Lundi 26 avril 2021
Dans le précédent article, nous découvrîmes que Charles le Chauve fut Empereur d'Occident les deux dernières années de sa vie, du 25 décembre 875 au 6 octobre 877, laissant sa succession à son deuxième fils, Louis le Bègue, qui mourra peu de temps après. Son fils, Louis III, puis Carloman II le remplaceront successivement. Charles III dit « Le Gros » deviendra roi des Francs à son tour, en juin 885 durant moins de trois années, laissera le champs libre à Eudes, issu de la dynastie des Robertiens, avant que n'entre en scène le dernier roi carolingien, Charles III dit « le Simple ».
Certains s'imposent, d'autres moins. C'est le cas de Louis II Le Bègue, qui succède à son père Charles le Chauve en se faisant couronner roi des Francs en 877 à Compiègne. Alors qu'il n'a que dix ans, Charles le Chauve négocie ses fiançailles avec une fille d'un roi de Bretagne, un arrangement qui ne sera pas du tout du goût des vassaux de cette province. Son accession au trône sera d'ailleurs contestée par plusieurs seigneurs et même par l'impératrice Richilde (seconde épouse de son père). En effet, que faire d'un roi qui bégaie et éprouve les pires difficultés à s'exprimer en public ? Cette infirmité nuira ainsi à son autorité malgré la bienveillance de Louis qui prodiguera cadeaux et promesses dans l'espoir de décrocher les faveurs de ses partisans. D'abord couronné et sacré par l'archevêque de Reims en décembre 877, il le sera à nouveau un an plus tard par le pape Jean VIII. Malgré cela, il demeure un roi sans pouvoir dominé par la puissante aristocratie. Pour « couronner » le tout, Louis II, de santé fragile, passe l'arme à gauche le 11 avril 879 alors qu'il s'apprêtait à partir en expédition pour soumettre le rebelle Bernard de Gothie.
Louis III succède à son père et règne alors sur la Francie occidentale, aux côtés de son frère cadet Carloman II, qui lui survivra et règnera après sa mort. Les deux hommes sont couronnés à la hâte le 4 septembre 879, et Louis III doit rapidement affronter les Normands avec lesquels ils négocieront la paix par l'intermédiaire de leur cousin Louis le Jeune à qui ils céderont la Lotharingie occidentale. Il faudra ensuite batailler pour conserver la Bourgogne, elle aussi revendiquée par le grand-oncle Boson.
Toujours offensifs, les Vikings avaient franchi la Vienne en novembre 879 mais s'étaient opposés à Louis III. Rebelote en 881 lors de la bataille de Saucourt-de-Vimeu où près de 8000 Vikings seront massacrés. A nouveau, Louis III décède un an plus tard, à l'âge de 18 ans, en se fracassant la tête bêtement, contre le linteau d'une porte trop basse ce qui le fit tomber de son cheval. La route est désormais libre pour Carloman II, son frère.
Après la mort de son frère, Carloman II abandonne le siège de Vienne et se fait reconnaître comme l'unique roi des Francs occidentaux lors d'une assemblée réunie au palais de Quierzy le 9 septembre 882. Un mois plus tard, il doit faire à nouveau face à une offensive viking, qu'il parviendra à maitriser avant de regagner Compiègne pour l'hiver. A cette époque, Charles le Gros est roi d'Italie (depuis 881) et Carloman II lui réclame en vain la restitution de la partie occidentale de la Lotharingie (qui avait alors Metz pour capitale), alors que les invasions vikings se profilent à nouveau en pays de Somme. Nous sommes en 883 et le roi des Francs sera battu pour cette fois. Le pouvoir impose alors d'être sur tous les fronts, y compris sur celui du brigandage qui sévit alors et contre lequel notre homme prévoira de très lourdes peines à travers la signature de ce qui sera le dernier capitulaire carolingien, en mars 884.
Entre temps, Carloman II, qui avait négocié à prix d'or le départ des Normands la même année, laisse sa cours au monastère des Andelys et part avec quelques proches au vieux palais de chasse de Bézu-la-Forêt (Eure). Manque de chance ou fatalité, le roi décède le 6 décembre 884 à la suite d'une blessure à la jambe provoquée involontairement par un de ses vassaux lors d'une chasse au sanglier. Il n'est alors âge que de 17 ans.
Au suivant ! Et c'est au tour de Charles III, dit le Gros, de prendre le pouvoir, par captation inopinée de l'héritage de ses frères aînés, Louis et Carloman. Il y avait bien un autre Charles, le dernier fils de Louis II le Bègue mais celui-ci, jugé trop jeune pour gouverner, sera écarté par l'assemblée des aristocrates francs. Il sera le dernier souverain carolingien à avoir réuni sous son sceptre l'ensemble de la Francie après 884. Ce roi, incapable de restaurer l'ordre, la paix et la justice autrement que par la brutalité ou la férocité sanguinaire sera de surcroit atteint d'une déficience mentale le contraignant à la destitution en 887, sous la pression des grands dignitaires. En fait, Charles III le Gros sera intronisé roi des Francs par défaut car les nobles ne voulaient pas offrir la couronne au demi-frère de Carloman II, Charles III le Simple, alors âgé de cinq ans seulement. Le souverain règnera ainsi sur la totalité de l'Empire laissé par Charlemagne, mais pas assez fermement : lorsque le royaume de France devra faire face aux attaques des Vikings, Charles le Gros tardera à intervenir et préfèrera négocier avec l'ennemi en le laissant piller la Bourgogne alors que le comte Eudes, lui, défendait bravement Paris assiégé face à la déferlante viking de 885-887. Devant la contestation de son pouvoir par la France, l'Italie et l'Allemagne, l'homme sera détrôné en décembre 887, et mourra en janvier 888.
Eudes, comte de Paris et marquis de Neustrie, succédera à Charles le Gros, bien qu'appartenant à la dynastie des Robertiens. Trois ans avant sa disparition, Charles lui avait attribué plusieurs comtés (Tours, Blois et Angers...) avant sa déchéance et faute d'avoir pu rétablir l'ordre dans le royaume. Parmi les grands dignitaires du pays, figurent les Robertiens, membres de la noblesse franque, laquelle tire son nom du prénom Robert que portèrent un grand nombre de ses adeptes. Et leur puissance de s'expliquer par leur intransigeance face à l'ennemi, en sauvant les meubles face à un pouvoir royal manquant parfois de poigne, comme ce sera le cas avec Charles III.
C'est ainsi qu'après avoir à nouveau écarté l'héritier légitime du trône, Charles le Simple (encore trop jeune), Eudes est élu roi des Francs le 29 février 888 alors qu'il ne descend pas de Charlemagne. On observe alors comment la haute aristocratie gagne du terrain face à l’État carolingien, au point d'imposer son candidat idéal à la fonction royale. En revanche, Eudes sera contesté du fait de l'opposition de l'archevêque de Reims et du tuteur de Charles III le Simple, et sera contraint de chercher le soutien d'Arnulf de Carinthie, alors roi de Francie orientale.
Le roi Eudes se battra vaillamment, et à deux reprises, contre les Vikings en 888, puis en 892, mais éprouvera plus de difficultés face aux Normands qui pilleront Meaux, Troyes, Toul, Verdun, Évreux et Saint-Lô. Malgré sa bonne volonté, le roi échouera dans sa tentative de restaurer l'autorité du pouvoir royal à l'identique de Charles le Chauve et ne contrôlera vraiment que les régions situées entre Loire et Seine. Il devra aussi compter avec l'opposition de Charles le Simple qui cherchera à récupérer le trône de son père, épaulé par ses alliés (grands comtes et princes féodaux). Reste qu'en dépit du couronnement du jeune Charles le 28 janvier 893, à Reims, c'est bien Eudes qui reste acteur du pouvoir jusqu'à sa disparition en 898. Juste avant de rendre l'âme, Eudes reconnaitra toutefois Charles III le Simple comme son successeur, en échange d'un nouveau prélèvement de terres détenues par le fisc royal, au bénéfice de son frère Robert.
Dernière étape du règne carolingien, l'accession au trône de Charles III le Simple aboutit de fait à la mort d'Eudes le 3 janvier 898. Le souverain se trouve alors à la tête d'un royaume divisé par la prise d'indépendance de puissantes principautés en Flandre, Bourgogne et Aquitaine, et plus généralement par la contestation des influences robertiennes. Et Charles, de nature douce, sincère et honnête, sans doute victime de sa bonne volonté pacificatrice, de gouverner avec difficulté en raison de ces multiples rivalités de pouvoir avant d'être finalement déposé par les grands du royaume le 30 juin 922. Jouant de malchance, le malheureux souverain finira par être capturé lors d'un guet-apens (une prétendue réunion de médiation à l'été 923) organisé par Herbert II de Vermandois, lequel le laissera végéter en captivité jusqu'à sa mort en 929.
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