Lundi 18 juillet 2022
Mars 2022 : un beau soleil brille depuis quelques jours sur la Bretagne et l’appel du large ne tarde pas à ma gagner. Je prends ma voiture et mets le cap sur Erquy et la baie de Saint-Brieuc. Prendre l’air, enfin, après des mois de grisaille et de pluie.
En ce dimanche midi, je ne rencontrerai pas beaucoup de réginéens et réginéennes sur mon chemin. Ce nom des habitants d’Erquy proviendrait de Reginea, une ancienne cité gallo-romaine identifiée à tort par des historiens du 19ème siècle , qu’ils crurent voir figurer sur d’anciennes carte à l’emplacement d’Erquy. Cela n’entame en rien la richesse patrimoniale de ce bourg érigé au XIIème siècle autour de l’église et d’une motte féodale, qui élira sa première municipalité en 1790. Et voici qu’est abordée la légende de Nazado, ville légendaire et engloutie des Côtes d’Armor située vers Erquy. Son emplacement reste incertain mais, à force de recherches, je découvre que plusieurs villages et villes auraient disparu sous les eaux, lors de la fin du dernier âge glaciaire il y a 12 000 ans. Rien d’étonnant à cela car la nature reste toujours la plus forte. Et les Costarmoricains de se rappeler de la cité de Nazado engloutie au large d’Erquy (alors simple hameau) lors de la fonte des glaces. Certains racontent même que les femmes de Nazado, d’une grande beauté, avaient la peau si fine qu’on pouvait y voir couler le vin dans leur gorge.On raconte même que les officiers délaissaient leur poste pour leur faire la cour, ce qui entrainera une colère divine allant jusqu’à déchainer les flots contre la cité.
Pour l’heure, je suis fidèlement mon GPS qui doit me conduire à la plage de Lourtuais. Situé en limite Est de la baie de Saint-Brieuc, le Cap d’Erquy pointe vers le large ses rochers déchiquetés de grès rose, des rochers insérés dans une série géologique datant d’il y a 460 millions d’années. Le fameux grès rose d’Erquy affleure sous un relief mouvementé où les paysages se renouvellent sans cesse, formant une mosaïque de milieux naturels aussi variés que les plages, falaises, landes, dunes, bois et marais. Site classé depuis 1978 et propriété du département depuis 1980, le Cap d’Erquy est intégré au site Natura 2000 Cap d’Erquy/Cap Fréhel.
Le lieu est idéal pour marcher car plusieurs sentiers ont été aménagés à cet effet, même s’il est (fortement) conseillé de regarder où l’on met les pieds à cause des pierres saillantes qui juchent ici et là les sentiers. Près du parking, un panneau d’information offre une carte du littoral mentionnant le Cap d’Erquy, et les différents sentiers balisés disponibles (on en compte cinq) avec, pour chacun d’entre eux, la longueur du sentier (en km) et le temps moyen nécessaire pour le parcourir (en heure et minutes). J’aperçois également l’existence d’un Chemin d’interprétation familiale (sentier des Carriers).
Ces paysages déshérités offrent malgré tout une surprenante richesse et les landes sont le refuge de nombreux oiseaux qui y trouvent abri et nourriture. Je croise plusieurs plantes fleuries lors de ma promenade, des plantes qui doivent s’adapter à de rudes conditions de vie imposées par les éléments : le vent, plus ou moins chargé d’embruns, la qualité nutritive des sols, leur humidité, la nature géologique des lieux, la température et l’orientation...
Différentes espèces de bruyères prennent racine en fonction de l’humidité des lieux. En ce qui me concerne, je trouverai surtout de l’aubépine, des petites marguerites, des violettes et des ajoncs sur mon chemin. Quelques centaines de mètres avant la plage de Lourtuais, je découvre à ma droite et un peu en retrait du chemin une petite chapelle avec la statue de la Vierge. Il s’agit de Notre-Dame des Bruyères, des coteaux et des bois. A quelques mètres de là, se trouve un lavoir. Ladite chapelle est en fait une fontaine communale de dévotion (ci-dessous).
De là, j’emprunte un petit sentier qui mène en haut d’une falaise histoire de profiter d’une vue panoramique sur les environs. Arrivé au sommet de la falaise, je porte mon regard sur la plage de Lourtuais (à ma droite) et la pointe du Cap d’Erquy (à ma gauche). Le ciel est bleu, le soleil brille et le seul bémol à cet instant magique est ce vent froid, presque glacial, qui souffle sur la lande en ce mois de mars. Je mesure l’extrême beauté de l’endroit labellisé « Grand Site de France » en 2019. Quelle belle récompense pour cet espace de 171 hectares qui fait partie des paysages exceptionnels de Bretagne.
Erquy ne se résume pas à son cap, aussi magnifique soit-il, et son passé mentionne quelques faits marquants :
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L’éperon barré témoigne d’une occupation humaine remontant au début de l’âge de fer. Cet abri précaire, isolé des invasions terrestres, servait autrefois de refuge aux populations locales.
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Parfois rencontré lors des randonnées, et construit au XVIIIème siècle sur les côtes bretonnes, le corps de garde (dont un édifice restauré subsiste encore au-dessus de l’anse de Port-Blanc, au sud de la pointe d’Erquy) aidait à surveiller la mer et à donner l’alerte en cas d’attaque de l’ennemi. Un four à rougir les boulets, bâti à proximité, devait alimenter une batterie de canons pour incendier les navires assaillants.
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La Garenne d’Erquy formait au Moyen-Âge un vaste espace de landes défriché et pâturé par les troupeaux des paysans qui possédaient un droit de pâturage. Ce n’est qu’après la révolution que cette terre deviendra propriété communale avant d’être vendue.
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Des carrières familiales artisanales s’ouvriront au-dessus du village de « Tu es Roc », et exploiteront le grès rose vers la pointe du Cap. L’activité devient bientôt industrielle et fait d’Erquy, dès la fin du XIXème siècle, le fournisseur de pavés des grandes villes du nord de la France et de Paris. Et l’exportation du grès par voie maritime d’entrainer d’importantes transformations du port d’Erquy.
Je ne m’attarderai pas une fois mes photos prises sur ce Cap d’Erquy pourtant magnifique, et prends la direction de la baie de Saint-Brieuc. Enfant, j’ai vécu à la Ville-Ginglin, désormais voué à former l’un des nombreux quartiers de la préfecture des Côtes d’Armor. Et Le Légué, lui, n’avait pas de secrets pour moi. Ces derniers temps, la simple évocation de la baie de Saint-Brieuc suggère l’installation prochaine de dizaines d’éoliennes disgracieuses dans une baie superbe alors que l’endroit abrite une réserve naturelle. En me rendant sur leur site (www.reservebaiedesaintbrieuc.com), j’apprendrai que l’histoire de cette baie a commencé il y a environ 600 ou 700 millions d’années, que la baie elle-même appartient à une ancienne chaine de montagne dite cadomienne, laquelle abrite certaines des plus anciennes roches de France.
J’atteins bientôt Hillion, petite commune à quelques encâblures de Saint-Brieuc, qui a très tôt bénéficié d’une présence humaine (au Néolithique, puis à l’âge de bronze) d’après les nombreuses recherches effectuées sur place et qui ont permis de mettre à jour couteaux, grattoirs, pointes de flèches, haches de bronze... A la suite de la victoire des Romains sur les Vénètes en 56 avant J.C, la civilisation romaine va se substituer à la civilisation gauloise. Il ne me faudra que quelques minutes pour atteindre la partie de la baie située sur Hillion et appelée Anse d’Yffiniac (ci-dessous en photo). Je gare alors mon véhicule à la cale de Saint-Guimont.
Zones humides d’intérêt international, les anses d’Yffiniac et de Morieux sont classées en Réserve naturelle nationale depuis 1998 sur une superficie de 1140 hectares. La Réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc a pour mission de protéger, gérer et faire découvrir ce patrimoine naturel. L’anse où je me trouve étant abrité des vents marins, je suis surpris en ressentant des températures (presque) tropicales en ce dimanche après-midi.
Je comprends mieux pourquoi, chaque hiver, quelques 30 000 oiseaux épuisés après un long voyage se posent en baie de Saint-Brieuc pour se reposer et s’alimenter. Je n’apercevrai aucune éolienne lors de ma visite et me contenterai d’arpenter une partie du sentier du Grand large, long de 7,2 km (prévoir trois heures de marche). Sur la presqu’île d’Hillion, ce sentier de grande randonnée en forme de boucle est un véritable balcon sur la baie, et longe le littoral sur l’essentiel de son tracé. En partant de la cale de Saint-Guimont, on admire au passage l’anse d’Yffiniac, zone de balancement des marées peuplée d’oiseaux migrateurs, puis de l’autre côté, l’appel du grand large après le passage des pointes du Grouin et des Guettes. Ce sentier pédestre est somme toute réputé comme difficile et requiert un certain entrainement.Sur cette zone, les oiseaux sont nombreux : les limicoles sont repérables d’octobre à mars tandis que les anatidés (oies, canards,cygnes) débarquent de février à novembre.
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