Lundi 23 août 2021
Le vitrail connaitrait-il un nouvel âge d'or ? Le département de l'Aube (10) promeut en tous cas Troyes comme la capitale du Vitrail en y construisant la Cité dédiée à cet art qui ouvrira au printemps 2022. L'Histoire a effectivement fait de ce département français l'endroit le plus riche du pays en la matière aux côtés de la Seine-Maritime, fort des très nombreuses verrières antérieures à la Révolution française et de l'important corpus légué par les ateliers des 19è et 20è siècles. Mieux, l'Aube peut légitimement revendiquer le titre de « capitale européenne du vitrail ».
En tête du classement national avec 9000 m2 de verrières, le département joue en tête au niveau national et la région troyenne était déjà connue pour la richesse de ses vitraux, tant pour l'abondance que pour la qualité de l'offre, au 18è siècle, bien avant les bombardements dévastateurs des dernières guerres. En 1774, Pierre Le Vieil, l'un des premiers historiens de l'art déclarait même : « Il n'est peut-être pas de canton en France qui renferme des vitres peintes aussi précieuses et en si grand nombre que la ville de Troyes en Champagne et ses environs ». Dès le 16è siècle, plus de mille baies seront classées monuments historiques. Et la cathédrale et les églises de Troyes d'afficher à elles seules un éventail exceptionnel des différents styles de vitraux, du 13è au 19è siècle, avec une apogée se situant entre 1480 et 1560. L'âge d'or du vitrail en Champagne reflète alors le dynamisme économique qui reprenait juste après la guerre de Cent Ans. Le pays entame à l'époque une période de reconstruction grâce aux généreux mécènes (nobles, ecclésiastiques, riches bourgeois et corporations), lesquels, soucieux d'assurer le salut de leur âme, offrent de somptueux ornements aux églises : le vitrail, art décoratif particulièrement onéreux, arrive alors en bonne place et n'est d'ailleurs pas l'apanage des édifices religieux puisque bâtiments civils et hôtels particuliers adoptent également cet art, pour preuve ces quarante-cinq pièces réalisées en 1620-1624 par l'atelier des Gontier pour l'hôtel de l'Arquebuse (Troyes) aujourd'hui malheureusement disparu.
La prospérité découlant du vitrail rejaillit durant le 16è siècle sur tout le département de l'Aube, le mécénat rural ayant été aussi actif qu'à Troyes. Les commandes seront ainsi massives de Lhuitre à Ervy-le-Châtel et de Brienne-le-Château à Mussy-sur-Seine et les maîtres verriers devront s'organiser en conséquence pour répondre au mieux à la demande. Ils s'associeront en mettant leurs « cartons » (modèles grandeur nature servant à l'exécution du vitrail). Ces œuvres des années 1480-1560 présentent des caractéristiques particulières, comme par exemple les compositions en « verrières cloisonnées », qui racontent l'histoire d'un saint ou un épisode de l'Ancien Testament à l'aide d'images et d'inscriptions, un peu comme une bande dessinée.
La création de la Cité du Vitrail s'inscrit ainsi dans une vaste politique de politique de valorisation du patrimoine initiée par le Conseil général en faisant progresser la connaissance historique et artistique de ce patrimoine hors du commun, avec pour but de pérenniser l'art du vitrail tout en en faisant un fer de lance du tourisme culturel.
Installée dans l'enceinte de l'Hôtel-Dieu-le-Comte, remarquable construction du 18è siècle fondée par Henri 1er le Libéral, alors comte de Champagne, la Cité du Vitrail proposera au printemps 2022 et sur presque 3000 m2, expositions permanentes et temporaires, ateliers pédagogiques, espaces évènementiels et une riche programmation culturelle et artistique. L'objectif étant de rendre accessible au plus grand nombre les chefs-d'oeuvres de l'art vitré ancien ou contemporain, civil ou religieux, figuré ou abstrait, traditionnel ou novateur, français ou international. Un centre de ressources sera par ailleurs accessible aux étudiants, aux chercheurs et aux historiens...Cette Cité sera une invitation à parcourir un musée à ciel ouvert pour y découvrir des vitraux du 12è au 21è siècle.
Une exposition permanente, répartie sur quatre niveaux, présentera de nombreux chefs-d'oeuvres à la fois anciens et contemporains (dont beaucoup auront été restaurés pour l'occasion) renouvelés de façon régulière grâce à une forte politique d'acquisitions et de prêts. Plusieurs vitraux authentiques seront placés à hauteur du regard lors du circuit de visite et le visiteur pourra dans le même temps profiter d'une visite chrono-thématique divisée en cinq sections, celle-ci permettant d'appréhender de près les mutations de style du Moyen-Âge jusqu'à nos jours :
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Les vitraux médiévaux dans l'Aube et en Champagne (12è et 13è siècle)
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Le 16è siècle, âge d'or du vitrail dans l'Aube et en Champagne
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Le vitrail civil
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Le renouveau du 19è siècle
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La création de l'innovation des 20è et 21è siècles
Une autre salle sera consacrée à un chef-d'oeuvre de taille actuellement en cours de restauration : un vitrail troyen de la fin du 12è siècle représentant la Transfiguration du Christ. D'une rareté absolue, ce vitrail fut acquis en 2018 par le département de l'Aube lors d'une vente aux enchères, à la suite d'une redécouverte fortuite alors qu'il avait disparu depuis le début du 20è siècle.
Point d'orgue de la visite, la chapelle de l'Hôtel-Dieu-le-Comte, entièrement redécorée à partir de 1864, aura d'ici là retrouvé tout son éclat avec le vitrail du choeur, les peintures murales, les boiseries et le mobilier restaurés. Les huit baies de cet écrin patrimonial accueilleront en alternance vitraux monumentaux en lumière naturelle et créations contemporaines.
Si, d'ordinaire, le vitrail apparaît comme peu accessible au commun des mortels, la Cité du Vitrail, elle, s'est donnée pour but de rendre abordable cet art de la lumière à tout un chacun, à travers différents dispositifs (bornes interactives, projections...) répartis dans une scénographie sobre et légère qui met en avant les œuvres présentées et ce, pour susciter l'émotion esthétique chez le spectateur. La seconde priorité étant également d'éveiller la curiosité du public et d'élargir les connaissances sur cet art peu connu. Des cartes et une Route du vitrail inviteront donc à poursuivre la visite dans les édifices du département qui possèdent des vitraux constituant la véritable collection de la Cité.
Pour se faire une idée plus précise de ce que représente le vitrail dans le départemnt de l'Aube et en France, voici quelques chiffres :
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80% des vitraux du monde se trouvent en France
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80% des vitraux français sont au nord de la Loire
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80% des vitraux du nord de la Loire sont en Champagne-Ardenne
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80% des vitraux de la Champagne-Ardenne se trouvent dans l'Aube
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9000m2 de verrières sont antérieures à la Révolution française
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2048 baies sont protégées au titre des Monuments historiques
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1042 baies du 16è siècle et 1439 du 19è siècle correspondent aux deux âges d'or du vitrail de l'Aube
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Des vitraux sont répartis dans plus de 350 églises et édifices publics
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Avec plus de 150 baies créées ces vingt dernières années par de prestigieux ateliers, l'art du vitrail est plus que jamais vivant
C'est au cœur de la ville de Troyes que la Cité du Vitrail a élu domicile, à l'intérieur de l'enceinte de l'Hôtel-Dieu-le-Comte, entre la cathédrale et la basilique Saint-Urbain, des édifices religieux aux vitraux prestigieux. Erigé à l'emplacement de l'ancien hôtel-Dieu fondé en 1157 par Henri 1er le Libéral, comte de Champagne, l'Hôtel-Dieu-le-Comte est l'un des rares édifices troyens de grande taille datant du 18è siècle. Entièrement reconstruit entre 1729 et 1764, il présente alors un plan en forme de U entre cour et jardin. Un escalier d'honneur conduit à l'entrée principale magnifiée en 1776 par l'ajout d'une grille en fer forgé partiellement dorée et réalisée par le serrurier parisien Pierre Delphin. On est impressionné par la sobriété des lignes et l'élégance de la silhouette de ce remarquable ensemble 18ème, actuellement restauré par le département. Quant aux généreux volumes des salles, ils offrent tantôt de belles hauteurs sous plafond baignées de lumière, tantôt des espaces sous charpente en chêne, propices à l'étude et à la contemplation. On y circule aisément et les niveaux sont desservis par un escalier central à rampe en métal et en bois dont on suppose qu'il est d'origine.Un ascenseur permet quant à lui d'offrir un accès aux personnes à mobilité réduite.
Très symbolique de l'endroit, l'Apothicairerie de l'hôtel-Dieu est restée en place depuis le 18è siècle et présente une collection rare de pots en faïence et de boites en bois. Sont aussi conservés quelques beaux ensembles décoratifs, dont un, qui se trouve dans la chapelle et qui a été entièrement redécoré vers 1864-66. En revanche, le cycle de vitraux de la nef a disparu au cours de la Seconde Guerre mondiale, facilitant désormais l'exposition et la confrontation dee vitraux d'époques différentes. Le jardin de la Cité du Vitrail, lui, est accessible à tous. D'une surface de 2800m2 et surplombant les quais du canal de la Haute-Seine il retrouve son esprit hospitalier du 19è siècle. Le département de l'Aube y entreprend pour sa part des travaux d'embellissement (plantations, restauration du mur d'enceinte, accès PMR...)
En conclusion, et pour résumer l'importance patrimoniale de la Cité du Vitrail, voici quelques chiffres :
- Près de dix siècles d'histoire du vitrail (du 12è au 21è siècle) exposés sur un même site
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16 millions d'euros financés par le département de l'Aube, maitre d'ouvrage de l'opération avec le soutien de la Ville de Troyes (à hauteur d'un million d'euros)
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50000 visiteurs attendus dès la première année
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Un jardin historique restauré de 2800 m2
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1000 m2 d'expositions (permanentes et temporaires)
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160m2 d'ateliers pédagogiques pour enfants et adultes
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150m2 dédiés à l'étude du vitrail par les chercheurs et les professionnels
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130m2 dédiés à la documentation et aux ressources sur le vitrail
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160m2 destinés à l'accueil (billetterie, librairie-boutique, bornes informatives, espace groupes...)
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130m2 d'espace événementiel
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