Lundi 26 juillet 2021
Dans le précédent article, nous avons vécu l'avènement des Capétiens avec le règne d'Hugues Capet. A l'époque, le duché de France (dont Paris était la ville principale) avait ses ennemis, les Normands, un peuple de pirates venu de Norvège et du Danemark. Certains, comme Robert le Fort perdra la vie en combattant cet envahisseur tandis que le duc Eudes, lui, chassera les Normands de Paris. Il y aura aussi Charles le Simple, qui permettra aux envahisseurs d'occuper une partie du territoire (cela ne vous rappelle t-il pas ce que nous vivons aujourd'hui?) appelée Normandie. Comme maintenant, il y avait ceux qui défendaient bec et ongle la France (les ducs de France) et ceux qui laissaient faire (les Carolingiens).
Rien n'étant irrémédiable, le duc de France, Hugues Capet, fut élu roi en 987. Avec lui débuta la dynastie des Capétiens, une dynastie qui régnera sans discontinuer sur notre pays jusqu'en 1792. Nous l'avons vu, la France était alors bien plus petite et ne comptait que Paris, Reims, Chartres et Orléans comme villes principales. La féodalité d'alors générait des désordres : ducs et comtes n'obéissaient pas au roi et les seigneurs, grands propriétaires terriens, rejetaient l'autorité des ducs et des comtes. Et tous de guerroyer les uns contre les autres, au point de mettre à mal ce régime féodal bientôt détruit par les rois qui eurent le clergé (l'Eglise) et les communes (associations paysannes) comme alliés. Ainsi, la royauté acquerra t-elle successivement les duchés et les comtés à force de conquêtes, mariages ou héritages.
Après la disparition de Hugues Capet, c'est son fils, Robert II le Pieux qui deviendra le second roi franc de cette dynastie capétienne. Notre homme avait déjà travaillé avec son père sur les questions militaires et sa solide instruction lui facilitera la tâche pour traiter des questions religieuses et politiques. Il parviendra ainsi à maintenir l'alliance avec la Normandie et l'Anjou, et même à conquérir le duché de Bourgogne. Robert II ayant été manifestement plus chanceux en pouvoir qu'en amour (le roi répudiera Rozala son épouse après trois années de mariage, pour prendre Berthe comme femme, puis Constance d'Arles) d'après ce que l'historiographie nous rapporte: le successeur d'Hugues Capet recevra l'enseignement du prélat Adalbéron, l'un des hommes les plus instruits de son temps. L'adolescent tombe gravement malade mais guérit miraculeusement et son père l'associe alors à la gestion du trône en lui confiant les affaires religieuses. Le jeune Robert apparaît peu à peu comme un souverain pieux (d'où son nom) et s'adonne aux arts libéraux, assiste aux synodes des évêques, pardonne à ses ennemis et adresse des dons aux abbayes. Et la Paix de Dieu, partie d'Aquitaine, de se répandre progressivement dans tout le royaume.
L'an mille voit le réveil de l'hérésie et le 11è siècle entame bientôt une série de bûchers hérétiques en Occident (à Orléans, Milan et Cambrai). Dans le cas d'Orléans,on assiste en 1022 à la représentation type de l'hérésie comme dans le cas de ce paysan, Leutard de Vertus qui, en 994, renvoie son épouse, détruit le crucifix et encourage les villageois à ne plus s'acquitter de la dîme. Discrédité par l'évêque local, le paysan se suicidera. Le plus marquant sera le fait que cette hérésie affecte aussi Orléans, cité royale et ville où Robert II a été baptisé et sacré. Autre problème : la persécution des Juifs. En 1007, les Chrétiens souffrent d'une vague de persécution conduite par le Calife de Bagdad Al-Hakim. Robert II accuse alors les Juifs de complicité avec les musulmans (bien qu'ils soient eux-mêmes persécutés). Et spoliations, massacres et conversions de devenir le triste quotidien des Juifs du royaume de France.
Le dernier événement notable du règne de Robert II le Pieux est l'association au trône de son second fils, Henri, malgré les rodomontades de Constance d'Arles, maitresse femme, qui préfèrerait placer Robert, le fils cadet. Henri est en effet considéré comme trop efféminé mais sera malgré tout, et devant l'insistance de Robert II, sacré le jour de la Pentecôte de 1027 à Reims.
Quarante ans de règne se sont déjà écoulés et une certaine agitation politique pointe dans le royaume. Robert II arbitre les conflits et tout rentre dans l'ordre. Pas davantage épargné par ses fils Henri et Robert qui se révolteront à leur tour contre leur père, Robert le Pieux s'éteindra au cours de l'été 1031, à Melun, victime d'une abominable fièvre. Et d'être transporté jusqu'à l'abbaye où repose déjà Hugues Capet, devant l'autel de la Sainte-Trinité.
Robert le Pieux aura régné autour de l'an mil et des peurs qui y étaient associées : les Chrétiens craignaient en effet que Satan puisse agir sur l'Abime et précipite la fin du monde. L'Apocalypse de Saint-Jean ne menace t-elle pas du retour de Satan mille ans après l'incarnation du Christ ? Il faut toutefois tenir compte du fait qu'une infime partie de la population de Francie était lettrée, et d'autre part, qu'aucune preuve écrite de terreur collective ne vienne corroborer cette crainte de l'An mil.
Par ailleurs, comme évoqué en début d'article, on assiste à la fin de la féodalité. Ce régime est alors dominé par un servage qui se rencontre dans la justice. Seuls les hommes libres ont l'accès à cette dernière et les non-libres sont châtiés corporellement (ou défendus) par leurs maitres. Le roi et le prince du 10è siècle utilisent encore le pouvoir judiciaire pour défendre leurs biens et leurs droits.
Economiquement, le 10è siècle est favorable car la seigneurie s'adapte désormais plus rapidement aux raids sarrasins ou vikings. Les pillards ont en effet plus intérêt à s'installer sur un territoire en percevant un tribut contre la tranquillité de la population et commercer plutôt que de passer leur temps à guerroyer. La monnaie viking ainsi frappée par l'occupant est injectée dans l'économie et amorce la croissance. Parallèlement, l'affaiblissement du pouvoir central sous Charles le Simple avait vu de plus en plus d'évêques et de princes battre monnaie. Cette monétisation grandissante va permettre aux paysans de tirer profit de leurs surplus agricoles et d'être motivés pour accroitre leur capacité de production et augmenter leurs surfaces cultivables. Les seigneuries elles-mêmes encouragent défrichages, constructions de nouveaux villages investissements dans des moulins, des pressoirs, des fours et des charrues...Des infrastructures nouvelles (ponts, routes) sont aussi mises en œuvre pour faire face à la hausse des échanges.
Depuis 992, Robert le Pieux exerce la réalité du pouvoir aux côtés de son père Hugues Capet. Les premiers souverains capétiens commencent à renoncer au pouvoir à l'âge de 50 ans environ, par tradition et compte tenu de l'espérance de vie qui est alors de 55-60 ans. A l'image de son père, Robert prendra conseil auprès des ecclésiastiques. Et les chartes de comporter de plus en plus de signatures étrangères à la chancellerie royale traditionnelle, les châtelains (et même de simples chevaliers) se mêlant aux comtes et aux évêques pour la signature. Cette multiplication de signataires issus des châtellenies et des comtés ne se traduit pas par une révolte des châtelains mais par un réseau local tissé autour des abbayes et des évêchés tenus par le roi Robert le Pieux. En ce qui concerne la justice, le souci du roi est de garantir l'équité, la paix et la concorde du royaume, sans oublier d'assurer la mémoire capétienne pour des siècles. Cependant, dans l'affaire de la succession des comtés de Meaux et de Troyes, le roi n'exercera pas son office en vue du bien commun et comprendra son erreur (qu'il ne renouvellera pas).
Le roi Robert le Pieux est-il reconnu et fait-il autorité ? Ce souverain sera en tous cas le premier Capétien à s'aventurer loin au sud de la Loire. Il est aussi reconnu par plusieurs de ses vassaux. En 1010, un comte des Bretons vient même prêter allégeance au roi. Ce dernier reçoit également de nombreuses personnalités et le fait qu'il fasse figurer sur son sceau le globe terrestre montre son intention de rassembler la chrétienté. On avance que des rois étrangers l'honorent de cadeaux et n'ont pas son envergure royale. D'autres témoignages attestent que certaines régions où le roi ne s'est jamais rendu (comme en Languedoc), datent leurs actes de son règne. A contrario, Robert le Pieux n'impose pas son autorité partout et ce roi n'entretiendra pas de rapports très amicaux avec les princes méridionaux.
INFOS PRATIQUES :
- Livre « Robert le Pieux – Le roi de l'an mil « de Laurent Theis (CNRS)