Lundi 28 mars 2022
Fils de Philippe VI et de Jeanne de Bourgogne, Jean II le Bon succède à son père de 1350 à 1364 et devient ainsi le second roi de France issu de la maison capétienne de Valois. Le souverain, sacré le 26 septembre 1350 à Reims, entame un règne difficile compte tenu de la défiance du pays envers les Valois, la branche cadette des Capétiens qui accéda au trône après le décès de Charles IV (lequel ne possédait pas de descendant). La nouvelle dynastie a fort à faire pour gouverner le royaume alors que le pays est confronté à la crise de la féodalité, à des cinglantes défaites du début de la guerre de Cent Ans et à la grande peste. Celle-ci échoue aussi à faire rentrer l'impôt, d'où le recours des deux premiers Valois aux mutations monétaires pour renflouer le trésor.
Ces manipulations monétaires, qui entraineront des dévaluations très impopulaires, compliqueront la tâche du souverain. Jean II le Bon est de santé fragile, a peu d'activités physiques, évite la joute mais pratique la chasse. Sensible et émotif, au point de pouvoir devenir violent (ce qui lui vaudra quelques déboires diplomatiques), il aime les livres et prend sous son aile peintres et musiciens. Son image de roi chevalier date de sa conduite héroïque à la bataille de Poitiers, de la création de l'ordre de l'Etoile (ordre de chevalerie fondé par Jean le Bon en 1351) et de la création du franc. La nécessité politique guidera donc ses actions afin de prouver plus que tout la légitimité de la couronne. Dès son plus jeune âge, il évolue dans un monde d'intrigues et de trahisons, d'où sa méfiance et son choix de gouverner dans le secret, entouré seulement de quelques personnes familières. Lors de sa prise de pouvoir, la guerre de Cent Ans connait alors une période de trêve depuis la grande peste de 1349. La première partie de cette guerre a nettement tourné à l'avantage des Anglais. Le pouvoir des Valois étant largement contesté, Edouard III et Charles II de Navarre revendiqueront bientôt la couronne de France mais Jean le Bon les prend de court par son intronisation rapide en 1350. Le même jour, 400 nouveaux chevaliers sont également intronisés pour se mettre au service du nouveau souverain, lequel choisira l'aigle pour emblème, qui est aussi celui de son saint patron, Jean l'évangéliste.
Les conséquences démographiques de la grande peste entrainent une raréfaction de la main d'oeuvre et des denrées alimentaires. Afin d'éviter les effets néfastes de l'inflation, le roi bloque les prix et les salaires en votant une ordonnance qui interdit également la mendicité car l'inactivité aggrave la pénurie de main-d'oeuvre, sans compter que les vagabonds peuvent être à tout moment recrutés dans des bandes de mercenaires qui sévissent dans le royaume. Le roi Jean le Bon permet à tout un chacun de s'établir comme artisan à Paris, brisant ainsi le système des corporations et limitant aussi la hausse des prix. Il est interdit aux ouvriers de fréquenter les tavernes les jours ouvrables et de quitter leur atelier pour chercher ailleurs un meilleur salaire. Une autre ordonnance votée en 1367 contraindra les chômeurs à réparer les fossés sous peine d'être fouettés. Les vagabonds, eux, seront criminalisés. Jean le Bon réorganise enfin l'armée, qui a été vaincue à Crécy. Et l'argent des impôts de servir à financer une armée valeureuse et efficace, en évitant notamment les défections sur le champ de bataille et les pillages une fois la paix revenue.
Autre réalisation du souverain : l'ordre de l'Etoile. A une époque où la féodalité connait la crise, et où la noblesse voit fondre ses revenus fonciers à la suite des nombreuses dévaluations, le cens (impôt), lui, est à montant fixe. Or, le statut de noble va de paire avec largesses et entretien d'une masse importante de dépendants. Le roi craint qu'avec le temps, cette noblesse désargentée ne rejoigne Edouard III et le camp anglais, lequel leur proposera une rente en échange de leur ralliement. En effet, Edouard III a déjà créé l'ordre de la Jarretière, ordre de chevalerie britannique dont les membres, chevaliers compagnons, jouissent de préséances et de privilèges. Et de créer à son tour l'ordre de l'Etoile qui procure à ses chevaliers membres une solde. On y promeut l'idéal chevaleresque et le sentiment de l'honneur, et l'on fait passer le mérite avant la naissance et la fortune. Le souverain s'efforce également de rassembler tous les hommes de guerre soldés, en augmentant la solde des soldats placés dans des compagnies dirigées par des capitaines. Enfin, Jean le Bon suspend la dette durant la trêve au prétexte de constituer un trésor de guerre en cas de reprise des hostilités.
Des Etats généraux ont lieu en 1355 et 1356 afin d'aborder le financement de la couteuse armée envisagée : la simplification du calcul de l'impôt pour le rendre plus efficace s'avère vaine, car les impôts ne rentrent toujours pas. La monnaie est à nouveau dévaluée, et les rentes et loyers diminuent au grand désespoir de la bourgeoisie, de la noblesse et des prélats. Echaudés par les mutations successives, les Etats généraux font preuve d'une grande méfiance tout en acceptant de lever une taxe sur les transactions commerciales à condition de pouvoir en surveiller la mise en œuvre. En effet, à la suite des chevauchées du Prince Noir en Languedoc et du duc de Lancastre en Artois, les Etats généraux ont pris conscience de la nécessité non seulement de lever une armée mais aussi de financer des garnisons pour protéger les villes.
A l'été 1356, le Prince Noir renouvelle ses pillages sur le sol français. La bataille de Poitiers prend place le 19 septembre : le roi Jean le Bon tente d'intercepter l'armée anglaise, mais finit par être capturé, lui, son fils Philippe et d'autres chevaliers français. Sans souverain à sa tête, le royaume de France est alors dirigé par le dauphin Charles, héritier du trône. Lequel devra affronter la grande jacquerie de 1358, deux ans avant la signature du traité de Brétigny qui marque le terme de la première phase de la guerre de Cent Ans.
Durant sa détention à Londres, Jean le Bon a pu mesurer les bienfaits d'une monnaie forte. Et de créer le franc une fois de retour à Paris. Il s'agit là d'une monnaie forte, conforme aux souhaits des Etats généraux, qui symbolise un geste politique envers notamment des Etats généraux auxquels le souverain ne rend pas de comptes. Après la création du franc, le souverain imposera une baisse du nombre de fonctionnaires. La France est alors saignée pour payer le premier versement de la rançon exigée des Anglais : une taxe de 5% prélevée sur tous les échanges est instituée mais celle-ci n'affecte pas la noblesse. Seuls le commerce, l'agriculture et l'industrie sont redevables de ce nouvel impôt et l'économie nationale est alors durement ralentie. Autre poids sur les épaules du royaume : les grandes compagnies, composées de mercenaires démobilisés par la trêve, mercenaires qui mettent le pays en coupe réglée, vivent toujours aux frais de la population. En occupant ainsi les places fortes et en contrôlant les voies de communication, ces compagnies pèsent sur les échanges commerciaux.
Allant de désastre en désastre dans un pays ruiné et à feu et à sang, le roi Jean le Bon finit par se rendre auprès du pape Innocent VI, l'ancien conseiller de son père Philippe VI. Il compte lui demander de l'aider pour rembourser sa rançon mais le pape décède entre temps et son successeur, Urbain, très économe de nature, ne lui accordera de l'argent que pour financer une nouvelle croisade contre les Turcs. Finalement, Jean le Bon adhère au projet et en informe les Etats généraux fin décembre 1363. Bien que le pays soit dans un triste état, le souverain laisse à son successeur, Charles V, une monnaie stabilisée, une administration plus efficace grâce à la mise en place de la politique des apanages et un impôt qui a été voté. Avant son départ en croisade, Jean le Bon tient toutefois à regagner Londres pour renégocier le traité de Brétigny. Il mourra sur place le 8 avril 1364, et son corps sera restitué à la France.
INFOS PRATIQUES :
- Livre « Jean II le Bon » de Georges Bordonove (Pygmalion).