Dimanche 16 novembre 2014
En ce début de ce dimanche automnal, me voici en route pour Guadix, une petite ville de la Province de Grenade, célèbre pour ses grottes habitées. L'endroit se trouve à une cinquantaine de kilomètres de voiture et peut être atteint facilement par autoroute. Guadix est l'une des cités les plus anciennes de la péninsule ibérique, autrefois fondée par César Auguste. On y a d'ailleurs retrouvé des restes datant du Néandertalien, du Paléolithique et de l'âge de pierre. On releva aussi les traces de Phéniciens et de Carthaginois avant l'époque romaine. Durant cette période romaine, la ville s'appelait Julia Gemella Acci, et la cité fut accréditée par César Auguste pour accueillir les vétérans des première et deuxième légions. Mais son nom actuel remonte à l'occupation musulmane et signifiait acci (action). Avec Baza, une autre petite ville, Guadix forma un taïfa (royaume arabe) entre 1145 et 1156, avant d'être incorporée au royaume nazari de Grenade dès 1238. Lors de la Reconquête qui eut lieu à partir de 1489, elle fut un lieu de résistance et vit la conversion en masse des habitants au christianisme.
La ville est divisée en trois parties : la ville haute, où se trouvent les fameuses grottes habitées, la ville médiévale, localisée autour de l'Alcazaba, la Cathédrale et la Place de la mairie, et la nouvelle ville, née à proximité des axes de communication menant à Grenade, Almeria et Murcia. En se promenant dans l'ancienne ville, qui conserve encore bien des indices architecturaux témoignant du passé, on retrouve des traces des populations juive, arabe et castillane qui, longtemps, animèrent cette cité. En matière d'édifices religieux, Guadix possède plusieurs églises ainsi qu'une cathédrale. L'église Saint François fut fondée en 1491 et servit de centre religieux aux membres de la noblesse. Dans le quartier de Sainte Anne, l'église du même nom s'élève au cœur du quartier arabe et remonte au XVI ème siècle, et fut bâtie sur les restes d'une mosquée. Le quartier de Santiago dispose également de son église. Monument national, celle-ci fut aussi construite sur les restes d'une mosquée et date du XVI ème. Sa façade avant est due à Diego de Siloé, le même artiste qui réalisa le retable, détruit plus tard durant la Guerre civile. Un couvent est annexé à cette église et fut fondé en 1538 par le Prélat Gaspar de Avalos. Là encore, ce couvent aurait été bâti sur d'anciens bains arabes. Existent aussi l'église et le couvent de la Conception, où l'on retrouva la trace de bains romains, l'église de San Torcuato, l'église de la Madeleine, l'église Saint Michel, l'église San Diego, l'église de la Vierge de Fatima et l'église Ermita de Nuestra Senora de Gracia. C'est dire la richesse du patrimoine religieux pour une si petite ville. Et puis, il y a cette cathédrale de l'Incarnation (ci-dessous en photo) dont la construction commença au XVI ème siècle pour s'achever deux cents ans plus tard, au milieu du XVIII ème siècle. Une autre église s'élevait jadis à l'emplacement même de cet édifice au X ème siècle. La mosquée principale de la ville y sera installée lors de l'occupation musulmane. La cathédrale actuelle offre un mélange architectural de gothique, baroque et renaissance. A ne pas manquer, le musée de la Cathédrale, consacré à l'art sacré, qui permet d'admirer des objets liturgiques, de l'orfèvrerie et des peintures polychromes.
Je me gare un peu en périphérie et pars à la conquête de cette ville encore endormie. De nombreux gitans mendient sur les marches de la cathédrale. Un petit chien, lui, prend le soleil. Face à la cathédrale, je repère une boutique de souvenirs tenue par Javier et Antonia. Ce jeune couple très dynamique se charge de promouvoir l'activité touristique de leur ville. Guide touristique, Antonia accompagnera le groupe de touristes que je rejoindrai dans le petit train touristique (ci-dessous) qui nous promènera jusqu'aux grottes de l'Ermite. Guadix dispose de six quartiers de grottes habitées par des personnes de toutes conditions. Ces grottes, qui servaient jadis de refuge pour des gens pauvres servent aujourd'hui parfois de résidences secondaires. Nous nous rendons d'abord avec Antonia en haut d'un mirador qui surplombe la petite église Ermita laquelle possède également quelques grottes (deuxième photo ci-dessous).
Tout autour de nous apparaissent ces maisons troglodytes désormais équipées d'eau et d'électricité. Mais ce ne fut pas toujours le cas. Je découvrirai plus tard une photographie de Jesus Valverde, datant de 1930, ci-dessous en photo, qui montre des grottes nettement plus rudimentaires. Il faut savoir que Guadix reste la capitale européenne des grottes habitées avec près de 3000 d'entre elles. En réalité, ce nombre correspond aux grottes transformées en maisons troglodytes, car le nombre total de grottes, tout autour est bien supérieur. Il faut savoir que cet habitat troglodytique (c'est le nom savant donné à l'architecture consistant à aménager des habitats souterrains ou creusés dans le rocher à flanc de montagne) existe depuis la Préhistoire. Ces maisons sont souvent creusées dans des roches sédimentaires (calcaires, mollasse, grès, tuf, loess...) ou volcaniques et sous tous les climats. A Guadix, il s'agit de roche calcaire, celle-ci même qui provient des collines entourant la ville. Pourquoi Troglodytes ? Cela vient du peuple antique des Troglodytes qui vivait en Egypte, à proximité de la mer Rouge, et s'était installé dans les anfractuosités des rochers. Il faut ensuite se poser la question de savoir pourquoi ce choix. N'oublions pas que les grottes furent les premiers habitats pour les premiers hommes. En ce qui concerne les grottes de Guadix, leur origine remonte à la Reconquête de l'Espagne par les rois catholiques. Les Mauresques durent fuir à l'arrivée des Chrétiens et se regroupèrent dans ces grottes, situées à l'écart de la ville. Il faudra attendre le XVII ème siècle pour que ce genre d'habitat commence à être reconnu comme tel. Le sous-sol est particulièrement protecteur et isole du brouhaha extérieur. Une récente étude montre que les habitants de maisons troglodytes vivent mieux que les autres, bien à l'abri dans leur logis et relativement à l'abri des mauvaises ondes. Dans un tel logis, pas besoin de climatiseur, ni de chauffage : une température constante de 20°C règne toute l'année, dispensant aux organismes humains les grands écarts thermiques, jamais bons pour la santé. En France aussi, nous disposons de tels habitats : au début du XX ème siècle, on évaluait à 25000 le nombre d'habitants de maisons troglodytiques. Généralement, une cheminée correspond à une maison. Cette cheminée-là ne sert pas à faire du feu mais simplement à évacuer les odeurs de cuisine. Il est d'ailleurs interdit aux occupants de cuisiner au gaz, et ce, par mesure de sécurité, mais l'usage banalisé de l'électricité permet aujourd'hui de faire aisément face à ce genre de contraintes. José, un habitant du quartier, nous ouvre ses portes : sa maison est entièrement souterraine, avec ses deux chambres (ci-dessous), sa cuisine (qui offre l'une des seules fenêtres de l'habitation), et sa salle à manger. La lumière n'a que peu de points d'entrée, ce qui explique que ce genre de maison est parfois équipée d'une porte à deux battants, pour permettre de laisser entrer la lumière par sa partie supérieure. Chez José, la température est fort agréable et contraste avec le froid extérieur. José dispose bien sûr d'une télévision et a tiré un câble au dehors afin de le relier à l'antenne TV perchée au-dessus. D'où ces câbles et ces antennes Tv qui apparaissent souvent au-dessus de l 'Alcazaba (forteresse de Guadix).
Nous sommes ensuite accueillis par le prêtre de l'église Ermita Nuestra Senora de Gracia, toute proche. Connue autrefois sous le nom d'Ermita Nueva, celle-ci devint une paroisse lors de la Guerre civile espagnole. En fait, l'église est composée d'une salle principale avec, à côté, plusieurs petites grottes aménagées (ci-dessous). Certaines d'entre elles abritent une superbe exposition de crèches (300 au total) venues du monde entier (deuxième photo). Il nous faut bientôt repartir, non sans avoir admiré une dernière fois au loin la forteresse arabe, appelée Alcazaba (troisième photo ci-dessous), qui servait à la fois de palais et de défense durant l'occupation musulmane. Curieusement, cette forteresse ne possède pas d'entrée principale et elle fut construite sur les ruines d'un château romain. Elle date du XIII ème siècle (la muraille de Guadix, elle, fut construite plus tôt). Lors de la Reconquête, l'Alcazaba fut occupée par les autorités militaires chrétiennes. En son centre, on peut distinguer une grosse tour, prénommée Tour de l'Hommage. Actuellement, la forteresse est en cours de restauration.
Après ma pause déjeuner, je me rends au Musée Alcazaba, qui est consacré à la céramique et à la poterie (ci-dessous). Là encore, ce musée est réfugié dans une grotte creusée sous l'Alcazaba (d'où son nom!). Il a été inauguré en 1998 et la même famille, celle du céramiste Juan Manuel Gabarron, se relaie depuis pour accueillir les visiteurs. La visite me permet d'admirer des poteries, des céramiques (le musée en possède 1500) mais également des sculptures réalisées directement dans la roche souterraine, sculptures qui représentent différents symboles culturels de Guadix, depuis l'an 300 avant J.C jusqu'à nos jours. J'observe enfin des pièces reconstituées comme cette petite chambre (deuxième photo) aménagée dans une grotte.
INFOS PRATIQUES :
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Tourisme à Guadix : http://www.turismoguadix.es/
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Antonia et Javier Gonzalez Martinez, guide touristique (670 95 70 26) et Javier Morales Sanchez (670 95 70 25). Adresse : Boutique Rey Zagal, Place de la Cathédrale à Guadix. Courriel : info@visitaguadix.com
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Bar restaurant Liceo, Plaza Las Palomas,20, à Guadix. Tél:(+34) 620 432 746. Ouvert de 8h00 à minuit, tous les jours, sauf le lundi.
- Petit train touristique, tous les jours de 10h30 à 13h30. Billets en vente à la boutique Rey Zagal: 5€. Départ toutes les trente minutes. Durée de la visite: 1 heure. Balade à travers la ville historique jusqu'aux grottes Ermita Nueva (centre d'interprétation, église Ermita Nueva, mirador et grottes habitées). Livret « Guadix Monumental » (en langue espagnole) offre des informations et des photos des curiosités historiques et culturelles de la ville. Vendu 1 €.
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Visite guidée de Guadix (en espagnol). Rendez-vous Place de la Cathédrale devant la boutique Rey Zagal : visite du théâtre romain (en cours de restauration), des portes extérieures de la cathédrale, de la Place de la Cathédrale, de la Place de la mairie, de la Place de Santiago, du quartier latin, y compris train touristique. Durée : 2h30. Tous les jours (sauf le mercredi) à 11h00. Ticket : 15€ ( ne sont pas incluses l'entrée aux monuments). Renseignements en téléphonant au 670 95 70 25.
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Musée La Alcazaba, Rue San Miguel, 54-59, à Guadix. Tél:(+34) 958 664 767. Céramiques et poteries. Ouvert tous les jours de 10h00 à 14h00 et de 16h00 à 20h00. Entrée : 2€. Prise de photographies autorisée. Boutique. Site internet : http://cuevamuseoalcazaba.com/