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Sur la Route de la Porcelaine
(Limoges, Haute-Vienne, France)
Heure locale

 

Mardi 16 juin 2020

 

Il est un département situé dans la région Nouvelle-Aquitaine (anciennement Limousin), et limitrophe de la Creuse, la Corrèze, la Dordogne, la Charente, la Vienne et l'Indre. Traversé par deux cours d'eau, celui-ci borde le nord-ouest du Massif central et son point culminant est bien modeste avec le puy Lagarde (795 mètres). L'endroit est très boisé, puisque quasiment un tiers de sa surface est recouverte d'arbres, et bien drainé (avec près de 7000 km de cours d'eau). Des conditions idéales pour accueillir deux réserves naturelles nationales (la Tourbière des Dauges et l'Astroblème de Rochechouart-Chassenon), deux réserves régionales (les Sauvages et Landes atlantiques du Parc naturel régional Périgord-Limousin) sans compter treize sites Natura 2000 et autres zones naturelles. Il s'agit bien sûr de la Haute-Vienne (87) dont le chef-lieu est Limoges.

 

La Haute-Vienne apparut durant la Révolution française, un certain 4 mars 1790. Et de tirer son nom de la Vienne, la rivière qui le traverse, et qui puise sa source sur le plateau de Millevaches (Corrèze). L'arrivée des Romains qui conquerront la Gaule se fait en présence du peuple gaulois des Lémovices, qui donnera son nom à Limoges et au Limousin. Cette ville, dont les habitants se prénomment Limougeauds, deviendra une cité gallo-romaine d'importance, avant qu'elle ne prenne son nom actuel au Moyen-Âge. Outre l'abbaye Saint-Martial dont la ville bénéficiera pour son rayonnement culturel, la gare des Bénédictins, la Cathédrale Saint-Etienne et autre lieux notoires, Limoges reste avant tout la capitale de la porcelaine.

 

C'est à la suite de la découverte d'un gisement de kaolin lors de la révolution industrielle, que Limoges se lancera dans la production de porcelaine, entre 1765 et 1770. L'endroit deviendra bientôt, avec celle de Sèvres, l'une des deux principales productions porcelainières de France encore représentée aujourd'hui par plusieurs entreprises encore en activité. Il existe actuellement un réseau de Routes de la porcelaine de Limoges en Haute-Vienne, chargé de promouvoir la diversité et l'histoire de la porcelaine dans ce département. Sites historiques (anciennes carrières de kaolin de Marcognac, four des Casseaux), musées (Musée national Adrien Dubouché, musée Haviland...), entreprises (Bernardaud, Carpenet, Jacques Pergay...), artisans d'art et artistes peintres (Pierre Arquié, Porcelaine Faye-Lys Impérial...), boutiques spécialisées et le collectif d'artistes Esprit porcelaine participent ainsi à la diffusion de cette industrie locale.

Monument historique au titre de l'archéologie industrielle, le site de Marcognac est un ensemble de carrières exploitées depuis 1786, et deux cents ans durant. Ce site qui est le seul du genre à posséder encore des bâtiments restaurés, offre aux visiteurs la possibilité de se plonger dans ce qui fut longtemps le quotidien des porcelainiers limougeauds. Cette production locale verra le jour grâce à l'apport de la composition et des secrets de la porcelaine chinoise, des informations rapportées en France par le père jésuite François-Xavier d'Entrecolles, en 1712, alors qu'il résidait à Jingdezhen. Cet homme est à l'origine de la production porcelainière française et européenne, dont celle de Limoges. Et le 18e siècle s'enrichira d'albums illustrés décrivant les différents stades de fabrication et des échantillons de kaolin.

 

Le gisement de Saint-Yrieix-la-Perche, proche de Limoges, n'est découvert qu'en 1767, deux années avant que Louis XV ne le rachète, faisant ainsi de la production de porcelaine un privilège royal. La première manufacture porcelainière du Limousin, celle des frères Grellet et Massier-Fournérat, verra le jour en 1771, avant que le comte d'Artois ne place celle de Limoges (alors devenue une annexe de la Manufacture de Sèvres) sous sa protection en 1774. Mise à mal par la Révolution française, l'industrie porcelainière redémarrera dans la première moitié du 19e siècle grâce à François Alluaud ainé, qui fut l'un des industriels précurseurs en la matière. Notre homme emploiera jusqu'à 200 ouvriers dans ses cinq fabriques et ses sept fours en 1807. Vingt ans plus tard, Limoges comptera seize manufactures, tandis que la campagne limousine se dotera elle aussi de fabriques de porcelaine. C'est que cette nouvelle industrie occupe une place prépondérante dans l'économie locale en assurant le gagne-pain d'une partie grandissante de la population limougeaude. A Paris, on s'émerveille devant la qualité et la finesse de cette porcelaine limousine utilitaire, tandis que certains conçoivent déjà la création d'une porcelaine décorative : l'entreprise Haviland (fondée en 1842 par l'Américain Haviland) réalise alors l'intégralité de sa production à Limoges. Et chaque décor d'être fait main avec une précision d'orfèvre (la maison en a conçu plus de 5000 depuis sa création).

 

Spécialisée dans la porcelaine de table de décoration, notamment dans les incrustations or à la main, cette manufacture perpétue une production traditionnelle incluant la gravure à l'acide, l'émaillage, la cuisson, le repiquage, le poudrage or et le brunissage. Elle collabore également et de longue date avec des artistes et des sculpteurs (depuis les années 1920) qui créent de nouveaux modèles et de nouveaux décors, autant de produits diffusés ensuite et en grande majorité aux Etats-Unis, au Moyen-Orient, au Japon, en Chine, en Afrique et en Europe. Haviland a enfin eu l'idée de concevoir le Pavillon de la Porcelaine, où l'on trouve aussi bien des articles de premier choix que des fins de séries de collections plus anciennes. Un musée dédié à l'histoire de la manufacture Haviland offre aux visiteurs de regarder un film relatant les différentes étapes de création, de fabrication et de décoration de la porcelaine.

 

Le Second Empire sera la première période de forte croissance de la porcelaine de Limoges, avec le franchissement du cap des 10000 ouvriers atteint en 1891. Cette activité se développe grâce au bois de chauffage acheminé des forêts environnantes jusqu'aux fabriques, par flottage sur la Vienne depuis la Montagne limousine, mais aussi grâce à l'essor du transport ferroviaire. En revanche, les conditions de travail restent difficiles et des grèves ouvrières dures éclatent en 1905, avec la révolte des porcelainiers. Limoges devient alors pour de bon la « Ville rouge », ou encore la « Rome du socialisme ». Cette réputation date des évènements de 1848, lors desquels les ouvriers s'insurgèrent contre le résultat des élections, détruisant les P .V du scrutin, occupant la ville, désarmant la garde nationale et pillant les armureries. La ville devint ainsi une sorte de République autonome un mois durant. En avril 1871, une brève Commune de Limoges intervient au cours de laquelle les ouvriers prirent le pouvoir pendant quelques heures. Puis, les années 1880 de voir se développer anticléricalisme et antimilitarisme face à un socialisme en pleine ascension. Autre fait remarquable : Limoges devient le lieu de naissance de la CGT en septembre 1895, afin de « donner au prolétariat l'outil qui lui manquait : une centrale syndicale organisée, doublement étayée sur la région et la profession ». Quant aux luttes de 1905, c'est précisément dans les deux grandes usines de porcelaine Haviland que débute le conflit, avec le refus de la direction de renvoyer deux contremaitres, un renvoi réclamé par les ouvriers. Mieux, loin de calmer le jeu, 21 porcelainiers ferment leurs usines le 13 avril, et pratiquent un lock-out jetant à la rue des milliers d'ouvriers porcelainiers. En guise de représailles, occupations d'usines, affrontements avec l'armée, édification de barricades, décapitation symbolique de mannequins de l'usine Théodore Haviland (dont la voiture est incendiée), pillage d'armureries et explosion d'une bombe en présence du directeur de l'usine Charles Haviland, furent de mise les jours suivants.

Et le drame de se produire lors d'une nouvelle manifestation précédée des drapeaux rouges et noir partie du cirque théâtre pour aboutir à la prison.La troupe intervient sur le champ de foire, tire et tue net le jeune porcelainier Camille Vardelle, dont les funérailles réuniront un tiers de la population limougeaude.


 

La crise de 1929 et les deux conflits mondiaux affecteront profondément l'industrie de la porcelaine. Des reconversions d'activité ont alors lieu comme celle de la manufacture Betoulle et Legrand qui se lance dans l'appareillage électrique en 1919 et donne rapidement naissance à l'usine Legrand.

Le 21e siècle apporte son lot d'innovations : désormais, toute porcelaine fabriquée dans le département de la Haute-Vienne est marquée d'un tampon au vert de chrome portant la mention « Limoges France », associé à des initiales et symboles permettant d'identifier les fabricants. Aujourd'hui, le secteur de la porcelaine représente douze manufactures principales (soit mille salariés) à l'échelle du département. Et la porcelaine de Limoges d'être inscrite depuis 2008 à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel en France.

Dans les années 1980, certains grands porcelainiers avaient cédé aux sirènes de la délocalisation en Chine, ce qui entretint la confusion dans les produits.

Désormais, Limoges ne possède plus que quatre fours, et un musée consacré à la porcelaine locale : le Musée des Casseaux abrite le four du même nom et a trouvé refuge à l'intérieur d'un bâtiment industriel du 19e siècle afin de retracer les évolutions de la fabrication de la porcelaine. Préparation des pâtes, coulage, calibrage et cuissons (outils utilisés, machines et pièces sont exposés sur place) constituent les principales étapes décrites lors de la visite du site. Quant au four des Casseaux, construction de forme ronde, il est classé monument historique. Juste à côté, se dresse la Manufacture Royal Limoges qui propose vaisselle et bijoux en porcelaine dans son magasin d'usine.


 

Lors de votre passage à Limoges,pensez à visiter le Musée national Adrien Dubouché. L'endroit, entièrement rénové, expose la collection de porcelaine de Limoges la plus riche au monde. D'autres œuvres représentatives des grandes étapes de l'histoire de la céramique y sont également présentées. Entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite, ce musée offre au visiteur de parcourir un voyage dans le temps qui débute dans l'Antiquité, traverse continents et civilisations pour vous conduire jusqu'aux créations les plus récentes. Trois expositions annuelles sont proposées au public, parallèlement à un espace dédié aux techniques de fabrication, une manière de contribuer au rayonnement international des arts de la céramique et à la valorisation des savoir-faire exceptionnels limougeauds.

 

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