Mercredi 13 juillet 2016
Pour sa nouvelle exposition, le musée Jean sans Peur nous transporte dans l'univers de la mode au Moyen Âge. L'aristocratie de l'époque fut en effet l'instigatrice d'un renouvellement et d'une diversité des vêtements et des accessoires. Autant de prémices des phénomènes de mode, tels que nous les connaissons à l'heure actuelle. L'exposition propose ainsi au visiteur d'en apprendre davantage sur l'évolution de la silhouette de l'époque moyenâgeuse.
Le vêtement jouait alors un rôle important car il montrait la différence entre les nobles et les simples citoyens. Pour les classes supérieures, il fallait paraître. Durant le XII ème siècle, hommes et femmes porteront des tuniques moulant le torse, offrant ainsi des tenues tellement similaires qu'on parlera presque de mode unisexe. Le vêtement long revient alors au goût du jour pour les hommes et la liberté de mouvement est de rigueur. Ces tenues larges seront portées jusqu'au XIII ème siècle, siècle durant lequel les corps seront à nouveau noyés dans les étoffes. Et dès le XIV ème siècle, c'est une véritable révolution qui va débuter avec l'apparition de tenues plus ajustées. La cotte féminine est alors pourvue d'un décolleté et souligne la poitrine, la taille et les hanches. La robe constituait alors le vêtement principal de la femme. Les femmes du peuple portaient quant à elles une cotte sans manche, ou bien à manches courtes, sur leur chemise. Les autres dames revêtaient une longue cotte, qui était doublée de fourrure l'hiver (pelisson d'hermine), ajustée au niveau du buste, puis évasée à partir de la taille, et comportant de longues manches très ajustées (et cousues chaque matin) ou larges. La chemise était portée à même la peau et était en général blanche. Tissée en simple chanvre pour les paysannes, elle était de lin ou en soie pour la gente féminine plus aisée, et parfois colorée ou brodée. Il était courant d'arborer sur ses vêtements des broderies lorsqu'on était de condition aisée, et le manteau (mantel), qui était sans manches, était doublé, ou au moins bordé de fourrure (de loutre, écureuil, renard ou hermine...) Peu à peu, un surcot, parfois très long, recouvrira la cotte et nécessitera d'être relevé pour marcher convenablement. Côté chaussures, les femmes portaient des chausses retenues par une jarretière et des chaussures flexibles en cuir ou en tissu (appelées également poulaines) comme les hommes. Chaussure du Moyen Âge, la poulaine était en effet utilisée par les deux sexes au XIV ème siècle. Il s'agissait d'une chaussure allongée, à l'extrémité pointue mesurant jusqu'à 50 centimètres, et généralement relevée. Plus on appartenait à une classe élevée et plus cette pointe était allongée. Les rois, eux, choisissaient la taille de cette extrémité, à leur convenance. Le bout en était rembourré de mousse ou de chanvre pour assurer la rigidité de la pointe. Le clergé n 'aimait pas ces chaussures car l'extrémité longue de la poulaine permettait de relever la robe de la demoiselle assise en face. De plus, la longueur de la poulaine ne permettait pas de s’agenouiller pour prier. Il faudra attendre Charles V pour que cette chaussure soit interdite par ordonnance royale en 1368. Celle-ci perdurera malgré tout jusqu'aux années 1470.
Il n'y avait pas que le bout des poulaines qui était alors rembourré : le corps masculin, qui, lui aussi, voulait paraître, était mis en valeur par un pourpoint (en photo ci-dessous), une sorte de veste matelassée, et de longues chausses qui gainaient les jambes. Vêtement du haut porté au Moyen-Âge et à la Renaissance, le pourpoint était taillé par des gipponiers. Cette sorte de veste courte et rembourrée couvrait le corps depuis le cou jusqu'à la ceinture. Ce vêtement avait été à l'origine inspiré par les effets qui se portaient jadis sous l'armure, afin de protéger le corps. Le pourpoint à maheutre disposait quant à lui de rembourrages en haut des manches et permettait ainsi d'agrandir la carrure de celui qui le portait. La mode masculine d'alors offrait un buste plus saillant avec une cambrure marquée, suggérant aux moralistes de l'époque qu'il s'agissait là d'une mode effrontée comparant ces hommes au corps étriqué à des ...lévriers !
Le XV ème siècle verra l'esthétique vestimentaire masculine et féminine se distinguer plus nettement. Les hommes avaient de larges carrures, avec torses longs et tailles abaissées, tandis que les femmes avaient un buste court et droit, et une taille haute. Chez les hommes, le pourpoint restera l'élément principal de la garde-robe masculine, descendant désormais à mi-fesses. Et l'idéal des messieurs de devenir la taille basse durant le premiers tiers du XV ème siècle. Les femmes, elles, adoptent la taille haute, offrant un buste court et fluet, marqué par le bandier.
Les sous-vêtements, eux aussi, s'adapteront à la forme des costumes. L'ampleur des chemises se réduit à cette même époque, et la longueur des braies (deuxième photo) ou caleçons masculins s'amenuiseront pareillement durant le XV ème siècle. Rappelons que les braies étaient un vêtement en forme de pantalon qui était porté par plusieurs peuples de l'Antiquité, en particulier par les Gaulois, et au Moyen-Âge. En guise de soutien-gorge, la gente féminine bandait au besoin son buste ou utilisait des robes à sachets de poitrine. La poitrine, soutenue par une ceinture, était ainsi gonflée artificiellement par des petits sacs placés sous la chemise.
Au Moyen Âge, les cours restent des lieux privilégiés de l'excentricité et, dans toute l'Europe, les élites s'habillent de la même façon. Et les artisans des princes de rivaliser d'inventivité, tant dans la forme des vêtements que dans leur ornementation. Ainsi le vêtement aristocratique comprend t-il de nombreux accessoires et des décorations. On note ainsi l'existence de ceintures d'orfèvrerie à clochettes, alors en vogue durant ce Moyen Âge qui connaissait un important développement de l'art de l’orfèvrerie. L'or et l'argent avaient de tous temps été considérés comme des métaux précieux et restaient prisés avec l'ivoire. Et les orfèvres d'utiliser le sertissage pour ajouter des pierres précieuses ou semi-précieuses. On aimait également enchâsser des bijoux antiques selon une technique bien rodée.
Le vêtement aristocratique était aussi caractérisé par des découpures qui ornaient le bas des robes ou les poignets des manches, sans parler des broderies de fils d'or et de pierres précieuses.
Les couvre-chefs, suivaient la mode de la même façon : Les élégants jouaient sur les multiples manières d'ajuster leur chaperon tandis que les élégantes portaient des coiffes de plus en plus aériennes, ressemblant souvent à des voiles de navire. Histoire de rester dans le vent! Il est vrai que le XII ème siècle permit de retrouver les longues tresses comme ces tresses à trois brins, ces rouleaux de cheveux entourés d'un ruban, ou des tresses à deux brins entourées d'un ruban. Les femmes portaient ainsi de longs voiles, des cerclets en métal ou des assemblages de ces divers éléments. Un siècle plus tard, la mode devint plus austère et l'on aperçoit la gente féminine coiffée de voiles ronds ou semi-circulaires fixés sur une barbette, ou bien une guimpe pour les femmes plus âgées. Un élément caractéristique de la coiffure du XIII ème siècle est le touret, sorte de cylindre entourant la tête. Cette coiffure perdurera au XIV ème. Ce touret était généralement porté sur un voile, qu'il permettait de maintenir en place, car il était alors malvenu de se promener les cheveux libres, au risque de passer pour une prostituée...Il existait ainsi plusieurs coiffures féminines parfois extravagantes, comme les cheveux relevés sur les tempes en deux chignons dits « truffeaux », surmontés par un balzo (bourrelet de brocart ou de velours), ou encore les cheveux nattés en deux tresses enveloppées sur les oreilles dans une résille nommée crépines.
Pour les hommes, il existait la coupe au bol (ou coupe en écuelle, en sébile, ou cheveux rondis), très populaire parmi les nobles du XIV ème siècle en Europe. Les couvre-chefs s'adaptent quant à eux à toutes les excentricités. Le chaperon (ci-dessous), sorte de cagoule à collerette recouvrant la tête et le haut du buste, sera muni d'une cornette au début du XIV ème siècle, une queue attachée à l'arrière du crâne. Trop longue, celle-ci sera parfois glissée dans la ceinture ou nouée élégamment, voire agrémentée d'orfèvrerie ou de grelots. Cette pièce du vêtement sera revisitée et portée différemment au fil du temps.
Côté chaussures, on soigne son apparence avec une poulaine qui s'affine (nous l'avons vu plus haut) dès le XV ème siècle. L'extrémité en est souvent rembourrée avec de la mousse ou à l'aide d'une baleine. Mais ce sont les patins ou socques qu'on utilisera dans les rues boueuses d'antan. Cette sorte de sur-chaussures à semelle épaisse et contrefort de bois était munie de lanières.
Au Moyen Âge, les moralistes sont convaincus que l'habit fait le moine. Le vêtement est donc censé être le reflet de l'âme, d'où la promulgation de lois somptuaires dès le XIII ème siècle : ces lois imposent des habitudes de consommation (alimentation, mobilier...) mais également la manière dont on devaiit se vêtir selon la catégorie sociale à laquelle on appartenait. Elles servent à rendre visible l'ordre social et à interdire la consommation ostentatoire, l'usage des produits de luxe ou d'importation, dans le but de protéger plus tard l'industrie nationale. A la fin du Moyen Âge, elles auront pour objet de limiter la bourgeoisie urbaine dans son enrichissement destiné à concurrencer les nobles. Dès 1294, Philippe IV de France imposera de son côté des lois somptuaires pour réprimer l'extravagance des costumes de l'époque. Notre pays voit ses diverses classes se confondre et s'assimiler, et aboutir à la disparition des rangs et des distinctions extérieures. La bourgeoisie des grandes villes fait alors montre d'un luxe effréné, sans compter que le clergé lui-même se mettra bientôt à céder aux pompes et aux vanités du XIII ème siècle. Celui qu'on surnommait aussi Philippe le Bel trouva un préalable dans la loi somptuaire de son prédécesseur Philippe le Hardi, datée de 1279, la matière, les éléments et le type du règlement qu'il publiera quinze ans plus tard en 1294. Certaines couleurs ou formes, certains ornements seront interdits à la bourgeoisie. Par exemple, il sera interdit de porter dans la rue certaines fourrures à partir de 1274, tout comme des vêtements de pourpre et de soie, ou encore des garnitures de luxe. On conseillera aussi de proportionner les dépenses vestimentaires aux ressources de la personne. Dans les faits, les bourgeois préféreront bien souvent payer des amendes plutôt que de se contraindre à respecter ces nouvelles lois, trop contraignantes à leurs yeux. Des lois qui réglementaient aussi bien la longueur des traines (celle-ci était un moyen de marquer son rang), la profondeur des décolletés, la quantité de franges, de gallons ou de pierreries, l'usage des broderies ou des dentelles, le port de certaines fourrures, la hauteur des coiffes, ou la longueur des poulaines (maximum de 12 pouces pour les bourgeois et de 24 pouces pour les seigneurs!).
Il n'en reste pas moins que le vêtement demeure l'expression de la dignité, mais aussi de l'exclusion. Et seuls les déguisements revêtus lors des fêtes donnent l'occasion aux personnes de bouleverser les valeurs, ne serait-ce que sur une très courte durée. Toutes les festivités aristocratiques, des naissances jusqu'aux mariages, mais aussi les réceptions des souverains et les tournois, donnent alors lieu à des spectacles ou à des bals. Et les tailleurs de déployer une grande créativité pour l'occasion, se jouant parfois des normes sociales. Le XV ème siècle permet aux hôtes d'offrir à leurs invités des costumes chatoyants, les costumes exotiques des danses moresques restant les plus extravagants. L'aristocratie aime quant à elle arborer sur ses vêtements des armoiries et des emblèmes personnels, appelés devises. Ces signes extérieurs sont à la fois des ornementations et des outils de communication. Formule emblématique para-héraldique, la devise est composée d'une figure et d'une courte sentence. Elle connaitra un engouement certain aux XV et XVI ème siècles et doivent probablement leur apparition dès la fixation des armoiries. A la différence de ces dernières, les devises sont des emblèmes personnels destinés à rétablir celui qui les porte en tant qu'individu, et plus seulement comme membre d'un lignage. Au début, elles auront un caractère volatile, ne durant parfois que le temps d'une joute ou d'un divertissement de cour. D'autres au contraire, seront portées durant toute la vie de leur propriétaire. Le registre des figures représentées sur ces devises était extrêmement vaste et rarement limité à des objets ou à des animaux. Et la devise de porter souvent un message politique et de parfois fonctionner avec d'autres devises. Moyen pour son porteur de marquer sa personnalité, celle-ci apparaissait donc sur les vêtements, les objets d'apparat ou les monuments.
Les princes attachent quant à eux une grande importance à leur garde-robe et disposent de tailleurs à demeure. Certains pelletiers, brodeurs ou chapeliers deviendront ainsi des fournisseurs officiels, et leurs ateliers en ville se trouveront rapidement auréolés d'un prestige qui attirera une clientèle fortunée, trop avide de copier la mode aristocratique. C'est alors la ronde des métiers : le pelletier fournit les fourrures et travaille les doublures de peau, le chaussetier fabrique les chausses collantes faites sur mesure, le brodeur orne les vêtements avec des motifs, le chapelier pare avec élégance les têtes, et l'escoffier (ou cordonnier) chausse confortablement les princes. Dans la seconde moitié du XIV ème siècle, le vêtement du prince exprimera d'ailleurs plus que son statut. Il témoignera de la volonté de celui qui le porte, et de son désir amoureux, politique ou militaire, en affichant un langage de lettre brodées, de figures émaillées et de couleurs textiles. Plus que de simples ornements décoratifs, ces éléments représenteront autant de signes emblématiques dont le vêtement constituera le principal support.
INFOS PRATIQUES :
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Exposition « La Mode au Moyen Âge », jusqu'au 15 janvier 2017, au musée de la Tour Jean sans Peur, 20 rue Etienne Marcel à Paris (2è). Tél : 01 40 26 20 28. Métro : Etienne Marcel (ligne 4). Ouvert du mercredi au dimanche, de 13h30 à 18h00.
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Merci à Madame Lavoye pour son charmant accueil
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Procurez-vous sur place le livret de l'exposition, La mode au Moyen-Âge (7€)
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L'ouvrage « Pourpoint, mantel et chaperon, se vêtir à la Cour de Savoie (1300-1450), de Nadège Gauffre Fayole (aux éditions Silvana Editoriale) est disponible au prix de 12€ au Musée de Cluny (Paris 5è)