Jeudi 3 novembre 2016
La Tasmanie offre une faune variée que je vous propose de découvrir aujourd'hui. A trente minutes de route de Hobart se trouve la réserve naturelle de Bonorong près de la petite ville de Brighton. L'office du tourisme m'a conseillé cette visite et je confirme que l'endroit est parfait pour les animaux qui y vivent. J'arrive un peu avant l'ouverture du parc, c'est à dire vers 8h45, et rencontre aussitôt un membre de l'équipe déjà à l'oeuvre. Je lui explique le but de ma visite et il m'invite à entrer dans le parc, muni, comme il se doit ici, du traditionnel petit sachet de graines destiné à nourrir les kangourous forestiers qui habitent sur place. Ces kangourous-là sont de plus grande taille que les wallabies auxquels j'étais jusque là habitué, et leur griffes infiniment plus longues et acérées, d'une témoignent d'une manucure soignée. Ces animaux sont accoutumés à rencontrer les touristes et se dirigent spontanément vers moi, humant la bonne odeur de graines. Ils avaleront ces dernières avec appétit, mais toutefois avec moins de délicatesse que les wallabies du refuge de Pilroc (Ouest australien).
La réserve naturelle de Bonorong fonctionne toute l'année et accueille, vient en aide, rééduque, puis relâche en pleine nature les animaux indigènes orphelins ou blessés qu'elle a récupérés. Actuellement quatre espèces animales représentées ici n'existent plus que sur cette île australienne : le diable de Tasmanie, le quoll (chat marsupial), le pademelon et le bettong tasmanien. Le parc ne touche aucune subvention gouvernementale et a d'autant plus de mérite qu'elle ne compte que sur sa propre énergie afin de maintenir le lieu le plus fonctionnel et le plus attractif possible. Les dons et le produit des entrées sont les seules ressources de cette réserve, qui est jumelée avec la Société Chemins de la Tarkine (qui se consacre à la découverte et à la protection de la forêt de la Tarkine, la plus grande forêt pluviale tempérée de l'hémisphère sud et l'une des dernières zones non contaminées par la maladie affectant le diable de Tasmanie). A mon arrivée, une quinzaine de personnes s'active déjà dans le parc pour nettoyer les espaces animaliers et offrir au public l'aspect d'un parc propre et ordonné. La réserve est à taille humaine et il est difficile de s'y perdre. Outre l'accueil des animaux, celle-ci finance également des efforts de conservation comme le sauvetage animalier 24h sur 24 et 7 jours sur 7, ou encore la reproduction du diable de Tasmanie, du chat marsupial et de la grenouille arboricole tasmanienne, tous trois en danger de disparition.
Bien sûr, le diable de Tasmanie occupe une place un peu spéciale sur cette île, car on ne le trouve désormais qu'ici, puisque l'animal a disparu du continent australien il y a environ 400 ans avant que ne débarquent les premiers colons européens en 1788. Longtemps considéré comme une menace pour le bétail, ce genre de chien fut chassé impitoyablement jusqu'à ce qu'il devienne une espèce protégée à partir de 1941. Malheureusement, le sort s'acharne encore sur cette pauvre bête qui est atteinte, depuis les années 1990, d'une tumeur cancéreuse de la face (ci-dessous), un mal qui se transmet par morsure et qui est mortel. Les quelques diables que je vais apercevoir dans la réserve me paraissent en très bonne santé, et ne grognent pas comme ceux que j'avais rencontrés lors d'une précédente visite en Tasmanie. Cet hurlement fort et inquiétant traduit un tempérament agressif vis à vis de ses congénères lorsqu’il se met à table. Inutile alors de le déranger car il vous broierait la main avec sa forte mâchoire. La belle fourrure noire du diable n'évite pas la forte odeur qu'il dégage en cas d'anxiété, et son odorat particulièrement développé lui permet de repérer les charognes dont il se nourrit.
C'est le naturaliste George Harris qui décrivit pour la première fois le diable de Tasmanie, en 1807. L'animal sera affublé de différents noms jusqu'à son appellation actuelle. Après la disparition du Thylacine (ou tigre de Tasmanie), notre diable est devenu le plus grand marsupial carnivore de l'île. De la taille d'un chien, il est de constitution trapue et épaisse, avec une grande tête et une queue boudinée. C'est dans cette dernière que l'animal emmagasine ses réserves de graisse. Les mâles sont plus grands que les femelles et l'espérance de vie est d'environ de six années en pleine nature, un peu plus en captivité. La saison des amours survient en mars et ces animaux s'accouplent dans des lieux abrités aussi bien la nuit que le jour, selon l'envie du moment. Les femelles ont alors un faible pour le mâle dominant et s'accoupleront ensuite aussi bien avec d'autres mâles puisqu'elles sont polygames. Outre les charognes, le diable se nourrit de wombats, mais plus généralement de mammifères indigènes, sauvages ou domestiques (comme le mouton), d'oiseaux, de poissons, d'insectes, de grenouilles et de reptiles. Et quand il mange, il dévore tout, même les os. Une carcasse peut ainsi rassembler jusqu'à douze diables mais cela n'évite pas les affrontements, aboutissant parfois à des morsures provoquant parfois les fameuses tumeurs cancéreuses.
La réserve de Bonorong offre également d'admirer plusieurs oiseaux comme le cacatoès noir à queue jaune (ci-dessous). Il s'agit là d'un oiseau qui appartient à la famille des perroquets, qui possède une crête plus ou moins développée, et un don particulier pour imiter les sons humains. Fred, un cacatoès blanc, me saluera d'un « Hello » court mais sympathique au cours de ma visite. On peut être oiseau et savoir recevoir... ce terme de cacatoès provient du malais kakatuwa, kaka désignant l'oiseau et tuwa signifiant vieux. La longévité moyenne d'un cacatoès n'est-elle pas de 50 à 60 ans ?
Un peu plus loin, dans l'enclos des kangourous évolue l'émeu, un oiseau qui m'émeut, avec son long coup et son regard perçant (ci-dessous). M'as-tu bien regardé ? a t-il l'air de me dire en reluquant lui aussi mon sachet de graines. Ben voyons...Bon prince, je lui donnerai la becquée malgré mes craintes qu'il ne me morde. Il picorera fermement dans ma main, mais sans me blesser. Comme dirait l'autre, l'émeu d'Australie est le dernier de sa race, c'est à dire de la famille des dromaiidés. Il est, par sa taille, le deuxième plus grand oiseau au monde, derrière l'autruche. Et peut atteindre deux mètres de haut. Grand voyageur (comme moi!) il peut se déplacer sur de grandes distances (comme moi aussi) et courir jusqu'à 55 km/heure (pas moi, car à cette vitesse-là, je prends la voiture!), à la recherche de leur nourriture. Une sous-espèce d'émeu habitait jadis la Tasmanie mais s'éteignit rapidement après l'arrivée des colons européens en 1788. Tiens, tiens, comme les Aborigènes...
Je croiserai l'incontournable koala (ci-dessous) avec l'air endormi de quelqu'un qui a passé la nuit en discothèque, mais cet animal n'est pas originaire de Tasmanie. L'espèce se nourrit de feuilles d'eucalyptus, ce qui limite ses zones d'implantation. Il est devenu, comme le kangourou, le symbole de l'Australie après avoir pourtant été chassé abondamment pour sa magnifique fourrure. Son petit corps trapu, ses membres courts et ses grandes oreilles rondes le font un peu ressembler au wombat (deuxième photo), son plus proche cousin qui vit dans les montagnes d'Australie. Je profite d'une visite pédagogique faite à des écoliers du coin pour observer le wombat enfin sorti de sa tanière. La réserve de Bonorong organise en effet plusieurs présentations journalières des espèces animales présentes dans le parc. Petits oursons bruns et massifs, les wombats possèdent une poche ventrale comme tous les marsupiaux, poche astucieuse puisqu'elle s'ouvre vers le bas, ce qui évite à la terre d'y pénétrer (le wombat est un animal fouisseur qui creuse de nombreux terriers). Cet animal est aussi doté d'un bouclier, plaque osseuse située sur les fesses, juste sous la peau, ce qui lui permet, en cas d'attaque d'un prédateur, de boucher l'entrée de son terrier avec son postérieur. Ingénieux système.
La réserve de Bonorong abrite bien sûr quelques reptiles dont des lézards et le serpent black tiger, que je ne parviendrai pas à observer car il devait être planqué dans la végétation de son enclos. J'apercevrai par contre le quoll (ci-dessous), petit marsupial carnivore dont les origines remontent au Myocène, il y a quinze millions d'années. L'animal se nourrit principalement de petit lézards, d'oiseaux, et d'insectes. Quant aux femelles, elles font des portées de 18 petits (dont six seulement survivent généralement). Entre temps, le parc se sera rempli de groupes d'enfants et de touristes de passage. Pas de quoi affoler les animaux prêts à affronter cette déferlante, preuve du succès de cette réserve animalière. Mais au fait, qui observe qui?
INFOS PRATIQUES :
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Réserve naturelle de Bonorong, 593 Briggs Road, à Brighton. Tél : 03 6268 1184. Ouverte toute l'année, du lundi au dimanche de 9h00 à 17h00. Entrée classique : 26 AUD$. Des visites personnalisées sont également disponibles sur simple demande (détails sur le site internet http://bonorong.com.au/french/
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La réserve naturelle de Bonorong est compétente pour recueillir des animaux blessés ou abandonnés. En cas de besoin, contactez le 0447 264 625 (H24) et reportez-vous à mes conseils sur la manière de préserver les animaux dans l'attente des secours, en relisant mon article sur le refuge de Pilroc (mot-clé PILROC). Des conseils sont également disponibles sur le site de la réserve : http://bonorong.com.au/wildlife-rescue/
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Les visites guidées (à 11h30 et à 14h00) , un exposé de 15 minutes sur le diable de Tasmanie (à 15h30) et un petit sachet de graines sont inclus dans le prix de l'entrée classique.
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Sur place, toilettes accessibles aux personnes handicapées, espace maman-bébé, kiosque, boutique, zone équipée d'un barbecue, parking, tables pour pique-nique,...
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Les Chemins de Tarkine : http://tarkinetrails.com.au/
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Un grand merci à toute l'équipe de la réserve pour son accueil enthousiaste !