Lundi 5 décembre 2016
Aujourd'hui lundi, c'est croisière, au large du parc national de Freycinet, le plus ancien parc de Tasmanie, avec celui du Mont Field. Les deux seront effectivement fondés en 1916. N'ayant franchement ni le courage, ni le temps de partir en randonnée un ou deux jours, la meilleure façon pour moi de parcourir le parc de Freycinet est, outre la voiture, de monter à bord du catamaran de la WineGlass Bay Cruises pour une promenade en mer de quatre heures le long du célèbre parc. Nous sommes ce matin une soixante de passagers à partager cette croisière qui commencera sur une mer formée,offrant des moutons à sa surface. Et, par moments, les effets conjugués du vent et des vagues de manquer de nous renverser. Heureusement que l'équipage veille et nous demande de nous tenir à la rambarde. Avant d'embarquer, des cachets contre le mal de mer nous avait aussi été distribués, au cas où. Je n'ai personnellement pas été gêné de ce côté-là et passerai le plus clair de mon temps debout sur le pont avant, à braver l'océan. On est marin où on ne l'est pas.
La journée ensoleillée qui s'annonce est de bonne augure et sur ma route pour Coles Bay, point de départ de la croisière, je m'arrêterai quelques instants pour photographier la Great Oysters Bay (ci-dessous) , une immense baie protégée de la côte Est de Tasmanie, qui donne entre autres sur les petites villes de Swansea et de Coles Bay, avant d'ouvrir l'accès à la Mer de Tasman. Bien avant l'arrivée des Européens, les Aborigènes occupaient l'endroit, tout particulièrement l’automne et l'hiver, afin de récolter les abondants fruits de mer (dont des huitres) et les algues présents dans la baie , et ce, jusqu'à fin juillet, moment choisi par les cygnes et les canards pour couver leurs œufs puis élever leurs progénitures.
IL faut compter une heure de route pour se rendre de Swansea à Coles Bay, sachant que la deuxième partie du trajet offre une route bien meilleure. Il est encore tôt lorsque j'atteins Coles Bay, petite bourgade de quelques 400 âmes, où l'on a l'habitude de pratiquer le kayak de mer à l'intérieur de la baie. Coles Bay prendra forme en même temps que la découverte du parc de Freycinet, et ses activités porteront surtout sur la pêche à la baleine, l'exploitation des mines d'étain et de charbon. On peut d'ailleurs encore observer de nos jours les maisons de pierre de ces premiers aventuriers que l'audace avait attiré à cet endroit. Bien sûr, aujourd'hui, la petite ville a bien changé, s'est tournée vers le tourisme et l'on n'y voit trainer aucun sac en plastique, et pour cause, Coles Bay sera la première ville...au monde à bannir de son espace les sacs en plastique en... 2003. Ici, on repart désormais avec un sac en papier recyclable sous le bras.
Notre périple débutera face à la chaine de montagnes Hazard (ci-dessous), puis nous longerons la plage Hazards, avant de contourner le parc national, de passer à Waterfall Cove (deuxième photo), puis à Wineglass Bay et Sleepy Bay (troisième photo), avant de reprendre le chemin du retour. Les commentaires en anglais seront nombreux lors de cette croisière et nous nous arrêterons à plusieurs reprises pour observer par exemple l'aigle de mer à ventre blanc, les oiseaux marins, les grottes (quatrième photo ci-dessous), les chutes d'eau, et les phoques.
Le bateau repartira un peu plus au large dans l'espoir de retrouver les trois baleines qu'il avait rencontrées hier, mais en vain. Nous devrons nous contenter des gentils dauphins (ci-dessous) venant à notre rencontre ainsi que des phoques. A l'heure du déjeuner, nous mouillerons dans une baie face à une longue plage de sable blanc (deuxième photo) et l'équipage nous servira un repas bento, vous savez ce repas complet logé dans une boite en bois, comme au Japon. Tout était vraiment délicieux, et les produits étaient tous issus de Tasmanie et de la production locale (saumon fumé, fromage...). Un bar est bien sûr à la disposition des clients qui désirent une boisson. Déjeuner face à la plage, un moment idyllique !
Nous l'avons vu plus haut, les premiers Européens qui s'installèrent dans cette zone se consacraient à la garde de troupeaux, à l'exploitation minière ou à la chasse à la baleine. La beauté majestueuses des sommets granitiques et les plages de sable blanc du parc national de Freycinet ne laissera pas indifférents les naturalistes, les peintres et les écrivains. L'histoire de ce lieu débutera en 1642 lorsque Abel Tasman, qui naviguait sur cette côte Est, apercevra ce qu'il croira être une île, qu'il surnommera d'ailleurs Schouten Island, du nom de l'un des membres dirigeant de la Dutch East India Company. On imagina alors que ces sommets montagneux constituaient autant d'îles, jusqu'à ce que le cartographe et explorateur Nicolas Baudin, ne passe par là en 1802-1803 et remarque que cette chaine de montagnes est en réalité rattachée à l'île de Tasmanie par une fine bande de terre très peu élevée, et qu'on a du mal à distinguer depuis la mer. L'expédition de Nicolas Baudin emmène également avec elle les deux frères Louis et Henri de Freycinet, en tant qu'officiers supérieurs. On ne sait trop quel frère aura donné finalement son nom à l'actuel parc national mais le fait est là : pour mémoire, Louis de Freycinet était géologue et géographe français et participera donc à l'expédition scientifique aux terres australes dirigée par Nicolas Baudin, entre 1800 et 1803, et en qualité de second du capitaine Hamelin sur le navire Naturaliste. Ce premier navire rentrera en France en 1802. Et Louis de rejoindre un an plus tard cette même expédition à bord du navire Casuarita, une goélette dont il aura reçu le commandement. Le décès entre temps de Nicolas Baudin ayant entrainé le désarmement de ce navire, Louis embarquera cette fois avec son frère Henri (devenu commandant de l'expédition) à bord cette fois du Géographe. Et de rentrer en France en 1804.
La vie d'antan se déroulait donc autour de la chasse aux phoques et de la pêche à la baleine, une horrible chose décrite à plusieurs reprises par des observateurs de l'époque, mais nécessaire puisque l'Angleterre était alors grande consommatrice de l'huile du cétacé pour l'éclairage et le lubrifiant. Le découpage de la baleine était une tâche ardue et ingrate et laissait des effluves peu agréables dans l'air tout en polluant les eaux environnantes. George Meredith fit partie de ces Européens de la première heure qui créa une pêcherie dédiée au grand cétacé, à Swansea, dès 1824. Les cours d'eau environnants et les plages de sable blanc furent très vite recouverts du sang des cétacés dépecés, d'où se dégageait une odeur putride. Il faudra attendre les années 1840 pour que cette chasse commence à diminuer à cause de la baisse du nombre des cétacés.
En ce qui concerne l'agriculture, on verra des troupeaux de moutons dans la Péninsule de Freycinet dès les années 1850. Francis Cotton rapporte ainsi qu'en 1859, un certain Mr Leggs occupait à cet endroit une maison de pierre confortable et possédait quelques enclos cultivés. Cette petite ferme située à Cooks Beach sera plus tard occupée par plusieurs autres familles. Et la fameuse maison, les nasses à poissons et un bateau de pouvoir encore être observés au même endroit. Les fermages auront ainsi cours jusque dans les années 1960, laissant, ici et là, des vieilles machines agricoles témoins d'une époque révolue. On prétend aussi que Coles Bay tiendrait son nom d'un certain Silas Cole, aventurier de son état, qui brûlait des coquillages pour en tirer le calcaire, sur la plage Richardsons.
Quant au charbon de l'île Schouten, il sera découvert par le chasseur de phoques Joseph Stacey en 1809. Ce n'est que dans les années 1840 que les Frères Garland trouveront le moyen de rendre exploitable le minerai. Un chemin de fer et une jetée furent alors construits mais l'exploitation ne s'avérera pas rentable. Et le gouvernement d'alors, de louer l'île à des intérêts privés, avant que la Australasian Smelting Company ne reprenne la suite des Frères Garland à partir de 1848. Edward Crocett sera alors nommé directeur de la mine et plus de 60 détenus, affectés au gisement. Et d'extraire deux ans plus tard 120 à 130 tonnes de charbon par semaine. Une dernière tentative sera faite par Bernacchi et ses associés pour relancer la mine dans les années 1880, mais sans succès. L'étain, lui, sera découvert dans la Péninsule Freycinet vers 1870. Les dépôts superficiels furent d'abord exploités, fin XIX ème- début XX ème, sans grand succès. On se concentra alors sur Saltwater Creek (au nord de Coles Bay) et Middleton Creek (près de Bluestone Bay), grâce notamment à la main d'oeuvre chinoise qui s'installa dans la zone durant les années 1880. Puis, on découvrit même de l'étain à Sleepy Bay en 1906 et à Richardsons Beach mais l'exploitation de ces gisements ne sera que de courte durée. Il existera même une carrière de granit rouge dans la péninsule, à Parsons Cove, à partir de 1934. La pierre sera un temps utilisée dans la construction de maisons et de monuments (comme par exemple au siège de la Commonwealth Bank de Hobart).
Une visite rapide au bureau du parc national me permet de découvrir qu'il existe quelques petites routes pour accéder de manière limitée au parc. Comme dans tous les parcs nationaux, plusieurs randonnées , plus ou moins longues, existent, mais l'agent me proposera de me rendre à Honeymoon Bay (ci-dessus), qui ne se trouve qu'à trois minutes de voiture du centre d'accueil du parc. De là, je prendrai la direction de Cape Tourville, en m'arrêtant sur le chemin à Sleepy Bay (ci-dessous), une plage accessible à pied, en 20 minutes aller-retour, depuis le parking (attention aux moustiques!). Puis de reprendre ma route pour terminer à Cape Tourville (deuxième photo) où une nouvelle marche de 20 minutes est proposée : celle-ci vous fait traverser des paysages maritimes somptueux avant d'atteindre le petit phare blanc. Celui-ci fut bâti en 1971, afin de guider les nombreux bateaux empruntant la côte Est, et remplace l'ancien phare de Cape Forestier situé sur Lemon Rock. Situé à 126 mètres au-dessus du niveau de la mer, le phare mesure 11 mètres de haut et éclaire dans un rayon de 52 kilomètres. Pour rappel, c'est Nicolas Baudin qui donna le nom de Tourville à ce cap, en 1802, nom emprunté à l'Amiral Anne Hilarion de Costentin, comte de Tourville, qui servit la Marine de France sous le roi Louis XIV. Il sera fait Maréchal de France en 1693.
INFOS PRATIQUES :
- WineGlass Bay Cruises, Jetty Road (au bout de la jetée), Coles Bay. Tél:03 6257 0355. La croisière quotidienne par de Coles Bay à 10h00 précises (enregistrement dès 9h00) et revient entre 14h00 et 14h30. Durée : 4 heures. Prix : de 140 à 210AUD$ par personne (repas inclus). Détails sur le site internet : http://www.wineglassbaycruises.com
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Parc national de Freycinet (tél: 03 6256 7000) : http://www.parks.tas.gov.au/index.aspx?base=3363
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Visite personnalisée de la Tasmanie : Philippe & Theresa Rowley (guides) au +61 435 478 377. Site internet : http://www.personalisedtasmaniantours.com.au
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