Mardi 23 mars 2021
Mais pourquoi donc le surnommait-on « le Chauve » ? Successeur de Louis le Pieux, Charles II est roi de Francie occidentale en 843, à l'issue du partage de l'empire de Louis le Pieu entre ses trois fils. Charles II sera également couronné empereur d'Occident en 875. Toutefois, il se fera raser le crâne en signe de soumission à l'église deux ans plus tard, alors que la coutume franque de l'époque exigeait qu'un roi ait les cheveux longs. L'homme sauvera tout de même ses moustaches.
Fils de l'empereur Louis le Pieux et de sa seconde épouse Judith de Bavière, le petit Charles est confié dès l'âge de sept ans à Walafrid Strabon, précepteur de renom. Ce dernier, moine au monastère de Reichenau, en Alémanie, a un esprit cultivé attaché au mythe impérial et est poète. Il sera en charge neuf années durant de l'éducation du jeune prince, dont il s'attend à ce que celui-ci vive une grande destinée.Le jeune homme devient dès 829 duc d'Alémanie (dès l'âge de six ans), puis roi d'Aquitaine (trois années plus tard).Et en 839, son père lui confie enfin une partie de la Francie occidentale (comprise entre la Meuse et la Seine), l'Ouest et le sud de la Bourgogne, la Provence, la Neustrie, la marche de Bretagne, le royaume d'Aquitaine, la Gascogne et la Septimanie. Ces faveurs accordées à Charles le Chauve seront à l'origine des troubles qui agiteront la fin de règne de Louis le Pieux.
An 840, après la mort de Louis le Pieux, une guerre débute entre les trois fils, conflit lors duquel Charles s'allie à son frère Louis le Germanique pour lutter contre son autre frère Lothaire 1er et Pépin II d'Aquitaine. Ensemble, les deux frères remporteront la bataille de Fontenoy-en-Puisaye en 841. Le duo victorieux récidive un an plus tard en renforçant son alliance lors des serments de Strasbourg, puis en aboutissant au traité de Verdun de 843, qui prévoit le partage de l'ancien empire de Charlemagne en trois parts égales entre Lothaire 1er (Francie médiane), Louis (Francie orientale) et Charles (Francie occidentale)
C'est à l'intérieur de la cathédrale d'Orléans que Charles le Chauve sera élu puis acclamé par les grands du royaume, le 6 juin 848, jour de son sacrement. Quelques années auparavant, Charles aura eu fort à faire face aux Bretons : dès 843, les hostilités avaient été déclenchées contre Nominoë, lequel deviendra souverain de Bretagne à la suite de sa victoire contre Charles. Un premier traité sera ratifié en 846 entre les deux hommes, avant que des raids bretons ne déferlent en Francie occidentale (Maine, Anjou et Poitou) et ne prennent possession des villes de Nantes et Rennes trois ans plus tard. Les affaires de Charles ne s'arrangent puisqu'il est battu en 851 par Erispoë (fils de Nominoë) lors de la bataille de Jengland, d'où la signature du traité d'Angers qui accorde au jeune roi de Bretagne les comtés de Rennes et de Nantes puis le Pays de Retz. Décidément, ces Bretons ont la tête dure car ils imposeront seize ans plus tard à Charles une extension du royaume breton (par le traité de Compiègne de 867) en lui faisant céder l'Avranchin et la péninsule du Cotentin à Salomon, autre roi de Bretagne.
Charles le Chauve sera à plusieurs reprises rançonnée à Paris par les Vikings entre 856 et 861. Conciliant, le souverain leur accordera de fortes concessions en espérant ne plus les revoir, mais, mauvais calcul, les Normands récidiveront au grand désespoir des grands du royaume. Ceux-ci, constatant jour après jour l'incapacité de Charles à faire régner l'ordre, finiront par faire appel à son frère Louis.
Si Charles est couronné empereur en 875, il devra prendre au préalable des engagements envers ses nouveaux sujets, les habitants de Lotharingie dont il est devenu roi six années auparavant, à la mort de Lothaire II. Ce territoire suscitera également la convoitise de Louis le Germanique en 870. Cette même année est signé le traité de Meerssen, contrat stipulant que Charles doit céder une partie de la Lotharingie à son frère. La frontière est alors délimitée par la Moselle.
Sur la fin de sa vie, Charles le Chauve sera confronté à la descendance de son frère Louis : suite au décès de son frère Louis en 876, CharLes se heurtera à la forte résistance des fils du défunt lors de sa tentative d'invasion de la Lotharingie orientale, près de Coblence. De même, alors qu'il se trouvait en Italie pour porter secours au pape Jean VIII attaqué par les Sarrasins, Charles devra rentrer urgemment en France pour faire face à l'attaque de Carloman, un des fils de Louis.
Affaibli, notre homme, qui souffrait d'une pleurésie depuis 877, s'éteindra dans un petit village au pied du Mont Cenis et non loin d'Aussois. La rumeur publique fera courir le bruit d'un empoisonnement par l'un de ses médecins. La dépouille de Charles en route pour Paris se décomposant rapidement, celle-ci sera enterrée à Saint-Pierre de Nantua. Comme la tradition l'exige, l'image de l'ancien souverain apparaitra à un moine de Saint-Denis sept ans après sa mort. Et Louis le Bègue (un des fils de Charles) de se charger alors du transfert de la dépouille de son père à l'abbatiale de Saint-Denis conformément aux dernières volontés de Charles. En 867, le souverain avait effectivement exprimé le vœu de reposer dans cette abbatiale, derrière l'autel de la Trinité. Son épouse, la reine Ermentrude y avait été enterrée en 869, plus tard rejointe par Charles, un des fils du couple impérial, d'ailleurs décédé la même année que son père s'y trouve aussi.
Charles II, dit « le Chauve » aura poursuivi l'oeuvre législatrice et organisatrice de Charlemagne. Il laissera un grand nombre de capitulaires dont celui de Quierzy, source d'informations précieuses sur l'évolution politique et sociale du royaume : promulgué en 877, ce document prend acte de l'influence de plus en plus grande des fonctionnaires impériaux de l'Empire carolingien puis des seigneurs locaux, au détriment du pouvoir central. Les multiples conflits familiaux entre Louis le Pieux et ses fils auront contraint le souverain à faire appel aux fidèles alliés ne serait-ce que pour mobiliser une armée au niveau comtal afin de poursuivre la guerre contre d'autres rois des Francs. Et puis, ces guerres qui ont affaibli le pouvoir central ont laissé l'Empire carolingien plus sensible face aux incursions des Hongrois ou des pirates normands ou maures
Pour toutes ces raisons le capitulaire de Quierzy avait été rédigé de façon à énoncer clairement les choses et les moyens de les gérer. Les évêchés vacants étaient par exemple soumis à un conseil de gestion en attendant la décision de l'empereur. Un comte décédé laissait de la même manière la place à son fils ainé, lequel était assisté par l'évêque et les principaux officiers du comté dans la gestion de ses biens. En cas de décès d'un vassal, il était enfin prévu que sa veuve et ses enfants disposent provisoirement de ses bénéfices.....
Quelques années plus tôt, en 847, Charles II promulguera le capitulaire de Meerssen qui marquera le début de la féodalité. Et le souverain d'inviter tout homme libre à se choisir un seigneur. Suivant l'idée de Charlemagne, qui avait précédemment créé un corps d'officiers chargé de décimer les loups dans l'empire, Charles créera un corps d'officiers spécialisés dans la chasse aux castors(très recherchés depuis l'Antiquité pour leur fourrure). Bref, nos souverains français n'ont pas attendu les temps modernes pour apprendre comment gérer au mieux notre pays.
INFOS PRATIQUES :
- Pour prolonger cet article, l'ouvrage d'Ivan Gobry, « Charles II, 840-877 : Fils de Louis 1er » revient sur ce personnage dit « le Chauve ».