Vendredi 17 octobre 2014
C'est en traversant, par hasard, la gare de Tokyo que j'apprends que cette dernière fête cette année son centième anniversaire. L'occasion pour moi de revenir sur la construction de ce monument en pleine ville. Située dans le quartier Marunouchi (arrondissement de Chiyoda), cette gare ne se trouve pas très loin du Palais impérial (Kokyo) et du fameux quartier de Ginza. Elle est le terminus de la plupart des shinkansen japonais. A l'époque de sa construction, en 1914, elle fut la gare centrale de la capitale nippone, avant d'être rebaptisée Gare de Tokyo. Il y a deux ans, le bâtiment fut désigné monument culturel important du Japon, puis restauré, tout en s'intégrant complètement dans l'environnement moderne de la cité.
En 1889, le Gouverneur de Tokyo décida de la construction d'une voie de chemin de fer surélevée dans le but de relier la gare de Shimbashi (terminus de la ligne Tokaido) dont on peut voir une ancienne photo ci-dessous, et le terminus d'Ueno (ligne Tohoku). A la même époque, un projet de gare centrale fut également mis sur pied, gare qu'on avait prévu de construire en plein centre de la ville. Celui-ci sera alors confié à deux ingénieurs allemands, Hermann Rumshottel et Franz Baltzer, auxquels on avait déjà demandé de bâtir la ligne surélevée. En 1903, l'architecte japonais, Kingo Tatsuno (photo ci-dessus), qui s'était fait connaitre pour avoir préalablement érigé les quartiers généraux de la Banque du Japon, et était ainsi rapidement devenu une référence en matière d'architecture moderne, fut mandaté pour dessiner la future gare (deuxième photo ci-dessous). Pour ce faire, il s'inspirera des plans des deux ingénieurs allemands tout en y rajoutant sa touche personnelle. Notre architecte s'y reprit à plusieurs fois pour dessiner l'ensemble mais le projet fut suspendu durant la guerre contre la Russie. La construction de l'ensemble débutera toutefois le 25 mars 1908, pour s'achever six années plus tard, le 20 décembre exactement. Et la gare d'affronter avec succès l'épreuve du grand tremblement de terre du Kanto et des bombardements américains du mois de mai 1945, malgré d'importants dégâts.
D'abord étudiant au Collège impérial d’ingénierie, dont il fera partie des premiers diplômés en 1879, Kingo Tatsuno embarquera pour l'Angleterre, étudiera à l'Université de Londres, puis travaillera pour William Burges en 1881 et 1882, avant de monter sa propre société en 1903. Entre temps, l'architecte se rendra en France et en Italie durant un an. Et d'être influencé par le style architectural de la Reine Anne. De retour au Japon, Il enseignera à l'Université de Tokyo, puis sera l'un des fondateurs précurseurs de l'Institut architectural japonais (copié sur le modèle britannique du Royal Institute of British Architects). Le style architectural de Kingo Tatsuno mélangeait alors l'utilisation de la brique rouge, des pierres de granit, et de structures en forme de dômes (comme celui de la porte Marunouchi nord de la gare de Tokyo ci-dessous).
L'aventure du rail japonais débutera en 1872 avec l'ouverture de la ligne Shimbashi-Yokohama. La prochaine étape sera l'inauguration de la gare de Tokyo, en 1914, avec, dans un premier temps, quatre quais : deux quais pour les trains électriques (lignes Yamanote/Keihin-Tohoku) et deux quais pour les autres trains (ligne Tokaido). Cinq ans plus tard, la gare sera agrandie avec une extension destinée à la ligne Chuo. A cette époque, la gare disposait de deux portes sur la façade Manurouchi, une côté nord (deuxième photo ci-dessous) qui servait de sortie et une côté sud (troisième photo ci-dessous) qui faisait alors office de porte d'entrée. C'est à cette porte que le Premier Ministre japonais, Hara Takashi, sera assassiné en 1921 par un membre d'extrême-droite, alors qu'il s'apprêtait à prendre le train pour Kyoto. Une plaque commémorative matérialise aujourd'hui l'endroit exact de cet événement. La porte Yaesu, elle, sera inaugurée en 1929. Et il lui arrivera de connaître une certaine affluence comme sur cette quatrième photo ci-dessous, en 1947, alors qu'une queue interminable de voyageurs s'étirait en direction des guichets. Aujourd'hui, la gare a conservé sa façade ouest, faite de briques rouges. Et possède vingt quais (situés au-dessus de la chaussée) dans la direction nord-sud, tandis que le point de ralliement, lui, est situé d'est en ouest, sous les quais. Les lignes de Shinkansen, elles, sont concentrées à l'est de la gare (porte Yaesu) (du côté du grand magasin Daimaru). En sous-sol, à cinq étages en-dessous de la chaussée, et dans la partie ouest de la gare, on trouve quatre quais desservant les lignes de métro Sobu/Yokosuka. Juste au-dessus de ces lignes-là, sont situés quatre quais desservant les lignes de train Keiyo. L'ensemble de la gare est parcourue par un impressionnant réseau de couloirs permettant la circulation des voyageurs. Ce réseau débouche sur des magasins et des centres commerciaux.
Au fil des ans, la gare de Tokyo subira plusieurs périodes de travaux de restauration, la dernière en date ayant pris fin en 2012. C'est à Tokyo Box, une boutique de souvenirs créée à l'occasion du centième anniversaire de la gare, que je vais découvrir une petite exposition (en anglais et en japonais) qui me permettra de beaucoup apprendre non seulement sur l'histoire de l'endroit mais également sur cette fameuse restauration. Le grand tremblement de terre du Kanto endommagera gravement l'édifice mais les bombardements américains de 1945 provoqueront un gigantesque incendie (ci-dessous les restes de la gare de Tokyo) après avoir défoncé les dômes de la gare. Il ne faudra qu'une année pour que celle-ci soit reconstruite avec, cette fois, des toits anguleux au lieu des dômes précédents, et deux étages (au lieu de trois). On reconstruisit aussi la façade Yaesu après la guerre mais celle-ci subira des dommages dus à un incendie en 1949. Ce qui permettra de restaurer l'ensemble avec encore plus de grandeur quant à sa façade (le magasin Daimaru date de cette époque). Cette rénovation de la façade Yaesu prendra fin en 1953 et incorporera deux nouveaux quais pour la ligne Tokaido, afin d'accueillir le premier shinkansen, en 1964 (deuxième photo ci-dessous). Enfin, en 1971, on arrêta un plan de construction d' une liaison entre la gare de Tokyo et l'aéroport de Narita, en vue du lancement d'une ligne Shinkansen, projet de ligne qui sera définitivement enterré en 1983.
La Gare de Tokyo donnera aussi plusieurs concerts gratuits entre juillet 1987 et l'an 2000. Le premier fut donné à l'occasion de l'inauguration de la compagnie JR East Railways (en photo ci-dessous). Au total, on comptera ...246 concerts et le dernier aura lieu en novembre 2000. Il se pourrait bien qu'ils reprennent bientôt grâce à la demande du public japonais. Parallèlement, des travaux d'amélioration ont été réalisés pour les entrées Marunouchi ouest et Yaesu Est. La restauration récente de la gare est une totale réussite. Il suffit de monter au septième étage de l'immeuble Marunouchi (face à la gare) et de se rendre sur l'immense terrasse pour admirer la magnifique façade dans son ensemble (deuxième photo). Pour plus de sécurité, on remplaça les anciens pieux en bois sur laquelle reposait la gare, par quelques 350 amortisseurs et 160 vérins à huile dans le but de protéger l'ensemble de la construction lors de futurs séismes. Sur place, l'affluence est constante, surtout aux heures de pointe : en 2013, on estimait à 416000 le nombre de passagers qui fréquentaient la gare quotidiennement afin de prendre un train (soit une fréquentation annuelle de plus de 24 millions de personnes). Impressionnant ! Quant à la station de métro de la même gare, elle se classait à la dixième position des stations les plus fréquentées au Japon.
Depuis la création de la gare de Tokyo, l'hôtel de la gare accueille les clients de passage et fut le témoin de l'histoire de ce haut-lieu tokyoïte. A l'automne 2012, l'hôtel offrait sa nouvelle livrée. Son entrée, toujours située du côté de la superbe façade en briques rouges (en photo ci-dessous, ici en 1915) est classée comme monument culturel important du Japon, et vit aussi défiler de nombreuses figures littéraires de l'époque Taïsho. A l'intérieur, son décor européen d'origine s'affiche désormais aux côtés de parements plus modernes et fonctionnels, faisant de l'endroit un lieu idéal pour se détendre avant, ou après un voyage en train. De grandes fenêtres et un haut plafond caractérisent le salon (deuxième photo ci-dessous), tandis que la réception offre un décor de style anglais. Le quatrième étage de l'établissement accueille les clients dans un restaurant situé sous un puits de lumière. Les chambres (troisième photo) sont à la fois fonctionnelles et agréables, avec leurs hautes fenêtres, de hauts plafonds, des meubles élégants et tout le confort qu'on est en droit d'attendre dans un hôtel d 'une telle classe. Pour prendre un dernier verre, le bar Camelia, qui existe depuis 1951, offre un univers feutré, chaud et intime.
INFOS PRATIQUES :
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Gare de Tokyo, 1-9-1 Marunouchi, Chiyoda-ku, Tokyo.
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Plan de la gare JR de Tokyo : http://www.jreast.co.jp/e/stations/e1039.html
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L'exposition « les Cent ans de la Gare de Tokyo » est visible dans l'espace Tokyo Box de la gare (boutique de souvenirs) jusqu'au 20 décembre 2014. Entrée gratuite.
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Tokyo Gallery, ouverte de 11h00 à 20h00 en semaine (et de 10h00 à 18h00 le weekend). Fermée le lundi. Diverses expositions y sont présentées Se renseigner sur place ou téléphoner au 03 3212 2485.
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Agence JR East (agence de voyages, dépôt de bagages, bureau de change, distributeur automatique de billets) sous le dôme de la porte Manurouchi nord. Ouvert tous les jours de 7h30 à 20h30. Langues parlées : japonais, chinois, anglais, et coréen.