le chemin de ronde en question fut récemment rouvert au public. Son architecture unique n'a subi aucune modification depuis sa construction au Moyen-Âge et reste conforme au plan d'Arnolfo di Cambio. Le long de ce chemin, j'observerai les mâchicoulis par lesquels était jetée l'huile bouillante sur les assaillants. Une vue impressionnante nous est ainsi offerte à plus de quarante mètres de hauteur sur la Place de la Seigneurie.
La façade principale du palais offre une série de blasons réalisés en 1353, blasons donnant un aperçu de la situation politique de la ville durant les 13è et 14è siècle. On y retrouve bien sûr l'emblème historique de la ville , le champ vermeil au lys blanc, puis un second blason de la ville symbolisant la population florentine après la destruction de Fiesole, ennemi séculaire de Florence jusqu'en 1125. En troisième position arrive le champ blanc au lys vermeil, aujourd'hui symbole de la cité et blason du parti guelfe, parti qui fut exilé par les Gibelins (partisans de l'empereur) en 1260. Le quatrième blason fait référence à 1289, année de prise de contrôle des organes du gouvernement par les corporations qui ne tarderont pas à émettre des Ordonnances de justice (en 1293) aboutissant au départ de certaines familles nobles jugées trop turbulentes. Le cinquième blason, lui, est celui de la seigneurie, avec l'inscription libertas (un des leitmotiv de la politique des communes italiennes alors constamment en guerre pour garantir leur indépendance et leur liberté). Cette série est complétée par d'autres blasons, clefs d'or et aigle rouge.
On pénètre dans le palais en franchissant une première cour d'entrée, puis une seconde (appelée cour des douanes, car on y entreposait les marchandises venues de l'extérieur en attendant que leurs destinataires ne les retirent contre le paiement d'une taxe). De gros piliers soutiennent la Salle des Cinq-Cents située au premier étage. C'est en effet dans cette salle que se réunissaient les officiers de la Douane qui existaient depuis le règne de Léopold II de Toscane. Très imposante, cette salle est l'une des plus grandes et plus précieuses du pays, avec ses 54 mètres de long, ses 23 mètres de large et ses 18 mètres de hauteur sous plafond. Elle symbolise encore de nos jours la puissante République florentine jadis dirigée par Savonarole, frère dominicain, prédicateur et réformateur italien, mais aussi celui qui chassa les Médicis du pouvoir afin d'instaurer la dictature théocratique florentine de 1494 à 1498, avec, à la clef, réformes religieuses, prêches anti-humanistes, bûcher des vanités et combat de la corruption morale du clergé catholique.
Pourquoi Salle des Cinq-Cents ? Tout simplement parce que l'endroit avait été conçu pour accueillir les 500 membres du Conseil des 500 de la République, institution travaillant alors de concert avec le Consiglio Maggiore formé de citoyens de la ville.
Plus tard, le Palazzo Vecchio subira à nouveau d'importantes transformations voulues par son nouvel occupant, le duc de Toscane Cosme 1er, qui fit de ce lieu son pied à terre. Et le duc d'utiliser la salle des Cinq-Cents pour donner des audiences au peuple. On refit alors entièrement la décoration, l'ancienne plébiscitant beaucoup trop la République, on releva aussi la hauteur des murs puis on installa un plafond à caissons composé de 39 panneaux peints dans les ateliers de Vasari. Jouxtant la Salle des Cinq-Cents, se trouve la Cabinet de travail de François 1er de Médicis , puis les appartements monumentaux de Léon X (photo ci-dessous). Autre salle voulue par Cosme 1er de Médicis : la Salle de Clément VII, qui servit aux célébrations de la maison Médicis. Il y aura aussi la Salle Rouge, née des transformations du palais à la suite de l'unification de l'Italie et lorsque Florence devint la capitale du royaume en 1865.
Au deuxième étage, se trouve la salle des Lys, cette fleur symbolisant alors l'alliance traditionnelle entre la France et Florence, tout particulièrement avec les Médicis. Louis XI n'avait-il pas octroyé à Pierre de Médicis le privilège de faire figurer trois fleurs de lys sur le blason familial, en mai 1465 ? D'autres pièces occupent enfin ce même étage, comme la Chancellerie et l'appartement des Éléments (deuxième photo), la salle d'Audience, la Chapelle de la Seigneurie, l'appartement d’Éléonore de Tolède (avec sa chapelle, voisine de la chambre verte, et dont le plafond est orné des fresques d'Angelo Bronzino), la Salle de Gualdrara, la Salle des Cartes géographiques (troisième photo) et le Studiolo. Pour ce genre de visite, il est fortement conseillé de porter son regard vers le haut, compte tenu de l'extrême beauté des plafonds !
Retour sur la Place de la Seigneurie avec la Loggia des Lanzi, galerie à voûte en arcades bâtie entre 1376 et 1382 et longtemps restée le symbole de la démocratie florentine car celle-ci accueillait aussi bien réceptions et cérémonies de la République florentine que l'intronisation des gonfaloniers et des prieurs. Désormais, la loggia abrite plusieurs œuvres d'art du musée des Offices dont Persée tenant la tête de Méduse (de Cellini) ou L'Enlèvement des Sabines (de Jean Bologne). Et deux lions de marbre de trôner en haut des gradins, dont un, celui de Flaminio Vacca, est l'emblème de la ville. Autres curiosités : deux inscriptions murales, dont l'une, sur le mur droit rappelle l'adoption par Florence d'un calendrier commun et la seconde, qui date de 1863, remémore les étapes de l'unification de l'Italie. On notera également la présence de quatre statues de marbre représentant les quatre vertus cardinales (Force, Tempérance, Justice et Prudence), placées dans le chapiteau de la façade. Le plus surprenant pour moi sera sans doute d'apprendre que la fameuse loggia possède une réplique à Munich (Allemagne), sous le nom de la Feldherrnhalle, qui date du 19è siècle et dont les dimensions sont quasiment identiques, avec trois grands arcs, ses deux lions et l'espace ouvert pour y placer des sculptures.
La Fontaine de Neptune (en photo ci-dessous) vaut le coup d'oeil : œuvre de Bartolomeo Ammannati et de certains de ses élèves, cette fontaine fut construite pour le mariage de François 1er de Médicis et de la Grande-duchesse Jeanne d'Autriche en 1565. On reconnaitra les traits de Cosme 1er de Médicis dans le personnage de Neptune, qui fait référence à la puissance maritime de Florence. L'influence du maniérisme est patente dans le style de cette fontaine, grâce à la présence de chevaux marins, de satyres en train de danser et de divinités fluviales. Ladite fontaine en vit de toutes les couleurs depuis sa création, servant tour à tour de lavoir au 16è siècle (de fortes amendes étaient pourtant prévues pour les contrevenants venant rincer leur linge sur place ou y déposer des saletés) , puis vandalisée en 1580, avant qu'un satyre ne soit dérobé lors du carnaval de 1830 et qu'un bombardement ne la détruise partiellement en 1848 durant le conflit avec les Bourbons.
Ne manquons pas la réplique en marbre du David de Michel-Ange ou Persée tenant la tête de Méduse, de Cellini. Ou encore la statue équestre du grand duc Cosme 1er de Toscane, œuvre de Jean Bologne, sculpteur maniériste d'origine flamande, né à Douai (alors en Flandre romane) en 1529. Au sujet de Cellini, on parle d'une œuvre double concernant la statue de Persée. Côté face, un regard fier d'exposer la tête sanglante de Méduse et de l'autre...on peut observer (à condition de regarder très attentivement) sur la partie postérieure de l'oeuvre, un relief très sophistiqué de muscles qui dessine le visage d'un homme, à la jointure de la nuque. Il s'agirait ni plus ni moins que l'autoportrait de Cellini, avec une grimace qu'on n'aurait jamais accepté sur une statue monumentale. Toutes ces sculptures ne sont-elles pas un hymne à la beauté ?
INFOS PRATIQUES :