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Quimper en cartes postales
(Finistère, France)
Heure locale

 

Mercredi 6 mai 2020

 

 

Détourner une carte postale, quelle belle idée ! Encore fallait il y penser. En cette période de confinement, les Archives municipales de Quimper (29) l'ont fait en misant sur l'humour. Et de proposer quotidiennement aux internautes un sourire à travers une carte postale ou une photographie ancienne issue de ses fonds, sur laquelle on rajoute un message en lien avec le contexte sanitaire du moment, et hop, le tour est joué. Cartes postales et photographies anciennes décrivent Quimper et sa société d'alors, essentiellement bourgeoise. C'est à la découverte de ce monde quimpérois que je vous invite à travers cet article, une société de classes qui disparaitra en grande partie avec la Première guerre mondiale, et avec elle, bon nombre de costumes régionaux.

 

C'est au cours des années 1860-1870 que la photographie fait son apparition dans la capitale cornouaillaise et le pionnier du genre semble être Yves-Marie Levot, de passage à Quimper deux années tout au plus, de 1864 à 1865. Il sera bientôt suivi par d'autres ateliers. Car, le peintre Horace Vernet, qui avait déclaré le 19 août 1839 que la peinture était morte avait, le même jour, été le témoin de l'annonce de la naissance de la photographie par le chimiste et astronome François Arago. En fait, la photographie était apparue dès les années 1820, au travers d'un cliché attribué à un certain Nicéphore Niepce, qui représentait alors le paysage visible depuis la fenêtre du grenier de la propriété de l'auteur à Saint-Loup-de-Varennes. Ces premières photographies seront surnommées héliographie, jusqu'à ce que Niepce s'associe avec Jacques Louis Mandé Daguerre, l'inventeur du Diorama (en 1822), puis de ce qui deviendra le Daguerréotype (en 1839). Dès lors, rien n'arrêtera plus l'innovation et les tirages sur papier feront leur apparition avec les papiers albuminés (l'albumine liant les sels d'argent offrait alors à la photographie une surface brillante et de meilleurs contrastes), un procédé remplacé par des systèmes plus fiables après la Première guerre mondiale.

 

Au 19è siècle, Quimper est une petite ville qui voit sa population augmenter et déborder sur les communes alentours. Ville de garnison, elle abrite alors le 118ème régiment d'infanterie de ligne durant la Troisième république, régiment ayant à sa tête le colonel Philippe Pétain, en 1907. L'arrivée du chemin de fer a, quant à lui, fait son apparition sur place depuis 1863, et son prolongement ne tardera pas à être effectif jusqu'à Douarnenez. Tout cela dynamise les échanges commerciaux (exportations et importations de denrées agricoles grâce au développement du port de la ville, niché au fond de la ria) et Quimper connait un essor économique important après 1880, dû à une meilleure productivité agricole et à une industrialisation soutenue par l'arrivée du gaz de houille. Le port, tributaire des marées et limité par un chenal étroit et peu profond accueille lougres, goélettes et sloops le long de ses quais, puis, plus tard, les premiers bateaux à vapeur. La ville attire en effet les premiers touristes par le charme de son port et de ses vieux quartiers. Et joue également le rôle de plaque tournante pour l'accès aux stations balnéaires locales comme Bénodet, ou les petits ports du Cap Sizun ou du Pays Bigouden. Une épidémie de choléra survient bien en mai 1893 mais le corps médical quimpérois réagit vite et parvient à circonscrire le fléau.

 

A la suite de Yves-Marie Levot, au moins trois ateliers photographiques vont voir le jour en 1865 à Quimper : les ateliers Duclos, Foulquier et Villard. Les deux premiers sont apparentés, le havrais Jules Duclos épousant Eugénie Foulquier (fille d'Eugène Foulquier). Le couple s'installera d'abord à Lorient où Jules sera photographe, puis plus tard à Quimper, au 38 rue du Quai. Notre homme s'illustrera les premières années en tant que portraitiste, avant de se concentrer sur la photographie ferroviaire dans les années 1870, à une époque où les photographes locaux profiteront des grands travaux publics liés à l'arrivée du chemin de fer dans la région et de l'érection de phares sur les côtes bretonnes. Parallèlement, Eugène, le beau-père de Jules, ouvrira son propre atelier quimpérois à l'âge de 63 ans et se concentrera lui aussi sur le portrait et la photographie ferroviaire avant d'être convié par la mairie, et en 1871, à superviser la restauration des tableaux de la collection de Silguy et l'encadrement de dessins et d'estampes, en vue de l'ouverture du tout nouveau musée des beaux-arts de la ville. Eugène s'était en effet déjà exercé dans cette fonction en restaurant plusieurs galeries de tableaux pour le compte de trois églises parisiennes. Notre photographe collaborera par la suite avec Alfred Beau à la création d'un musée ethnographique de 1878 à 1884. Avant de décéder à Quimper, à l'âge vénérable de 98 ans le 11 septembre 1899.

 

Joseph Villard, lui, n'a que 26 ans lorsqu'il ouvre son atelier de photographie au 15, rue des Gentilshommes à Quimper. Le jeune homme innove aussitôt en éditant des séries de photos sur les costumes et les paysages bretons à l'attention des touristes. Armé de son appareil photo et de sa cabine de préparation pour ses plaques, Joseph parcourra ainsi la contrée à la recherche de scènes cornouaillaises, contribuant si efficacement à la diffusion de la culture bretonne que l'exposition universelle de 1867 mettra le costume breton à l'honneur. Et le journal de l'exposition de publier des gravures d'hommes et de femmes en costume traditionnel, gravures directement inspirées des photographies de Joseph Villard.

Vers 1870, Joseph ouvre un deuxième atelier au 42, rue Kéréon et y embauche Hélène Gourmelen et Louis Le Grand. Vingt années plus tard, Joseph-Marie, le fils, prend la suite du père qui décède en 1898. Photographe-éditeur, il se spécialise dans le carton postal (l'ancêtre de la fameuse carte postale) tout en poursuivant son activité de portraitiste. Et constituera ainsi une remarquable collection de clichés portant sur l'histoire de Quimper et de la Bretagne.


 

A partir des années 1880, de nombreux photographes s'établissent dans la capitale de Cornouaille : Faustin Richard s'installe au 20, rue Astor en 1881 comme photographe-portraitiste, avec sa femme Marie et Eugénie, une parente, et passe une dizaine d'années à Quimper. Deux ans plus tard, Ollivier Génot, un jeune breton de 26 ans ouvre boutique au 15, boulevard de l'Odet avec son épouse, pour une courte carrière puisqu'il disparaitra quatre ans plus tard.

De 1890 à 1914, ce sont huit photographes qui poseront leurs valises à Quimper, parmi lesquels Eugène Verghnet qui laissera à la ville un magnifique témoignage à travers un reportage photo de 1907, retraçant les courses hippiques se déroulant alors sur le champ de bataille. Victor Allard vivra quant à lui sa passion pour la photographie à l'heure de l'apparition de la photographie amateur après 1880, des plaques de verre au gélatino-bromure d'argent et des appareils plus légers et portatifs. Ces photos d'amateurs représenteront pour la plupart des images de voyages et celles prises par Victor à Quimper de refléter fidèlement des tranches de vie quimpéroise de l'époque. Enfant du pays, Victor parcourra ainsi sa ville natale, de 1895 à 1901, muni de son appareil Mürer de six plaques, les jours de marché, ou tout bonnement pour prendre des clichés sur le vif : son œuvre se résume principalement autour des thèmes des marchés quimpérois et de vues de rues, places et bâtiments. Les scènes immortalisées des marchés nous renseignent sur les différents métiers alors pratiqués sur la place : rémouleurs, bourreliers, drapiers ou marchandes de beurre...Victor Allard nous fait vivre la scène de l'intérieur alors que ses photos de bâtiments et de rues sont des images fixes sans présence humaine.

 

La photographie à Quimper, et plus généralement en Bretagne, c'est toute une histoire : celle-ci, pratiquée en tant qu'étude ethnologique par plusieurs photographes, nous laisse aujourd'hui une source considérable de documents ayant trait aux coutumes et aux costumes bretons. Immortaliser des scènes de vie pour montrer la diversité d'une région était alors primordial pour la diffusion de la culture bretonne. Cet art sera pourtant d'abord méprisé car les photographes étaient alors comparés à des « mécaniciens sans âme » générant une œuvre dénuée de sensibilité.

Durant le 19è siècle, la photographie servira de point de départ à de nombreux artistes pour leurs études artistiques. Tandis que certaines gravures et peintures sont réalisées à partir d'une photo, des peintres comme Gustave Le Gray plaide pour que la photographie devienne un art à part entière et ne tombe pas simplement dans l'escarcelle de l'industrie ou du commerce. Celle-ci, qui emprunte à la peinture tous ses sujets (nature morte, paysage ou portrait) séduira même Degas qui s'intéressera spécifiquement à la photographie instantanée. Et le mouvement pictorialiste de contribuer bientôt au développement de la photographie d'art.

Quant aux cartes postales anciennes, elles ne sont pas étrangères au nom des Villard qui reste dans la mémoire de bien des collectionneurs. Comme décrit plus haut, c'est à Joseph Villard fils que l'on doit le carton postal, ainsi que quelques 3000 clichés qui ont depuis trouvé refuge auprès du service départemental de l'architecture et du patrimoine. Ces témoignages photographiques légués par trois générations d'artistes et de photographes issus des Villard nous dévoilent costumes, monuments et scènes de la vie quotidienne en Bretagne. A l'origine, Joseph Villard prit goût à la photographie à la suite de son frère Jean-Marie qui avait côtoyé les pionniers Nadar et Daguerre. Puis, d'ouvrir en 1865 son propre atelier quimpérois, atelier repris plus tard par son fils Joseph-Marie puis son petit-fils Joseph-Henri. En 1933, Joseph Villard fils fera construire un nouveau magasin sur les quais de l'Odet. Ty Kodak est depuis 1996 protégé au titre des monuments historiques.

La famille Villard passera la main à l'agence des Bâtiments de France en 1950, et ce sont, dix ans plus tard, quelques mille clichés de costumes qui seront offerts au Musée départemental breton. Environ 3000 autres documents dévoilant des scènes de rues animées, des fêtes religieuses et des mises en scène folkloriques sont désormais accessibles en un clic. Ces photos concernent 138 commues finistériennes et forment une partie du patrimoine local, tout comme les cartes postales détournées récemment avec humour par les Archives municipales de Quimper. Où l'art de transmettre pour perpétuer...

 

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