Jeudi 27 février 2020
Florence est un ravissement pour les yeux et offre toujours plus de belles choses pourvu qu'on daigne prêter un regard à ce qui nous entoure. C'est au Palazzo Pitti, que je me rends cette fois. L'endroit comprend les appartements royaux (qui appartinrent à la famille royale d'Italie de 1865 à 1919), le musée de l'Argenterie, la galerie d'Art moderne, la galerie des Costumes et bien sûr la galerie Palatine.
L'endroit est immense et de style Renaissance, situé dans le quartier de l'Oltrarno, sur l'autre rive de l'Arno. En arrivant sur la Place de Pitti, j'admire l'imposante façade de pierre qui se dresse face à moi. Le cœur de ce palais date de 1458 et fut à l'origine la résidence de Luca Pitti, ambitieux banquier florentin qui participera au Conseil des Vingt chargé d'organiser la guerre contre la république de Volterra. Nous sommes alors en 1471 et une commune du marquisat de Toscane, Volterra, émerge au point de s'émanciper face aux pouvoirs impérial et épiscopal, puis de créer sa propre république, d'où des conflits inéluctables avec ses voisins. Ce temps des Communes prendra fin à l'aube du 16è siècle avec l'apparition des Etats régionaux.
Le Palais Pitti, lui, sera racheté par la famille Médicis en 1549 et deviendra la résidence principale des familles régnantes du grand-duché de Toscane. L'endroit se transformera progressivement en caverne d'Ali Baba grâce à l'accumulation de peintures, d'orfèvreries, de bijoux et autres objets de luxe. L'édifice accueillera même Napoléon 1er fin 18ème, qui en fera un temps son fief politique, puis le palais servira plus tard, mais brièvement, de résidence royale à l'Italie nouvellement unifiée.
Le roi Victor-Emmanuel III d'Italie cédera le palais au peuple italien en 1919, et c'est alors l'une des plus somptueuses galeries d'art florentines qui ouvrira ses portes au public. Revenons quelques instants sur les circonstances (obscures) de la construction initiale du Palais Pitti. Ami de Cosme de Médicis, Luca Pitti coordonne la construction de la bâtisse en 1458, un édifice qui ne pourra rivaliser avec les résidences des Médicis, même si le travail rustique de la pierre de cette façade de style bugnato confère au lieu un endroit austère et puissant. Touché par des revers financiers, Luca Pitti sera contraint d'interrompre les travaux en 1464, et le banquier florentin, décédé huit années plus tard, ne verra jamais son œuvre achevée.
C'est Buonaccorso Pitti, descendant de Luca Pitti, qui vendra le palais à Eléonore de Tolède en 1549. Et Cosme 1er de Toscane (époux d'Eléonore) de demander à Giorgio Vasari de doubler la surface du palais en construisant d'autres bâtiments sur la façade arrière de l'édifice initial. Et d'ériger également son passage protégé dudit palais jusqu'au Palazzo Vecchio sur l'autre rive de l'Arno. Le Palais Pitti rassemblera ainsi la collection d'art des Médicis et abritera fêtes et spectacles somptueux tout en initiant les débuts de l'opéra, tout en restant la résidence principale des Médicis jusqu'au décès de Jean-Gaston de Médicis, en 1737, le dernier héritier mâle de la famille. Après l'extinction de la dynastie familiale, le palais passera aux mains des nouveaux grands-ducs de Toscane, les Autrichiens de la Maison de Lorraine, jusqu'à l'arrivée de Napoléon qui utilisera l'endroit durant sa période italienne. Après le Risorgimento (unification de l'Italie), Florence deviendra un temps la capitale du royaume italien et Victor-Emmanuel occupera le Palais Pitti jusqu'en 1871, avant que son petit-fils, Victor-Emmanuel III, ne fasse don du palais à l’État italien en 1919.
Plus vaste ensemble de musées de Florence, le bâtiment principal du Palais Pitti , appelé « corps de logis » abrite plusieurs galeries et musées sur une surface totale de 32000 m2.
Au premier étage se trouve la Galerie Palatine, avec près de mille peintures exposées au premier étage de l'édifice, majoritairement des œuvres de la Renaissance ayant autrefois appartenu aux Médicis. Cette galerie qui déborde sur les appartements royaux offre d'admirer des peintures de Raphaël, du Titien, de Corrège, de Rubens et de Pierre de Cortone. C'est d'ailleurs ce dernier qui décora de fresques le plafond de certaines des plus belles salles de l'endroit dans le style baroque. Peintes pour Ferdinand III, ces fresques décrivent de façon allégorique l'éducation d'un prince qui se voit enseigner la science par Apollon, après avoir été arraché à l'amour de Vénus par Minerve (déesse du savoir). Le prince acquerra aussi l'art de la guerre par Jupiter avant d'être accueilli par Saturne sur le Mont Olympe, la résidence mythologique des dieux. Autres œuvres de Pierre de Cortone : les fresques des Quatre Âges du monde visible dans la salle du Poêle.
Trois ans auparavant, alors qu'il venait de conquérir l'Italie du Nord, Napoléon commanda à Antonio Canova une « Vénus italique » pour remplacer celle des Médicis alors exposée aux Offices. La salle de Vénus contient deux œuvres, « La Belle » et « Le Concert » de Titien tandis que le tableau « Marie-Madeleine » s'offre au regard des visiteurs dans la salle Apollon.
Les Appartements royaux comportent quant à eux plusieurs pièces, qui furent grandement modifiées depuis le règne des Médicis. On peut toujours y admirer une collection de portraits de la célèbre famille, la plupart de ces œuvres ayant été réalisées par Giusto Sustermans. Certaines salles sont de petite taille et plus intimes, et adaptées à la vie quotidienne malgré leurs dorures. Lits à baldaquin et autres pièces d'ameublement uniques en leur genre occupaient alors ces pièces. Et Giuseppe Caccialdi d'aménager en 1813 ces mêmes appartements pour Napoléon. On peut encore y distinguer la salle de bains (deuxième photo ci-dessus), un endroit qui ne fut d'ailleurs jamais utilisé par l'occupant des lieux. Au premier étage de l'aile sud du palais se situent les salles d'apparat construites au 17è siècle. Successeurs des Médicis, les ducs de Lorraine réaménageront l'endroit dans le style néoclassique. Plus tard, en 1865, lorsque Florence deviendra provisoirement capitale de l'Italie, le roi Hubert 1er et la reine Marguerite s'installeront dans ces mêmes appartements.
On ne lésina pas sur la quantité d'or utilisé dans l'ornementation de l'endroit et les riches soieries recouvrant les murs des salles Ovale ou des Perroquets rappellent que ces appartements servirent également aux réceptions et aux cérémonies officielles. Plusieurs fresques d'artistes florentins, de nombreuses tapisseries et des portraits des Médicis (réalisés par le peintre flamand Justus Sustermans) interviennent enfin dans la décoration.
Ma visite de ces appartements débute par le salon vert (ci-dessous) qui servit de salle de garde à deux pas de l'appartement du prince Ferdinand de Médicis à la fin du 17ème. La chapelle (deuxième photo), elle, était jadis occupée par la chambre à coucher du même prince, avant d'occuper sa fonction actuelle (depuis 1765). Quant à la magnifique salle du Trône (troisième photo), elle abrita autrefois une salle d'audience intégrée aux appartements du prince Ferdinand, avant de devenir la chambre des Chambellans, où les courtisans attendaient d'être reçus par le prince. Nous sommes alors sous le règne de la Maison de Lorraine. Et l'endroit d'avoir été transformé en salle du trône en 1865 lors du règne de la Maison de Savoie.
La refonte de l'Académie de Florence qui a lieu en 1748 entraine la création d'une galerie d'Art moderne, supposée exposer les œuvres d'art ayant remporté les compétitions de l'Académie. Mais, le palais disposera de tant d'oeuvres d'art moderne du grand-duc au cours du 19è siècle qu'une partie de cette collection devra être transférée au palais Croncetta. Lors de l'unification de l'Italie, et à la suite de l'expulsion du grand-duc et de sa famille, toutes ces œuvres furent rassemblées dans une seule et même Galerie d'Art moderne,celle de l'Académie. De nos jours, cette impressionnante collection occupe pas moins de trente salles du deuxième étage du palais, et accueille, entre autres, les œuvres d'artistes du mouvement Macchiaioli et d'autres écoles modernes italiennes. Pionniers et fondateurs du mouvement impressionniste, les peintres toscans du 19è siècle qui oeuvrèrent au sein de l'école Macchaioli méritent une attention particulière, puisque l'art toscan entre 1794 et 1924 y est représenté. Quant à la Galerie d'Art moderne, sa période n'est pas si contemporaine que cela puisque les œuvres exposées ne recouvrent que la période allant de 1700 au début 1900, et que l'art moderne italien s'arrête avant la Seconde guerre mondiale. Les œuvres suivantes étant considérées comme contemporaines.
Chaque salle est consacrée à un thème : par exemple, l'une d'entre elles expose une sélection de portraits peints après la deuxième moitié du 19è siècle. Ainsi co-existent des artistes différents à l'instar d'Antonio Ciseri (plutôt formel dans son style) et Cassioli, Giovanni Fattori ou Morrochi di Puccinelli. La salle de bals (ci-dessous) qui fait partie du nouveau Palatin, fut aménagée par Pasquale Poccianti vers 1825, mais l'oeuvre reste toujours inachevée à ce jour. Le lieu abrite des statues d'Aristodemo Costoli, Giovanni Dupré ou Pio Fedi, entre autres...tous artistes toscans de la première moitié du 19è siècle. La galerie fait aussi allusion à la primauté de l'art français entre la Révolution française et l'Empire, et l'on rappelle volontiers que l'occupation de Florence par Napoléon en 1807 dynamisera l'art en général, contribuant alors à enrichir le palais Pitti de meubles d'Empire ou d'ornements « à la française ».
Au rez-de-chaussée du Palais Pitti se trouve le Musée de l'Argenterie, à l'intérieur des pièces qui servaient de palais d'été aux Médicis : aussi surnommé « Trésors du Grand-Duché», l'endroit abrite une collection de pièces inestimables, dont des camées (dont un représentant Cosme 1er et sa famille) et objets en pierres précieuses ayant appartenu jadis à Laurent de Médicis. On découvre également des vases anciens, qu'ils soient antiques ou byzantins, certains possédant des montures en vermeil qui furent ajoutées au 15è siècle pour leur permettre d'être exposés, mais aussi des meubles en ébène incrustés de pierres précieuses. La sala Buia abrite quant à elle le clou de la collection, à savoir seize vases en pierres semi-précieuses d'époques diverses ayant appartenu à Laurent le Magnifique. Je suis enfin surpris d'observer ici une collection d'objets allemands, en or ou en argent, acquis par le grand-duc Ferdinand après son retour d'exil en 1815. Quant à la décoration des pièces de ce musée, les salles ayant autrefois fait partie des appartements privés royaux, rassemblent de jolies fresques du 17è siècle, la plus belle restant sûrement celle de Giovanni da San Giovanni qui fut réalisée entre 1635 et 1636. Après le décès prématuré de l'artiste, son ami, Francesco Furini achèvera la décoration des lieux avec deux grandes lunettes décrivant l'Académie platonicienne de Carregi et l'Allégorie de la mort de Laurent le Magnifique.
Autre galerie, celle des costumes qui fut fondée en 1983 et installée dans les appartements Méridiana, une suite de treize pièces, salles qui virent le jour sous Ferdinand III et furent achevées en 1858. C'est Gaspare Maria Paoletti qui édifia l'ensemble en 1776 pour la famille de Savoie. Ladite galerie présente une collection des costumes de théâtre datant du 16è siècle à nos jours, c'est du moins ce que dit mon guide. Point non négligeable, c'est également, me dit-on, le seul musée italien à s'intéresser en détail à la mode dans ce pays, depuis la fin du 18è siècle jusqu'aux années 1920. C'est donc confiant que je me rends sur place. Ma déception sera de taille lorsque je ne trouverai alors que des chaussures et des sculptures de pieds antiques dans les premières salles. Point de vêtements portés par le grand-duc Cosme de Médicis, Eléonore de Tolède et leur fils Garcia mais uniquement quelques robes. Pas davantage de collection de bijoux fantaisie du milieu du 20è siècle. Au passage, j'apprendrai par le plus grand des hasards que le second étage est fermé par manque de personnel. Bizarre ? Les autorités culturelles n'organisent-elles pas de tours de service pour maintenir ouvertes toutes les salles ? Et pour en apprendre davantage sur la mode italienne, il ne me reste plus qu'à me replier à l'occasion vers les musées privés des grandes marques de haute couture. En discutant avec les gardiens des salles, j'apprendrai que les costumes du grand-duc avaient été momentanément retirés pour être restaurés, et remplacés par l'actuelle exposition sur les chaussures. L'information a manifestement du mal à circuler...
INFOS PRATIQUES :
- Palais Pitti, 1 Piazza Pitti, à Florence. Tél : +39 055 23885. La billetterie, située un peu à l'écart, à droite du Palais lorsqu'on est face à l'entrée ne dispose d'aucune brochure explicative. Il ne vous faudra compter que sur l'aide des gardiens de salles et des panneaux se trouvant dans chaque salle (des dépliants en anglais/italien sont prêtés à l'entrée des salles).
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Il faut déposer ses affaires personnelles à la consigne du rez-de-chaussée pour pouvoir pénétrer au musée de l'argenterie et à l'exposition Trésors du Grand-Duché.
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Prises de photos (sans flash) et de vidéos (sans trépied) autorisées.
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Une cafétéria est située dans la cour d'entrée du palais.
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https://www.uffizi.it/palazzo-pitti