Jeudi 15 septembre 2022
Je pars aujourd’hui en promenade à Giverny, accompagné de Soraya et de sa maman, Armandine. Qui n’a pas déjà entendu parler de Claude Monet et de sa passion pour le jardinage ? Lorsque le célèbre peintre s’installe à Giverny, le 29 avril 1883, il ne tarde pas à aménager le Clos Normand, puis le Jardin d’Eau, deux jardins originaux créés grâce aux conseils avisés de son entourage. Tombés peu à peu dans l’oubli, ces espaces naturels seront restaurés en 1977, puis ouverts au public en 1980. Et d’offrir, d’avril à octobre (période d ‘ouverture de l’endroit au public), une succession de floraisons remarquables, une expérience unique qui permet de pénétrer au coeur même de l’imaginaire du peintre.
Nous ne sommes qu’à moins d’une heure trente de notre destination depuis la capitale. Je suis impatient de découvrir enfin ce petit paradis à trois kilomètres de Vernon, dans le village de Giverny niché au pied d’une colline dont les flancs sont couverts de vignes et de vergers.
Lorsque Claude Monet signe son bail de location en 1883, l’artiste décrira la maison du « Pressoir » comme sa patrie et son port d’attache. Il y passera d’ailleurs le restant de sa vie.
L’existence de Claude Monet sera particulièrement difficile au moment où l’artiste tentera d’imposer sa peinture, entre périodes de misère, critiques acerbes et drames familiaux.
Son installation à Giverny, la veille du décès de son ami Manet, lui apportera un réconfort salvateur, entre présence de l’eau, beauté des paysages ruraux de la vallée de la Seine et rythme marqué des saisons.
Cet havre de paix permettra à Claude Monet de couler des jours heureux autour d’une famille recomposée et de ses amis.
Comme les jardins, la maison a elle aussi a été restaurée et ouvre désormais ses portes aux visiteurs : on y découvre l’univers dans lequel le peintre et sa grande famille vivait.
Le rez-de-chaussée abrite ainsi le salon bleu (ou salon de lecture) qui laisse la place à un atelier primitif transformé en salon le jour où Monet installera un nouvel atelier à l’extérieur de la demeure.
Non loin de là, se trouve la salle à manger (première photo ci-dessous), aux deux tons de jaune, comme du temps de Monet. C’est là que se dresse un rituel bien établi, lorsqu’à 11h30 précises, tout le monde se retrouve dans la salle à manger ornée de céramiques et d’une foule d’estampes japonaises témoignant de l’engouement que le peintre partage avec ses amis impressionnistes pour le Japon.
Quant à la cuisine (deuxième photo), lieu central de la maison, elle est recouverte de carrelage bleu de Rouen et est équipée des critères de modernité de l’époque.
On dit au passage que la table de Claude Monet ne souffrait aucune négligence par le côté exceptionnel des mets concoctés par Marguerite, la célèbre cuisinière.
Au premier étage, les chambres du peintre et d’Alice donnent, chacune, sur un cabinet de toilette.Toujours à l’étage, se trouve la chambre de Blanche Hoschedé-Monet (troisième photo), qui est ouverte au public depuis 2014.
En 1867, le Japon participe officiellement pour la première fois à l’Exposition Universelle de Paris. Et l’abondante présentation des objets usuels japonais de trancher à l’époque avec l’éclectisme qui prédomine alors dans les arts décoratifs européens.
On assiste ainsi à l’apparition de formes simples, de décors réduits au trait et de matières travaillées au plus près comme pour la céramique.
Une centaine d’estampes contemporaines déclenchent aussi une vraie passion pour le pays du Soleil Levant.
Aujourd'hui, la collection de Claude Monet recense 46 estampes de Kitagawa Utamaro, 23 de Katsushika Hokusai et 48 d'Utagawa Hiroshige, soit 117 sur les 211 exposées auxquelles s'ajoutent 32 numéros en réserve.
Trois chefs-d'oeuvre figurent parmi les œuvres de ces artistes : le premier, « Le Maquillage », est exposé dans la salle à manger, le deuxième, « Sous la Vague au large de Kanagawa », toujours dans la salle à manger et le troisième, « Ohashi, l'averse soudaine à Atake », figure dans le vestibule de l'entrée, juste avant de pénétrer dans le salon bleu.
On pense que la collection d'estampes du célèbre peintre a bénéficié des conseils de deux amis japonais habitués de Giverny : le marchand Tadamasa Hayashi et le collectionneur Kojiro Matsukata.
Claude Monet fera aussi partie d'un cercle formé par les collectionneurs qui se retrouveront souvent chez Samuel Bing pour y découvrir les derniers arrivages d'estampes. Ainsi la passion qu'éprouve Claude Monet pour le Japon de se retrouver dans son jardin à travers les plantes que ses amis lui adressaient, devient évidente lorsque, durant sa promenade, le visiteur aperçoit iris, pivoines, lis mais également chrysanthèmes, prunus, hortensias et autres azalées japonaises aux coloris plus intenses ou plus nuancés que ceux de la flore occidentale.
De là où il se trouve désormais, Claude Monet doit admirer l'oeuvre des dix jardiniers qui s'activent tel qu'il le faisait en son temps.
S'il revenait il pourrait encore, en fonction des saisons, retrouver ses chères plantes associées en fonction de leurs coloris, puis se rendre à son jardin d'eau et franchir le pont japonais.
L'hiver ne prépare t-il pas le printemps ? On s'affaire alors à retourner la terre, et à replanter bulbes et rhizomes à floraison printanière.
Janvier pointe bientôt le bout de son nez et rappelle que le temps des transplantations de bisannuelles (soit 180 000 bisannuelles et vivaces) comme les pensées, silènes, myosotis, campanules à grosses fleurs, ravenelles et giroflées. La taille des rosiers s'imposera vite en février si l'on veut qu'ils fleurissent au mois d'août. Du côté du Jardin d'Eau, on s'occupe des nymphéas.
Mars cède la place à l'aubriète pourpre, puis à la floraison du pommier sauvage. Avec avril, les visiteurs sont de retour au moment où cerisiers et pommiers rivalisent de floraisons dans le style nippon.
Les jardiniers débordent d'activités entre taille des rosiers remontants, palissage des plantes grimpantes, repiquage des fleurs vivaces issues des pépinières et désherbage manuel des plates-bandes.
Le mois de mai fait triompher les vivaces modestes ou nobles aux côtés des iris, clématites, rosiers et chèvrefeuilles pendant que les orchidées attendent patiemment d’êtres rempotées pour trôner dans la maison.
Le Jardin d'Eau resplendit de lumière et la nature reprend son souffle : rhododendrons, azalées, érables du Japon et viornes obiers composent pour l'heure un abri idéal pour les pensées, giroflées, aspérules odorantes et tulipes.
Dans les deux jardins, dès qu'une fleur est fanée, on la retire.
Aux bulbes succèdent les annuelles rustiques et semi-rustiques. L'été arrive très vite et le début du mois de juin ravit les amateurs de jardin bleu et mauve, puis la saison évolue vers les rouges flamboyants et roses vifs avec pavots d'Orient, pivoines et rosiers.
C'est le moment où les arceaux de la grande allée croulent sous les roses tandis que le pont japonais disparaît presque sous les glycines et que les nymphéas démarrent leurs floraisons.
Juillet s'ouvre avec les roses trémières, les pieds-d'alouette et les cléomes au parfum envoutant. Place aux grandes plantes, hautes sur tige et aux reines-marguerites.
Les jardins atteindront leur apogée en août au moment où fougères et grands bambous baignent le Jardin d'Eau, recréant ainsi l'illusion d'un paysage japonais.
Septembre et octobre feront place aux premiers tournesols avec leurs généreux disques solaires.
Les plates-bandes, elles, sont garnies de dahlias cactus, et les cosmos en fleurs offrent des tons roses et blancs. Le rouge et l'orange dominent dans la grande allée et les asters font la joie des massifs dans de multiples couleurs, avant que l’hiver ne reprenne ses droits quelques semaines plus tard.
INFOS PRATIQUES :
- Maison et Jardins Claude Monet-Giverny, 84 rue Claude Monet, à Giverny (27). Tél : 02 32 51 28 21. Du 19 mai au 1er novembre, ouvert tous les jours. Réservation conseillée. www.claude-monet-giverny.fr
-
Parkings gratuits (dont un petit en face de la maison, et le second à 10 mn de marche).
-
Mieux vaut ne pas craindre la foule sur place car les visiteurs sont nombreux, ce qui casse le charme de l’endroit. Il est dommage qu’aucun plan-guide ne soit remis à l’entrée afin d’aider le visiteur dans sa découverte de ce lieu. La création d’une application d’aide à la visite serait également la bienvenue.