Lundi 24 juillet 2023
Jusqu’au 6 novembre prochain est présentée l’exposition « Louis XVI, Marie-Antoinette et la révolution. La famille royale aux Tuileries 1789-1792 », aux Archives nationales. Par cet événement, cette vénérable institution souhaite éclairer d’un jour nouveau la période méconnue qui a suivi les évènements de 1789. Le public est donc invité à venir admirer une centaine de documents, tableaux, gravures et plusieurs éléments de mobilier et de saisir l’opportunité qui lui est offerte de s’immerger dans le quotidien de la famille royale, depuis son départ de Versailles pour les Tuileries jusqu’à la chute de la monarchie.
Ces mille jours, riches en évènements politiques, sont bien représentés dans les archives et l’iconographie. Les visiteurs découvrent ainsi le précieux journal de Louis XVI ouvert aux pages des années 1791-1792, mais également son manifeste politique aux Français du 20 juin 1791, un portrait de la reine exposé de manière rarissime et les échanges épistolaires secrets entre Marie-Antoinette et le comte de Fersen. Notons que c’est la première fois que ces lettres codées et chiffrées sont révélées au grand public. L’ensemble aboutissant à l’un des moments les plus fascinants de notre histoire de France, la fin d’un règne et la naissance d’un monde nouveau.
Le parcours de l’exposition comprend six parties :
De Versailles aux Tuileries (juin à octobre 1789)
En 1789, cela fait déjà un siècle que Versailles abrite la résidence du roi, de sa famille, de ses ministres et de ses courtisans.
D’un côté, Marie-Antoinette (et son goût pour les fêtes et la mode) cristallise les oppositions, tandis que le royaume de France souffre d’une grave crise politique et financière. Alors que les Français attendent des réformes, tout s’emballe le 5 mai 1789, date à laquelle Louis XVI est contraint de convoquer les Etats généraux.
L’été explosif va voir éclater les premiers coups de tonnerre de la révolution, entre le 20 juin (Serment du Jeu de Paume) et le 14 juillet (Prise de la Bastille), et du 9 juillet (Assemblée nationale constituante) au 26 août (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen).
Certains princes, plus avisés que d’autres commencent à quitter Versailles pour se réfugier à l’étranger dès juillet, tandis que le couple royal semble s’accrocher au quotidien.
Tout se précipite le 5 octobre 1789, avec l’invasion du château par un groupe insurrectionnel de femmes, armées de piques et de fusils, et venues de la capitale pour réclamer du pain et le retour du roi à Paris. La foule envahit l’Assemblée et campe devant le château.
Au matin du 6 octobre, deux gardes du corps sont assassinés, les émeutiers pénètrent dans les appartements royaux et Marie-Antoinette échappe de peu au massacre. Louis XVI accepte alors de quitter Versailles avec les siens. Sa voiture est précédée par le cortège des émeutiers exposant au bout de piques les têtes des gardes tués le matin même. A neuf heures du soir, le roi arrive aux Tuileries, à l’ancien château de Catherine de Médicis (qui fut détruit lors de la Commune de Paris de 1871), endroit qui devient dès lors le lieu de résidence de la famille royale jusqu’au 10 août 1792. Paris a désormais mis le monarque sous surveillance et le temps de « la douceur de vivre » du roi et de la reine est bel et bien révolu.
La Cour aux Tuileries
C’est à l’intérieur d’une pièce imposante que le visiteur découvre la deuxième partie de cette exposition : mobilier précieux, dessins et documents d’archives y sont exposés dans une mise en scène audacieuse imbriquant activités publiques et intimité d’une famille désormais sous surveillance.
Du 6 octobre 1789 au 10 août 1792, le château des Tuileries à Paris redevient un lieu de pouvoir où s’exerce l’autorité du monarque et la résidence familiale de Louis XVI et de Marie-Antoinette.
De confortables espaces intérieurs sont aménagés pour loger la famille royale mais aussi tout le personnel de la Maison du roi : premières femmes de chambre de la reine et premier valet de chambre du roi, gouvernante des enfants de France, et tout le petit personnel encore nombreux malgré les réformes.
Ainsi s’organise le quotidien, autour d’une étiquette certes très allégée qui préserve toutefois le lever du roi et la messe de midi. A l’extérieur, la Garde nationale parisienne assure la sécurité (ou plutôt la surveillance) des occupants du château et des alentours.Créée le 14 juillet 1789, cette garde sera commandée par le marquis de La Fayette jusqu’en octobre 1791. Les gardes du corps (à l’exception des Suisses) sont licenciés par l’Assemblée en juin 1791 et les régiments étrangers supprimés. Un couvre-feu débute dès la fin du coucher du roi, vers 23h00. En contrepartie de son acceptation de la Constitution en septembre de cette même année, le roi obtient une garde constitutionnelle qui n’aura toutefois qu’une existence éphémère. Au fil du temps, les Tuileries passent d’un statut de résidence forcée...à un lieu d’enfermement.
Les sorties sont rares, voire impossibles, hormis les promenades dans le jardin des Tuileries et un séjour à Saint-Cloud durant l’été 1790. Ce sentiment d’insécurité et de captivité pousse la famille royale à tenter une évasion dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, la célèbre fuite à Varennes. D’autres projets d’évasion sont par ailleurs évoqués par l’exposition, certains fictifs, d’autres réels.
Le pouvoir politique
Bien seul face à l’Assemblée, Louis XVI, qui voit s’échapper son pouvoir absolu, entre correspondance avec les députés et projets d’évasion fictifs ou réels, doit affronter la lame de fond révolutionnaire.
Quelques centaines de mètres seulement séparent le château des Tuileries de l’Assemblée où siègent les députés de la Constituante (juin 1789- septembre 1791) puis de la Législative (octobre 1791 – août 1792).
Le roi, qui a été élevé dans l’idée qu’il est le représentant de Dieu dans la Nation et que tous les sujets sont ses enfants assiste impuissant à l’agonie de la monarchie absolue. Et c’est à contre-coeur qu’il accepte la Constitution de 1791, les deux pouvoirs celui du roi et celui de l’Assemblée tentant de cohabiter pendant presque trois années : les lois et les décrets votés par les députés bouleversent considérablement le paysage politique, heurtant même au passage la conscience de Louis XVI, à l’image de la constitution civile du clergé.
L’absence de protocole qui régit les relations du roi avec ses interlocuteurs ne décourage pas Louis XVI qui entend conserver « l’essentiel » de sa souveraineté, comme en témoignent les rares mémoires ou brouillons de discours où il exprime ses opinions. Soupçonné de double jeu politique par le peuple, et critiqué pour son indécision, le couple royal est de plus en plus moqué sous la forme de virulentes caricatures, alors que la rumeur colporte des projets d’évasion à l’étranger : la fameuse nuit du 20 au 21 juin 1791, la famille royale parvient effectivement à s’échapper des Tuileries pour rejoindre la place forte de Montmédy. Arrêtée à Varennes, elle est reconduite à Paris le 25 juin. La correspondance de Marie-Antoinette mentionne aussi d’autres projets d’évasion (dont celui proposé au roi par le comte de Fersen en février 1792). Dans le même temps, des rumeurs d’une fuite du roi, avant et après Varennes, émeuvent momentanément les Parisiens, même si la plupart de ces rumeurs sont fausses.
La scène internationale
Piégés dans la tourmente révolutionnaire, les souverains et leurs proches entretiennent une correspondance secrète avec l’étranger. Cette quatrième partie de l’exposition dévoile pour la première fois une dizaine de lettres témoignant d’échanges clandestins entre Marie-Antoinette et le comte de Fersen. En effet, pendant son séjour aux Tuileries, la reine échangera avec le député Barnave, et le roi, avec Mirabeau, qui deviendra son conseiller politique.
Des échanges épistolaires révélés en novembre 1792 grâce à la découverte de l’armoire de fer, un coffre-fort installé dans le château des Tuileries, et dont la teneur à la fois amoureuse et politique, notamment en ce qui concerne la correspondance entre Marie-Antoinette et le comte suédois Axel de Fersen, ne manquera pas d’attirer l’attention. Leurs lettres voyageront ainsi de Paris à Bruxelles par la poste ou via des messagers, dans des colis, des cartons à chapeau ou des boites de thé ou de biscuits, entre juin 1791 et le 10 août 1792. La plupart de ces lettres ont été détruites ou ont disparu du vivant de la reine mais une partie d’entre elles a rejoint les archives du baron de Klinckowström qui les publiera en 1877. Après leur rachat par la France, en 1982, cette soixantaine de missives secrètes, conservées aux Archives nationales, ont suscité l’intérêt des scientifiques.
On découvre alors que ces lettres furent rédigées à l’encre sympathique ou codées avec un chiffre complexe, tandis que d’autres comportent un texte masqué par un caviardage, une technique sophistiquée d’oblitération à l’encre noire. Un caviardage dont les scientifiques sont parvenus à décrypter les clefs en 2015. L’exposition présente ces opérations de chiffrement complexes par la reine et de déchiffrement par le comte de Fersen, via un dispositif audiovisuel inédit.
Ces recherches scientifiques REX permettront de lire le texte dissimulé sous les caviardages apparaissant dans plusieurs lettres de Marie-Antoinette, sans pour autant altérer l’original. On fit pour cela appel à des chercheurs ingénieurs chimistes de formation, à des spécialistes en écriture ancienne et à un scanner dernière génération XRF utilisant la micro-fluorescence sous rayons X.
A cette époque, l’Europe s’inquiète des conséquences de la Révolution en France et de sa contagion qui menace les monarchies absolues. Louis XVI et Marie-Antoinette ont effectivement des liens de famille et des alliances diplomatiques avec plusieurs souverains européens (Espagne, Autriche, Pays-Bas autrichiens, royaume des Deux-Siciles,Piémont et principauté-archevêché de Cologne) et en espèrent le soutien.
Les puissances du Nord (Prusse, Russie et Suède) sont les plus promptes à intervenir, et une déclaration de soutien à la monarchie française est signée entre l’Autriche et la Prusse en juillet 1791, suivie par le traité de Berlin en février 1792. Mais Louis XVI ne veut pas d’intervention extérieure, tout en entretenant une diplomatie secrète avec le baron de Breteuil pour obtenir le soutien des puissances étrangères.
Les nobles et adversaires de la Révolution les plus prévoyants ont quant à eux commencé à émigrer le 14 juillet 1789. Certains se rassemblent à Worms, à Bruxelles et à Coblence, où les frères du roi, les comtes d’Artois et de Provence, réorganisent une petite cour, signant des actes de gouvernement, levant des troupes armées aux frontières et obtenant de l’argent des puissances étrangères. Mais ils menacent tout autant le pouvoir révolutionnaire que celui de leur frère Louis XVI...
L’Assemblée, elle, déclare suspects de complot contre la patrie ces Français exilés et exigent leur retour sous peine de mort et de confiscation de leurs biens.
Le pouvoir de la rue
Entre 1789 et 1792, la censure disparaît et caricatures et journaux apparaissent par centaines. On compte 300 titres de journaux sous la Révolution, la plupart sont éphémères et ne tirent que peu d’exemplaires tandis que d’autres ésont diffusés dans tout le royaume. Toutes les tendances politiques y sont alors représentées : royalistes, constitutionnelles, révolutionnaires, modérées ou extrémistes.
Quant à l’image du couple royal, elle se dégrade irrémédiablement au fil du temps.
Une foule vociférante occupe désormais l’espace public autour du château des Tuileries, dans les jardins et les rues adjacentes et ses cris atteignent les fenêtres du château.
La rue, surtout la rue parisienne, avec ses cafés, ses journaux et ses clubs, forme un pouvoir populaire qui fait pression sur le pouvoir institutionnel. Ce pouvoir est bien sûr favorisé par la liberté de la presse et la liberté d’association et concourt à la liberté de parole. Autant de lieux d’échanges où les idées s’expriment et s’affrontent tantôt avec humour, tantôt avec férocité voire obscénité.
L’opinion publique reste cependant partagée entre ceux qui soutiennent le roi et les autres, de plus en plus nombreux à ne plus vouloir reconnaître Louis XVI comme le roi des Français. Le souverain, dans sa tentative ultime de maintien de la monarchie, finance pourtant des impressions d’affiches et de journaux. En vain .
L’image du roi et de la reine est de plus en plus dégradée, y compris parmi le personnel de la Maison du roi, et certaines caricatures politiques offrent des images parfois scabreuses. La rue gronde, les pamphlets se déchainent et l’émeute n’est pas loin.
La déflagration : de la déclaration de guerre à la chute de la monarchie
Depuis le déclenchement d’un conflit européen jusqu’à la prise des Tuileries, cette dernière partie de l’exposition traite des évènements qui précipitèrent la fin du règne de Louis XVI.
Aux yeux des révolutionnaires, l’Autriche qui soutient les émigrés est l’ennemie à abattre, et la France lui déclare la guerre le 20 avril 1792, sous le prétexte du retournement des alliances et d’outrage fait à la dignité du peuple français. Cette déclaration de guerre entraine un élan national et patriotique dans tout le pays qui va faire table rase de la monarchie, tandis que les troupes étrangères tardent à s’engager.
Ce 20 avril, le peuple parisien envahit le château des Tuileries, puis le 10 août, les Tuileries sont prises d’assaut à coups de canon.
Le roi et la reine trouvent refuge à l’Assemblée, toute proche, et en soirée, Louis XVI est suspendu et la famille royale est conduite à la prison du Temple. Le 21 septembre 1792 est proclamée la Première République, signant la fin de la monarchie constitutionnelle.
Louis XVI sera jugé pour trahison par la Convention et guillotiné le 21 janvier 1793, et Marie-Antoinette le 16 octobre de la même année. Quant au Dauphin, Louis XVII, il meurt au Temple le 8 juin 1795. Le couple royal, réuni dans une mort tragique avec leur fils, fera petit à petit l’objet d’un culte des martyrs royaux, culte qui culminera sous la Restauration.
INFOS PRATIQUES :