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Exposition "LU, Un siècle d'innovation
(1846-1957)" (Château des ducs de Bretagne, Nantes, Loire-Atlantique, France)
Heure locale

 

Mardi 7 avril 2020

 

Comment faire son (petit) beurre avec un biscuit utile ? En inventant le célèbre Petit-Beurre, l'un des biscuits phares de la marque Lefèvre-Utile (LU), oui oui vous avez bien « lu », l'un de nos monuments industriels français toujours en vogue plus d'un siècle et demi après sa création par une famille tournée vers la modernité, et dont l'histoire a débuté à Nantes(44). La prochaine exposition « LU, Un siècle d'innovation (1846-1957 », qui se tiendra prochainement à Nantes (44) met en valeur l'avant-gardisme de ce qui fut l'un des fleurons de l'industrie locale en présentant de nombreux objets originaux détenus dans les collections du Château des ducs de Bretagne.

 

Le musée d'histoire de Nantes possède la plus grande collection d'objets LU en France, avec plus de 1500 objets et de nombreux originaux touchant à l'histoire de l'entreprise Lefèvre-Utile issus de la famille elle-même. L'évènement nous convie ainsi à montrer l'importance de la créativité et de l'innovation de la marque LU, depuis sa fondation en 1846 et jusqu'en 1857, année de la création du fameux logo LU par le designer Raymond Loewy. Tout y passe lors de cette exposition, depuis le dessin des biscuits, leur emballage et leur diffusion jusqu'à la publicité qui fera appel aux plus grands artistes de l'époque dont Alfons Mucha et Firmin Bouisset et dont les thèmes sont illustrés par des objets, des dessins et des peintures pour la plupart inconnus du public.

C'est que l'entreprise LU occupe une place particulière dans l'histoire industrielle, sociale et commerciale de la cité nantaise. La qualité de ses produits, la modernité de sa communication, la lisibilité de son image joueront vite en faveur de sa renommée nationale et internationale.


 

Tout commença en 1845, lorsque Jean-Romain Lefèvre, pas encore âgé de vingt ans, rejoint son frère Antoine, biscuitier à Nancy, pour apprendre le métier, et faire connaissance sur place de sa future épouse, Paulette-Isabelle Utile. Le jeune Lorrain découvre alors une ville où l'on utilise déjà la double-cuisson pour fabriquer le biscuit de mer, ce pain longue conservation destiné aux marins. Lui s'intéressera surtout aux biscuits de dessert sucrés inventé par les Anglais et qu'un certain Honoré-Jean Olibert fabrique déjà à Bordeaux. Un an plus tard, le jeune couple s'installe à Nantes avant de convoler en justes noces quatre années plus tard. Et de fonder ensemble « A la Renommée », un petit commerce du centre-ville très vite réputé pour ses gâteaux et biscuits secs vendus encore chauds à la sortie du four.

Louis Lefèvre-Utile (ci-dessus), le fils, reprendra la suite du père en 1882 et décidera de transformer la biscuiterie en usine moderne, histoire de répondre à la demande croissante de biscuits. En effet, notre jeune entrepreneur constate rapidement l'étroitesse de l'unité de production face à l'abondance des matières premières disponibles localement : un atelier de fabrication de cent m2 seulement avec quatorze ouvriers pâtissiers à l'oeuvre. C'est dans les locaux d'une ancienne filature de 2000 m2, acquise en 1885 et située en face du Château de Nantes, que Louis installera son entreprise, et ce, parce que l'endroit, situé le long de la Loire et près du pont de la Rotonde est stratégique car à proximité de la gare ferroviaire. La nouvelle usine, qui ouvrira dès 1885, appliquera les méthodes de production anglaises et utilisera des machines (dont certaines à vapeur) à la pointe de la technologie pour l'époque. Et l'entreprise de s'agrandir en installant de nouveaux bâtiments de production, des écuries, des ateliers de ferblanterie et de menuiserie, un lieu réservé aux expéditions et un laboratoire d'analyses...En trois décennies, la biscuiterie atteindra en 1913 une surface de 40000 m2, et emploiera 1200 ouvriers (souvent recrutés au sein des mêmes familles) pour produire plus de vingt tonnes de biscuits...par jour !


 

1886 sera l'année de la création d'un biscuit au destin internationale : le Petit-Beurre LU. Un petit gâteau sec de moins de onze grammes et de 52 festons, inventé par Louis en personne, qui en déposera la recette deux ans plus tard auprès du Tribunal de commerce de Nantes. Et Louis de s'associer en 1887 avec son beau-frère Ernest pour fonder la société Lefèvre-Utile. D'autres suivront, comme la Gaufrette vanille et la Paille d'Or en 1905, mais le Petit-Beurre fera date. Depuis la simple ébauche au dessin technique, Louis Lefèvre-Utile en supervisera toutes les étapes de fabrication. L'idée est alors d'imaginer de nouvelles formes de biscuits, à partir d'ébauches du jeune patron, mais aussi de dessins conçus dans le laboratoire maison ou par des artistes afin de coller le plus possible aux modes, aux tendances et au goût des consommateurs. Dès 1887, la gamme LU comporte déjà plus d'une centaine de biscuits différents ! La quantité est une chose mais la qualité en est une autre, et malgré la tendance à la démocratisation du marché de l'époque, l'entreprise imposera à ses produits une certaine image de luxe, histoire de sortir du lot, une exigence qui expliquera en partie le succès durable de cette maison. De même, l'usine possèdera sa propre laiterie et sa beurrerie, tandis que l'ensemble des matières première utilisées pour la confection des biscuits sera contrôlé par un laboratoire d'analyses situé au sein de l'unité de production. A cette époque, LU était la seule usine française à être alors dotée d'un tel équipement.


 

Jusqu'à la fin du 19è siècle, la plupart des produits d'épicerie étaient vendus en vrac, mais l'avènement des nouveaux circuits de distribution imposeront de nouvelles formes d'emballage. Et les boites en carton ou en métal de bientôt remplacer les sacs en papier. Louis Lefèvre-Utile imposera d'abord un repère spécifique, la Renommée, figure emblématique ailée embouchant une trompette due à Eugène Quinton, une figure qui s'imposera jusqu'en 1957. D'autres projets suivront comme, dès 1883, ces nouveaux modes de conditionnement ainsi que des bandeaux d'emballage aux coloris vifs. Rouge vermillon et bleu cobalt symboliseront bientôt le langage graphique de la marque et l'ancienne « Renommée » laissera sa place à la mention « Biscuits Lefèvre-Utile ». L'important étant avant tout de séduire l'oeil afin de susciter la gourmandise, l'emballage des biscuits, d'abord de facture classique, jouant peu à peu son rôle de personnalisation en fonction des objectifs de communication. Dès 1887, les boites cubiques dites « tines » (ci-dessus) feront leur apparition. Leurs jolies faces, revêtues d'illustrations, deviendront un support publicitaire à part entière, et de nombreux artistes, dont le plus célèbre reste Alfons Mucha, seront sollicités pour leur création. Le programme iconographique de LU, très varié, offrira tantôt les « rues de Nantes » dessinées par l'artiste Alexis de Broca,tantôt des scènes bretonnes ou des sujets militaires. Quant au lancement du Petit-Beurre, il sera marqué par une grande affiche dessinée par Firmin Bouisset : celle-ci, qui représente un petit écolier, sera placardée partout de 1897 à 1930. Egalement soucieuse de la bonne préservation du produit et de la livraison optimale des biscuits dans les magasins de vente, la marque LU dépose un brevet pour un nouvel emballage au cours des années 1930. Totalement innovant, grâce à sa feuille d'aluminium sur laquelle est contrecollée une mousseline de papier paraffiné et son faible poids, ce nouvel emballage garantira la protection des biscuits tout en améliorant les conditions de transport et de distribution. Parallèlement, l'entreprise ouvrira plusieurs dépôts à Paris et en France afin de contrôler la distribution de ses produits tout en maintenant (à la différence de ses concurrents) l'ensemble de sa production à l'usine nantaise.


 

Au début du 20è siècle, la maison LU entretiendra son image à travers une importante boutique déployée sur le site d'origine de la rue Boileau ( Nantes) pour mettre en valeur l'ensemble de ses biscuits. Le luxe ostentatoire de l'endroit sera en partie réalisé par l'artiste Adrien Karbowsky, lequel contribuera au développement stratégique de l'entreprise consistant à « plaire pour être acheté » notamment par la clientèle aisée. Il s'agit alors de s'appuyer sur des supports médiatiques novateurs, comme la participation aux manifestations publiques locales, nationales ou internationales. L'année 1900 sera pour l'entreprise l'occasion de négocier un emplacement de choix lors de l'Exposition universelle de Paris, face à la Tour Eiffel : Louis Lefèvre-Utile commandera à l'architecte Auguste Bluysen la réalisation d'un pavillon impressionnant, à l'allure d'un phare en forme de boite tine (ci-dessus). Et LU de remporter cette année-là le Grand Prix de la biscuiterie. Quant à l'image du pavillon, elle sera diffusée durant plusieurs décennies sur l'ensemble des supports de communication. Autre Exposition universelle en 1937, et autre réalisation d'un bâtiment (par le même architecte) cette fois conforme à la mode du style Art déco. Il faut bien vivre avec son temps...Et LU de développer des thèmes variant selon les biscuits, les moyens de communication et la clientèle ciblée, avec entre autres, les thèmes de la femme (dominant) et de l'enfant (récurrent). On retrouve également sur les emballages plusieurs vues de Nantes ou de la Bretagne (ci-dessous), ainsi que des images d'actualités (expéditions scientifiques, évènements politiques ou culturels).


 

A l'issue de la Seconde guerre mondiale, l'apparence des conditionnements se différencie des images créées pour les campagnes publicitaires. Les systèmes de distribution connaissent en effet de profonds changements avec l'arrivée du libre-service et des supérettes, lieux de vente pour lesquels l'identification du produit en rayonnage doit être immédiat. Et l'emballage (packaging) de jouer alors un rôle primordial. Formé aux méthodes de marketing américaines, Patrick Lefèvre-Utile, le petit-fils de Louis, l'aura bien compris, en faisant appel aux services des plus grands designers. De là sortiront, en 1957, le logo LU (avec ses trois barres blanches formant les deux lettres LU sur fond rouge) et un graphisme des emballages complètement repensé. Deux hommes seront à l'origine de ce nouveau design : le publiciste André Maurus et le designer Raymond Loewy (créateur de la bouteille Coca-Cola)


 

L'exposition qui nous intéresse accueille en son sein une création olfactive construite autour de l'odeur du biscuit chaud sortant du four de l'usine LU. Le musée d'histoire de Nantes offre par ailleurs au visiteur d'aborder le récit de ce siècle d'innovation du point de vue des femmes, et ce, à travers une sélection d'objets. Cette période de 1846 à 1957 correspond en effet à un changement dans la vie de la gente féminine. Celle-ci quitte la sphère privée ou l'atelier à domicile pour faire irruption dans les manufactures puis les usines. Et le problème du travail des femmes de susciter bientôt des tensions. Celles-ci se lancent aussi à la conquête de leurs droits, avec l'apparition des premiers mouvements féministes (dont l'existence sera relayée par l'essor des médias et de la publicité).

Un parcours a aussi été conçu tout spécialement pour les familles, qui permet aux enfants de manipuler, observer, sentir et interagir en toute autonomie. Une toise en forme de Petit-Beurre permet ainsi de prendre sa taille, des magnets incitent à jouer autour de la publicité e de la marque et un quizz numérique permet aux uns et aux autres de tester ses connaissances sur la célèbre biscuiterie. D'autres visites guidées sont organisées (dont certaines à destination des personnes en état de déficience visuelle ou en langue des signes française) et des animations sont proposées pour les plus petits.

Enfin, pour celles et ceux qui voudraient parfaire leurs connaissances sur la marque Lefèvre-Utile, l'ouvrage « LU, une marque à l'avant-garde » sera disponible dès la mi-mai. L'auteur, Olivier Fruneau-Maigret, est à la fois collectionneur, expert en art, et fin connaisseur de l'entreprise LU. Et de nous dévoiler au fil des pages richement illustrées la singularité de cette saga familiale qui illustre parfaitement l'épopée industrielle française, du Second Empire aux années 1980, période durant laquelle les arts et le design intégreront plus fortement le monde de l'entreprise.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition «LU, Un Siècle d'innovation (1846-1957)», initialement prévue du 4 avril 2020 au 3 janvier 2021, au Musée d'histoire de Nantes (Château des ducs de Bretagne), 4 Place Marc Elder à Nantes. Tél : 0811 464 644. http://www.chateaunantes.fr/fr/evenement/lu
  • « LU, une marque à l'avant-garde » d'Olivier Fruneau-Maigret. 224 pages.

  • Merci à l'agence Alambret Communication pour son aide.








 



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